Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20010226

Dossier : A-213-99

OTTAWA (Ontario), le lundi 26 février 2001.

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE EVANS

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                       CARL CARDELLA

                                                                                                                                   appelant

                                                                    - et -

                                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                      intimée

                                                             JUGEMENT

Il est fait droit à l'appel en partie et


(1)        le jugement de la Cour canadienne de l'impôt daté du 16 mars 1999 et les cotisations à l'impôt de l'appelant pour les années d'imposition 1989, 1990 et 1991 à l'égard de sa part dans Collegeway Associates Limited Partnership sont pro tanto annulés et l'affaire renvoyée au ministre du Revenu national pour qu'il établisse une nouvelle cotisation à l'impôt pour ces années d'imposition, conformément aux motifs du présent jugement;

(2)        sur tous les autres points, ledit jugement est confirmé;

(3)        les dépens ne seront pas adjugés.

« A.J. Stone »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad a.


Date : 20010226

Dossier : A-213-99

                                                                                          Référence neutre : 2001 CAF 39

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE EVANS

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                       CARL CARDELLA

                                                                                                                                   appelant

                                                                    - et -

                                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                      intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario) le jeudi 18 janvier 2001 et le vendredi 19 janvier 2001.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le lundi 26 février 2001.

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                                                          LE JUGE STONE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                               LE JUGE EVANS

                                                                                                             LE JUGE MALONE


Date : 20010226

Dossier : A-213-99

Référence neutre : 2001 CAF 39

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE EVANS

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                       CARL CARDELLA

                                                                                                                                   appelant

                                                                    - et -

                                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                      intimée

                                                 MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STONE


[1]                Il s'agit d'un appel d'un jugement de la Cour canadienne de l'impôt daté du 16 mars 1999, rapporté intégralement dans le recueil 99 D.T.C. 631. La question en litige est celle de savoir si l'appelant a le droit de déduire de son revenu, conformément à l'article 20 de la Loi de l'impôt sur le revenu, certains frais, notamment d'intérêts, que l'appelant a déduits de son revenu pour les années d'imposition 1989, 1990 et 1991 à titre de commanditaire de deux sociétés en commandite créées en vertu de la Loi sur les sociétés en commandite, L.R.O. 1990, ch. L-16.

Le contexte

[2]                Les deux sociétés en commandite dont il s'agit ici sont Gerrard Associates Limited Partnership (Gerrard) et Collegeway Associates Limited Partnership (Collegeway), deux sociétés constituées au cours des années 1980. Pendant les années d'imposition en question, Gerrard était propriétaire d'un ensemble immobilier comptant 57 logements en copropriété et 55 places de stationnement, situé au 86, rue Gerrard est, à Toronto. Collegeway était propriétaire d'un ensemble immobilier comprenant 105 logements au 2079, The Collegeway, à Mississauga, en Ontario. La société en commandite Gerrard devait exercer ses activités jusqu'au 31 décembre 2018 et la société Collegeway, jusqu'au 31 décembre 2099.


[3]                L'appelant, un médecin, avait déjà une certaine expérience du marché immobilier dans la région de Toronto. Il n'avait pas reçu de formation dans le domaine des investissements immobiliers ni dans celui des activités commerciales mais il prétendait avoir l' « esprit d'entreprise » . Il ressort des preuves apportées que l'appelant a participé, entre 1981 et 1990, à au moins six opérations immobilières dont la plupart se sont avérées fructueuses. Vers le milieu des années 1980, le marché de l'immobilier à Toronto était en croissance rapide. L'appelant avait une certaine connaissance du marché de l'immobilier à Toronto et à Mississauga et a vu dans la possibilité d'acheter des parts dans Gerrard et Collegeway une façon de faire fructifier son portefeuille d'investissement. Il pratiquait et enseignait la médecine non loin de la propriété de Gerrard. Sa résidence à Mississauga n'était pas très éloignée de la propriété de Collegeway.

[4]                Avant d'investir dans les sociétés en commandite, l'appelant a reçu des notices d'offre. D'après son témoignage, il savait qu'il était peu probable qu'il obtiendrait une part du revenu locatif de la société. Il devait verser au départ une somme en espèces relativement faible, mais le montant de son placement devait augmenter progressivement. Il devait financer son apport de capitaux et ses frais de financement par l'entremise d'un flux de trésorerie exempt d'impôt et des économies d'impôt sur le revenu. L'appelant a déclaré qu'il voyait là un placement à long terme et qu'il s'attendait à ce que les ensembles immobiliers locatifs prennent de la valeur de sorte qu'à la fin de la période initiale de 10 ans, ils puissent être revendus et générer un bénéfice qui compenserait largement les pertes antérieures. Les notices d'offre contenaient des projections financières qui indiquaient que, si la valeur des ensembles immobiliers augmentait à un taux annuel de plus de 8 % pendant la période initiale de 10 ans, les gains de l'appelant en cas de revente à la fin de cette période seraient supérieurs aux pertes subies antérieurement.


[5]                En décembre 1988, l'appelant a acheté une part des sociétés Gerrard et Collegeway pour un prix de 231 283 $ et 171 000 $ respectivement, pour lesquelles il a versé 1 920 $ en espèces pour sa part dans Gerrard et 10 925 $ pour sa part dans Collegeway. Dans les deux cas, le solde du prix d'achat était acquitté par des billets à ordre « A » , « B » et « C » , l'appelant assumant ainsi une part proportionnelle du passif de chacune des sociétés en commandite. Les billets « A » ont été refinancés au moyen d'hypothèques portant intérêt consentis par des prêteurs indépendants et étaient garantis par les propriétés immobilières respectives. Les parties s'entendent sur le fait que pour ce qui est de Collegeway, le prêt hypothécaire était amortissable sur une période de 25 ans. À l'époque où l'appelant est devenu commanditaire de Gerrard, la dette totale concernant l'achat de la propriété immobilière devait passer de 17 150 000 $ à environ 24 000 000 $ sur une période de 10 ans. La dette de Collegeway sur cette période de 10 ans devait passer de 17 150 000 $ à environ 25 000 000 $. Les promoteurs avaient prévu des pertes fiscales atteignant, au cours de la période de 10 ans, 393 053 $ pour chaque part de Gerrard et d'environ 187 000 $ pour chaque part de Collegeway.


