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Date : 19971126


Dossier : A-896-96

     OTTAWA (ONTARIO), LE MERCREDI 26 NOVEMBRE 1997

CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE McDONALD

ENTRE

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     appelante,

ET

     CANADA SAFEWAY LIMITED,

     intimée.

     JUGEMENT

     Les appels sont rejetés avec dépens.

     " A.M. Linden "

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Yvan Tardif, LL.L.


Date : 19971126


Dossier : A-896-96

CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE McDONALD

ENTRE

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     appelante,

ET

     CANADA SAFEWAY LIMITED,

     intimée.

     Audience tenue à Ottawa (Ontario), le jeudi 13 novembre 1997

     Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le mercredi 26 novembre 1997

MOTIFS DU JUGEMENT :      LE JUGE LÉTOURNEAU, J.C.A.

Y ONT SOUSCRIT :      LE JUGE LINDEN, J.C.A.

     LE JUGE McDONALD, J.C.A.


Date : 19971126


Dossier : A-896-96

CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE McDONALD

ENTRE

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     appelante,

ET

     CANADA SAFEWAY LIMITED,

     intimée.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]      Il s"agit d"un appel formé contre une décision rendue par le juge Bell de la Cour canadienne de l"impôt le 25 octobre 1996 pour trancher une question de droit en vertu de l"article 58 des Règles de la Cour canadienne de l"impôt. Le juge a statué que la remise de la taxe de vente fédérale (TVF) en vertu de la Loi sur la taxe d"accise1 ne devait pas être incluse dans le revenu du contribuable pour l"année de sa réception.

[2]      Le juge est arrivé à cette conclusion après avoir examiné le sens du terme " remboursement " (" reimbursement ") au sous-alinéa (iv) de l"alinéa 12(1)x ) de la Loi de l"impôt sur le revenu (la Loi) et avoir décidé que la remise par l"appelante à l"intimée de la taxe de vente fédérale payée par erreur ne constitue pas un remboursement au sens de cet article. Il a également conclu que la remise réduit, aux fins de la Loi, la dépense déjà réclamée et est donc exclue dans le calcul du revenu de l"intimée en vertu du sous-alinéa 12(1)x )(vi). Par souci de commodité, je reproduis dans les deux langues officielles les dispositions pertinentes de la Loi :


12.(1) Amounts to be included from business or property. - There shall be included in computing the income of a taxpayer for a taxation year as income from a business or property such of the following amounts as are applicable:


ARTICLE 12: Sommes à inclure comme revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien.

     (1) Sont à inclure dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien, au cours d'une année d'imposition, les sommes appropriées suivantes:

(x) payments as inducement or as reimbursement etc. - any amount (other than a prescribed amount) received by the taxpayer in the year, in the course of earning income from a business or property, from

x) Paiements incitatifs et autres - un montant (à l'exclusion d'un montant prescrit) reçu par le contribuable dans l'année, en tirant un revenu d'une entreprise ou d'un bien,


     (i) a person who pays the amount (in this paragraph referred to as "the payor") in the course of earning income from a business or property or in order to achieve a benefit or advantage for himself or for persons with whom he does not deal at arm's length, or
     (i) d'une personne qui paie le montant - appelé "débiteur" au présent alinéa - en tirant un revenu d'une entreprise ou d'un bien ou en vue d'obtenir un avantage pour lui-même ou pour des personnes avec qui il a un lien de dépendance, ou

     (ii) a government, municipality or other public authority
     (ii) d'un gouvernement, d'une municipalité ou d'un autre organisme public,

where the amount can reasonably be considered to have been received

s'il est raisonnable de considérer le montant comme reçu:


     (iii) as an inducement, whether as a grant, subsidy, forgivable loan, deduction from tax, allowance or any other form of inducement, or
     (iii) à titre de paiement incitatif, sous forme de prime, subvention, prêt à remboursement conditionnel, déduction de l'impôt, indemnité ou sous toute autre forme, ou

     (iv) as a reimbursement, contribution, allowance or as assistance, whether as a grant, subsidy, forgivable loan, deduction from tax, allowance or any other form of assistance, in respect of the cost of property or in respect of an outlay or expense
     (iv) à titre de remboursement, contribution ou indemnité ou à titre d'aide, sous forme de prime, subvention, prêt à remboursement conditionnel, déduction de l'impôt, indemnité ou sous toute autre forme, à l'égard du coût d'un bien ou à l'égard d'un débours ou d'une dépense,

to the extent that the amount

dans la mesure où:


