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     Date : 19980128

     Dossier : A-140-96

CORAM : LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE STONE

         LE JUGE McDONALD

ENTRE :

     CARGILL LIMITED,

     appelante,

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

     JUGEMENT

[I.]      L'appel est rejeté avec dépens.

                             Julius A. Isaac

                                     Juge en chef

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

     Date : 19980128

     Dossier : A-140-96

CORAM : LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE STONE

         LE JUGE McDONALD

ENTRE :

     CARGILL LIMITED,

     appelante,

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le mecredi 17 décembre 1997.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le mercredi 28 janvier 1998.

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE      STONE

AUXQUELS ONT SOUSCRIT      LE JUGE EN CHEF

ET      LE JUGE McDONALD

     Date : 19980128

     Dossier : A-140-96

CORAM : LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE STONE

         LE JUGE McDONALD

ENTRE :

     CARGILL LIMITED,

     appelante,

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STONE

[1]      Il s'agit d'un appel d'un jugement de la Cour canadienne de l'impôt en date du 19 janvier 1996.1 En première instance, un exposé conjoint des faits a été déposé et chaque partie a fait témoigner une personne, l'appelante ayant présenté un témoin expert. Les faits ne sont pas contestés.

Nature du litige

[2]      Le litige porte sur le montant de la déduction pour inventaire que l'appelante a le droit de demander aux termes de l'alinéa 20(1)gg) de la Loi de l'impôt sur le revenu ("la Loi") pour les années d'imposition 1980 et 1981. Au cours de ces années, l'appelante a demandé des déductions pour inventaire totalisant respectivement 2 776 876 $ et 3 961 423 $, en se fondant sur la totalité du grain acheté qui était disponible dans l'ensemble de ses silos à la fin de chaque exercice, sans tenir compte du grain stocké qu'elle avait vendu au cours du même exercice. Dans la nouvelle cotisation qu'il a établie, le ministre a refusé une partie de la déduction pour inventaire demandée, soit un montant de 232 406 $ pour l'année 1980 et un montant de 716 294 $ pour l'année 1981. Le ministre a fondé sa nouvelle cotisation sur le fait que l'appelante n'avait pas retranché de son compte de stocks de grain acheté disponibles dans l'ensemble de ses silos les soldes négatifs des comptes de stocks de certains silos.

[3]      Dans son jugement, la Cour canadienne de l'impôt a confirmé en entier la cotisation du ministre à l'égard de l'année d'imposition 1981. Elle a également confirmé la cotisation relative à l'année d'imposition 1980, mais elle a demandé au ministre de corriger une erreur de calcul qui avait pour effet de diminuer à tort le stock de l'appelante pour cette année.

Les faits à l'origine du litige

[4]      L'appelante est une société céréalière qui, en plus d'être négociant en grains, exploite différents silos situés dans l'Ouest canadien. Elle fait affaires avec les céréaliculteurs de deux façons. Les producteurs peuvent vendre leur grain à l'appelante et recevoir un bon de paiement au comptant. Le grain ainsi vendu est habituellement appelé "grain acheté". Subsidiairement, les producteurs peuvent stocker leur grain dans un silo de l'appelante sans le vendre, auquel cas ils reçoivent un "récépissé de stockage classé" leur donnant le droit de vendre le grain plus tard ou de demander la remise du grain selon la quantité, la variété et la classe indiquées dans le récépissé en question. Le grain ainsi emmagasiné est appelé "grain stocké".

[5]      L'appelante mélange le grain acheté et le grain stocké pour le vendre dès qu'elle le reçoit d'un producteur à un silo donné, qu'il s'agisse de grain acheté ou de grain stocké. Par conséquent, il arrive parfois que la quantité de grain d'une variété donnée qui est vendue à un silo soit supérieure à la quantité de grain acheté de la variété effectivement disponible au silo en question.

[6]      Aux fins comptables, l'appelante a présumé qu'elle avait d'abord vendu le grain acheté et qu'elle n'a vendu le grain stocké que lorsque les quantités de grain acheté disponibles à un silo donné étaient insuffisantes pour couvrir les quantités de grain vendu depuis cet emplacement. Les paragraphes qui suivent de l'exposé conjoint des faits renferment une description de la méthode que l'appelante a utilisée pour comptabiliser les stocks ou l'"inventaire" :

     59.      Lorsque Cargill effectue une vente, les écritures passées dans les comptes du silo relativement à la variété de grain vendu sont ainsi régularisées :         
     a)      le prix de vente est porté au crédit (augmentation) des produits;         
     b)      le prix de vente est porté au crédit (augmentation) des créditeurs;         
     et, à la fin du mois :         
     c)      le prix du marché en vigueur à l'endroit d'où provient le grain vendu est porté au débit (augmentation) du coût des ventes;         
     d)      le prix du marché en vigueur à l'endroit d'où provient le grain vendu est porté au crédit (réduction) du compte de stocks.         
     60.      Étant donné que Cargill ne comptabilise pas initialement le coût du grain stocké dans le compte de stocks de chaque silo, lorsque ce grain est vendu, l'écriture passée dans le compte de stocks mentionnée à l'alinéa 59d) a pour effet de créer un solde négatif dans ce compte pour la variété de grain vendu.         

