Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision




     Dossier : A-676-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 20 OCTOBRE 1999

CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE ISAAC

         LE JUGE ROTHSTEIN

ENTRE :

     L'UNION OF NOVA SCOTIA INDIANS, personne morale, en son nom et au nom de ses membres et des bandes indiennes d'Acadia, de l'île Chapel, d'Eskasoni, de Membertou, de Shubenacadie, de Wagmatcook et de Whycocomagh et de leurs membres, la CONFEDERACY OF MAINLAND MICMACS, personne morale, en son nom et au nom de ses membres et des bandes indiennes d'Afton, d'Annapolis, de Bear River, de Horton, de Millbrook et de Pictou Landing et de leurs membres, et l'ASSEMBLY OF NOVA SCOTIA MI'KMAQ CHIEFS

     demandeurs

     - et -

     La MARITIMES AND NORTHEAST PIPELINE MANAGEMENT LTD., personne morale, et la MARITIMES AND NORTHEAST PIPELINE PARTNERSHIP, société en commandite

     défenderesses

     - et -

     L'OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE

     intervenant

     JUGEMENT


     La demande est accueillie et l'affaire est renvoyée à l'Office pour nouvel examen afin qu'il détermine si la condition 22 a été respectée, après avoir entendu la position des demandeurs quant au " protocole " et à l'accord de principe que les défenderesses ont remis à l'Office le 30 septembre 1998, et avoir donné aux défenderesses la possibilité de répondre. Les défenderesses paieront les dépens des demandeurs, aucuns dépens n'ayant été adjugés pour ou contre l'intervenant.

                         Allen M. Linden

     Juge




Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, LL.L.




     Date : 19991020

     Dossier : A-676-98

CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE ISAAC

         LE JUGE ROTHSTEIN

ENTRE :

     L'UNION OF NOVA SCOTIA INDIANS, personne morale, en son nom et au nom de ses membres et des bandes indiennes d'Acadia, de l'île Chapel, d'Eskasoni, de Membertou, de Shubenacadie, de Wagmatcook et de Whycocomagh et de leurs membres, la CONFEDERACY OF MAINLAND MICMACS, personne morale, en son nom et au nom de ses membres et des bandes indiennes d'Afton, d'Annapolis, de Bear River, de Horton, de Millbrook et de Pictou Landing et de leurs membres, et l'ASSEMBLY OF NOVA SCOTIA MI'KMAQ CHIEFS

     demandeurs

     - et -

     La MARITIMES AND NORTHEAST PIPELINE MANAGEMENT LTD., personne morale, et la MARITIMES AND NORTHEAST PIPELINE PARTNERSHIP, société en commandite

     défenderesses





AUDIENCE TENUE à Ottawa (Ontario), le mercredi 20 octobre 1999

JUGEMENT prononcé à l'audience à Ottawa (Ontario), le mercredi 20 octobre 1999




MOTIFS DU JUGEMENT PAR :      LE JUGE ROTHSTEIN




     Date : 19991020

     Dossier : A-676-98

CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE ISAAC

         LE JUGE ROTHSTEIN

ENTRE :

     L'UNION OF NOVA SCOTIA INDIANS, personne morale, en son nom et au nom de ses membres et des bandes indiennes d'Acadia, de l'île Chapel, d'Eskasoni, de Membertou, de Shubenacadie, de Wagmatcook et de Whycocomagh et de leurs membres, la CONFEDERACY OF MAINLAND MICMACS, personne morale, en son nom et au nom de ses membres et des bandes indiennes d'Afton, d'Annapolis, de Bear River, de Horton, de Millbrook et de Pictou Landing et de leurs membres, et l'ASSEMBLY OF NOVA SCOTIA MI'KMAQ CHIEFS

     demandeurs

     - et -

     La MARITIMES AND NORTHEAST PIPELINE MANAGEMENT LTD., personne morale, et la MARITIMES AND NORTHEAST PIPELINE PARTNERSHIP, société en commandite

     défenderesses


     MOTIFS DU JUGEMENT

     (Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario),

     le mercredi 20 octobre 1999)


LE JUGE ROTHSTEIN

[1]      La question essentielle dans la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si l'Office national de l'énergie a contrevenu aux règles d'équité procédurale en statuant que la défenderesse avait respecté une condition d'un certificat de commodité et de nécessité publiques délivré par l'Office pour la construction d'un pipeline au gaz naturel.