[6]                Tous les commanditaires devaient effectuer des versements mensuels pour rembourser les sommes dues. Dans le cas de Gerrard, ce versement ne pouvait être supérieur à 42 % des pertes fiscales du souscripteur. Dans le cas de Collegeway, le versement du souscripteur était limité à 43 % de ces pertes. Les pertes fiscales de chaque souscripteur comprenaient les frais de détention des billets à ordre, les frais de montage et les frais de garantie concernant les pertes découlant des opérations locatives enregistrées par Gerrard. Les frais de montage étaient reliés aux prêts obtenus pour les investisseurs auprès d'institutions financières. Les frais de garantie correspondaient au versement d'une somme destinée à combler l'éventuelle insuffisance des liquidités de Gerrard.

[7]                En 1997, l'appelant a cessé d'effectuer ses versements sur le billet « A » de Gerrard, ce qui a mis fin à son placement dans ce projet. Les biens hypothécaires ont été saisis. Cependant, l'appelant a continué à effectuer ses versements dans Collegeway dont la valeur, pensait-il, se maintiendrait mieux que celle de Gerrard. Il a déclaré avoir eu l'intention de poursuivre cet investissement parce qu'il pensait que la propriété immobilière de Collegeway prendrait finalement de la valeur et lui permettrait de réaliser un gain net au moment de la revente de cette propriété.

Les contrats de société en commandite

[8]                Les conditions régissant le fonctionnement de chacune des sociétés en commandite sont exposées dans les contrats. Le contrat de Gerrard, daté du 1er décembre 1988, portait comme titre « Contrat de société en commandite modifié » (le contrat Gerrard). L'article 4.1 de ce contrat décrivait de la façon suivante l'entreprise de la société en commandite :

4.1           Entreprise. L'entreprise de la société en commandite consiste à acheter l'ensemble immobilier et à exploiter une entreprise de location immobilière en Ontario en vue de tirer un bénéfice et à exercer des activités liées ou connexes à la propriété de l'ensemble immobilier sous réserve des restrictions établies dans les contrats liés ou connexes à l'acquisition de l'ensemble immobilier.


[9]                Le « contrat de société en commandite » de Collegeway, daté du 24 décembre 1987 (le contrat Collegeway), décrivait l'entreprise de la société en commandite à l'article 2.03, qui se lisait ainsi :

2.03         Entreprise

L'entreprise exploitée par la société en commandite comprend l'achat, la possession, l'entretien, l'exploitation, l'amélioration, l'utilisation de l'ensemble, l'investissement dans celui-ci et l'exercice de toutes les activités liées ou connexes en vue de tirer un profit (l'entreprise), mais elle ne comprend pas la vente de l'ensemble. La société en commandite n'exerce aucune activité qui n'a pas de rapport avec ces buts sans y avoir été autorisée au préalable par une résolution ordinaire adoptée par les commandités et par les commanditaires.

[10]            L'article 12.19d) du contrat Gerrard énonce ce qui suit :

12.19       Décision des commanditaires. La décision prise par les commanditaires concernant :

               ...

               d)             la vente ou l'aliénation de la propriété;

n'est valide que si elle a été approuvée par résolution spéciale et :

               e)             si la société en commandite a reçu de l'avocat de la société en commandite un avis indiquant que cette décision peut être mise en oeuvre sans mettre en jeu la responsabilité des commanditaires à titre de commandité aux termes de Loi; ou

               f)             si un tribunal compétent a prononcé une déclaration, un jugement ou une ordonnance à cet effet.

L'expression « résolution spéciale » est définie à l'article 1.1(dd) du contrat Gerrard :

1.1           Définitions. Dans le présent contrat, sauf disposition contraire expresse, les expressions et mots suivants auront le sens qui leur est donné ici :

...

               (dd)          « résolution spéciale » Résolution approuvée par plus de soixante-quinze pour cent (75 %) des voix des commanditaires ayant le droit de voter, en personne ou par procuration, et qui ont voté au cours d'une assemblée des commanditaires régulièrement convoquée ou à la date de son ajournement le cas échéant, conformément au présent contrat.


[11]            En outre, l'article 16.01 du contrat Collegeway énonce ce qui suit :

16.01       Restriction à vente de la propriété

a)             Malgré toute disposition contraire du présent contrat, le commandité n'a le droit de vendre, d'aliéner, de transférer, de démolir, de modifier, en tout ou en partie, la propriété que si cette décision a été approuvée par une résolution spéciale.

b)             Les commanditaires consentent expressément par les présentes à être liés par la décision du commandité et des commanditaires constatée par une résolution spéciale qui autorise la vente, l'échange ou l'aliénation de la propriété et reconnaissent qu'une telle décision ne peut être qualifiée de décision empêchant la société en commandite de continuer à exploiter son entreprise. En outre, malgré toute disposition contraire des présentes, le commandité a le pouvoir de transférer, sans le consentement préalable des commanditaires, la propriété à une fiducie créée par la société en commandite, de constituer la société comme étant son seul bénéficiaire et de choisir comme fiduciaire, une filiale de la société en commandite; étant toutefois entendu que le commandité ne pourra effectuer un tel transfert pour le compte de la société en commandite que s'il a reçu un avis juridique d'un fiscaliste indiquant qu'aux fins de l'impôt sur le revenu fédéral canadien, la société en commandite continuera à être considérée comme le propriétaire de ladite propriété.

L'expression « résolution spéciale » est définie à l'article 1.01 de ce contrat :

1.01          Définitions

...

« résolution spéciale » Résolution approuvée par le commandité et confirmée sans modification par :

a)             une résolution adoptée au cours d'une assemblée des commanditaires régulièrement convoquée par des commanditaires représentant au moins 66 2/3 % des droits de vote à cette époque; ou

               b)             une résolution écrite en un ou plusieurs exemplaires, signée et approuvée par écrit par des commanditaires représentant au moins 66 2/3 % des droits de vote à l'époque;

[12]            Les deux contrats de société en commandite envisageaient la possibilité d'une dissolution des sociétés avant l'expiration du terme et donc, la liquidation des biens de la société et leur répartition ou leur vente. Ces dispositions figurent à l'article XIV du contrat de Gerrard et à l'article 14.00 du contrat de Collegeway.


[13]            Lorsqu'il a souscrit ses parts de société en commandite dans les deux projets, l'appelant s'est déclaré lié par toutes les clauses des contrats de société en commandite respectifs.