     (v) was not otherwise included in computing the taxpayer's income, or deducted in computing, for the purposes of this Act, any balance of undeducted outlays, expenses or other amounts, for the year or a preceding taxation year,
     (v) le montant n'est pas déjà inclus dans le calcul du revenu du contribuable ou déduit dans le calcul, pour l'application de la présente loi, d'un solde de débours, dépenses ou autres montants non déduits, pour l'année ou pour une année d'imposition antérieure,

     (vi) except as provided by subsection 127(11.1), does not reduce, for the purposes of this Act, the cost or capital cost of the property or the amount of the outlay or expense, as the case may be,
     (vi) sous réserve du paragraphe 127(11.1), il ne réduit pas, pour l'application de la présente loi, le coût ou coût en capital du bien ou le montant du débours ou de la dépense,

[3]      Je ne peux m"empêcher d"ajouter que l"article 12, comme la plupart des dispositions de cette Loi, n"est pas un modèle de clarté.

[4]      Enfin, le juge a suivi l"arrêt rendu par notre Cour dans l"affaire Sa Majesté la Reine c. Johnson & Johnson Inc.1 pour en venir à la conclusion que le montant de 2 794 438 $ en cause ne devait pas être inclus dans le revenu de l"intimée pour son année d"imposition 1994.

[5]      Ce sont ces trois conclusions du juge que l"appelante conteste dans l"appel dont nous sommes saisis.

[6]      Avant d"analyser la décision du juge et les arguments des parties, il y a lieu de résumer brièvement les faits pour une meilleure compréhension de la question de droit qui est en jeu. Je m"empresse d"ajouter que ces faits ne sont pas contestés.

Les faits

[7]      L"intimée est le résultat de la fusion d"un certain nombre de sociétés. Entre le 1er décembre 1985 et le 31 décembre 1989, ces compagnies ont versé la somme de 2 794 438 $ à la Couronne (" l"appelante ") au titre de la TVF en vertu de la Loi. Les sociétés remplacées ont déduit la TVF versée à titre de dépense dans le calcul de leur revenu imposable soit au cours de l"année d"imposition où la taxe à payer s"est accumulée soit au cours de l"année d"imposition où les montants ont été versés.

[8]      Les sociétés remplacées ont demandé la remise de certains montants versés à titre de TVF jusqu"au 2 janvier 1988 pour le motif que ces montants avaient été versés par erreur. Le ministre du Revenu national (" le ministre ") a décidé que les sociétés remplacées n"avaient pas droit à une remise et elles se sont opposées à cette décision. De plus, le ministre a imposé les sociétés remplacées relativement à la TVF à cause de certaines opérations survenues entre le 1er décembre 1985 et le 31 décembre 1989. Les sociétés se sont opposées à ces cotisations fiscales. Le ministre a examiné ces oppositions et jugé que le montant de 2 794 438 $ avait été versé par erreur par ces sociétés.

[9]      Dans l"année d"imposition se terminant le 1er janvier 1994, le ministre a rendu à l"intimée le principal de 2 794 438 $ à titre de remise des montants versés par erreur par les sociétés remplacées pour la période allant du 1er décembre 1985 au 31 décembre 1989.

[10]      L"intimée a déclaré le principal de cette remise à titre de revenu dans ses états financiers pour la période se terminant le 1er janvier 1994. Elle a désigné le montant total reçu relativement à ses demandes de remise de TVF comme " autre revenu " dans son grand livre pour l"exercice durant lequel les montants ont été reçus. L"intimée a ensuite déduit le principal de la remise de 2 794 438 $ à titre d"" autre revenu se rapportant à des années antérieures " dans le calcul de son revenu aux fins de la Loi pour son année d"imposition se terminant le 1er janvier 1994.

[11]      Le ministre a établi le montant de la perte de l"intimée pour son année d"imposition se terminant le 1er janvier 1994 et a inclus dans le calcul du revenu de l"intimée le principal de la remise de la TVF que l"intimée a reçu durant cette année d"imposition.

