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Date : 20020614

Dossier : A-661-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 14 JUIN 2002

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

ENTRE :

RAINBOW PIPE LIGNE CO. LTD.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

JUGEMENT

L'appel est rejeté avec dépens.

                        « Robert Décary »                   

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20020614

Dossier : A-661-99

Référence neutre : 2002 CAF 259

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

ENTRE :

RAINBOW PIPE LIGNE CO. LTD.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 28 mai 2002.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 juin 2002.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                         LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :                                                                  LE JUGE DÉCARY

LE JUGE MALONE


Date : 20020614

Dossier : A-661-99

Référence neutre : 2002 CAF 259

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

ENTRE :

RAINBOW PIPE LIGNE CO. LTD.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROTHSTEIN


[1]         Il s'agit d'un appel d'une décision rendue le 15 septembre 1999 par la Cour de l'impôt. Dans cet appel, il s'agit uniquement de savoir si Monsieur le juge Mogan, de la Cour de l'impôt, a commis une erreur en concluant que la capitalisation du coût de remplacement, sur une distance de 44 kilomètres, de l'oléoduc de l'appelante, d'une longueur de 781 kilomètres, de Zama à Edmonton, donnait une image plus fidèle du revenu de l'appelante pour l'année 1994 que la passation en charges de ce coût. Le coût de remplacement s'élevait à 15 002 590 $.

[2]         La position prise par l'appelante est que la passation en charges donne une image plus fidèle du revenu de cette dernière pour son année d'imposition 1994. Toutefois, l'appelante affirme que même si la passation en charges et la capitalisation sont des méthodes de calcul du revenu aussi valables l'une que l'autre, elle devrait avoir le droit de choisir la méthode qu'elle veut employer.

[3]         En arrivant à une conclusion défavorable à l'appelante, le juge Mogan a rédigé des motifs détaillés et, à mon avis, il a appliqué les bons principes juridiques aux questions dont il était saisi. Il n'a pas commis d'erreur dans son analyse ou dans sa conclusion.

[4]         Il ne sert à rien de reprendre les motifs minutieux que le juge Mogan a prononcés en l'espèce. Il suffit de faire les remarques ci-après énoncées :

1.                    Le juge a tenu compte de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Canderel c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 147 et, en particulier, des principes qui y étaient énoncés aux fins du calcul du revenu;

  • 2.                    Le juge a tenu compte des principes commerciaux reconnus en vue de déterminer si la capitalisation ou la passation en charges du coût du pipeline de remplacement d'une longueur de 44 kilomètres donnait une image plus fidèle du revenu de l'appelante pour l'année 1994 et il a conclu que la capitalisation donnait l'image la plus fidèle;
  • 3.                    Le juge a apprécié la preuve d'expert de l'appelante et de l'intimée et, après un examen détaillé, il a déclaré préférer la preuve de l'expert de l'intimée, qui favorisait la capitalisation de la dépense;
  • 4.                    Compte tenu de la décision rendue par la Cour suprême de Canada dans l'affaire Johns-Manville c. la Reine, [1985] 2 R.C.S. 46 et, en particulier, des considérations dont il faut tenir compte pour déterminer si une dépense doit être capitalisée ou si elle doit être passée en charges, le juge a conclu, en se fondant sur les éléments suivants, que le coût de remplacement devait être considéré comme une dépense en capital plutôt que comme une dépense courante relative à l'année 1994 :

(1)                 ce n'était pas une dépense récurrente;

(2)                 il s'agissait de réparations majeures;

(3)                 la dépense créait un actif pour le bénéfice durable de l'entreprise de l'appelante;

(4)                 la dépense était importante par rapport à la valeur comptable de l'ensemble du pipeline, aux autres dépenses et aux bénéfices annuels;

  

À mon avis, l'analyse et la conclusion du juge sont inattaquables.


[5]         J'examinerai maintenant les arguments de l'appelante, tels que je les comprends, et j'expliquerai pourquoi je ne les trouve pas convaincants.