[14]            Selon les arrangements prévus, l'appelant avait l'option d'acheter le nombre d'unités de logement dans chacun des projets correspondant au nombre de ses parts de société en commandite. Il pouvait exercer cette option n'importe quand dans le cas de Gerrard et jusqu'au 31 décembre 2015 pour Collegeway. Comme il était propriétaire d'une part de société en commandite dans chacune de ces entreprises, l'appelant avait l'option d'acheter une unité de logement dans chacun des projets. Aucune de ces deux options n'avait été exercée au moment du procès.

Les déductions demandées

[15]            Dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition en cause, l'appelant a déduit les sommes suivantes :


Gerrard

      Année

        1989

        1990

        1991

      Intérêt

     35 336 $

     39 567 $

     34 431 $

      Frais de

     montage

       1 707 $

       1 707 $

       1 707 $

      Frais de

     garantie

       1 319 $

       1 164 $

       1 164 $

Collegeway

        1989

        1990

        1991

     21 534 $

     23 235 $

     21 295 $

          s.o.

          s.o.

          s.o.

          s.o.

          s.o.

          s.o.



[16]            Le ministre du Revenu national (le Ministre) a refusé ces déductions pour le motif que les intérêts ne correspondaient pas à de l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d'une entreprise au sens de l'alinéa 20(1)c) de la Loi, que les frais de montage n'étaient pas déductibles aux termes de l'alinéa 20(1)e) de la Loi et que les frais de garantie n'étaient pas déductibles aux termes de l'alinéa 20(1)e.1) de la même Loi.

[17]            L'appelant a interjeté appel devant la Cour canadienne de l'impôt qui a entendu l'appel en se fondant sur une « Entente sur certains faits » , qui était complétée par des témoignages. Dans son acte de procédure modifié, l'appelant soutient qu'en investissant dans ces deux entreprises, c'est l'expression toute faite et il participait à un projet comportant un risque de caractère commercial et qu'il avait donc une source de revenu. Le Ministre a soutenu que l'appelant n'avait aucune expectative raisonnable de profit.

Le jugement de la Cour de l'impôt


[18]            Le juge de la Cour de l'impôt a rejeté l'appel en déclarant que l'argument de l'appelant selon lequel les placements qu'ils avaient effectués dans Gerrard et Collegeway constituaient un projet comportant un risque de caractère commercial parce qu'il avait l'intention à l'époque de faire un bénéfice sur la revente de l'ensemble immobilier après une période de 10 ans ne pouvait être retenu. Le juge de la Cour de l'impôt a reconnu que la perspective d'un profit lors de la revente de l'ensemble au bout de 10 ans avait servi de leurre au promoteur pour attirer les investisseurs. Il a toutefois considéré que l'intention de l'appelant au moment où il a fait ce placement n'était pas pertinente. Il a estimé que c'était celle des commandités qui comptait. Aucun des commandités n'a été cité à témoigner au procès. Le juge de la Cour de l'impôt a noté que l'administration et la gestion des projets relevaient uniquement des commandités. Il a constaté l'existence d'une preuve directe de l'intention des parties dans les termes du contrat en commandite qui établissaient que l'entreprise devait conserver les biens immobiliers pour en tirer des revenus de location. Le juge de la Cour de l'impôt a également noté que les promoteurs avaient tenu pour acquis que les propriétés immobilières pourraient être vendues après 10 ans en réalisant un « gain en capital » . Il a conclu que si l'on ne tenait pas compte des profits susceptibles d'être réalisés sur la revente des propriétés, les parts de l'appelant dans les deux sociétés en commandite ne pouvaient être considérée comme des sources de revenu. Il a appuyé cette conclusion sur les décisions qu'a prononcées notre Cour dans les affaires Canada c. Mastri, 97 D.T.C. 5420 et Mohammad c. La Reine, 99 D.T.C. 5503.

Les dispositions législatives pertinentes

[19]            La déduction des intérêts dans le calcul du revenu d'une entreprise ou d'un bien est régie par l'alinéa 20(1)c) de la Loi. Les sous-alinéas 20(1)c)(i) et (ii) se lisent ainsi :



20.    (1)    Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)a), b) et h), lors du calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition, peuvent être déduites celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s'y rapportant:

...

c)    une somme payée dans l'année ou payable pour l'année (suivant la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu), en exécution d'une obligation légale de verser des intérêts sur

(i) de l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien (autre que l'argent emprunté et utilisé pour acquérir un bien dont le revenu serait exonéré d'impôt ou pour prendre une police d'assurance-vie),

       (ii)    une somme payable pour un bien acquis en vue d'en tirer un revenu ou de tirer un revenu d'une entreprise (à l'exception d'un bien dont le revenu serait exonéré d'impôt ou à l'exception d'un bien représentant un intérêt dans une police d'assurance-vie),

20.    (1)    Notwithstanding paragraphs 18(1)(a), (b) and (h) in computing a taxpayer's income for a taxation year from a business or property, there may be deducted such of the following amounts as are wholly applicable to that source or such part of the following amounts as may reasonably be regarded as applicable thereto:

...

(c)    an amount paid in the year or payable in respect of the year (depending upon the method regularly followed by the taxpayer in computing his income), pursuant to a legal obligation to pay interest on

       (i) borrowed money used for the purpose of earning income from a business or property (other than borrowed money used to acquire property the income from which would be exempt or to acquire a life insurance policy),

       (ii)    an amount payable for property acquired for the purpose of gaining or producing income therefrom or for the purpose of gaining or producing income from a business (other than property the income from which would be exempt or property that is an interest in a life insurance policy),


[20]      Les alinéas 20(1)e) et 20(1)e.1) de la Loi permettent la déduction de certains montants supplémentaires. L'appelant s'est fondé sur ces dispositions pour soutenir qu'elles autorisent la déduction des frais de « montage » et de « garantie » . L'intimé soutient par contre que l'alinéa 18(1)e) de la Loi interdit la déduction de ces frais parce qu'ils représentent une « dette éventuelle » .


Questions

[21]            Il est possible de résumer de la façon suivante les erreurs qu'aurait commises, d'après l'appelant, le juge de la Cour de l'impôt :

a)      omission de conclure que l'appelant réalisait un projet comportant un risque de caractère commercial pour ce qui est de ses parts dans les sociétés en commandite;

b)      omission de conclure que l'appelant n'avait pas une expectative raisonnable de profit et donc, une source de revenu;

c)      omission d'imposer à l'intimé le fardeau d'établir que les parts de la société en commandite qu'avait achetées l'appelant n'étaient pas des sources de revenu et de conclure que l'intimé ne s'est pas déchargé de ce fardeau.

Analyse

[22]            Je vais examiner chacune de ces questions.