[2]      En juin 1996, les défenderesses ont demandé à l'Office un certificat de commodité et de nécessité publiques concernant la construction d'un pipeline de Goldboro (N.-É.), jusqu'à la frontière internationale près de St. Stephen (N.-B.), pour le transport du gaz brut. Des demandes ont également été présentées à l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers et à la Nova Scotia Energy and Mineral Resource Conservation Board. Étant donné que chaque ressort exigeait un examen public du projet de pipeline, une commission d'examen mixte a été mise sur pied pour coordonner les évaluations environnementales et socio-économiques exigées par chaque ressort en effectuant un examen des répercussions environnementales et socio-économiques susceptibles de découler de la construction du pipeline.

[3]      Les défenderesse et les demandeurs, de même que de nombreux autres intervenants ont présenté leurs mémoires à la Commission d'examen mixte. La Commission a déposé son rapport en octobre 1997. La section du rapport intitulé " Questions concernant les autochtones " indique en partie ce qui suit :

         [TRADUCTION]
         Des discussions sont en cours entre les partisans du pipeline et les représentants autochtones concernant un protocole ou un accord sur les consultations à venir, particulièrement sur des sujets comme l'utilisation des terres, les plantes rares et médicinales et les ressources archéologiques. Au cours de l'argumentation, deux des trois intervenants autochtones se sont dits satisfaits des progrès accomplis à ce jour. La Commission croit fermement que la meilleure façon d'établir des communications efficaces est de parvenir à un protocole ou à un accord écrit qui déterminera les responsabilités et les rôles pour les études conjointes, le contrôle des répercussions potentielles, et la préparation de litiges appropriés, au besoin. Malgré tout, la Commission tient à souligner que toute démarche proposée doit être économique, efficace et opportune.

La recommandation de la Commission concernant les questions relatives aux autochtones était la suivante :

         [TRADUCTION]
         La Commission recommande aux autorités de réglementation appropriées de formuler leur approbation de façon à exiger des partisans du pipeline qu'ils soumettent un protocole ou un accord écrit énonçant leurs rôles et responsabilités ainsi que ceux des autochtones au sujet de la coopération et des études concernant le contrôle.

[4]      L'Office national de l'énergie a émis un certificat de commodité et de nécessité publiques aux défenderesses pour la construction du pipeline le 17 décembre 1997. Dans les motifs de sa décision, l'Office a accepté toutes les recommandations pertinentes de la Commission d'examen mixte et, lorsque cela était approprié, les recommandations ont été incorporées aux conditions du certificat. Par conséquent, la condition 22, à laquelle était assujetti le certificat de commodité et de nécessité publiques, stipulait ce qui suit :

         [TRADUCTION]
         La compagnie soumettra à l'Office un protocole ou un accord écrit énonçant les rôles et responsabilités des autochtones et des partisans du pipeline en vue de leur collaboration aux études et au contrôle.

[5]      Par la suite, les défenderesses et les demandeurs se sont rencontrés à plusieurs reprises. En juin 1998, les défenderesses ont remis aux demandeurs un protocole concernant les rôles et responsabilités des autochtones et des partisans du pipeline qu'elles se proposaient de présenter à l'Office national de l'énergie. Les défenderesses ont remis un projet d'accord de principe aux demandeurs, qui portait également sur les exigences de la condition 22. Par la suite, il y a eu d'autres discussions entre les demandeurs et les défenderesses.

