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Date : 20050512

Dossier : A-595-04

Référence : 2005 CAF 140

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                HOFFMAN-LA ROCHE LIMITED

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                                  LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                intimés

                                       Audience tenue à Toronto (Ontario) le 2 mars 2005.

                                       Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le 12 mai 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                      LE JUGE ROTHSTEIN

                                                                                                                            LE JUGE MALONE


Date : 20050512

Dossier : A-595-04

Référence : 2005 CAF 140

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                HOFFMAN-LA ROCHE LIMITED

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                                  LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                intimés

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW


[1]                Il s'agit d'un appel d'un jugement de la Cour fédérale (Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 1547) rejetant la demande d'Hoffman-La Roche Limited qui cherchait à obtenir une ordonnance enjoignant au ministre de la Santé d'ajouter le brevet canadien n ° 1,218,613 (le brevet 613) et le brevet canadien n ° 1,341,082 (le brevet 082) au registre des brevets à l'égard de la poudre lyophilisée de 21 mg/ml de trastuzumab, un médicament utilisé dans le traitement des patientes souffrant de cancer du sein et vendu au Canada sous le nom commercial Herceptin. Le ministre a refusé d'inscrire les deux brevets sur la liste parce que la demande d'inscription avait été soumise trop tard.

[2]                Le ministre tient un registre des brevets en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133. Aux fins du présent appel, il faut comprendre certains éléments du régime établi par ledit règlement et par le Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C. 1978, ch. 870.

[3]                Aucune drogue ne peut être commercialisée au Canada à moins de faire l'objet d'un « avis de conformité » délivré par le ministre conformément au Règlement sur les aliments et drogues. Pour obtenir un avis de conformité, le fabricant doit fournir au ministre des renseignements précis dans une « présentation de drogue nouvelle » . Si le ministre est convaincu de l'innocuité et de l'efficacité de la drogue, il délivre un avis de conformité. L'innocuité et l'efficacité d'une drogue nouvelle projetée peuvent être démontrées à l'aide d'études cliniques détaillées ou en établissant que la drogue nouvelle projetée est l'équivalent d'une autre drogue (produit de référence canadien) dont on a déjà établi qu'elle est sûre et efficace.


[4]                En général, le fabricant de drogues qui, à titre de propriétaire ou de titulaire de licence, peut utiliser un brevet relatif à un médicament qui se trouve dans une drogue déposera une « présentation de drogue nouvelle » contenant les résultats d'études cliniques détaillées alors que le fabricant de drogues génériques soumettra une « présentation abrégée de drogue nouvelle » établissant une comparaison avec un produit de référence canadien. Cette comparaison crée le lien entre le Règlement sur les aliments et drogues et le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) si, mais seulement si, le fabricant du produit de référence canadien a soumis une liste de brevets à inclure au registre des brevets à l'égard de ce produit. Les brevets inscrits au registre sont ceux dont le fabricant est propriétaire ou à l'égard desquels il détient une licence et qui contiennent une revendication pour le médicament ou pour l'utilisation du médicament contenu dans la drogue.

[5]                Lorsqu'il existe une liste de brevets à l'égard d'un produit de référence canadien, le ministre n'est pas autorisé à délivrer un avis de conformité pour la version générique à moins qu'un avis formel soit d'abord donné au fabricant du produit de référence canadien. Cet avis peut amener le fabricant à déposer une demande en vertu de l'article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) afin d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité pour le produit générique.

[6]                Si une demande est présentée en vertu de l'article 6, le ministre ne peut délivrer un avis de conformité au fabricant de drogues génériques pendant un certain délai. Le délai prévu est de 24 mois, sauf s'il est interrompu plus tôt par suite de l'expiration du brevet, d'un jugement déclaratoire portant que le brevet n'est pas valide ou qu'une allégation de non-contrefaçon est justifiée, ou du retrait, du désistement ou du rejet de la demande présentée en vertu de l'article 6. Le tribunal peut abréger ou proroger ce délai dans certaines circonstances.