Risque ou affaire de caractère commercial


[23]            L'appelant soutient que ses placements dans les sociétés en commandite constituaient « un risque ou une affaire de caractère commercial » qui devaient produire un bénéfice et pouvaient donc être qualifiés d' « entreprise » ou d' « affaire » au sens de l'article 248 de la Loi. L'expression « un risque ou une affaire de caractère commercial » n'est pas définie dans la Loi. C'est une notion de common law dont le sens a été précisé par la jurisprudence canadienne.

[24]            L'argument de l'appelant comporte deux volets. Il soutient, tout d'abord, que, dès le départ, il avait l'intention de réaliser un bénéfice sur la revente des propriétés immobilières en copropriété et que c'était en fait son unique motivation pour effectuer ce placement parce que tel que l'avaient prévu les promoteurs, il ne pouvait pas obtenir un revenu locatif au cours de la période initiale de 10 ans. Il soutient que ce fait indique que l'appelant avait vraiment l'intention de faire un bénéfice sur la revente des biens plutôt que de recevoir un revenu locatif. Il est vrai que les promoteurs avaient déclaré aux investisseurs éventuels que leurs versements annuels seraient « financés par l'entremise d'un flux de trésorerie exempt d'impôt et des économies d'impôt sur le revenu » , mais il demeure que l'appelant n'a pas réalisé les économies prévues parce que cela était impossible. Deuxièmement, l'option d'achat sur l'unité de logement dans chacune des propriétés de la société en commandite permettait à l'appelant de faire des opérations sur ces unités, ce qui renforce son argument selon lequel il s'agissait d'une affaire de nature commerciale.


[25]            Le juge de la Cour de l'impôt a rejeté ces arguments. Après avoir cité le jugement bien connu du lord juge et greffier de la Cour de l'Échiquier écossaise dans Californian Copper Syndicate (Limited and Reduced) v. Harris, [1904] 5 T.C. 159, pages 165 et 166, qui établit une distinction entre une opération de nature commerciale ou une opération en immobilisation, le juge de la Cour de l'impôt a cité le passage suivant du jugement du juge Noël dans l'arrêt Racine, Demers et Nolin c. Ministre du revenu national, 65 D.T.C. 5098 (C.É.), à la page 5103 au sujet de l'intention du contribuable :

Pour donner à une transaction qui comporte l'acquisition d'un capital le double caractère d'être aussi en même temps une initiative d'une nature commerciale, l'acquéreur doit avoir, au moment de l'acquisition, dans son esprit, la possibilité de revente comme motif qui le pousse à faire cette acquisition; c'est-à-dire qu'il doit avoir dans son esprit l'idée que si certaines circonstances surviennent il a des espoirs de pouvoir la revendre à profit au lieu d'utiliser la chose acquise pour des fins de capital. D'une façon générale, une décision qu'une telle motivation existe devrait être basée sur des inférences découlant des circonstances qui entourent la transaction plutôt que d'une preuve directe de ce que l'acquéreur avait en tête.

[26]            Les tribunaux ont toujours insisté sur le fait que, lorsqu'il s'agit de déterminer si une opération constitue une affaire de nature commerciale, il faut tenir compte des circonstances entourant cette opération : Happy Valley Farms Ltd. v. The Queen, 86 D.T.C. 6421 (C.F. 1re inst.), page 6424. La Cour suprême du Canada a souligné dans l'arrêt Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103 que l'intention du contribuable est un facteur d'une extrême importance. Dans cette affaire, le juge Major a résumé certains facteurs importants dont il doit être tenu compte pour déterminer si une opération immobilière constitue un projet comportant un risque de caractère commercial. Il a énuméré ces facteurs au paragraphe 17 :

(i)            L'intention du contribuable relativement au bien immeuble au moment de l'achat, ses possibilités de réalisation et la mesure dans laquelle cette intention est réalisée. L'intention de revendre la propriété avec bénéfice la rendra plus susceptible d'être qualifiée de projet comportant un risque de caractère commercial.


(ii)           La nature de l'entreprise, de la profession, du métier ou de l'occupation du contribuable et des associés. Plus l'entreprise ou la profession d'un contribuable est liée aux transactions immobilières, plus il est probable que le revenu réalisé soit considéré comme un revenu tiré d'une entreprise plutôt que comme un gain en capital.

(iii)          La nature du bien et l'usage qu'en fait le contribuable.

(iv)          La mesure dans laquelle l'argent emprunté a servi à financer l'acquisition du bien immeuble et la période pendant laquelle le bien immeuble a été détenu par le contribuable. Les opérations impliquant emprunt et revente rapide sont plus susceptibles d'être des projets comportant un risque de caractère commercial.

Il est utile de mentionner que cette question a fait l'objet d'une analyse de la part de R.E. Beam et S.N. Laiken dans « Adventure or Concern in the Nature of Trade: Badges of Trade as the Key Indicator of Taxpayer Intention » , (1996) 44 Can. Tax J. 888.


[27]            J'accepte que c'est l'intention qu'avait l'appelant au moment où il a effectué son investissement qui est l'élément pertinent, mais les faits constatés au procès ne confirment pas qu'une telle intention était réalisable. Comme nous l'avons vu, l'appelant ne pouvait donner effet à cette intention que dans le cadre juridique des contrats de sociétés en commandite, qui circonscrivaient de façon importante la capacité d'un commanditaire de demander la revente du bien. Dans les deux cas, il fallait faire adopter une résolution spéciale. Dans Gerrard, il fallait qu'une telle résolution soit approuvée par plus de 75 % des voix des commanditaires présents. Dans Collegeway, il fallait obtenir un vote positif d'au moins 66 _ % des commanditaires ainsi que le consentement du commandité. En première instance, aucun élément de preuve n'a été présenté pour établir que ces conditions rigoureuses pouvaient être remplies à n'importe quel moment après l'expiration de la période initiale de 10 ans. En outre, aucun élément de preuve n'a été apporté pour montrer que l'appelant réaliserait un bénéfice au cas où les propriétés seraient finalement vendues.