[6]      Avant le prononcé de la décision du 17 décembre 1997 et la délivrance du certificat de commodité et de nécessité publiques, l'Office national de l'énergie a strictement respecté les règles d'équité procédurale. Toutefois, par la suite, la procédure est devenue moins formelle. À l'exception, comme par hasard, de questions ayant trait aux intérêts des demandeurs, les demandeurs et les défenderesses ont communiqué avec l'Office sans s'échanger de copies de leur correspondance et l'Office leur a répondu individuellement, c'est-à-dire sans faire parvenir de copie à l'une ou l'autre partie.

[7]      En particulier, les défenderesses ont présenté à l'Office, le 24 août 1998, un " protocole des engagements " en lui demandant de reconnaître que ce document respectait la condition 22. Aucune copie de cette proposition n'a été envoyée aux demandeurs. Le 2 septembre 1998, l'Office a informé les défenderesses qu'elle considérait le mémoire du 24 août 1998 comme un état des progrès en cours et non comme un document à partir duquel une décision concernant le respect de la condition 22 pouvait être prise.

[8]      Le 30 septembre 1998, les défenderesses ont écrit à l'Office en indiquant que les demandeurs et eux-mêmes se trouvaient dans une impasse au sujet des questions d'argent. L'accord de principe qui avait été remis aux demandeurs en juin 1998 était joint au mémoire des défenderesses adressé à l'Office. Les défenderesses déclaraient qu'elles étaient prêtes à se conformer au protocole antérieurement déposé, qu'un accord intervienne ou non avec les demandeurs.

         [TRADUCTION]
         L'accord de principe et les engagements ci-joints énoncés à l'annexe A de notre mémoire du 24 août 1998 traitent des exigences de la condition 22. M & NP est tout à fait disposée à respecter ces engagements, qu'un accord complet soit ou non signé avec l'Assembly. M & NP s'engage également à se conformer au protocole convenu verbalement, mais non encore signé, avec le Native Council of Nova Scotia.

Aucune copie de cette lettre n'a été communiquée aux demandeurs.

[9]      L'avocat des défenderesses n'a pas fourni à la Cour de raisons qui pourraient expliquer pourquoi une copie de ces mémoires adressés à l'Office, en vue de respecter la condition 22, n'a pas été envoyée aux demandeurs.

[10]      Le 16 octobre 1998, l'Office a fait connaître sa décision concluant que ce qui lui avait été soumis par les défenderesses respectait l'intention de la condition 22. L'Office concluait que les défenderesses avaient satisfait à la condition 22 :

         [TRADUCTION]
         L'Office a examiné les protocoles et accords confirmés soumis par M & NP concernant le respect de l'intention de la condition 22. De l'avis de l'Office, ces protocoles et accords respectent l'intention de la condition 22.
         L'Office a également examiné l'accord de principe avec l'Assembly proposé par M & NP et estime que pour ce qui a trait aux négociations concernant la collaboration aux études et au contrôle, l'accord de principe est conforme aux protocoles et accords confirmés. L'impasse à laquelle se heurtent les parties dans le cadre de cet accord a trait à des considérations et à des questions de coûts qui échappent à l'objet de la condition 22. L'Office note également que, malgré cette impasse, M & NP est disposée à respecter les engagements énoncés dans l'accord de principe, que le document soit signé ou non. Qui plus est, l'impasse actuelle n'empêche pas qu'il soit possible de tenir d'autres consultations.
         Compte tenu de tout ce qui précède, l'Office a décidé que les protocoles et accords de M & NP et les engagements qui y sont joints respectent la condition 22.

[11]      Nous reconnaissons avec l'avocat des défenderesses que la démarche à suivre dans des cas comme celui-ci a été énoncée par le juge Dickson (plus tard juge en chef) dans l'arrêt Martineau c. Établissement de Matsqui1 :

         En conclusion, la simple question à laquelle il faut répondre est celle-ci : compte tenu des faits de ce cas particulier, le tribunal a-t-il agi équitablement à l'égard de la personne qui se prétend lésée ? Il me semble que c'est la question sous-jacente à laquelle les cours ont tenté de répondre dans toutes les affaires concernant la justice naturelle et l'équité.

