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Date : 20010221

A-320-00

Référence neutre : 2001 CAF 30

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

LE JUGE MALONE

E n t r e :

NAV CANADA

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

FRATERNITÉ INTERNATIONALE DES OUVRIERS EN ÉLECTRICITÉ, SECTION LOCALE 2228

                                                                                                                                      défenderesse

Audience tenue à Ottawa (Ontario) le mercredi 21 février 2001.

Jugement prononcé à l'audience à Ottawa (Ontario) le mercredi 21 février 2001.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                            LE JUGE SEXTON


Date : 20010221

A-320-00

Référence neutre : 2001 CAF 30

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

LE JUGE MALONE

E n t r e :

NAV CANADA

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

FRATERNITÉ INTERNATIONALE DES OUVRIERS EN ÉLECTRICITÉ, SECTION LOCALE 2228

                                                                                                                                      défenderesse

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

                           (prononcés à l'audience à Ottawa le mercredi 21 février 2001)

LE JUGE SEXTON

Introduction


[1]                La Cour est saisie d'une demande présentée par un employeur (NAV Canada) en vue d'obtenir le contrôle judiciaire d'une décision du Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil). Le Conseil a tranché l'affaire sans tenir d'audience. Il a jugé que certains postes contestés devaient être inclus dans l'unité de négociation. L'employeur soutient que le défaut de la Commission de tenir une audience constitue un manquement aux principes de justice naturelle et demande par conséquent à la Cour d'annuler la décision.

Les faits

[2]                À l'occasion d'une restructuration d'entreprise, l'employeur, NAV Canada (NAV), a créé deux nouveaux postes, celui de responsable de la gestion du trafic aérien (GTA) et celui de responsable des communications, des aides à la navigation et de la surveillance (CNS). NAV cherchait à faire exclure ces postes de l'unité de négociation au motif qu'il s'agissait de postes de direction et, par conséquent, qu'il ne s'agissait pas d'employés au sens de l'article 3 duCode canadien du travail (le Code).

[3]                Le 20 octobre 1999, la Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228 (la Fraternité), a demandé au Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) de décider en vertu de l'article 18 et du sous-alinéa 16p)(ii) du Code que les employés de NAV qui occupaient des postes de GTA et de CNS n'occupaient pas un poste de direction et qu'ils faisaient en conséquence partie de l'unité de négociation pour laquelle la Fraternité était l'agent négociateur accrédité. Le 12 novembre 1999, la Fraternité a envoyé à NAV une lettre en réponse à la demande de la Fraternité. Cette lettre précisait les droits que possédait NAV de répondre à la demande de la Fraternité. La lettre contenait également un paragraphe intitulé « audiences » , dont voici le texte :


[TRADUCTION]

Aux termes de 19 du Règlement du Conseil, tout intervenant qui souhaite que le Conseil tienne une audience dans le cadre de la procédure lui présente par écrit une demande motivée.

[4]                NAV a déposé sa réponse le 6 décembre 1999. Cette réponse était constituée de quatre pages d'éléments de preuve et d'arguments et de huit pages de pièces déposées à l'appui de sa thèse. Dans sa réponse, la demanderesse n'a pas revendiqué le droit de présenter de nouveaux éléments de preuve ou d'obtenir la tenue d'une audience.

[5]                Le 13 mars 2000, l'agent supérieur des relations de travail Henry J. Zwirek a fait parvenir son rapport aux avocats des deux parties. Dans son rapport, il résumait la preuve et énumérait les éléments de preuve documentaire qui avaient été déposés.

[6]                Le 5 avril 2000, le Conseil a publié la décision en litige dans laquelle il a fait droit à la demande de la Fraternité et a jugé que les gestionnaires GTA/CNS devaient être inclus dans l'unité de négociation de la Fraternité.

Dispositions législatives et réglementaires pertinentes

Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-1 :

16.1 Le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d'audience. 1998, ch. 26. art. 6.

Règlement de 1992 du Conseil canadien des relations industrielles (DORS/78-499, 1978, Gazette du Canada, partie II, à la page 2759) (le Règlement) :


11.(1) Sauf disposition contraire du présent règlement, toute partie à une demande qui présente une réponse le fait par écrit en y fournissant les renseignements suivants :

a) ses nom, adresse et numéro de téléphone;

b) le numéro de référence que le Conseil a attribué à la demande;

c) la dénégation ou la confirmation de chacune des allégations contenues dans la demande;

d) un exposé détaillé des faits et des motifs à l'appui de la réponse;

e) la position de la partie relativement à l'ordonnance ou à la décision faisant l'objet de la demande;

f) lorsque l'auteur de la réponse souhaite présenter de vive voix des arguments ou des éléments de preuve, une demande d'audience.

(2) La réponse visée au paragraphe (1) et tous les documents pertinents sont déposés auprès du Conseil.

                                                                                                                                         19.(1) Toute partie ou tout intervenant qui souhaite que le Conseil tienne une audience dans le cadre de la procédure lui présente par écrit une demande motivée.

(2) Sauf disposition contraire de la Loi, le Conseil peut, même s'il a reçu une demande d'audience, commencer ses travaux et statuer sur l'affaire sans tenir d'audience.