Le sens du mot reimbursement (remboursement)

[12]      Il ne fait pas de doute que le mot " reimbursement " a un sens large et que, dans le langage ordinaire, le terme est assez général pour comprendre le mot " refund ". Les dictionnaires tant français qu"anglais donnent à ce terme un premier sens associé à l"indemnisation au moyen du paiement à quelqu"un d"une dépense engagée ou d"une perte subie ainsi qu"un deuxième ou troisième sens de simple paiement ou remise. Inversement, le mot " refund " a le sens premier de restitution ou remise d"une somme d"argent reçue ou prise et un deuxième sens de remboursement1.

[13]      Toutefois, je suis d"accord avec le juge de la Cour de l"impôt pour dire que le terme " reimbursement " doit s"interpréter selon le contexte dans lequel il est utilisé et à partir duquel il peut acquérir une précision plus grande et appropriée.

[14]      Il appert de la décision rendue par le juge Denault dans l"affaire Westcoast Energy Inc. c. Sa Majesté la Reine1 que le terme ainsi qu"il est utilisé au sous-alinéa 12(1)x )(iv) est limité par le contexte de cette disposition. Dans cette affaire, la Cour a conclu qu"il ne comprend par l"indemnité reçue par le contribuable pour les dommages ou la perte qu"il avait subis. Cette affaire vient préciser que, contrairement à ce que soutient l"appelante, ce n"est pas tout paiement ou remise qui peut être et sera considéré comme un remboursement au sens du sous-alinéa 12(1)x )(iv).

[15]      En outre, le juge Denault a examiné les débats parlementaires qui ont entouré l"adoption de cette disposition, des exemples de remboursement dans différents rapports juridiques ainsi que la situation que la disposition visait à corriger :

                      Des exemples du mot " remboursement " dans différents rapports juridiques ont été cités. Il y a tout d"abord le cas du paiement obligatoire. Cette situation se présente lorsqu"une personne a été forcée par la loi de payer une somme d"argent dont la charge définitive incombe à une autre personne. La personne qui a payé peut demander d"être remboursée par cette dernière personne. Deuxièmement, il y a le cas de la personne qui effectue des réparations ou des améliorations sur un bien qu"elle croit être le sien. Elle peut réclamer un remboursement du propriétaire du bien. Troisièmement, il y a la situation dans laquelle une personne, par exemple une caution, acquitte plus que sa cote-part d"une dette. Elle peut intenter une action en remboursement contre les autres cautions. Finalement en droit du mandat, le mandant est tenu de rembourser son mandataire des dépenses raisonnables qu"il a engagées en cas d"urgence, même si le mandataire a excédé le mandat qui lui avait été effectivement confié.                 
                      Sur le fondement de l"analyse qui précède, j"estime que ces exemples reflètent fidèlement la signification de ce mot et le sens que le législateur voulait lui donner en adoptant l"alinéa 12(1)x ). Le débat sur le budget faisait allusion à des situations analogues, comme par exemple celles des améliorations locatives dans la relation entre le locataire et le propriétaire. De plus, comme je l"ai déjà signalé, la modification visait à embrasser une situation comme celle qui existait dans l"arrêt Consumers' Gas , dans laquelle le contribuable avait effectué une amélioration sur son bien à la demande de tiers et avait par la suite été remboursé de sa dépense. Il convient également de souligner que, dans l"affaire Consumers' Gas , le contribuable déplaçait fréquemment des pipelines et qu"il demandait toujours d"être remboursé par la personne qui demandait ce déplacement jusqu"à concurrence du montant maximal permis par la loi.1                 

Il a conclu que, " dans tous les exemples cités du mot " reimbursement ", il existe un échange d"avantages entre les parties respectives "1.

[16]      Par la suite, notre Cour a confirmé la décision du juge Denault dans les termes suivants :

                      Nous sommes d"accord avec l"interprétation qu"a donnée le juge de première instance au mot " remboursement " figurant au paragraphe 12(1)x )(iv) de la Loi de l"impôt sur le revenu1.                 

[17]      Dans le cas de la remise de sommes versées par erreur, il n"existe pas, à mon avis, d"échange d"avantages entre les parties respectives : l"argent est simplement remis au payeur. De plus, bien que la notion de " reimbursement " implique généralement l"intervention d"un tiers, celle de " refund " implique la simple remise d"argent entre deux parties.