Les circonstances de l'espèce mettent en cause un partisan d'un certificat de commodité et de nécessité publiques pour la construction d'un pipeline qui doit respecter une condition à laquelle le certificat est assujetti. Il n'existe pas de règles générales d'équité procédurale qui s'appliquent uniformément à tous les cas dans lesquels il y a communication entre les parties, les intervenants et l'Office au sujet du respect des conditions faisant partie des certificats. Chaque cas est déterminé selon ses faits particuliers.

[12]      En l'espèce, la condition en cause supposait que les défenderesses devaient remettre à l'Office un protocole et un accord de principe écrit énonçant les rôles et responsabilités des autochtones et des partisans du pipeline en vue des études et du contrôle effectués en collaboration. On nous a dit que les études portaient sur l'utilisation des terres de la Couronne par les demandeurs et que le contrôle faisait référence à la construction et à l'exploitation du pipeline. La condition reflétait la recommandation de la Commission d'examen mixte qui, pour en venir à cette recommandation, a signalé dans son rapport qu'il y avait eu des discussions entre les demandeurs et les défenderesses concernant un protocole ou un accord sur des consultations futures. Nous pensons qu'il est évident que la Commission d'examen mixte s'attendait à ce que le protocole ou l'accord découle de discussions entre les demandeurs et les défenderesses. Autrement dit, un accord, c'est, par définition, une série de conditions mutuellement acceptées par les parties. Bien qu'un protocole ne soit pas nécessairement mutuellement accepté, dans le contexte de l'espèce, on s'attendait à ce qu'il découle des discussions et des consultations entre les demandeurs et les défenderesses.

[13]      Dans ce contexte, il ressort implicitement de la condition 22 que l'Office national de l'énergie devait entendre les deux parties quant aux exigences que supposait cette condition. En outre, dans une lettre du 3 septembre 1998, que l'Office adressait aux demandeurs et, dans ce cas précis elle en a fait parvenir une copie aux défenderesses, l'Office indiquait ceci :

         [TRADUCTION]
         L'Office croit qu'il est important pour la solution des différents types de questions qui se posent en l'espèce, qu'il y ait des consultations en vue de parvenir à un protocole ou à un accord écrit énonçant les rôles et responsabilités des autochtones et des partisans du pipeline. L'Office note que des accords ont été conclus avec le conseil MAWIW du Nouveau-Brunswick et l'Union of New Brunswick Indians, et que le Native Council of Nova Scotia a provisoirement accepté un protocole de coopération et d'entente. L'Office encourage l'Assembly et M & NP à poursuivre leurs consultations. L'Office s'attend à ce que M & NP et l'Assembly lui expliquent, d'ici à la fin de septembre, la situation à cette date et lui exposent en détail les questions ou préoccupations qui ne sont pas encore résolues.

[14]      Le 11 septembre 1998, les demandeurs ont fait parvenir à l'Office une lettre de très large portée couvrant un certain nombre de questions et faisant référence à la condition 22. Dans une lettre du 16 octobre 1998 adressée aux demandeurs, l'Office a accusé réception de la lettre du 11 septembre 1998. Bien que les défenderesses prétendent que l'Office a tenu compte de la lettre du 11 septembre 1998 quand il a pris sa décision selon laquelle la condition 22 avait été respectée, la Cour ne sait pas avec certitude si l'Office a considéré que cette lettre répondait à son invitation du 3 septembre 1998 adressée à la fois aux demandeurs et aux défenderesses de lui faire savoir où en étaient les parties concernant le respect de la condition 22. Quoi qu'il en soit, il est clair que la lettre du 11 septembre 1998 a été écrite avant le mémoire du 30 septembre 1998 envoyé par les défenderesses et qui a donné lieu à la décision de l'Office en date du 16 octobre 1998 confirmant le respect de la condition 22. Quand il est parvenu à cette décision, l'Office n'avait pas eu l'avantage de lire la réponse des demandeurs aux observations formulées par les défenderesses dans le mémoire du 30 septembre 1998.

