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Date : 20040401

Dossier : A-597-02

Référence : 2004 CAF 148

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                         RAYNALD GRENIER, domicilié et résidant

                                                          au 930 chemin St-Louis,

                                                         Sillery (Québec) G1S 1C7

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                             

                                                                                                                                                intimée

                                     Audience tenue à Québec (Québec), le 30 mars 2004.

                                    Jugement rendu à (Québec) (Québec), le 1er avril 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                          LE JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                  LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON


Date : 20040401

Dossier : A-597-02

Référence : 2004 CAF 148

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                         RAYNALD GRENIER, domicilié et résidant

                                                          au 930 chemin St-Louis,

                                                         Sillery (Québec) G1S 1C7

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                             

                                                                                                                                                intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DESJARDINS


[1]                Le Dr. Raynald Grenier, l'appelant, exerce depuis 1975 la profession de dermatologue dans la région de Québec. Il est également devenu sylviculteur. Il a fait l'acquisition d'une première terre forestière en 1967. Au cours des trente années suivantes, il a acquis une soixantaine d'autres lots, devenant ainsi, dit-il, un des plus gros producteurs sylvicoles de la région de Québec. Il est inscrit comme producteur forestier auprès du ministère des Ressources naturelles. En 1989, il a gagné un prix comme « bâtisseur de forêts » dans la région de Québec.

[2]                L'appelant s'en prend à une décision de la Cour canadienne de l'impôt (Grenier c. Canada, [2002] A.C.I. no 650, Archambault C.C.I) qui a rejeté ses appels à l'égard de nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le ministre) pour les années d'imposition 1993 à 1996 inclusivement.

[3]                L'appelant soulève trois questions :

I.           Il allègue d'une part que le premier juge a erré en confirmant la décision du ministre selon laquelle sa principale source de revenus pour les années fiscales en cause n'était ni l'agriculture ni une combinaison de l'agriculture et d'une autre source et qu'en conséquence le montant de ses pertes agricoles déductibles était assujetti aux restrictions prévues au paragraphe 31(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) ch. 1 (5e suppl.) (la Loi ).

II.          Il allègue en second lieu que le premier juge a erré en permettant au ministre de réouvrir la cotisation qui avait été établie pour l'année d'imposition 1993 afin d'y inclure un montant non déclaré de 26 184 $. L'appelant prétend que le ministre était hors délai pour ce faire. Il nie qu'il ait fait une présentation erronée des faits par négligence ou inattention et que la nouvelle cotisation par le ministre ait été établie conformément au paragraphe 152(4) de la Loi.


III.        L'appelant soutient, en dernier lieu, que le paragraphe 31(1) de la Loi contrevient à ses droits garantis par l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte).

I.

[4]                Sur le premier point, l'appelant plaide qu'il appartient à la première des trois catégories d'agriculteurs, dont le juge Dickson fait référence dans l'affaire Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480, aux pages 487 et 488 de ses motifs, puisqu'il est, dit-il, un « contribuable qui peut raisonnablement s'attendre à tirer de l'agriculture la plus grande partie de son revenu ou à ce que ce soit le centre de son travail habituel » .

[5]                Je suis plutôt d'avis que l'appelant ne peut faire partie de cette catégorie et que le premier juge a correctement appliqué les critères élaborés dans l'affaire Moldowan pour déterminer si l'agriculture constitue une source principale de revenus pour le contribuable.

[6]                Le premier juge a mis en doute l'application en l'espèce des deux premiers critères de l'affaire Moldowan, soit le temps consacré aux activités agricoles et les capitaux investis, en notant, à plusieurs reprises, certaines carences au niveau de la preuve. Il en est surtout arrivé cependant à la conclusion que l'appelant n'avait pas rencontré le troisième critère, à savoir la rentabilité présente et future de l'entreprise.


[7]                En ce qui a trait à la rentabilité présente, la preuve démontre que de 1980 à 2000, l'entreprise forestière de l'appelant n'a cessé de produire des pertes sauf pour les années 1997, 1998 et 1999, où des faibles revenus ont été enregistrés. Ces faibles revenus se seraient transformés en perte si l'appelant avait déduit, comme il le faisait d'habitude, les taxes foncières qu'il a dû acquitter.

[8]                L'appelant a fait état d'une somme de 329 547 $ qu'il a retenue aux revenus d'exploitation durant la période 1980 à 2001, ainsi que d'une somme de plus de 4 millions de dollars qui représente la valeur économique de ses terres dont la croissance annuelle serait d'environ 200 000 $. C'est à bon droit que le premier juge a rejeté cette preuve puisque l'appelant entremêle, au chapitre des revenus, des éléments de capital et de plus-value non réalisée.