[28]            L'appelant soutient, de toute façon, qu'il pouvait effectuer des opérations sur les unités de logement grâce aux options qu'il détenait. Le juge de la Cour de l'impôt n'a pas traité expressément de cette question. Néanmoins, le témoignage qu'a fourni l'appelant en première instance indique clairement qu'il n'avait jamais envisagé de procéder de cette façon. Il a déclaré ce qui suit au cours du réinterrogatoire[1] :

[TRADUCTION]

Q.        A-t-il jamais été envisagé que ces projets puissent être vendus soit en bloc soit par unité de logement?

R.        D'après moi, cela devait probablement se faire en bloc mais pour Collegeway, par exemple, j'ai effectivement reçu des offres d'achat pour mon unité. J'en ai reçu récemment. Il existe sans doute un mécanisme qui m'aurait permis de vendre mon unité même si elle faisait partie d'un ensemble mais j'ai décidé de ne pas le faire; mais d'une façon générale je pense qu'il aurait été sans doute possible de vendre une unité séparément –

Q.        Je voulais dire ceci, est-ce que le commandité et les commanditaires ont déjà envisagé de disposer du projet en vendant des unités de logement?

R.        Non. Non. Ce n'est pas ce qui m'avait été expliqué.

Q.        Il s'agissait davantage d'une vente en bloc?

R.        C'était plutôt une vente en bloc.


L'appelant a également déclaré que lorsqu'il choisissait d'investir dans un immeuble, il n'était pas intéressé à acheter sa propre propriété et à l'administrer parce que cela lui aurait demandé trop de temps et qu'il ne possédait pas des connaissances suffisantes dans ce domaine[2].

Expectative raisonnable de profit

[29]            Il me paraît commode d'examiner ensemble les deuxième et troisième questions en litige. Je vais commencer par la question du fardeau de la preuve.

[30]            L'appelant soutient qu'il incombait à l'intimé d'établir que les parts de société en commandite n'étaient pas des sources de revenu et que celui-ci ne s'est pas acquitté de ce fardeau. Comme cela est indiqué dans son « avis d'appel » , l'appelant semble avoir très bien compris la position du Ministre parce qu'il a soutenu dans tous ses actes de procédure que le critère de l'expectative raisonnable de profit ne s'appliquait pas aux faits de l'espèce. Dans sa « réponse » , le Ministre a allégué à titre de présomption que l'appelant n'avait aucune expectative raisonnable de profit à l'égard des parts qu'il détenait dans Gerrard et Collegeway. En première instance, l'appelant a tenté de démontrer qu'il avait une expectative raisonnable de bénéfice parce qu'il s'était engagé dans un projet comportant un risque de caractère commercial. Cet argument n'a pas été expressément plaidé. En fin de compte, le juge de la Cour de l'impôt a décidé que l'existence de ce risque n'avait pas été démontrée.


[31]            L'appelant invoque la jurisprudence concernant le fardeau de la preuve dans les affaires fiscales, telle qu'elle a été récemment résumée par le juge L'Heureux-Dubé dans l'arrêt Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, dans lequel elle déclare aux paragraphes 92 et 93 de ses motifs concordants :

Il est bien établi en droit que, dans le domaine de la fiscalité, la norme de preuve est la prépondérance des probabilités : Dobieco Ltd. c. Ministre du revenu national, [1966] R.C.S. 95, et que, à l'intérieur de cette norme, différents degrés de preuve peuvent être exigés, selon le sujet en cause, pour que soit acquittée la charge de la preuve : Continental Insurance Co. c. Dalton Cartage Co., [1982] 1 R.C.S. 164; Pallan c. M.N.R., 90 D.T.C. 1102 (C.C.I.), à la page 1106. En établissant des cotisations, le Ministre se fonde sur des présomptions : (Bayridge Estates Ltd. v. M.N.R., 59 D.T.C. 1098 (C.É.), à la page 1101) et la charge initiale de « démolir » les présomptions formulées par le Ministre sur cette cotisation est imposée au contribuable (Johnston c. Ministre du revenu national, [1948] R.C.S. 486; Kennedy c. M.R.N., 73 D.T.C. 5359 (C.A.F.), à la page 5361). Le fardeau initial consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu'avait utilisées le Ministre, mais rien de plus : First Fund Genesis Corp. c. La Reine, 90 D.T.C. 6337 (C.F. 1re inst.), à la page 6340.

L'appelant s'acquitte de cette charge initiale de « démolir » l'exactitude des présomptions du Ministre lorsqu'il présente au moins une preuve prima facie : Kamin c. M.R.N., 93 D.T.C. 62 (C.C.I.); Goodwin c. M.R.N., 82 D.T.C. 1679 (C.R.I.). En l'espèce, l'appelante a produit une preuve qui respecte non seulement la norme prima facie, mais, selon moi, une norme encore plus sévère. À mon avis, l'appelante a « démoli » les présomptions suivantes : a) la présomption de l'existence de « deux entreprises » , en produisant une preuve claire de l'existence d'une seule entreprise; b) la présomption qu'il n'y a « aucun revenu » , en produisant une preuve claire de l'existence d'un revenu. Il est établi en droit qu'une preuve non contestée ni contredite « démolit » les présomptions du Ministre : voir par exemple MacIsaac c. M.R.N., 74 D.T.C. 6380 (C.A.F.), à la page 6381; Zink c. M.R.N., 87 D.T.C. 652 (C.C.I.). Comme je l'ai déjà dit, aucune partie de la preuve produite par l'appelante en l'espèce n'a été contestée ni contredite. Par conséquent, à mon avis, l'appelante a « démoli » les présomptions sur l'existence de « deux entreprises » et sur le fait qu'il n'y a « aucun revenu » .


[32]            L'appelant soutient qu'il s'est acquitté de son fardeau initial en démontrant prima facie que sa source de revenu découlait d'un projet comportant un risque de nature commerciale et que, par conséquent, il appartient maintenant au Ministre d'établir sa présomption selon laquelle il n'existait aucune source de revenu de ce genre. L'intimé soutient que l'appelant avait le fardeau de démontrer l'existence d'un « projet comportant un risque de nature commerciale » parce que c'est lui qui avait soulevé cette question en première instance.

[33]            J'estime qu'il s'agit là d'un argument un peu trop subtil. Étant donné que l'intimé s'est fondé sur cette présomption, l'appelant devait tenter d'établir qu'il avait une source de revenu provenant soit des opérations de location soit d'un projet comportant un risque de nature commerciale. S'il avait réussi à présenter une preuve prima facie de cette affirmation, il aurait « démoli » la présomption du Ministre à qui il incomberait alors d'établir l'exactitude de sa présomption.

[34]            J'en arrive maintenant à l'argument de l'appelant selon lequel il avait une expectative raisonnable de profit à l'égard des opérations de location. Cet argument exige que l'on examine le critère de l' « expectative raisonnable de profit » tel qu'il a été formulé dans l'arrêt Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480.