1.                    L'appelante affirme que le pipeline de remplacement de 44 kilomètres était nécessaire pour qu'elle puisse continuer à exploiter son entreprise. Le pipeline ne pouvait pas être exploité si l'on ne remplaçait pas cette section.

[6]         Je reconnais qu'il fallait remplacer le pipeline sur une longueur de 44 kilomètres pour que l'appelante puisse continuer à exploiter son entreprise. Toutefois, je ne connais aucun principe juridique fondamental voulant que les dépenses qu'il faut effectuer pour continuer à exploiter une entreprise soient passées en charges plutôt que d'être capitalisées. L'arrêt Canderel, précité, montre clairement que les principes commerciaux reconnus doivent s'appliquer au cas par cas, eu égard aux faits propres à chaque affaire (page 171). L'arrêt Johns-Manville c. la Reine, précité, pages 56 à 62, page 61 en particulier, fait autorité à l'égard de la proposition selon laquelle il n'y a pas de règle ferme permettant de déterminer si une dépense doit être capitalisée ou passée en charges. Dans l'arrêt Canderel, précité, la Cour suprême, en se fondant sur la preuve, a conclu que la capitalisation des paiements d'incitation aux locataires sur la durée des baux ne donnerait pas une image plus fidèle du revenu de Canderel que ne le ferait le fait de déduire les paiements immédiatement dans l'année où ils ont été effectués (page 180). Eu égard à la preuve qui existe en l'espèce et compte tenu des lignes directrices tirées de la jurisprudence, le juge Mogan a conclu que la capitalisation d'une dépense plutôt que sa passation en charges donnerait une image plus fidèle du revenu réalisé par l'appelante en 1994. Il lui était loisible de tirer cette conclusion.


2.                    L'appelante affirme que le pipeline de remplacement ne constituait pas une amélioration et qu'il n'améliorait pas l'exploitation du pipeline.

[7]         Encore une fois, aucune règle ne prévoit qu'un remplacement qui ne constitue pas une amélioration doit, selon les principes commerciaux reconnus, être passé en charges. Il était loisible au juge Mogan, en considérant l'affaire sur une base individuelle, de conclure eu égard aux faits que le remplacement devait être capitalisé.

3.                    L'appelante affirme que le juge Mogan a commis une erreur en comparant le coût de remplacement du pipeline, sur une longueur de 44 kilomètres, et la valeur comptable du pipeline.

[8]         Je reconnais qu'à certains fins, il peut être trompeur de comparer les coûts de remplacement actuels et le coût initial ou la valeur comptable amortie d'un actif. Toutefois, cette comparaison n'avait pas grande importance dans l'analyse effectuée par le juge Mogan. Le juge a principalement cherché à comparer le coût de remplacement avec les autres coûts et le revenu. Ce faisant, il a conclu que si la dépense était passée en charges, cela faussait le revenu réalisé par l'appelante en 1994. Il lui était loisible d'arriver à cette conclusion.

4.                    L'appelante affirme que le juge Mogan a commis une erreur en fondant sa décision sur le fait qu'elle aurait subi une perte en 1994 si les dépenses avaient été passées en charges.


[9]         Ces considérations ont trait au coût du remplacement par rapport aux autres coûts et au revenu de l'appelante. La preuve présentée par l'expert traitait de la distorsion des dépenses et du revenu de l'appelante en tant que considération lorsqu'il s'agissait de déterminer si la dépense devait être passée en charges ou si elle devait être capitalisée. Le juge Mogan pouvait donc à bon droit tenir compte de l'effet de distorsion de la passation en charges sur le revenu de l'appelante.

5.                    L'appelante affirme que le juge Mogan a commis une erreur en comparant le pipeline a un chemin de fer.

[10]       Le juge Mogan a eu recours à une analogie avec un chemin de fer pour montrer jusqu'à quel point il est difficile d'établir une règle générale ou une ligne de démarcation en vue de trancher la question de la passation en charges et de la capitalisation en comparant le remplacement par rapport à l'actif dans son ensemble. Le juge a conclu qu'il fallait faire preuve de jugement au cas par cas. Cette conclusion n'est pas erronée.