     ...

     64.      Aux fins de l'établissement de son bilan à la date de ses états financiers, Cargill constate une obligation envers les producteurs en ce qui concerne le grain stocké vendu.         
     65.      À la fin de l'exercice, Cargill transfère le solde négatif du compte de stocks d'un silo en particulier relativement à une variété de grain en particulier, par suite des écritures mentionnées à l'alinéa 59d) qui précède, à un compte créditeur global dont le solde représente l'ensemble du grain de tous les silos qui ont des stocks négatifs, en portant le montant du solde négatif au débit (augmentation) du compte de stocks et au crédit (augmentation) du compte créditeur.         
     66.      Par suite des écritures de fin d'exercice mentionnées au paragraphe 65 qui précède, le solde négatif de chaque compte de stocks est ramené à zéro et le compte créditeur est majoré d'un montant estimatif correspondant aux obligations légales de Cargill envers les détenteurs de récépissés de stockage classé pour le grain stocké vendu.         
     67.      Immédiatement après la passation des écritures de fin d'exercice mentionnées au paragraphe 65, Cargill procède à des écritures de contrepassation afin d'éviter d'avoir à effectuer constamment des écritures de régularisation. En principe, la notion des écritures de contrepassation est conforme aux PCGR si l'écriture initiale était exacte au départ.         
     68.      Les chiffres de fin d'exercice figurant aux comptes de stocks des registres financiers de chaque silo, lesquels comptes ont fait l'objet de l'écriture de régularisation mentionnée au paragraphe 65 qui précède pour chaque silo dont du grain stocké a été vendu à la fin de l'exercice, sont combinés par variété de grain en vue de l'établissement, aux fins de l'impôt, des états financiers de fin d'exercice de Cargill. Ce sont sur ces chiffres combinés que Cargill fonde sa demande de déduction pour inventaire conformément à l'alinéa 20(1)gg) de la Loi de l'impôt sur le revenu, tel qu'il était libellé au cours des années d'imposition applicables.         
     69.      Cargill n'a pas demandé de déduction pour inventaire aux termes de l'alinéa 20(1)gg) de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard du grain acheté vendu ou du grain stocké non vendu. Elle a demandé la déduction pour inventaire au titre du montant que lui coûte le grain acheté non vendu et qui est disponible dans ses silos. Elle n'a toutefois pas compensé ce montant et le solde négatif du compte de stocks de certains silos (voir l'alinéa 59d) et le paragraphe 60 qui précèdent).2 [non souligné dans l'original]         

Le jugement de la Cour canadienne de l'impôt

[7]      La Cour canadienne de l'impôt a souligné que les droits respectifs de l'appelante et des producteurs relativement au grain stocké sont clairement définis dans la Loi sur les grains, S.C. 1970-71-72, ch. 7, et son règlement. Répondant à l'argument de l'appelante selon lequel elle n'a pas calculé la déduction pour inventaire demandée en se fondant sur le grain stocké, mais uniquement en se fondant sur le grain acheté disponible à la fin de l'exercice, le juge de la Cour canadienne de l'impôt s'est exprimé comme suit :

     L'appelante prétend que la question de la propriété du grain stocké est sans objet puisqu'elle n'a pas demandé de déduction pour inventaire à l'égard de ce grain. Cette déclaration, bien qu'on puisse en faire valoir l'exactitude, est quelque peu trompeuse. On ne peut contester que la demande de déduction pour inventaire de l'appelante se fonde sur l'acceptation de certaines hypothèses : premièrement, que, pendant toute la période considérée, l'appelante détenait du grain stocké en vue de le vendre; deuxièmement, qu'elle avait le droit de vendre ce grain (c.-à-d. qu'elle avait un droit de propriété sur ce bien); troisièmement, que des coûts ont été engagés relativement au grain stocké vendu; quatrièmement, que le "prix" attribué par l'appelante au grain stocké vendu et utilisé dans le calcul du revenu pour l'année est également le "coût indiqué" utilisé par l'appelante dans son calcul de la déduction pour inventaire prévue à l'alinéa 20(1)gg ) de la Loi. En conséquence, étant donné que le grain stocké vendu constituait un élément essentiel dans le calcul de l'appelante, la question du droit de propriété, tel qu'elle a été plaidée, n'est ni tout à fait sans importance ni sans objet. À mon avis, non seulement il convient, mais il est nécessaire en l'espèce de déterminer qui était propriétaire du grain stocké et de savoir si l'appelante a engagé des coûts à l'égard de ce grain.3         