[15]      L'avocat des défenderesses prétend que la lettre du 3 septembre 1998 de l'Office invitant les parties à communiquer avec lui avant la fin de septembre démontre qu'on a fait preuve d'équité procédurale envers les demandeurs. Toutefois, la difficulté en l'espèce, c'est qu'on a demandé aux demandeurs de fournir des observations sans qu'ils sachent exactement ce que les défenderesses se proposaient de faire pour respecter la condition 22. Lorsque les règles d'équité procédurale s'appliquent, elles exigent qu'une partie qui a droit à l'équité connaisse la preuve qui est réunie contre elle pour être en mesure de la réfuter2. C'est ce qui manque en l'espèce.

[16]      Dans les circonstances uniques de l'espèce, avant de prendre la décision attestant que les défenderesses avaient satisfait à la condition 22, nous pensons que l'Office était tenu de s'assurer que les demandeurs avaient eu la possibilité de connaître exactement ce que les défenderesses proposaient concernant la condition 22 et qu'ils avaient eu la possibilité d'y répondre. En traitant séparément avec les défenderesses et avec les demandeurs, sans que les uns sachent précisément ce que les autres proposaient, l'Office a commis une erreur. L'Office a effectivement invité les demandeurs à déposer ou à formuler des observations. Toutefois, la procédure qu'il a suivie ne lui a pas permis de s'assurer que les demandeurs, en formulant leurs observations, connaissaient les documents que l'Office examinerait pour décider si la condition 22 avait été respectée. En procédant de cette façon, l'Office a manqué aux règles de l'équité procédurale.

[17]      En parvenant à cette conclusion, nous soulignons qu'aucune obligation générale n'est imposée à l'Office d'adhérer aux règles d'équité procédurale dans toutes les procédures concernant le respect de conditions associées à des certificats après qu'une décision de commodité et de nécessité publiques a été prise. Toutefois, lorsqu'une condition particulière impose, implicitement, des obligations entre certains participants dans une procédure dont il est saisi, l'Office doit respecter jusque dans une certaine mesure les règles d'équité procédurale. La plupart des conditions imposées postérieurement aux audiences et qui sont assorties à des certificats ne mettent pas en cause des intervenants expressément identifiés. Toutefois, les groupes autochtones visés en l'espèce étaient des intervenants devant l'Office, et la Commission d'examen mixte a fait expressément référence aux entretiens entre ces groupes précis et les défenderesses. En l'espèce, les circonstances exigeaient que l'Office s'assure que les demandeurs avaient eu la possibilité d'être informés de ce que les défenderesses proposaient pour respecter la condition 22 et qu'ils soient en mesure d'y répondre avant qu'une décision soit prise concernant le respect de cette condition. Cette procédure n'est pas inconnue à l'Office et, en fait, elle a été adoptée dans la procédure qui a mené aux motifs justifiant la décision prise subséquemment dans l'affaire GH2-99 d'octobre 19993.

[18]      La condition 22 est une exigence imposée par l'Office. Une décision quant à savoir si cette condition a été respectée est de nature discrétionnaire. Il semble qu'il soit loisible à l'Office, lorsque celui-ci exerce son pouvoir discrétionnaire conformément à la loi, de déterminer si l'accord ou le protocole respecte la condition 22, après avoir entendu les demandeurs et les défenderesses. Malgré les arguments très éloquents de l'avocat des demandeurs, nous ne pensons pas qu'il soit approprié de donner à l'heure actuelle à l'Office des directives sur les éléments qu'il pourrait considérer pour conclure au respect de la condition 22 ni sur la façon dont il devrait exercer son pouvoir discrétionnaire.

