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     Date : 19980210

     Dossier : A-461-96

     (T-1022-95)

CORAM :      LE JUGE MARCEAU

         LE JUGE DÉCARY
         LE JUGE LÉTOURNEAU

ENTRE :

     COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,

     appelante

     (intervenante),

     - et -

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé

     (requérant).

Audience tenue à Ottawa (Ontario) le mardi 10 février 1998.

Jugement rendu à l'audience le mardi 10 février 1998.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :      LE JUGE MARCEAU

     Date : 19980210

     Dossier : A-461-96

     (T-1022-95)

CORAM :      LE JUGE MARCEAU

         LE JUGE DÉCARY
         LE JUGE LÉTOURNEAU

ENTRE :

     COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,

     appelante

     (intervenante),

     - et -

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé

     (requérant).

     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

     (Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario)

     le mardi 10 février 1998)

LE JUGE MARCEAU, J.C.A.

[1]      Nous sommes tous d'avis que le juge des requêtes de la Section de première instance ne pouvait pas faire autrement que d'accueillir la demande de contrôle judiciaire du procureur général et de rendre l'ordonnance frappée d'appel. Selon nous, il n'y a pas de doute que madame le juge McGillis a conclu à bon droit que la Commission canadienne des droits de la personne n'avait pas compétence pour examiner les six plaintes dirigées contre le ministère des Transports, pour mener une enquête à ce sujet et pour renvoyer les plaintes à un tribunal.

[2]      Ces plaintes ont été faites par des personnes à qui les Chemins de fer nationaux du Canada ou le Canadien Pacifique Limitée ont refusé un emploi comme garde-freins/agent de triage et agent de train en raison de leur incapacité à satisfaire aux normes d'acuité visuelle prévues dans le Règlement sur l'examen de la vue et de l'ouïe des employés de chemin de fer1, connu sous le nom d'Ordonnance générale no O-9. Ces personnes ont combiné leurs plaintes contre les compagnies de chemin de fer, qui sont fondées sur les articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne2, avec six plaintes similaires dirigées contre le Ministère. Il est allégué dans ces six plaintes que le Ministère a, par des moyens indirects, refusé d'employer ces personnes, ce qu'interdit l'article 7 de la Loi, ou a appliqué des lignes de conduite discriminatoires en matière d'emploi au sens de l'article 10 de la Loi.

[3]      L'appel repose fondamentalement sur la prétention que le juge des requêtes a eu tort d'interpréter les articles 7 et 10 de la Loi comme étant limité aux relations entre un employeur réel ou éventuel et un employé réel ou éventuel, donnant ainsi plein effet au fait que le Ministère n'était de toute évidence pas l'employeur réel ou éventuel de ces personnes. De plus, il est affirmé que l'article 7 en particulier parle non seulement de moyens directs, mais de moyens indirects, et que cette Cour a été appelée à mettre en oeuvre cet élargissement législatif dans deux arrêts, soit les arrêts Fontaine3 et Rosin4. Nul ne conteste que ces décisions appuient uniquement la proposition que non seulement l'employeur légal mais aussi l'" utilisateur " des services de l'employé pourraient être visés, et que le Ministère en l'espèce n'est aucunement un " utilisateur " réel ou éventuel des services des plaignants. Toutefois, il est affirmé que ce concept devrait être élargi davantage, et les éléments invoqués à l'appui sont les suivants : a) le rôle joué par le Ministère dans l'adoption et la mise en oeuvre du Règlement, qui constitue la cause de la discrimination; b) le statut quasi constitutionnel des dispositions législatives sur les droits de la personne qui fait en sorte que ces dispositions doivent recevoir une interprétation fondée sur l'objet visé; c) les nombreuses situations, de nos jours, où des contrats de travail ne visent pas strictement des employeurs et des employés; et, enfin, d) l'importance de garantir une réparation qui, comme le souhaite clairement le législateur, trouvera la cause de la discrimination et la supprimera.