[8]      Après avoir examiné la Loi sur les grains du Canada, la CCI a conclu que ce sont les producteurs et non l'appelante qui étaient propriétaires du grain stocké et qu'ils "conservaient ce droit de propriété jusqu'au moment de la remise du récépissé, de l'évaluation du grain au prix du marché et de la délivrance par l'appelante d'un bon de paiement au comptant".4 La Cour a conclu que l'appelante n'avait aucun droit de propriété afférent au grain stocké qu'elle a vendu en 1980 et 1981.

[9]      La CCI a également conclu que l'appelante n'avait engagé aucun coût à l'égard du grain stocké vendu, parce qu'elle n'a jamais acheté les marchandises en question. Voici comment elle s'est exprimée à ce sujet :

     ...il ne pouvait y avoir de "coût indiqué" des stocks dans le calcul prévu à l'alinéa 20(1)gg ). ...[L]'écriture de régularisation de fin d'exercice qui consistait à transférer les montants de tous les silos affichant un solde négatif à un compte créditeur avait pour effet de "passer en charges" immédiatement les "coûts" relatifs à la vente du grain stocké. Cette dernière écriture est artificielle puisque la vente du grain stocké par l'appelante ne fait que créer une obligation future estimative à l'égard d'une dépense qui peut ou non se produire, selon le choix exercé par le producteur à l'égard de ce grain.5         

     La Cour a ajouté que cette obligation n'était

     ...pas quantifiable, étant donné que la valeur réelle du grain stocké ne peut être établie qu'au moment où le producteur décide de vendre, s'il prend cette décision. Cette obligation dépend d'une éventualité et ne survient pas avant que le producteur, à titre de détenteur d'un récépissé, ait rendu ce dernier.6         

[10]      Le juge de la CCI a conclu que, étant donné que l'appelante n'était pas propriétaire du grain stocké vendu et qu'elle n'avait engagé aucun "coût indiqué" s'y rapportant, le prix qu'elle a attribué au grain acheté afin de calculer la déduction pour inventaire qu'elle a demandée aux termes de l'alinéa 20(1)gg ) a été surestimée d'un montant correspondant aux stocks négatifs de grain vendu. Il a aussi conclu que la dette que l'appelante soutient avoir engagée lors de la vente du grain stocké constitue, au mieux, une éventualité non déductible au sens de l'alinéa 18(1)e) de la Loi.

[11]      La Cour a souligné que l'appelante avait calculé ses stocks "silo par silo" et non globalement. Par conséquent, de l'avis de la Cour, l'appelante

     ... n'a pas compensé les soldes négatifs des comptes de stocks de certains silos et les soldes positifs des comptes de stocks d'autres silos, le résultat étant que la déduction pour inventaire demandée a été surestimée d'un montant équivalant aux stocks négatifs.         
     ... Même si l'appelante voit la nécessité dans sa comptabilité interne de constater des centres de profit distincts pour chaque silo, il ne s'agit pas, en fait, d'entreprises distinctes ayant une infrastructure distincte.7         

     La Cour a conclu que le revenu provenant de la totalité des silos est celui de l'appelante et qu'il n'y a aucune raison de considérer, aux fins de l'impôt, chaque silo comme une entreprise distincte et de comptabiliser séparément les stocks de chaque silo. Selon la Cour, l'omission de l'appelante d'effectuer une compensation des stocks de l'ensemble de ses silos a faussé les données et entraîné une estimation erronée des stocks sur lesquels l'appelante a le droit de calculer la déduction pour inventaire aux termes de l'alinéa 20(1)gg).