[7]                Il est clair que le fabricant d'une drogue contenant un médicament visé par un brevet obtient des avantages importants en inscrivant le brevet au registre des brevets tenu en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). L'un de ces avantages est le droit d'être informé de toute tentative d'un autre fabricant de drogues d'obtenir un avis de conformité pour une forme générique de la drogue. Un autre avantage est la possibilité de se prévaloir du délai prévu par le Règlement. L'inscription d'un brevet au registre constitue le moyen d'avoir accès à ces avantages.

[8]                Les fabricants de drogues sont soumis à des délais plutôt stricts en ce qui concerne le dépôt d'une demande d'inscription d'un brevet au registre en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Ces délais sont indiqués à l'article 4, dont voici les passages pertinents :

4. (1) La personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets à l'égard de la drogue, accompagnée de l'attestation visée au paragraphe (7).

4. (1) A person who files or has filed a submission for, or has been issued, a notice of compliance in respect of a drug that contains a medicine may submit to the Minister a patent list certified in accordance with subsection (7) in respect of the drug.

(2) La liste de brevets au sujet de la drogue doit contenir les renseignements suivants :

(2) A patent list submitted in respect of a drug must

a) la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue;

(a) indicate the dosage form, strength and route of administration of the drug;



b) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l'égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste, qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament, et qu'elle souhaite voir inscrit au registre;

(b) set out any Canadian patent that is owned by the person, or in respect of which the person has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list, that contains a claim for the medicine itself or a claim for the use of the medicine and that the person wishes to have included on the register;

c) une déclaration portant, à l'égard de chaque brevet, que la personne qui demande l'avis de conformité en est le propriétaire, en détient la licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste;

(c) contain a statement that, in respect of each patent, the person applying for a notice of compliance is the owner, has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list;

d) la date d'expiration de la durée de chaque brevet aux termes des articles 44 ou 45 de la Loi sur les brevets;

(d) set out the date on which the term limited for the duration of each patent will expire pursuant to section 44 or 45 of the Patent Act; and

e) l'adresse de la personne au Canada aux fins de signification de tout avis d'allégation visé aux alinéas 5(3)b) ou c), ou les nom et adresse au Canada d'une autre personne qui peut en recevoir signification avec le même effet que s'il s'agissait de la personne elle-même.

(e) set out the address in Canada for service on the person of any notice of an allegation referred to in paragraph 5(3)(b) or (c), or the name and address in Canada of another person on whom service may be made, with the same effect as if service had been made on the person.

(3) Sous réserve du paragraphe (4), la personne qui soumet une liste de brevets doit le faire au moment du dépôt de la demande d'avis de conformité.

(3) Subject to subsection (4), a person who submits a patent list must do so at the time the person files a submission for a notice of compliance.

(4) La première personne peut, après la date de dépôt de la demande d'avis de conformité et dans les 30 jours suivant la délivrance d'un brevet qui est fondée sur une demande de brevet dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande d'avis de conformité, soumettre une liste de brevets, ou toute modification apportée à une liste de brevets, qui contient les renseignements visés au paragraphe (2).

(4) A first person may, after the date of filing of a submission for a notice of compliance and within 30 days after the issuance of a patent that was issued on the basis of an application that has a filing date that precedes the date of filing of the submission, submit a patent list, or an amendment to an existing patent list, that includes the information referred to in subsection (2).

[9]                Je vais maintenant examiner les faits de la présente affaire. Le 1er octobre 1998 ou aux environs de cette date, Hoffmann-La Roche a déposé une présentation de drogue nouvelle pour l'Herceptin. Aucune liste de brevets n'a été soumise à l'égard de cette présentation de drogue nouvelle. Un avis de conformité a été délivré pour l'Herceptin le 13 août 1999.