[7]                La demanderesse affirme que le Conseil a outrepassé sa compétence et n'a pas observé les principes de justice naturelle et d'équité procédurale en rendant une décision sur le fond sans avoir donné à la demanderesse l'occasion de présenter sa preuve. Elle soutient également que les éléments qui ont été soumis n'étaient pas des éléments de preuve mais uniquement des allégations et que le Conseil ne pouvait se fonder sur elles pour rendre sa décision.


[8]                Malgré la lettre qu'elle a reçue et qui l'informait de son droit de demander une audience, la demanderesse, qui est représentée par des avocats expérimentés, n'a pas, dans sa réponse, demandé la tenue d'une audience. Elle n'a pas non plus demandé qu'on lui donne l'occasion de présenter d'autres éléments de preuve. Dans son rapport, l'agent principal des relations de travail a également précisé ce qui suit :

[TRADUCTION]

Si, près avoir examiné le rapport, une partie estime que son poste n'est pas représenté adéquatement ou que le rapport contient des erreurs ou des omissions, elle doit en aviser le soussigné sans délai par téléphone [...]

Malgré cette invitation, la demanderesse n'a toujours pas demandé d'audience et n'a pas tenté de présenter d'autres éléments de preuve.

[9]                Comme elle ne s'est pas prévalue de l'alinéa 11(1)f) et du paragraphe 19(1) du Règlement, la demanderesse ne peut pas maintenant se plaindre légitimement de l'absence d'audience. La demanderesse a eu amplement l'occasion de présenter sa preuve et ses arguments et de demander la tenue d'une audience. Or, elle n'a pas demandé d'audience et n'a pas demandé qu'on lui accorde la possibilité de présenter d'autres éléments de preuve et d'autres arguments. Le principe audi alteram partem n'exige pas la tenue d'une audience (Québec (Commission des relations de travail c. Canadian Ingersoll Rand Co., [1968] R.C.S. 695).

[10]            De plus, le paragraphe 16(1) du Code canadien du travail et le paragraphe 19(2) du Règlement prévoient que le Conseil peut statuer sur toute affaire dont il est saisi sans tenir d'audience. Ainsi, même si la demanderesse avait demandé une audience, il était loisible au Conseil de statuer sur l'affaire sans lui accorder d'audience.


[11]            Il ressort de l'économie de la Loi et du Règlement que le Conseil se prononce en fonction des pièces versées au dossier, à moins qu'il ne décide de tenir une audience ou qu'il demande expressément des éléments de preuve complémentaires. Aucun précédent n'a été cité à la Cour pour appuyer la proposition que le Conseil ne peut pas agir ainsi ou que, pour considérer les pièces versées au dossier comme des éléments de preuve, le Conseil doit aviser les parties de son intention.

[12]            La demanderesse soutient que les employés qui seraient touchés par cette décision se sont vus nier leur droit à la justice naturelle en raison de l'absence d'audience. Toutefois, les demandes relatives à la portée d'une unité de négociation n'exigent pas que les employés soient avisés (voir la décision Union of Bank Employee (Ontario), Local 2104, Canadian Labour Congress, certified bargaining agent, and CIBC, employer (1986) 65 di 1; décision no 564 du CCRT, dossier no 675-18 du Conseil).

[13]            En tout état de cause, la demanderesse n'a invoqué aucun précédent qui lui permettrait de formuler des revendications au nom des employés qui seraient touchés et les employés eux-mêmes ne sont pas parties à la présente demande.

[14]            Il semble que la demanderesse se soit contentée de s'en remettre aux observations qu'elle avait formulées dans sa réponse. Il est maintenant trop tard pour agir, eu égard à la décision du Conseil sur les plaintes au sujet de l'absence d'audience.


[15]            Sur le fond, la demanderesse affirme que, comme les postes en cause supposent la participation des employés aux négociations collectives au nom de l'employeur, il était manifestement déraisonnable de la part du Conseil de ne pas exclure ces employés de l'unité de négociation. Le Conseil a statué sur cette question en établissant une distinction entre les recommandations formulées par les employés au sujet des négociations collectives et l'aide fournie en réponse aux griefs et aux refus, d'une part, et les décisions, qui ne sont pas prises par les employés, d'autre part. Ce sont là des questions qui relèvent parfaitement de la compétence spécialisée du Conseil et nous ne sommes pas disposés à affirmer que la décision du Conseil était manifestement déraisonnable à ce chapitre.

[16]            La demanderesse soutient également que le Conseil a fait preuve d'iniquité en concluant que les éléments que la demanderesse lui avait soumis n'étaient pas clairs sans donner à la demanderesse l'occasion de clarifier sa preuve. Nous ne croyons pas que le Conseil était assujetti à une telle obligation.

[17]            L'appel sera par conséquent rejeté avec dépens.

                                                                               « J. Edgar Sexton »                  

                                                                                                  J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL. L., Trad. a.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                               A-320-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :             NAV CANADA. c. FRATERNITÉ INTERNATIONALE DES OUVRIERS EN ÉLECTRICITÉ, SECTION LOCALE 228

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 21 février 2001

MOTIFS DU JUGEMENT prononcés à l'audience par le juge Sexton le 21 février 2001

ONT COMPARU :

Me Robert Monette                                                       pour la demanderesse

Me James L. Shields                                                      pour la défenderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

OGILVY RENAULT                                                    pour la demanderesse

Montréal (Québec)

SHILEDS & HUNT                                                      pour la défenderesse

Ottawa (Ontario)

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