Question en litige

[12]      Étant donné que les parties ne s'entendent pas sur la définition de la question à trancher dans le présent appel, il suffit pour la Cour de décider si le juge de la CCI a commis une erreur en tranchant comme il l'a fait la question définie par les parties aux paragraphes 81 à 83 de l'exposé conjoint des faits, dont le texte est le suivant :

     81.      La seule question en litige entre les parties est de savoir si, aux fins du calcul de la déduction pour inventaire prévue à l'alinéa 20(1)gg) de la Loi de l'impôt sur le revenu tel qu'il était libellé au cours des années applicables, l'appelante est tenue de produire ses déclarations selon la méthode de calcul fondée sur l'ensemble de ses silos ou si elle peut utiliser la méthode de calcul silo par silo.         
     82.      L'appelante soutient qu'elle n'est pas tenue de compenser les soldes négatifs du compte de stocks de certains silos (voir l'alinéa 59d) et le paragraphe 60 de l'exposé conjoint des faits) et les coûts du grain acheté disponible dans l'ensemble des silos à la fin de l'exercice (c.-à-d. que l'appelante n'est pas tenue de produire ses déclarations selon la méthode de calcul fondée sur l'ensemble des silos).         
     83.      Selon l'intimée, si l'appelante n'effectue pas une "compensation" de ses stocks de grain de même variété se trouvant dans l'ensemble de ses silos, il en résulte une surestimation du "coût" de ses stocks équivalant à la totalité des soldes négatifs à la fin de l'exercice découlant des écritures mentionnées à l'alinéa 59d ) et au paragraphe 60 qui précèdent.8         

La disposition législative

[13]      L'alinéa 20(1)gg) de la Loi est ainsi libellé :9

     Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)a), b) et h), lors du calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition, peuvent être déduites celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s'y rapportant :         
     ...         
     gg)      une somme au titre de toute entreprise exploitée par le contribuable pendant l'année, égale au produit de 3 % du coût indiqué, pour le contribuable, au début de l'année, des biens corporels (autres que des biens immeubles ou des intérêts dans ceux-ci) qui étaient         
         (i)      décrits dans l'inventaire du contribuable au titre de l'entreprise exploitée par ce dernier, et         
         (ii)      détenus par lui en vue d'être vendus ou encore d'être transformés, fabriqués, manufacturés, incorporés ou annexés à des biens destinés à être vendus dans le cours normal de l'exploitation de l'entreprise, ou autrement convertis en ce genre de biens ou utilisés dans l'emballage de ce genre de biens         
         multiplié par le rapport entre le nombre de jours dans l'année et 365;         

[14]      Le mot "inventaire" et l'expression "coût indiqué" sont définis au paragraphe 248(1) de la Loi.10

Position des parties

[15]      La position de l'appelante est simple. Elle soutient qu'elle a droit à la déduction pour inventaire calculée d'après la quantité totale de grain acheté qui est physiquement disponible à la fin de l'exercice à différents silos, sans que cette quantité soit abaissée en raison de la vente de grain stocké à d'autres silos. Bref, la vente de grain stocké à un silo ne peut toucher les stocks de grain acheté de l'appelante qui se trouvent à un autre silo.

[16]      L'appelante fait valoir qu'elle ne cherche pas à inclure le grain stocké dans son calcul de la déduction prévue à l'alinéa 20(1)gg). Elle ajoute qu'elle respecte toutes les exigences de l'alinéa 20(1)gg) et est admissible à la déduction qu'elle a demandée pour les années d'imposition 1980 et 1981. La déduction a été calculée en fonction du "coût indiqué" pour elle d'un "bien corporel" (grain acheté) "décrit dans [son] inventaire au titre de l'entreprise" et les biens étaient "détenus... en vue d'être vendus... dans le cours normal de l'exploitation de l'entreprise".

[17]      L'appelante a soutenu devant la CCI que, en acceptant la façon dont elle avait calculé son revenu suivant ses états financiers, mais en refusant de le faire dans le cas du calcul de la déduction pour inventaire, le ministre avait adopté une position contradictoire. Selon elle, compte tenu de la manière dont elle poursuit ses activités, chaque silo constitue une entreprise exploitée de façon distincte par un dirigeant qui achète et vend des stocks. Par conséquent, des revenus sont tirés de chacun de ces centres de profit. Au soutien de cet argument, l'appelante a invoqué l'alinéa 4(1)b) de la Loi, qui s'applique lorsque l'entreprise du contribuable est exploitée "en partie dans un endroit et en partie dans un autre endroit".11 Selon l'appelante, cette disposition oblige le contribuable à calculer un revenu à chacun des endroits où les activités sont poursuivies, ce qui nécessite des calculs des stocks pour déterminer le coût des biens vendus à chacun de ces endroits. Par conséquent, a dit l'appelante, étant donné qu'elle a poursuivi des activités en 1980 et 1981 à tous les endroits où elle exploitait un silo, le juge de la CCI a commis une erreur en omettant de reconnaître que le coût des biens est différent d'un endroit à l'autre et que les biens en question avaient [TRADUCTION] "un coût ou une valeur unique" à chacun de ces endroits.