[10]            Le brevet 613, intitulé « Préparations d'immunoglobine recombinante » , a été déposé au Canada le 9 avril 1984 et a été délivré le 3 mars 1987. Comme je l'ai indiqué ci-dessus, lorsqu'elle a déposé sa présentation de drogue nouvelle pour l'Herceptin en octobre 1998, Hoffmann-La Roche n'a pas demandé en vertu du paragraphe 4(3) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) à faire inscrire le brevet 613 au registre. Aucun élément au dossier n'explique cette omission. Les parties s'entendent pour reconnaître que le brevet 613 aurait été admissible à l'inscription au registre s'il avait été soumis dans les délais.

[11]            Le brevet 082, intitulé « Méthode de traitement des cellules tumorales par inhibition de la fonction de réception du facteur de croissance » , a été déposé au Canada le 12 janvier 1989 et a été délivré le 8 août 2000. Dans les 30 jours de la délivrance du brevet 082, Hoffmann-La Roche aurait pu faire une demande en vertu du paragraphe 4(4) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) pour faire inclure le brevet 082 dans la liste de brevets pour l'Herceptin. Encore une fois, aucun élément au dossier n'explique cette omission. Les parties s'entendent pour reconnaître que le brevet 082 aurait été inclus dans la liste de brevets pour l'Herceptin si Hoffmann-La Roche avait présenté la demande à temps.


[12]            Le 10 mai 2002, Hoffmann-La Roche a déposé un supplément à la présentation de drogue nouvelle pour l'Herceptin afin d'indiquer de nouvelles installations pour la fabrication de la drogue. Ce supplément à la présentation de drogue nouvelle devait être déposé par suite de l'effet combiné du paragraphe C.08.003(1) et de l'alinéa C.08.003(2)d) du Règlement sur les aliments et drogues, dont voici le texte :

C.08.003. (1) Malgré l'article C.08.002, il est interdit de vendre une drogue nouvelle à l'égard de laquelle un avis de conformité a été délivré à son fabricant et n'a pas été suspendu aux termes de l'article C.08.006, lorsqu'un des éléments visés au paragraphe (2) diffère sensiblement des renseignements ou du matériel contenus dans la présentation de drogue nouvelle ou la présentation abrégée de drogue nouvelle, à moins que les conditions suivantes ne soient réunies:

C.08.003. (1) Notwithstanding section C.08.002, no person shall sell a new drug in respect of which a notice of compliance has been issued to the manufacturer of that new drug and has not been suspended pursuant to section C.08.006, if any of the matters specified in subsection (2) are significantly different from the information or material contained in the new drug submission or abbreviated new drug submission, unless

a) le fabricant de la drogue nouvelle a déposé auprès du ministre :

(a) the manufacturer of the new drug has filed with the Minister

(i) soit un supplément à la présentation de drogue nouvelle,

(i) a supplement to that new drug submission, or

(ii) soit un supplément à la présentation abrégée de drogue nouvelle;

(ii) a supplement to that abbreviated new drug submission;

b) le ministre a délivré au fabricant un avis de conformité relativement au supplément;

(b) the Minister has issued a notice of compliance to the manufacturer of the new drug in respect of the supplement;

c) l'avis de conformité relatif au supplément n'a pas été suspendu aux termes de l'article C.08.006;

(c) the notice of compliance in respect of the supplement has not been suspended pursuant to section C.08.006; and

d) le fabricant de la drogue nouvelle a présenté au ministre, sous leur forme définitive, des échantillons de toute étiquette-y compris une notice jointe à l'emballage, un dépliant et une fiche sur le produit-destinée à être utilisée pour la drogue nouvelle, dans le cas où la modification d'un des éléments visés au paragraphe (2) nécessite un changement dans l'étiquette.