[35]            L'arrêt Moldowan, précité, portait sur l'application de l'ancien paragraphe 13(1) qui correspond au paragraphe 31(1) de la Loi actuelle. Le contribuable, un homme d'affaires, exerçait des activités reliées aux courses de chevaux. La question posée à la Cour suprême était de savoir si la principale source de revenu du contribuable était l'agriculture ou une combinaison d'agriculture et de quelque autre source de revenu. Si c'était le cas, il ne pouvait bénéficier des règles relatives aux pertes agricoles restreintes. La question de savoir si les activités agricoles du contribuable constituaient un passe-temps ou si la déduction des dépenses devait être refusée parce qu'il s'agissait de « frais personnels et de frais de subsistance » au sens de la Loi n'a pas été soulevée. Il n'a pas non plus été soutenu que le contribuable n'avait pas de source de revenu.

[36]            Le juge Dickson (tel était alors son titre) a formulé le critère de l'expectative raisonnable de profit aux pages 485 et 486 :

Il y a d'abord eu controverse, mais il est maintenant admis que pour avoir une « source » de revenu, le contribuable doit avoir en vue un profit ou une expectative raisonnable de profit. L'expression source de revenu équivaut donc au terme entreprise : Dorfman c. M.R.N. [[1972] C.T.C. 151]. Voir également l'alinéa 139(1)(ae) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui inclut à titre de « frais personnels ou frais de subsistance » donc non déductibles aux fins de l'impôt, les dépenses inhérentes aux propriétés entretenues par le contribuable pour son propre usage et avantage, et non entretenues relativement à une entreprise exploitée en vue d'un profit ou dans une expectative raisonnable de profit. Si le contribuable, en exploitant sa ferme, se livre simplement à un passe-temps, sans expectative raisonnable de profit, il ne peut réclamer aucune déduction pour les dépenses engagées.

Une jurisprudence volumineuse traite de la signification de l'expression expectative raisonnable de profit, mais il ne s'en dégage aucune constante. À mon avis, on doit s'appuyer sur tous les faits pour déterminer objectivement si un contribuable a une expectative raisonnable de profit. On doit alors tenir compte des critères suivants : l'état des profits et pertes pour les années antérieures, la formation du contribuable et la voie sur laquelle il entend s'engager, la capacité de l'entreprise, en termes de capital, de réaliser un profit après déduction de l'allocation à l'égard du coût en capital. Cette liste n'est évidemment pas exhaustive. Les facteurs seront différents selon la nature et l'importance de l'entreprise : La Reine c. Matthews [(1974), 74 D.T.C. 6193)]. Personne ne peut s'attendre à ce qu'un fermier qui achète une affaire déjà productive subisse au départ les mêmes pertes que celui qui met sur pied une exploitation forestière sur un terrain vierge.


[37]            Le passage qui précède est, à strictement parler, une remarque incidente mais il ne faudrait pas que les juridictions inférieures n'en tiennent pas compte parce qu'elle semble représenter l'opinion motivée de la Cour suprême : Sellers c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 527. Voir également Re Miller and the Queen (1985), 141 D.L.R. (3d) 330 (C.A. Ont.), page 339; Black v. Law Society of Alberta (1986), 27 D.L.R. (4th) 527 (C.A Alb.), page 537; Consolidated-Bathurst Limited c. La Reine, [1987] 2 C.F. 3 (C.A.), pages 15 et suivantes; Scarff v. Wilson et al (1988), 55 D.L.R. (4th) 247 (C.A. C.-B.), page 258, infirmé pour d'autres motifs (1988), 61 D.L.R. (4th) 749 (C.S.C.). Comparer avec Clark v. Canadian National Railway Co. (1985), 17 D.L.R. (4th) 58 (C.A. N.-B.), pages 66 et 67.

[38]            La façon dont la Cour canadienne de l'impôt et notre Cour ont appliqué ce critère dans différentes affaires a fait l'objet de vives critiques de la part des fiscalistes canadiens. Voir p. ex. J.R. Owen, « The Reasonable Expectation of Profit Test: Is There a Better Approach? » , (1996) 44 Can. Tax J. 979, no. 4; B.S. Nichols, « Chants and Ritual Incantations: Rethinking the Reasonable Expectation of Profit Test » , Report of the Proceedings of the Forty-Eight Conference, vol. 1 (Toronto: Canadian Tax Foundation, 1997) 28:1; T.E. McDonnell, « Rental Losses Denied – Confusion Compounded, » (2000) 48 Can. Tax J. 444. On trouvera une analyse récente des questions que la Cour suprême du Canada sera amenée à trancher dans les affaires Walls and Buvyer c. La Reine, 2000 D.T.C. 6025 (C.A.F.) et Stewart c. La Reine, 2000 D.T.C. 6163 (C.A.F.), dans l'article de R. Taylor intitulé « Applicability of the Moldowan Test to Source of Income Determination Questions Where no Element of Personal Benefit to Taxpayer » , (2000) 8 Tax Litigation No. 2 509.


[39]            Une charge, un emploi, une entreprise et un bien constituent des sources de revenu selon l'article 3 de la Loi, et les règles qui permettent de déterminer le revenu d'un contribuable provenant d'une entreprise ou d'un bien figurent à l'article 9.

[40]            La rigueur du critère de l'expectative raisonnable de profit dans les affaires où il n'existe pas d'élément personnel a été quelque peu atténuée par notre Cour dans Tonn c. La Reine, [1996] 2 C.F. 73 (C.A.F.). Voir également Labrèche c. Ministre du revenu national, 99 D.T.C. 5083 (C.A.F.); Walls, précité; La Reine c. Milewski, 2000 D.T.C. 6559 (C.A.F.). Comparer avec Mastri, précité et Kuhlmann c. La Reine, 98 D.T.C. 6652 (C.A.F.). La Cour suprême du Canada n'a pas eu l'occasion de revenir sur l'objet et l'application de ce critère depuis qu'il a été formulé dans l'arrêt Moldowan, précité.

[41]            Dans l'arrêtHickman Motors, précité, le juge L'Heureux-Dubé a fait allusion à ce critère dans ses motifs concordants lorsqu'elle a déterminé que le contribuable avait droit à une déduction pour amortissement conformément à l'alinéa 20(1)a) de la Loi et du règlement. Le juge L'Heureux-Dubé affirme que le critère « des fins visées » de l'alinéa 20(1)a) de la Loi et du règlement ne devait pas être touché par l'application du critère de l'expectative raisonnable de profit. Comme elle le déclare aux paragraphes 69 à 72 :


[...] Cependant, lorsqu'elle n'a pas de profit, l'entreprise doit avoir une « expectative raisonnable de profit » , qui doit être déterminée par application du test formulé dans Moldowan (voir Krishna, op. cit., à la page 261). Brièvement, le test de l' « expectative raisonnable de profit » sert principalement à différencier une « entreprise » d'une « activité personnelle comme un hobby, etc. » , tandis que le test dit « aux fins de produire un revenu » sert à déterminer si un bien est utilisé de façon appropriée par l'entreprise.