[18]      Pour sa part, l'intimée fait valoir que les "stocks négatifs" de grain stocké vendu doivent être déduits du calcul des stocks de l'appelante pour l'ensemble des silos en ce qui a trait à la déduction prévue à l'alinéa 20(1)gg ). Selon l'intimée, si cette déduction n'est pas faite, une quantité de "grain stocké" qui n'appartenait pas à l'appelante à la date de la vente aura été ajoutée aux stocks de "grain acheté" pour l'ensemble des silos. Étant donné que c'est ce qui s'est produit, le fait que l'appelante a ramené les stocks négatifs à zéro à la fin de l'exercice en raison de la méthode comptable qu'elle utilisait n'avait aucune importance. En omettant de reconnaître, pour calculer la déduction pour inventaire en application de l'alinéa 20(1)gg ), qu'elle détenait du grain stocké en vue de l'entreposer et non de le vendre, l'appelante a demandé une déduction pour inventaire supérieure à celle qui est permise aux termes de cette disposition.

Analyse

[19]      La véritable question à trancher en l'espèce ne porte à mon avis ni sur la façon dont l'appelante exploitait son entreprise, ni sur le fait qu'elle a invoqué des dispositions de la Loi autres que celles qui sont directement visées par le litige. À mon sens, cette question est celle de savoir si le juge de la CCI a commis une erreur lorsqu'il a interprété comme il l'a fait les dispositions applicables de l'alinéa 20(1)gg) dans les circonstances.

[20]      La Cour en l'espèce a eu la possibilité de prendre connaissance de plusieurs décisions récentes portant sur l'interprétation de l'alinéa 20(1)gg). Les remarques suivantes que le juge Linden, de la Cour d'appel fédérale, a formulées dans l'arrêt Bastion Management Limited c. Sa Majesté La Reine, 95 DTC 5238, aux pages 5240 et 5241, permettent de mieux comprendre l'objet de la disposition législative en question :

     À la fin des années 1970, les contribuables qui avaient des inventaires étaient touchés par l'incidence de l'inflation, qui augmentait de façon factice les bénéfices apparents sur lesquels ils devaient payer de l'impôt. Selon le ministre des Finances de l'époque, cette disposition visait à compenser en partie l'incidence de l'inflation en permettant au contribuable de déduire 3 p. 100 de la valeur des inventaires admissibles au début de l'exercice (voir le Document budgétaire, l'honorable Donald S. Macdonald, ministre des Finances, 31 mars 1977, à la page 37). La Section de première instance ainsi que la Cour d'appel ont adopté cette conception du but législatif un certain nombre de fois. (Voir Sask. Wheat Pool c. R., [1985] 3 W.W.R. 385 (C.A.F.), à la page 391; La Reine c. Boehringer Ingelheim (Canada) Ltd., [1985] 2 C.T.C. 211 (C.F. 1re inst.), à la page 214, confirmé par [1987] 2 C.T.C. 245 (C.A.F.); Mattabi Mines Ltd. c. M.R.N., [1989] 2 C.T.C. 94 (C.F. 1re inst.), à la page 107, confirmé par [1992] 2 C.T.C. 8 (C.A.F); Plaza Pontiac Buick Ltd. c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 259 (C.F. 1re inst.), à la page 260, confirmé par [1994] 1 C.T.C. 27 (C.A.F.); Gay Lea Foods Co-operative Ltd. c. Canada, [1994] 2 C.T.C. 245 (C.F. 1re inst.), à la page 247.         
         Ainsi, dans l'arrêt Mattabi Mines, précité, à la page 107, le juge Teitelbaum a résumé d'une façon succincte et exacte la situation :         
             Comme les deux avocats l'ont dit, la déduction a été annoncée dans le budget du 31 mars 1977 comme mesure visant à alléger les effets de l'inflation pour les contribuables qui devaient supporter les coûts d'un inventaire de biens corporels autres que des biens immeubles.                 
     De même, dans l'arrêt Sask. Wheat Pool, précité, à la page 391, le juge Hugessen a dit ceci:         
             La déduction pour inventaire prévue à l'alinéa 20(1)gg) a été ajoutée à la Loi de l'impôt sur le revenu en 1977 et était manifestement destinée à alléger quelque peu l'augmentation du fardeau fiscal de certaines entreprises due aux faux bénéfices découlant de l'incidence d'une inflation élevée sur des inventaires de fin d'année.                 
     Par conséquent, il est clair que, selon l'interprétation qu'il convient de lui donner, la déduction prévue à l'alinéa 20(1)gg) visait à alléger sur le plan fiscal l'incidence de l'inflation pour les contribuables qui devaient supporter les coûts d'un inventaire. C'est à bon droit que, dans sa décision, le juge de première instance s'est fondé sur ces arrêts.         