(d) the manufacturer of the new drug has submitted to the Minister specimens of the final version of any label, including any package insert, product brochure and file card, intended for use in connection with the new drug, where a change with respect to any of the matters specified in subsection (2) is made that would require a change to the label.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), les éléments ayant trait à la drogue nouvelle sont les suivants :

(2) The matters specified for the purposes of subsection (1), in relation to the new drug, are the following:

a) sa description;

(a) the description of the new drug;



b) sa marque nominative ou le nom ou code sous lequel il est proposé de l'identifier;

(b) the brand name of the new drug or the identifying name or code proposed for the new drug;

c) les spécifications de ses ingrédients;

(c) the specifications of the ingredients of the new drug;

d) les installations et l'équipement à utiliser pour sa fabrication, sa préparation et son emballage;

(d) the plant and equipment used in manufacturing, preparation and packaging the new drug;

e) la méthode de fabrication et les mécanismes de contrôle à appliquer pour sa fabrication, sa préparation et son emballage;

(e) the method of manufacture and the controls used in manufacturing, preparation and packaging the new drug;

f) les analyses effectuées pour contrôler son activité, sa pureté, sa stabilité et son innocuité;

(f) the tests applied to control the potency, purity, stability and safety of the new drug;

g) les étiquettes à utiliser pour la drogue nouvelle;

(g) the labels used in connection with the new drug;

h) les observations faites relativement :

(h) the representations made with regard to the new drug respecting

(i) à la voie d'administration recommandée pour la drogue nouvelle,

(i) the recommended route of administration of the new drug,

(ii) à sa posologie,

(ii) the dosage of the new drug,

(iii) aux propriétés qui lui sont attribuées,

(iii) the claims made for the new drug,

(iv) à ses contre-indications et à ses effets secondaires,

(iv) the contra-indications and side effects of the new drug, and

(v) au délai d'attente applicable à celle-ci;

(v) the withdrawal period of the new drug; and

i) sa forme posologique proposée pour la vente.

(i) the dosage form in which it is proposed that the new drug be sold.

(3) Le supplément à la présentation de drogue nouvelle ou à la présentation abrégée de drogue nouvelle doit contenir, à l'égard des éléments qui diffèrent sensiblement de ce qui figure dans la présentation, les renseignements et le matériel nécessaires pour permettre au ministre d'évaluer l'innocuité et l'efficacité de la drogue nouvelle relativement à ces éléments.

(3) A supplement to a new drug submission or to an abbreviated new drug submission, with respect to the matters that are significantly different from those contained in the submission, shall contain sufficient information and material to enable the Minister to assess the safety and effectiveness of the new drug in relation to those matters.


[13]            Hoffmann-La Roche a inclus dans son supplément à la présentation de drogue nouvelle une demande d'inscription des brevets 613 et 082 au registre de brevets. Ce faisant, elle s'appuyait sur la jurisprudence de la Cour selon laquelle le terme « demande » à l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) peut désigner soit une présentation de drogue nouvelle, soit un supplément à la présentation de drogue nouvelle : Apotex Inc. c. Ministre de la Santé (1999), 87 C.P.R. (3d), 371 (C.F. 1re inst., la juge McGillis), confirmée par 11 C.P.R. (4th) 538 (C.A.F.).

[14]            Il est important de comprendre le contexte factuel de la décision Apotex. Il s'agissait dans cette affaire du Paxil qui est fabriqué par SmithKline Beecham Pharma Inc. Le Paxil contient comme ingrédient médicamenteux de la paroxétine. En 1993, SmithKline avait obtenu un avis de conformité approuvant la vente du Paxil au Canada pour le traitement de la dépression. En 1994, une demande de brevet a été déposée au Canada relativement aux comprimés de paroxétine et à un procédé permettant leur fabrication. En 1995, SmithKline a déposé deux suppléments à sa présentation de drogue nouvelle afin d'obtenir l'autorisation de vendre le Paxil pour le traitement du trouble obsessionnel compulsif et du trouble panique. Les avis de conformité concernant les nouvelles indications ont été délivrés en 1995. Le brevet demandé en 1994 a été délivré en 1997. Il a été jugé que SmithKline avait le droit de faire inscrire au registre le brevet relatif aux comprimés de paroxétine en ce qui concerne les drogues à l'égard desquelles les suppléments à la présentation de drogue nouvelle avaient été déposés en 1995.