Le test de l' « expectative raisonnable de profit » cherche à savoir s'il existe une entreprise, tandis que le test dit « aux fins de produire un revenu » présuppose l'existence d'une entreprise et s'interroge sur l'utilisation d'un bien appartenant à l'entreprise. Le test de l' « expectative raisonnable de profit » tient compte des résultats antérieurs et prévus de plusieurs années d'exploitation et pose la question suivante : « les revenus d'exploitation seront-ils à un moment donné supérieurs aux dépenses de sorte qu'un profit sera réalisé? » Le test dit « aux fins de produire un revenu » examine la situation d'un bien et pose la question suivante : « le bien produit-il un revenu ou est-il tout au moins utilisé à cette fin? » Ces deux tests portent une question fort différente et ils pourraient être appliqués séparément au même contribuable en même temps.

La plupart des paramètres du test de l' « expectative raisonnable de profit » seraient inconciliables avec le test dit « aux fins de produire un revenu » . Par exemple, le paramètre des « profits et pertes des années précédentes » n'a aucune pertinence relativement au test dit « aux fins de produire un revenu » pour ce qui est de la DPA, parce qu'une entreprise peut très bien comprendre des biens utilisés seulement pour une courte durée. De même, le paramètre de la « formation du contribuable » n'a aucune pertinence relativement au test dit « aux fins de produire un revenu » pour ce qui est de la DPA, parce que certains biens n'exigent aucune formation particulière autre que la connaissance générale que possède n'importe qui.

À mon avis, les termes et l'économie de la LIR appuient une application des critères de l' « expectative raisonnable de profit » pour vérifier si un contribuable exploite une entreprise ou s'il s'agit d'un hobby, mais non pour établir la possibilité de bénéficier d'une DPA en soi. Voir également de façon générale John R. Owen, « The Reasonable Expectation of Profit Test: Is There a Better Approach? » (1996), 44 Rev. fisc. can. 979. En toute déférence, il est incorrect en droit d'injecter de façon mécanique les critères du test de l' « expectative raisonnable de profit » dans l'exigence des « fins de produire un revenu » prévue à l'alinéa 1102(1)c) du règlement pour ce qui est de la DPA. En ce faisant, le juge de première instance et la Cour d'appel ont toutes [sic] deux commis une erreur de droit.


[42]            Aucun « élément personnel » n'est présent en l'espèce. L'appelant n'a pas utilisé les unités de logement de l'ensemble qu'il possédait et n'en a pas acheté d'autres. Sa participation s'est limitée aux investissements effectués à titre de simple commanditaire. Je ne conteste pas que les sociétés en commandite exerçaient des activités importantes, c'est-à-dire l'acquisition et la location d'un grand nombre d'unités de logement. La façon dont les parties concernées ont choisi de financer ces acquisitions et ces activités découle de décisions commerciales qui relèvent à ce titre de l'appréciation commerciale des personnes concernées. Il n'est pas question ici de mauvaise foi. Il n'est pas nié que les projets ont été largement financés par l' « entremise d'un flux de trésorerie exempt d'impôt et des économies d'impôt sur le revenu » . Ce fait, pris isolément, n'est pas important, à moins qu'il ne soit établi qu'il s'agissait là du seul objectif de ces projets : Walls, précité. Les promoteurs prévoyaient dès le départ qu'il y aurait de fortes pertes au cours de la première période de 10 ans. Les parties s'entendent sur le fait qu'à aucun moment des années d'imposition en cause, le revenu attribué aux appelants provenant de Gerrard ou Collegeway suffisait à payer les dépenses et les frais d'intérêt, les frais de montage et de garantie demandés par Gerrard ou les intérêts correspondant à Collegeway. Comme nous l'avons vu, l'appelant a perdu son investissement dans Gerrard en 1997, lorsque le créancier hypothécaire a saisi l'unité de logement en copropriété.


[43]            L'appelant s'appuie sur les décisions qu'a prononcées notre Cour dans les affaires Walls, précitée, et Milewski, précitée, qui sont toutes deux postérieures au jugement attaqué. Dans l'arrêt Milewski, précité, il s'agissait d'un appel d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt dans une affaire dont les faits étaient quelque peu semblables à ceux de la présente affaire, en particulier pour ce qui est de Collegeway. Dans cette affaire, la société en commandite avait gagné un revenu au cours de ses deuxième et troisième années d'opérations locatives et il était admis que l'entreprise était exploitée avec une expectative raisonnable de profit. La question en litige était de savoir si le contribuable avait le droit de déduire les frais d'intérêt exposés pour acquérir sa part de la société en commandite, même si ces frais étaient supérieurs à sa part du revenu de la société en commandite. Notre Cour a déclaré qu'il le pouvait. En première instance[3], le juge Bowman (tel était alors son titre) a estimé au paragraphe 26 que la notion d'expectative raisonnable de profit « ne pouvait s'appliquer à une entreprise manifestement rentable » et que « y faire appel pour restreindre la déduction d'intérêt qu'autorise expressément l'alinéa 20(1)c) est non seulement contraire au sens clair de cet alinéa mais également aux déclaration émanant des instances les plus hautes concernant l'objet de la déduction des intérêts : Tennant v. The Queen, 96 DTC 1621, page 1625 (C.S.C.) » . Les jugements prononcés par la majorité et la minorité des juges de cette Cour ont confirmé la décision de première instance.


[44]            J'en viens maintenant à examiner si, compte tenu des faits et de la jurisprudence récente, Gerrard et Collegeway avaient une expectative raisonnable de profit. Il me paraît difficile de conclure que l'obtention de bénéfice provenant d'opérations de location était le motif qui animait les commanditaires de Gerrard. Les indicateurs objectifs ne vont pas dans ce sens. La société en commandite a dû assumer dès le départ une lourde dette, qui, selon les prévisions, devait demeurer pratiquement inchangée pendant les dix premières années d'activités. En fait, l'appelant n'a réalisé aucun profit depuis la création de Gerrard, une société qui a croulé sous le poids de son propre endettement en 1997, année à laquelle l'hypothèque a été forclose. J'estime que l'appelant n'a pas réussi à démolir la présomption du Ministre selon laquelle il n'y avait pas d'expectative raisonnable de profit et que, par conséquent, il n'y avait pas de source de revenu provenant d'une entreprise. Il en résulte, d'après moi, que les intérêts et autres frais réclamés à l'égard de Gerrard ne peuvent être déduits aux termes du paragraphe 20(1) de la Loi.