[21]      Dans l'arrêt Burrard Yarrows Corporation c. La Reine, 86 DTC 6459 (C.F. 1re inst.), la Cour a décrit à la page 6461 les quatre conditions qu'un contribuable doit respecter pour être admissible à la déduction pour inventaire prévue à l'alinéa 20(1)gg). Voici ce que le juge Joyal a dit à ce sujet :

     D'abord, la déduction doit être réclamée pour le coût indiqué du bien en question au début de l'année fiscale en cause. Ensuite, le bien pour lequel la déduction est réclamée doit être un bien tangible autre qu'un bien immeuble ou des intérêts dans celui-ci. Troisièmement, il doit être établi que ce bien était décrit dans l'inventaire du contribuable au titre de l'entreprise exploitée par ce dernier et, finalement, il faut établir que ce bien était détenu en vue d'être vendu ou encore transformé, manufacturé, incorporé ou annexé à des biens destinés à être vendus dans le cours normal de l'exploitation de l'entreprise ou autrement convertis en ce genre de biens.         

[22]      En plus de confirmer ces quatre critères, la Cour d'appel fédérale a souligné, dans l'arrêt La Reine c. Dresden Farm Equipment Ltd., 89 DTC 5019, p. 5023, qu'un contribuable doit avoir un droit de propriété sur les biens détenus en inventaire pour respecter la condition selon laquelle le bien doit être "détenu en vue d'être vendu". La Cour a expliqué davantage ce principe dans l'arrêt GSW Appliances Limited c. Sa Majesté La Reine (dossier no A-69-94, 18 novembre 1997), où le juge Linden a formulé les commentaires suivants aux pages 10 et 11 de ses motifs :

     Pour interpréter la Loi de l'impôt sur le revenu, comme c'est le cas pour toute loi, il importe de se rappeler l'objet qui en sous-tend les dispositions. En l'espèce, il s'agit d'une subvention que l'État offre par l'entremise du régime fiscal afin d'aider les entreprises qui sont forcées de supporter les coûts d'un inventaire en période d'inflation. Même s'il ne m'apparaît pas nécessaire pour le présent appel de déterminer si l'appelante était propriétaire ou non des biens le 1er janvier 1977, il convient d'examiner ce point à des fins d'interprétation législative. En ce qui a trait au titre de propriété, il importe d'examiner l'ensemble de la situation et de comprendre le lien existant entre la contribuable et les biens. Dans l'arrêt Pardee Equipment Ltd. c. La Reine, Madame le juge Reed s'exprime comme suit :         
         Bien que la Cour d'appel fédérale ait décrété dans l'affaire Dresden que, pour figurer à l'inventaire, les biens en question doivent être détenus par le contribuable, il n'y a pas eu dans cette affaire d'analyse concernant le type de participation nécessaire. Il n'y a pas eu d'analyse de la situation dans laquelle les indices de la propriété sont partagés avec une entité autre que le contribuable qui détient le titre légal jusqu'au moment de la vente. En outre, en l'espèce, il ressort de la preuve que le fait de traiter les machines comme un élément figurant à l'inventaire de la demanderesse est conforme aux pratiques comptables et commerciales ordinaires, car les risques et les récompenses associés à la propriété sont dévolus à la demanderesse et non à Deere Canada.                 
         Madame le juge Reed ajoute une restriction au critère du titre de propriété énoncé dans l'arrêt La Reine c. Dresden Farm Equipment Ltd., mais se fonde à cette fin sur le principe suivant lequel, si les "risques et récompenses", dont le risque d'inflation, sont dévolus à la contribuable, il se peut qu'elle soit admissible à la déduction. [notes de bas de page omises]         

     Malgré la réserve formulée par le juge Linden, il appert nettement de la jurisprudence qu'un contribuable doit avoir un droit de propriété afférent au stock pour pouvoir demander la déduction prévue à l'alinéa 20(1)gg).

[23]      En ce qui a trait au présent appel, je reconnais, à l'instar du juge de la CCI, que le grain stocké a joué un rôle majeur dans le calcul de la déduction pour inventaire que l'appelante a fait et que le droit de propriété afférent à ce grain constitue donc une question importante à trancher en l'espèce. L'appelante a fait valoir devant nous qu'elle a calculé sa déduction pour inventaire en se fondant uniquement sur la quantité de grain acheté qui était physiquement disponible dans l'ensemble de ses silos à la fin de l'exercice. Il est indubitable que l'appelante avait un droit de propriété sur le grain acheté. Ma réticence à l'endroit de la position de l'appelante découle de la façon dont elle a comptabilisé les ventes de grain acheté ainsi que des répercussions de cette méthode comptable sur son calcul des stocks en fin d'exercice.