[15]            Depuis 1999, les fabricants de médicaments testent les limites de la décision Apotex. De façon générale, les titulaires de brevets semblent chercher à établir que si l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) s'applique à un supplément à la présentation de drogue nouvelle, le dépôt d'un tel supplément constitue pour le titulaire d'un brevet l'occasion de demander l'inscription au registre d'un brevet à l'égard duquel un délai antérieur n'a pas été respecté. La tentative a échoué lorsque le supplément à la présentation de drogue nouvelle était simplement requis à cause du changement de la marque nominative du médicament, du nom du fabricant ou des deux à la fois : Ferring Inc. c. Canada (Procureur général) (2003), 26 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.); Bristol-Myers Squibb Canada Inc. c. Canada (Procureur général), (2001) 10 C.P.R. (4th) 318 (C.F. 1re inst.), confirmée par (2002), 16 C.P.R. (4th) 425 (C.A.F.), Toba Pharma Inc. c. Canada (Procureur général) (2002), (2002) 21 C.P.R. (4th) 232 (C.F.), AstraZeneca Canada Inc. c. Ministre de la Santé (2004), 36 C.P.R. (4th) 58 (C.F.) (appel en instance).

[16]            Dans Ferring, Bristol-Myers et Toba, on a soit conclu soit laissé entendre que le changement de nom était une stratégie pour échapper aux délais de dépôt des demandes prévus par le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Ce type de stratégie n'a pas été constaté ou évoqué dans Astrazeneca.


[17]            Dans Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), (2004), 31 C.P.R. (4th) 321 (C.A.F.), il a été établi que l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) s'appliquait à un supplément à la présentation de drogue nouvelle qui ne s'inscrivait pas dans une stratégie ayant pour but de contourner les délais de dépôt des demandes. Cependant, il a aussi été établi dans cette affaire que le supplément à la présentation de drogue nouvelle visait une nouvelle indication pour le médicament.

[18]            En l'espèce, il est admis que le changement du lieu de fabrication et le dépôt d'un supplément à la présentation de drogue nouvelle ont été faits de bonne foi, en ce sens que Hoffmann-La Roche n'a pas changé ses installations de fabrication dans le but de contourner les délais prescrits. Hoffmann-La Roche soutient que les faits de la présente espèce ne sont pas différents des faits dans Abbott et que le ministre devrait être obligé d'inscrire au registre les brevets 613 et 082.

[19]            Le ministre soutient toutefois que les décisions applicables sont Ferring, Bristol-Myers Squib et Toba. Il affirme que, même s'il a été établi dans chacune de ces décisions que le fabricant de la drogue appliquait une stratégie visant à proroger les délais de dépôt des demandes, dans chaque cas, la décision reposait sur la nécessité d'éviter une prorogation des délais de dépôt des demandes qui ne serait pas compatible avec le régime réglementaire. En suivant le même raisonnement, le ministre soutient que Hoffmann-La Roche ne devrait pas être autorisée à utiliser un supplément à la présentation de drogue nouvelle déposé relativement au changement des installations de fabrication comme moyen d'avoir accès aux avantages du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).


[20]            La logique de la position du ministre est convaincante. Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) s'applique de concert avec le Règlement sur les aliments et drogues. Les deux règlements utilisent une terminologie identique. C'est en examinant ensemble ces deux régimes réglementaires que la juge McGillis a pu conclure dans Apotex (précitée) que le terme « demande » à l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) pouvait désigner soit une présentation de drogue nouvelle, soit un supplément à la présentation de drogue nouvelle. Cependant, elle a tiré cette conclusion dans un contexte factuel particulier où une interprétation relativement large de l'article 4 était conforme au régime réglementaire. Elle n'a pas statué que l'article 4 s'appliquerait nécessairement à tout supplément à une présentation de drogue nouvelle, sans aucune restriction.