[4]      Il serait inutile d'analyser chacun de ces facteurs pour éviter d'étendre indûment leur portée et leur effet véritables. En effet, si impérieux qu'ils puissent paraître lorsqu'ils sont bien exposés comme ils l'ont été aujourd'hui, ces facteurs ne permettaient tout simplement pas, selon nous, à la Commission de remanier la Loi canadienne sur les droits de la personne et ne permettent pas maintenant à des cours de justice de le faire. Tels qu'ils sont actuellement libellés, les articles 7 et 10 de la Loi ne pourraient pas résister à une interprétation assez large pour englober le Ministère, qui n'est pas responsable, en définitive, de l'existence du Règlement et n'est pas habilité à définir son effet juridique. Il va sans dire qu'un ministère ne peut pas être tenu responsable envers la Commission d'une disposition discutable d'un règlement pour la seule raison que le législateur le charge d'appliquer la loi en vertu de laquelle ce règlement a été valablement pris par le gouverneur en conseil.

[5]      Il se peut qu'il soit tout à fait approprié de contester la validité du Règlement en l'espèce en s'appuyant sur les principes et les idéaux qui sous-tendent les droits de la personne, mais sauf une intervention directe par laquelle des modifications seraient proposées en vertu de l'alinéa 27(1)g)5 de la Loi, seule une cour de justice pourrait être invitée à déclarer ce règlement inconstitutionnel.

[6]      Nous devons donc rejeter l'appel.

                                 " Louis Marceau "

                                         J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     Date : 19980210

     Dossier : A-461-96

     (T-1022-95)

ENTRE :

     COMMISSION CANADIENNE DES DROITS

     DE LA PERSONNE,

     appelante

     (intervenante),

     - et -

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé

     (requérant).

     MOTIFS DU JUGEMENT

     DE LA COUR

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                          A-461-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Commission canadienne des droits de la personne c. Procureur général du Canada
LIEU DE L'AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 10 février 1998

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE MARCEAU, J.C.A.

EN DATE DU :                      10 février 1998

ONT COMPARU :

William Pentney                  pour l'appelante

J. Sanderson Graham                  pour l'intimé

Darrell S. Kloeze

Catherine P. Coulter              pour l'intervenante

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Commission canadienne des droits      pour l'appelante

de la personne

Ottawa (Ontario)

George Thomson

Sous-procureur général du Canada      pour l'intimé

Ottawa (Ontario)

Fraser Beatty                      pour l'intervenante

Avocats

Ottawa (Ontario)

__________________

     1      C.R.C. 1978, ch. 1173.

     2      Ces dispositions sont ainsi libellées :
             7.      Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :              a)      de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu;              b)      de le défavoriser en cours d'emploi.
             10.      Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite et s'il est susceptible d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'un individu ou d'une catégorie d'individus, le fait, pour l'employeur, l'association patronale ou l'organisation syndicale :              a)      de fixer ou d'appliquer des lignes de conduite;              b)      de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l'engagement, les promotions, la formation, l'apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d'un emploi présent ou éventuel.

     3      Canadien Pacifique Ltée c. Canada (Commission des droits de la personne) et Fontaine (1992), 16 C.H.R.R. D/470 (C.A.F.).

     4      Canada (Procureur général) c. Rosin (1990), 16 C.H.R.R. D/441 (C.A.F.).

     5      Qui dispose :
             27.      (1) Outre les fonctions prévues par la partie III au titre des plaintes fondées sur des actes discriminatoires et l'application générale de la présente partie et des parties I et III, la Commission :              [...]              g) peut examiner les règlements, règles, décrets, arrêtés et autres textes établis en vertu d'une loi fédérale, ainsi que les mentionner et les commenter dans le rapport visé à l'article 61 dans les cas où elle les juge incompatibles avec le principe énoncé à l'article 2; [...]

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