[24]      Si j'ai bien compris, la méthode que l'appelante a utilisée pour comptabiliser ses stocks peut être illustrée de la façon suivante. Supposons qu'au début d'un exercice, l'appelante détient 1 000 tonnes de grain acheté et 1 000 tonnes de grain stocké au silo A et des quantités égales de grain acheté et de grain stocké au silo B. Supposons également que les 1 000 tonnes de grain acheté et 750 tonnes du grain stocké au silo A sont vendues pendant l'année et qu'aucune partie du grain se trouvant au silo B n'est vendue. L'appelante comptabilise d'abord le grain stocké qu'elle vend comme des stocks négatifs, reconnaissant sa dette envers les producteurs à l'égard de ce grain. Toutefois, à la fin de l'exercice, l'appelante ramène ce montant négatif à zéro en le transférant à un compte créditeur global, compte tenu de la dette estimative de l'appelante envers les producteurs qui sont détenteurs de récépissés de stock classé. Enfin, supposons, conformément au paragraphe 2912 de l'exposé conjoint des faits, que l'appelante vend d'abord le grain acheté et ne vend le grain stocké que si les quantités de grain acheté disponibles à un silo en particulier ne suffisent pas à couvrir le volume des ventes de grain provenant de ce silo. À la fin de l'exercice, selon la méthode comptable de l'appelante, 1 000 tonnes de grain acheté non vendu et 1 000 tonnes de grain stocké non vendu demeurent disponibles entre les mains de l'appelante au silo B. L'appelante calcule ses stocks ou son "inventaire" aux fins de l'alinéa 20(1)gg ) de la Loi en se fondant sur la totalité du grain acheté se trouvant au silo B sans tenir compte des stocks négatifs du grain stocké qui découlaient de la vente de ce grain du silo A pendant l'exercice.

[25]      Comme la preuve l'indique, l'appelante vendait le grain stocké malgré le fait qu'elle n'en était pas propriétaire. Même si le grain stocké et le grain acheté étaient mélangés dès la date de livraison, le grain stocké était détenu principalement à des fins d'entreposage et appartenait aux producteurs. Lorsqu'un producteur avait reçu un récépissé de stockage classé, il pouvait subséquemment décider de fixer un prix à l'égard de son récépissé ou demander la remise du grain selon la quantité, la classe et la variété qui sont décrites dans le récépissé. L'établissement du prix du grain est une transaction dans le cadre de laquelle un producteur remet son récépissé de stockage classé en échange d'un bon de paiement au comptant donnant droit à un montant équivalant habituellement au prix du marché de l'endroit à l'égard de la quantité, de la classe et de la variété de grain précisées dans le récépissé. Lorsque le prix d'un récépissé de stockage classé est établi de cette façon, la transaction conclue entre le producteur et l'appelante, qui était principalement une transaction de stockage, devient une transaction de vente pure et simple.

[26]      Il appert nettement de la preuve qu'aucun des détenteurs de récépissés de stockage classé n'avait établi le prix de ceux-ci avant les dates auxquelles l'appelante a calculé sa déduction pour inventaire. Ils n'avaient pas renoncé non plus à leur droit d'exiger le retour du grain ni n'avaient reçu de l'appelante, conformément au paragraphe 53(1) de la Loi sur les grains du Canada, un avis indiquant qu'ils devaient prendre livraison du grain décrit sur leurs récépissés. Le "grain stocké" est demeuré du grain stocké et toutes les conditions des récépissés ont continué à s'appliquer même si l'appelante avait vendu une partie du grain en question.

[27]      Je suis donc convaincu que le grain stocké ne constituait pas de l'inventaire "détenu en vue d'être vendu" par l'appelante au sens de l'alinéa 20(1)gg ). Même si la méthode de comptabilisation des stocks de l'appelante avait pour effet de présumer que le grain stocké était "vendu", l'appelante n'a jamais été en position de le vendre aux termes de la Loi sur les grains du Canada . Elle ne pouvait vendre légalement que le grain qui lui appartenait. Il s'ensuit que le seul grain "détenu en vue d'être vendu" par l'appelante au sens de l'alinéa était le grain acheté. En réalité, les stocks négatifs des comptes de l'appelante à certains silos représentaient des déficits des stocks de grain acheté qui, comme je l'ai déjà mentionné, constituaient les seuls biens qui appartenaient à l'appelante et qui étaient "détenus en vue d'être vendus". À mon sens, en omettant de déduire ces stocks négatifs des stocks positifs de grain acheté à d'autres silos, l'appelante a faussé sa véritable position relativement à ses stocks de grain acheté aux fins du calcul de la déduction pour inventaire prévue à l'alinéa 20(1)gg ).