[9]                Quant à la rentabilité future de son entreprise, l'appelant n'a démontré aucun intérêt pour effectuer des coupes de bois. Sa seule stratégie a consisté à planter le plus grand nombre possible d'arbres de la façon la plus efficace possible en suivant les plans d'aménagement forestiers suggérés par les ingénieurs. Aucun élément objectif ne permettait au premier juge de conclure que l'appelant pouvait réaliser des profits importants, même au moment de sa retraite. D'ailleurs, de l'aveu même de l'appelant, celui-ci entend posséder une forêt ancestrale dont une partie pourrait être léguée à ses enfants.


[10]            C'est donc à bon droit que le premier juge a conclu que l'appelant ne pouvait être considéré comme un agriculteur de la première catégorie puisque son revenu pour les années d'imposition 1993 à 1996 ne provenait « principalement ni de l'agriculture ni d'une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source » , suivant le paragraphe 31(1) de la Loi.

II.

[11]            Quant à la deuxième question soulevée par l'appelant, j'estime que le premier juge n'a commis aucune erreur en décidant que le ministre pouvait établir une nouvelle cotisation pour l'année 1993, sous l'autorité du paragraphe 152(4) de la Loi.

[12]            L'appelant a plaidé qu'il avait fait une tenue de livre conforme à la directive IC78-10R3 de Revenu Canada et qu'il ne saurait être pénalisé pour une somme d'argent qu'il prétend ne pas avoir reçue parce que son salaire faisait l'objet d'un plafonnement durant les années pertinentes.

[13]            Le paragraphe 152(4) de la Loi permet au ministre d'établir une nouvelle cotisation après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation lorsque le contribuable « ... a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire... »


[14]            Le premier juge a conclu à une négligence de la part de l'appelant parce que celui-ci n'a pas vérifié le montant total de ses honoraires gagnés auprès de la Régie de l'assurance-maladie du Québec (RAMQ). L'appelant s'est appuyé uniquement sur ses relevés, dont deux étaient manquants. Quoiqu'il en soit, une simple « inattention » de la part du contribuable (voir paragraphe 152(4) de la Loi) autorise le ministre à intervenir. Le fait pour l'appelant de ne pas avoir comparé les relevés reçus de la RAMQ avec ses dépôts bancaires constituait pour le moins un geste d'inattention.

[15]            Le plafonnement de sa rémunération ne constitue pas une excuse valable en l'espèce puisqu'une lettre de l'Association des dermatologues du Québec en date du 26 octobre 1996, que l'appelant a tenté de mettre en preuve devant nous (elle n'était pas en preuve devant le premier juge) traite de l'année de pratique professionnelle 1994-1995 alors que seule l'année fiscale 1993 fait l'objet d'un débat devant nous. Au surplus, la réception du montant de 26 184 $ pour l'année fiscale 1993 a fait l'objet d'une admission par le procureur de l'appelant devant la Cour canadienne de l'impôt (voir transcription, dossier d'appel, cahier C-1, pp. 5 et 6).

[16]            La premier juge était donc justifié de conclure que le ministre pouvait en l'espèce émettre une nouvelle cotisation malgré l'expiration du délai normal pour ce faire.

III.

[17]            L'appelant soumet en troisième lieu que par suite de l'application du paragraphe 31(1) de la Loi et contrairement à l'article 15 de la Charte, il fait l'objet de discrimination du fait qu'il détient deux sources de revenus.


[18]            La Cour a autorisé l'appelant à déposer en preuve les avis qu'il a fait signifier au Procureur général du Canada et à ceux des provinces selon l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale. La question constitutionnelle n'a cependant pas été soulevée devant le premier juge. Il y a donc une absence totale de preuve sur le sujet, dans l'hypothèse où l'article 15 de la Charte s'appliquerait, ce sur quoi je ne me prononce pas.

[19]            Je rejetterais l'appel avec dépens.

[20]            J'ajoute que, tout comme le premier juge, j'apprécie les initiatives et les réalisations de l'appelant dans un domaine aussi important que celui de la plantation des arbres. Je reconnais que l'article 31 de la Loi n'est pas à l'abri de toutes critiques quant à sa portée et ses conséquences (voir à ce sujet Watt c. Canada, [2001] A.C.F. no. 517, par. 15). Je suis cependant liée par sa teneur et l'interprétation qu'en a fait la Cour suprême du Canada.

                « Alice Desjardins »               

                                                  j.c.a.        

« Je suis d'accord.

Gilles Létourneau j.c.a. »

« Je suis d'accord.

Marc Nadon j.c.a. »


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                                                                           

DOSSIER :                                              A-597-02

INTITULÉ :                                             RAYNALD GRENIER c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                       QUÉBEC (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                     30 MARS 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                  LE JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :                               LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                 LE JUGE NADON

DATE DES MOTIFS :                            01 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

M. Raynald Grenier                                                                   POUR LUI-MÊME

Me Michel Lamarre                                                                   POUR L'INTIMÉE

         

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                                                                                          

Ministère de la justice Canada                                                    POUR L'INTIMÉE

Montréal (Québec)


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