[18]      La Loi sur la taxe d"accise et la Loi de l"impôt sur le revenu, bien qu"elles ne soient pas concluantes, sont néanmoins instructives en ce qui concerne la différence entre les mots " refund " et " reimbursement ". L"article 68 de la Loi sur la taxe d"accise, qui traite du paiement de sommes d"argent fait par erreur et qui donne au payeur le droit de demander la remise de ces sommes, se trouve dans une partie de cette Loi qui est intitulée : Déductions, remises et drawbacks. Cette partie contient un certain nombre d"articles qui renvoient aux remises ou aux sommes d"argent remises. On ne conteste pas en l"espèce que les sommes reçues par l"intimée étaient des remises de TVF et, par conséquent, une simple restitution des sommes qu"elle avait payées par erreur. Le texte de cette Loi renvoie environ 76 fois au mot " refund " mais seulement deux fois au mot " reimbursement " et ils s"excluent mutuellement. Les articles 175 et 178 utilisent clairement le mot " reimbursement " dans un contexte qui implique un échange d"avantages entre les parties respectives et l"intervention d"un tiers :

                 [Remboursement aux salariés, associés ou bénévoles]                 
                 175. Pour l"application de la présente partie, la personne qui rembourse un montant à l"un de ses salariés, à l"un de ses associés, si elle est une société de personnes, ou à l"un de ses bénévoles, si elle est un organisme de bienfaisance, au titre d"un bien ou d"un service acquis ou importé par le salarié, l"associé ou le bénévole pour consommation ou utilisation dans le cadre des activités de la personne, est réputée :                 
                 a) avoir reçu la fourniture taxable du bien ou du service;                 
                 b) avoir ainsi acquis le bien ou le service pour utilisation dans le cadre de ses activités commerciales dans la même mesure que celle dans laquelle le bien ou le service a été acquis ou importé par le salarié, l"associé ou le bénévole pour consommation ou utilisation dans le cadre des activités commerciales de la personne;                 
                 c) avoir payé, au moment où le montant est remboursé et relativement à la fourniture, une taxe égale au montant éventuel inclus dans le montant remboursé, au titre de la taxe payée ou payable par le salarié, l"associé ou le bénévole relativement à l"acquisition ou à l"importation du bien ou du service par ceux-ci. 1990, ch. 45, art. 12; 1994, ch. 9, art. 9.                 
                 [Frais engagés dans une fourniture de service]                 
                 178. Pour l"application de la présente partie, la somme que l"acquéreur d"un service rembourse au fournisseur pour les frais que celui-ci a engagés lors de la fourniture, sauf dans la mesure où il engage ces frais à titre de mandataire de l"acquéreur, est réputée faire partie de la contrepartie de la fourniture. 1990, ch. 45, art. 12.                 

[Je souligne.]

[19]      De même, le sous-alinéa 164(1)a)(ii) de la Loi de l"impôt sur le revenu traite des paiements d"impôt sur le revenu faits en trop par un contribuable. La note en marge de l"article est intitulée en anglais " Refunds " et l"article est également intitulé en partie " Refunds " (les deux mots ont été malencontreusement traduits en français par " remboursements ", ajoutant ainsi à la confusion). Le ministre est tenu d"effectuer la remise avec diligence. Le sous-alinéa est libellé ainsi :

                      Remboursements                 
                 ARTICLE 164 : Remboursement.                 
                      (1) Si la déclaration de revenu d"un contribuable pour une année d"imposition est produite dans les trois ans suivant la fin de l"année, le ministre :                 
                 a) peut :                 
                      (ii) d"autre part, lors de la mise à la poste de l"avis de cotisation pour l"année ou par la suite, rembourser, sans que demande en soit faite, tout paiement en trop pour l"année, dans la mesure où ce paiement n"est pas remboursé en application du sous-alinéa (i);                 
                 b) doit effectuer le remboursement visé au sous-alinéa a)(ii) avec diligence après avoir posté l"avis de cotisation, si le contribuable en fait la demande par écrit dans la période, déterminée selon l"alinéa 152(4)b ) ou (c), au cours de laquelle le ministre peut établir une nouvelle cotisation de l"impôt payable par le contribuable pour l"année.                 

[20]      Il est clair dans les deux lois (la Loi sur la taxe d"accise et la Loi de l"impôt sur le revenu) que le législateur a envisagé la remise de sommes d"argent versées par erreur par un contribuable comme un refund et non pas comme un reimbursement. Je suis donc convaincu que le mot " reimbursement " figurant au sous-alinéa (iv) de l"alinéa 12(1)x ) de la Loi n"était pas censé inclure et n"inclut pas effectivement le mot " refund ". Cette interprétation est conforme au texte législatif et a pour effet de promouvoir l"objectif législatif formulé dans les débats parlementaires.