[28]      De plus, le détenteur d'un récépissé de stockage classé se rapportant au grain que l'appelante avait vendu pourrait demander une déduction pour inventaire aux termes de l'alinéa 20(1)gg), s'il tenait ses livres selon la méthode de la comptabilité d'exercice. Effectivement, il appert de la preuve qu'une partie de producteurs de grain tenaient leurs comptes de cette façon.13

[29]      À mon avis, la décision du juge de la Cour canadienne de l'impôt était bien fondée. Par conséquent, je rejetterais l'appel avec dépens.

                             A.J. STONE

                                     J.C.A.

"Je souscris aux motifs exprimés par le juge Stone.

Julius A. Isaac, juge en chef"

"Je souscris aux motifs exprimés par le juge Stone.

F.J. McDonald, J.C.A."

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     Date : 19980128

     Dossier : A-140-96

ENTRE :

CARGILL LIMITED,

et

SA MAJESTÉ LA REINE.



MOTIFS DU JUGEMENT


     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

No DU GREFFE :              A-140-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Cargill Limited c. Sa Majesté La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :          Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :          17 décembre 1997

MOTIFS DU JUGEMENT          du juge Stone

AUXQUELS ONT SOUSCRIT          le juge en chef et

                     le juge McDonald

EN DATE DU :              28 janvier 1998

ONT COMPARU :

Me Richard W. Pound, c.r.      pour l'appelante

Me Pierre Martel

Me Gerald Chartier          pour l'intimée

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Stikeman, Elliott              pour l'appelante

Montréal (Québec)

Me George Thomson              pour l'intimée

Sous-procureur général

du Canada

Ottawa (Ontario)

__________________

1      La version anglaise de la décision est publiée intégralement sous l'intitulé Cargill Ltd. v. R , [1996] 2 C.T.C. 2102.

2      Dossier d'appel, vol. III, p. 406 à 408.

3      Motifs du jugement, p. 14.

4      Ibid, p. 16.

5      Ibid, p. 17.

6      Ibid.

7      Ibid, p. 18.

8      Dossier d'appel, vol. V, p. 409 et 410.

9      Cette disposition a été abrogée par l'article 5 de la Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu et une loi connexe , L.C. 1986, ch. 55.

10      Le paragraphe 248(1) prévoit en partie ce qui suit :
             Dans la présente loi,              ...
                 "inventaire" signifie la description des biens dont le prix ou la valeur entre dans le calcul du revenu qu'un contribuable tire d'une entreprise pour une année d'imposition;                  ...
                 "coût indiqué", pour un contribuable, de tout bien à une date quelconque signifie, sauf dispositions contraires dans la présente loi,                  ...              c)      lorsque le bien était un bien figurant dans un inventaire du contribuable, sa valeur à cette date, déterminée aux fins du calcul de son revenu, ...

11      Voici le libellé de l'alinéa 4(1)b ) de la Loi :
         Les règles suivantes s'appliquent à la présente loi :          ...          b)      lorsque l'entreprise exploitée par un contribuable l'a été, ou que les fonctions de la charge ou de l'emploi remplies par ce dernier l'ont été, selon le cas, en partie dans un endroit et en partie dans un autre endroit, le revenu ou la perte du contribuable pour l'année d'imposition provenant de l'entreprise qu'il a exploitée ou des fonctions qu'il a remplies dans un endroit déterminé est, selon le cas, le revenu ou la perte du contribuable, calculés conformément à la présente loi, à supposer qu'il n'ait eu durant l'année d'imposition aucun revenu ni perte, sauf ce qui provenait de la partie des fonctions remplies dans cet endroit déterminé, selon le cas, et qu'il n'ait eu droit à aucune déduction dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition, à l'exception des déductions qu'il est raisonnable de considérer comme entièrement applicables à cette partie de l'entreprise ou à ces fonctions, selon le cas, et à l'exception de la partie de toutes autres déductions, qu'il est raisonnable de considérer comme applicable à cette partie de l'entreprise ou à ces fonctions.

12      Voici le libellé du paragraphe 29 :
         Aux fins de ses registres comptables, Cargill fait l'hypothèse qu'elle vend d'abord le grain acheté et ne vend le grain stocké que si les quantités de grain acheté disponibles à un silo en particulier ne suffisent pas à couvrir le volume des ventes de grain provenant de ce silo.

13      Transcription du témoignage de R.A. Best, dossier d'appel , vol. 4, p. 532 et 533.

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