6.                    L'appelante affirme que le juge Mogan a commis une erreur en retenant la preuve de l'expert, qui s'était fondé sur certains renseignements et sur la pratique dans le secteur réglementé des pipelines alors que son pipeline n'était pas assujetti à la réglementation.


[11]       Je reconnais qu'il peut y avoir des différences dans le traitement comptable des entreprises réglementées et des entreprises non réglementées. Toutefois, l'appelante n'explique pas pourquoi, dans le cas d'un pipeline de remplacement d'une longueur continue de 44 kilomètres, il peut être approprié de capitaliser le coût y afférent si une entité est réglementée, alors qu'il convient de passer le coût en charges si l'entité n'est pas réglementée. De fait, en l'espèce, aux fins de la comptabilité financière, l'appelante a décidé de capitaliser la dépense. Cela n'est pas nécessairement déterminant lorsqu'il s'agit de donner l'image la plus fidèle des bénéfices aux fins de l'impôt sur le revenu, mais cela indique que le traitement de la dépense en tant que dépense en capital n'est pas inconnu dans le secteur non réglementé. De fait, l'expert de l'intimée a comparé les pratiques comptables applicables aux gros travaux de réfection ou d'entretien dans le cas d'une entité réglementée et dans le cas d'une entité non réglementée et il a conclu que la pratique suivie était la même. L'appelante n'a pas démontré pourquoi le juge Mogan avait commis une erreur en retenant la preuve présentée par l'expert de l'intimée.

[12]       En se fondant sur la preuve soumise par l'expert, le juge Mogan a conclu que les principes commerciaux reconnus, y compris les PCGR, allaient à l'encontre de la position de l'appelante et, en particulier, qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, les PCGR favorisent de beaucoup la capitalisation du coût de remplacement par rapport à sa passation en charges. Le juge s'est en outre fondé sur la raison pour laquelle l'appelante capitalisait un coût de remplacement aux fins de la comptabilité financière - soit en vue de répartir le coût entre les expéditeurs sur la vie économique du pipeline ou des réserves plutôt que d'imposer aux expéditeurs une forte augmentation du tarif en 1995. Le juge n'a commis aucune erreur en se fondant sur ces considérations.

7.                    L'appelante affirme que le juge Mogan a commis une erreur en considérant que le coût de remplacement était un coût non récurrent étant donné qu'aucun élément de preuve n'étayait cette conclusion.


[13]       Cet argument ne tient tout simplement pas compte de ce qui est arrivé. Le pipeline d'une longueur de 44 kilomètres était destiné à remplacer le pipeline existant. L'appelante a parlé d'un remplacement. Le pipeline initial existait déjà depuis près de 30 ans. Je crois qu'il est évident que lorsqu'on remplace ce type d'actif, qui existe depuis longtemps, le coût doit être un coût non récurrent. Toute autre interprétation serait déraisonnable.

CONCLUSION

[14]       Étant donné que j'ai conclu que les motifs prononcés par le juge Mogan sont exhaustifs et convaincants, et puisque l'appelante n'a pas réussi à me convaincre de l'existence d'une erreur dans ces motifs, je rejetterais l'appel avec dépens.

     

                        « Marshall Rothstein »             

Juge

  

« Je souscris à cet avis.

     Le juge Robert Décary »

  

« Je souscris à cet avis.

     Le juge B. Malone »

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                           SECTION D'APPEL

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                                               A-661-99

INTITULÉ :                                                              Rainbow Pipe Ligne Company Ltd.

                                                                                    et

Sa Majesté la Reine

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                                   le 28 mai 2002

  

MOTIFS DU JUGEMENT :                                le juge Rothstein

Y ONT SOUSCRIT :                                             le juge Décary et le juge Malone

DATE DES MOTIFS :                                            le 14 juin 2002

  

COMPARUTIONS :

M. Barry R. Crump                                                    POUR L'APPELANTE

Mme Kathleen T. Lyons                                               POUR L'INTIMÉE

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Burnet, Duckworth & Palmer LLP                           POUR L'APPELANTE

Avocats

M. Morris Rosenberg                                                POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada

  
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