[21]      Cela étant dit, il reste à déterminer si le montant reçu par l"intimée au cours de

l"année 1994 doit être inclus dans son revenu de cette année-là en vertu de l"article 9 de la Loi.

[22]      Notre Cour a été saisie d"une question analogue dans l"affaire La Reine c. Johnson & Johnson Inc.1 portant sur une remise de la TVF et la détermination de l"année dans laquelle une telle remise doit être incluse à titre de revenu.

[23]      Le juge Hugessen a dit au nom de la Cour à l"unanimité, à la p. 6129 :

                      En temps normal, évidemment, et en règle générale, les rentrées et les dépenses sont incluses dans le calcul du revenu au cours de l"année où elles sont reçues ou engagées. La situation est différente, cependant, lorsqu"une entreprise reçoit un paiement, non pas comme rétribution au titre des marchandises ou des services qu"elle fournit, mais plutôt comme remboursement1 d"une dépense qu"elle n"avait pas à payer et n"aurait jamais dû payer. Ce qui est arrivé en fait, c"est que ce qui avait été pris pour une dépense n"est maintenant plus considéré comme tel. Par conséquent, ce n"est pas l"année de la réception qui est pertinente pour calculer le bénéfice, mais l"année où a été faite la dépense qui n"en est plus une.                 
                      Je souligne le fait qu"il n"est pas question en l"espèce du recouvrement de dépenses dans le sens commercial habituel, c"est-à-dire tenter de compenser ce qui est déboursé par ce qui peut être reçu. Il s"agit plutôt d"un revirement au sujet d"une prétendue dépense, attribuable à la reconnaissance, forcée ou volontaire, par le bénéficiaire du fait qu"il n"aurait jamais dû recevoir la somme d"argent en premier lieu.                 

[24]      L"appelante ne nous a donné aucune raison valable de déroger à la justesse de cette décision. En effet, la position de l"appelante, qui se fonde sur une adhésion stricte au système de comptabilité annuelle, pourrait mener à des iniquités pour un contribuable (bien que rien ne prouve que ce soit le cas en l"espèce) qui devrait inclure, pour une année donnée, toutes les sommes reçues à titre de remise alors qu"elles auraient pu être réparties sur un certain nombre d"années. La possibilité d"une telle iniquité a été reconnue par d"autres tribunaux1, et les tribunaux américains ont élaboré une règle des avantages fiscaux afin d"éviter une telle iniquité1.

[25]      Cependant, comme notre collègue le juge Hugessen l"a signalé dans l"arrêt Johnson , il n"y a pas lieu de créer par voie judiciaire un équivalent de la règle des avantages fiscaux puisque le ministre est autorisé, sous réserve de certaines limites prévues par la Loi, à rouvrir les comptes des années précédentes et à établir de nouvelles cotisations à leur égard. C"est une dérogation législative à la rigueur et à la rigidité du système de comptabilité annuelle et elle prévoit, à mon avis, un moyen approprié et équilibré de corriger les erreurs faites de bonne foi, sans créer d"injustice envers les parties concernées.

[26]      L"appelante se plaint d"être placée dans une position injuste parce que le contribuable a deux ans pour réclamer une remise de la TVF et que le litige qui s"ensuit généralement fera en sorte que le ministre ne pourra pas établir dans le délai imparti une nouvelle cotisation à l"égard d"un contribuable. Bien que cet argument puisse paraître attrayant à première vue, il ne tient pas compte du fait que le ministre, malgré certains inconvénients possibles, peut à l"occasion réclamer du contribuable une renonciation au délai et, en cas de refus, procéder à une nouvelle cotisation en fonction du montant en litige. Ce qui ressort de la présente affaire, ce n"est pas tant l"absence de moyens adéquats permettant au ministre de percevoir de bon droit les taxes dues par un contribuable dans le cas d"une remise de taxes que l"absence de coordination à l"époque au sein du ministère du Revenu entre le personnel chargé de la perception de la TVF et celui chargé de la perception des impôts.

[27]      Pour ces motifs, l"appel devrait être rejeté avec dépens.