[19]      Sauf lorsque la même décision est inéluctable4, le manquement à l'équité procédurale a toujours pour effet d'invalider une décision. Dans l'arrêt Cardinal c. Directeur de l'établissement Kent5, le juge Le Dain déclare ceci :

         [...] j'estime nécessaire d'affirmer que la négation du droit à une audition équitable doit toujours rendre une décision invalide, que la cour qui exerce le contrôle considère ou non que l'audition aurait vraisemblablement amené une décision différente. Il faut considérer le droit à une audition équitable comme un droit distinct et absolu qui trouve sa justification essentielle dans le sens de la justice en matière de procédure à laquelle toute personne touchée par une décision administrative a droit. Il n'appartient pas aux tribunaux de refuser ce droit et ce sens de la justice en fonction d'hypothèses sur ce qu'aurait pu être le résultat de l'audition.

Il n'est pas inéluctable qu'après avoir entendu les demandeurs l'Office national de l'énergie en serait arrivé précisément à la même décision concernant le respect de la condition 22. Pour cette raison, le manquement à l'équité procédurale rend la décision de l'Office invalide. Les arguments soulevés sur d'autres questions par les défenderesses ne peuvent justifier le maintien de cette décision.

[20]      Les défenderesses ont prétendu que les demandeurs auraient dû retourner à l'Office pour demander qu'il soit remédié à un manquement possible à l'équité procédurale, et qu'ils pouvaient donc exercer un redressement subsidiaire adéquat avant de demander le contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. Toutefois, la Cour est un tribunal approprié pour traiter des questions d'équité procédurale. Quoi qu'il en soit, la Cour a été saisie de la question, celle-ci a été débattue et il serait peu pratique de ne pas se prononcer sur celle-ci.

[21]      La demande est accueillie et l'affaire est renvoyée à l'Office pour nouvel examen afin qu'il détermine si la condition 22 a été respectée, après avoir entendu la position des demandeurs quant au " protocole " et à l'accord de principe que les défenderesses ont remis à l'Office le 30 septembre 1998 et après avoir donné aux défenderesses la possibilité de répondre. Les défenderesses paieront les dépens des demandeurs. Aucuns dépens ne sont adjugés pour ou contre l'Office intervenant.

                         " Marshall Rothstein "

     Juge




Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     DIVISION D'APPEL

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


NE DU GREFFE :              A-676-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      L'UNION OF NOVA SCOTIA INDIANS, LA CONFEDERACY OF MAINLAND MICMACS ET L'ASSEMBLY OF NOVA SCOTIA MI'KMAQ CHIEFS

                     c.

                     LA MARITIMES AND NORTHEAST PIPELINE MANAGEMENT LTD. ET LA MARITIMES AND NORTHEAST PIPELINE PARTNERSHIP

                     -et-

                     L'OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE

LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :          LES 19 ET 20 OCTOBRE 1999

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE LINDEN, DU JUGE ISAAC ET DU JUGE ROTHSTEIN

PRONONCÉS À L'AUDIENCE LE 20 OCTOBRE 1999


ONT COMPARU :

Bruce H. Wildsmith, c.r.                      POUR LES DEMANDEURS

E. Bruce Mellet et Alice Woolley                  POUR LES DÉFENDERESSES

Peter W. Noonan                          POUR L'INTERVENANT


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Bruce H. Wildsmith, c.r.

Barss Corner (N.-É.)                      POUR LES DEMANDEURS

Bennet Jones

Calgary (Alberta)                          POUR LES DÉFENDERESSES

Peter W. Noonan

Office national de l'énergie

Calgary (Alberta)                          POUR L'INTERVENANT

__________________

     1      [1980] 1 R.C.S. 602, p. 631.

     2      Kane c. Conseil d'administration de l'Université de Colombie-Britannique, [1980] 1 R.C.S. 1105, p. 1113.

     3      Voir le paragraphe 4.2.2 des consultations avec les autochtones : Opinions de l'Office : p. 19.

     4      Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, p. 228 et 229.

     5      [1985] 2 R.C.S. 643, p. 661.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.