[21]            Depuis Apotex, il est devenu évident que, à moins qu'un supplément à la présentation de drogue nouvelle soit considéré comme échappant à l'application de l'article 4, le délai fixé dans cette disposition peut être rendu inutile. Progressivement, on a reconnu des exclusions pour des suppléments à la présentation de drogue nouvelle déposés uniquement à cause d'un changement de la marque nominative du médicament ou du nom du fabricant. À mon avis, le ministre a eu raison en l'espèce d'appliquer la même exclusion à un supplément à la présentation de drogue nouvelle déposé uniquement à cause du changement des installations de fabrication.


[22]            Il est allégué pour Hoffmann-La Roche qu'il n'existe aucun critère fondé sur des principes permettant d'établir une distinction entre les suppléments à la présentation de drogue nouvelle qui sont visés par l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) et ceux qui ne le sont pas.

[23]            Suivant le paragraphe 24 des motifs du jugement visés par le présent appel, un supplément à la présentation de drogue nouvelle échappe à l'application de l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), sauf s'il est lié d'une façon ou d'une autre à l'innocuité ou à l'efficacité de la drogue. C'est ce qui ressort du commentaire suivant que l'on trouve au paragraphe 37 de la décision Astrazeneca (précitée) :

[37]      Il existe un lien entre l'application du [Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)] et l'appréciation de l'innocuité et de l'efficacité des produits pharmaceutiques qui doit être faite conformément au Règlement sur les aliments et drogues. Il est raisonnable de conclure que la demande sous-jacente d'inscription d'une liste de brevets au registre doit être compatible avec les objectifs visés par ce régime réglementaire. Or, dans le cas qui nous occupe, ce lien n'est pas évident : la demande sous-jacente vise seulement à apporter un changement administratif au dossier par la modification du nom du fabricant.

[24]            La question de l'innocuité et de l'efficacité des drogues est abordée dans le Règlement sur les aliments et drogues. Contrairement à l'énoncé cité ci-dessus, le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) n'a aucune incidence sur l'évaluation de l'innocuité et de l'efficacité. Même si ce dernier règlement est lié au Règlement sur les aliments et drogues, son objet est d'empêcher la contrefaçon de brevets en offrant à certains fabricants de drogues les avantages décrits plus haut. Je ne suis donc pas convaincue qu'il existe un motif rationnel de limiter l'application de l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) aux seuls suppléments à la présentation de drogue nouvelle qui ont une certaine importance en ce qui a trait à l'innocuité ou l'efficacité de la drogue.


[25]            Il ne s'ensuit pas qu'il n'existe aucun critère fondé sur des principes permettant d'exclure certains suppléments à la présentation de drogue nouvelle de l'application de l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Cependant, le principe sur lequel est fondée l'exclusion doit être lié à l'objet du Règlement, soit empêcher la contrefaçon de brevets. Le changement de la marque nominative d'une drogue, du nom du fabricant d'une drogue ou des installations de fabrication ne peut avoir d'influence sur une action potentielle en contrefaçon de brevet concernant un médicament contenu dans la drogue. Rien ne justifie que l'on permette aux titulaires de brevet d'utiliser une telle modification pour renforcer les avantages qu'ils obtiennent en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Donc, un supplément à la présentation de drogue nouvelle ne tombe pas sous le coup de l'application de l'article 4 s'il est déposé afin d'indiquer le changement de la marque nominative d'une drogue, le changement du nom du fabricant ou le changement des installations de fabrication.


[26]            Je rejetterais le présent appel avec dépens.

                « K. Sharlow »               

Juge

« Je souscris aux présents motifs

     Marshall Rothstein, juge »

« Je souscris aux présents motifs

     B. Malone, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     A-595-04

INTITULÉ :                                                    HOFFMAN-LAROCHE LIMITED c. LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 2 MARS 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                      LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

DATE DES MOTIFS :                                   LE 12 MAI 2005

COMPARUTIONS:

Gunars Gaikis                                                   POUR L'APPELANTE

Nancy Pei

F. B. Woyiwada                                                POUR LES INTIMÉS

AVOCATS AU DOSSIER:

Smart & Biggar                                                 POUR L'APPELANTE

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                               POUR LES INTIMÉS


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