     " Gilles Létourneau "

     J.C.A.

" Je souscris aux présents motifs.

     A.M. Linden, J.C.A. "

" Je souscris aux présents motifs.

     F.J. McDonald, J.C.A. "

Traduction certifiée conforme

Yvan Tardif, LL.L.

     COUR D"APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                              A-896-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :                  Sa Majesté la Reine c. Canada
                                 Safeway Limited
LIEU DE L"AUDIENCE :                      Ottawa (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :                  le 13 novembre 1997

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR EXPOSÉS PAR le juge Létourneau, J.C.A.

Y ONT SOUSCRIT les juges Linden et McDonald, J.C.A.

EN DATE DU 26 novembre 1997

ONT COMPARU :

Carman R. McNary                          Pour l"appelante
H. George McKenzie, c.r.                      Pour l"intimée

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

George Thomson                          Pour l"appelante

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Felesky Flynn                          Pour l"intimée

Calgary (Alberta)

__________________

1      L.R.C. (1985), ch. E-15.

2      [1994] 2 C.F. 137; 94 DTC 6125 (C.A.F.).

3      The Oxford English Dictionary, 2e éd., vol. XIII, Clarendon Press, Oxford, 1989, pp. 493, 494 et 534; The New Webster Encyclopedic Dictionary of the English Language, éd. 1980, Avenel Books, New York, p. 706; The Random House Dictionary of the English Language Unabridged Dictionary , 2e éd., Random House, New York, 1987, pp. 1622 et 1625; Black's Law Dictionary, 6e éd., West Publishing Co., 1990, St. Paul, Minn. pp. 1281, 1282 et 1287; Le Petit Robert, éd. 1991, Les Dictionnaires Robert-Canada S.C.C., Montréal, p. 1656; Le Petit Larousse, éd. 1997, Larousse, Paris, p. 874.

4      [1991] 3 C.F. 302; 91 DTC 5334.

5      Id. aux pp. 319 et 320; à la p. 5341.

6      Id.

7      Sa Majesté la Reine c. Westcoast Energy Inc., 92 DTC 6253.

8      94 DTC 6125 (C.A.F.).

9      Je pense qu"il aurait été plus exact d"utiliser dans ce passage le terme remise (refund ) comme c"est le cas dans toute la décision.

10      Dans l"arrêt Sinclair and Sons Pty Ltd. , 10 A.I.T.R. 3 (H.C.), la Haute Cour d"Australie a comparé les régimes fiscaux de l"Australie et de la Grande-Bretagne de la façon suivante :
             [TRADUCTION] On a toutefois prétendu qu'il serait plus approprié de traiter le paiement reçu par l'appelante non pas comme un revenu imposable au cours de l'année en cause, mais comme une diminution de ses dépenses d'entreprise au cours des années antérieures. Il n'est pas rare qu'on ait réglé des problèmes similaires à celui que soulève le présent litige de cette manière en Angleterre et, sans doute, il serait dans bien des cas plus équitable de rouvrir les cotisations antérieures et d'effectuer les rajustements appropriés. En Angleterre, où les dispositions législatives pertinentes permettent de recourir à cette solution, la question semble avoir été traitée moins comme une question de comptabilité d'entreprise que comme une méthode appropriée de rajustement de l'impôt à payer par le contribuable. Toutefois, il n'existe aucun pouvoir de recourir à cette solution en Australie, sauf dans des circonstances qui ne se présentent pas en l'espèce et, à mon avis, ces affaires anglaises n'exigent aucunement que je conclue que, en vertu des dispositions de la Loi australienne, la remise en l'espèce n'était pas un revenu imposable de l'appelante au cours de l'année de sa réception.

11      Hillsboro National Bank 400 U.S. 370 (C.S.). Le juge O'Connor a déclaré :
             [TRADUCTION] Le gouvernement dans chaque affaire s'appuie uniquement sur la règle de l'avantage fiscal - principe dégagé par les tribunaux qui atténue quelques-unes des inflexibilités du système comptable annuel. Un système comptable annuel est une nécessité pratique si l'on veut que l'impôt fédéral sur le revenu génère des recettes identifiables et payables à intervalles réguliers. Burnett v. Sandford & Brooks Co., 282 U.S. 359, 365 (1931). Néanmoins, le fait de s'en tenir strictement à un système comptable annuel créerait des injustices dans les opérations.

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