[45]            J'estime que la situation de Collegeway est quelque peu différente. Son endettement, considérable lui aussi, était amorti sur une période de 25 ans. À la différence de Gerrard, Collegeway a réalisé des bénéfices au cours de deux des trois années en cause ici, et le Ministre a inclus une partie de ces bénéfices dans le revenu de l'appelant pour les années d'imposition 1990 et 1991. Si l'appelant recherchait effectivement au départ la possibilité de réaliser un éventuel bénéfice sur la vente de la propriété immobilière, ce seul aspect ne peut modifier le fait qu'en achetant une part dans la société en commandite Collegeway, l'appelant devenait un des commanditaires dont l'intention était de réaliser un profit de l' « entreprise » décrite à l'article 2.03 du document constatant l'existence de la société en commandite.


[46]            Il ne faudrait pas en déduire que cette description établit de façon concluante que l'entreprise décrite dans ce document a réellement existé. Il me paraît toutefois que c'est à ce moment que le critère de l'expectative raisonnable de profit doit s'appliquer. Comme l'a noté le juge L'Heureux-Dubé dans le passage de ses motifs concordants dans l'arrêt Hickman Motors, que j'ai cité plus haut : « Le test de l'expectative raisonnable de profit cherche à savoir s'il existe une entreprise... » Le juge Bowman (tel était alors son titre) a tenu un raisonnement comparable dans Allen, précité, au paragraphe 25, lorsqu'il déclare que le critère [TRADUCTION] « s'applique à l'étape préalable de la reconnaissance de l'existence d'une entreprise » . À mon avis, l'entreprise décrite dans l'article 2.03 a véritablement existé dans le cas de Collegeway, même si cette société assumait un endettement considérable. Comme je l'ai mentionné, Collegeway devait exercer ses activités à long terme comme l'indique son document constitutif et le fait que le prêt hypothécaire était amorti sur une période de 25 ans. Je note sur ce point que dans Milewski, précité, le juge Rothstein a confirmé le jugement du Bowman prononcé dans Allen, précité, et reconnu au paragraphe 8 qu'une période d'amortissement de 25 ans n'était « pas inhabituelle... pour des investissements à long terme dans l'immobilier » .

[47]            Comme cela a été mentionné dans les présents motifs, les unités de Collegeway étaient vendues à un prix de 171 000 $, dont 10 925 $ devaient être payés en espèces, le solde étant garanti par une série de billets à ordre. Les déductions fiscales cumulatives prévues pour chaque commanditaire sur une période de 10 ans devaient s'élever à environ 187 000 $. Pendant cette période, il était prévu qu'un des promoteurs paierait les insuffisances de liquidités dans les cas où les revenus générés par les activités de location ne couvriraient pas les frais d'exploitation de la société en commandite et les frais d'intérêt des commanditaires et que ces sommes seraient ajoutées à un des billets.


[48]            Par conséquent, je suis convaincu qu'il existait effectivement une expectative raisonnable de profit pour ce qui est de Collegeway. Cette société a réalisé des profits au cours de ses premières années d'activités et aucun élément ne démontrait qu'elle ne serait pas rentable à l'avenir. J'estime, par conséquent, que l'appelant a fait la preuve prima facie qu'il existait une expectative raisonnable de profit et que le Ministre n'a pas démontré que sa présomption contraire était la bonne. Il me semble que la conclusion qui précède est conforme à l'approche adoptée par la Cour dans les arrêts Walls, précité et Milewski, précité.

[49]            La seule autre question est celle de savoir si les frais d'intérêt peuvent être déduits aux termes de l'alinéa 20(1)c) de la Loi d'après la jurisprudence : Bronfman Trust c. La Reine, [1987] 1 R.C.S. 32; Tennant c. La Reine, [1996] 1 R.C.S. 305; Shell Canada Ltd. c. La Reine, [1999] 3 R.C.S. 622. Je n'ai pas compris l'argument de l'intimé selon lequel les frais d'intérêt n'étaient pas déductibles parce qu'il existait une source de revenu d'une entreprise mais plutôt pour le motif que, d'après le critère de l'expectative raisonnable de profit, Collegeway n'exploitait pas une entreprise. J'ai conclu que Collegeway exploitait une entreprise et il en découle nécessairement, d'après moi, que les frais d'intérêt ont été déduits à juste titre aux termes de l'alinéa 20(1)c).


[50]            Je suis d'avis de faire droit à l'appel en partie, d'annuler le jugement de la Cour canadienne de l'impôt daté du 16 mars 1999 et de renvoyer l'affaire au Ministre pour qu'il établisse une nouvelle cotisation, en conformité avec les présents motifs, à l'égard du revenu de l'appelant pour les années l'imposition 1989, 1990 et 1991, pour ce qui est de sa part de Collegeway. Pour le reste, le jugement attaqué est confirmé. Les parties ayant chacune obtenu partiellement gain de cause, je n'adjugerai pas de dépens.

« A.J. Stone »

J.C.A.

« J'y souscris.

     John M. Evans, J.C.A »

« J'y souscris.

     Brian D. Malone, J.C.A. »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad a.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 A-213-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                     CARL CARDELLA

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          Toronto (Ontario)

DATES DE L'AUDIENCE :                                      les 18 et 19 janvier 2001

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                            le juge Stone

Y ONT SOUSCRIT :                                                  le juge Evans

le juge Malone

DATE DES MOTIFS :                                               le 26 février 2001

ONT COMPARU :

Sheldon Silver, c.r.                                                        pour l'appelant

David C. Nathanson, c.r.

D.D. Graham Reynolds, c.r.                                           pour l'intimée

Franco Calabrese

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McDonald & Hayden                                                    pour l'appelant

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                          pour l'intimée

Sous-procureur général du Canada



[1]            Transcription des débats, 11 et 12 janvier 1999, pages 70 et 71.

[2]            Ibid., page 60.

[3]            Allen and Milewski c. La Reine, 99 D.T.C. 968 (C.C.I.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.