Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision





Date : 19991216


Dossier : A-229-98

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE ROBERTSON     

         LE JUGE MALONE


ENTRE :

     MERVYN K. MARTIN

     appelant

     

         - et -

     LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

     intimé





     MOTIFS DU JUGEMENT

     (Prononcés à l"audience à Ottawa (Ontario), le 16 décembre 1999.)



LE JUGE MALONE



[1]          Il s"agit d"un appel fondé sur l"article 27 de la Loi sur la Cour fédérale contre l"ordonnance que le juge Tremblay-Lamer a rendue en date du 6 mars 1998. Le juge Tremblay-Lamer a rejeté une demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 26 novembre 1996 par laquelle le vice-président de la Commission d"appel des pensions (la CAP) a refusé à l"appelant l"autorisation d"interjeter appel devant la CAP.



[2]          En bref, les faits pertinents quant au présent appel, tels qu"ils ont été constatés par le juge des requêtes, sont les suivants :     

     Le requérant a travaillé physiquement toute sa vie. Il a une 8e année. En septembre 1994, il a déposé une demande de prestations d"invalidité. Il a dû cesser de travailler en juin 1993 en raison de vives douleurs au dos. Ses médecins l"ont avisé de ne pas se pencher, soulever des objets, ni se retourner sur lui-même. Ils lui ont également dit de parcourir de deux ou trois milles à pied chaque jour pour soulager sa douleur. Le requérant prétend que sa douleur est continue et que pour se soulager, il doit s"étendre de deux à trois fois par jour, pour une période d"environ une demi-heure chaque fois. La douleur l"empêche également de dormir.
     Le ministre a refusé de verser au requérant les prestations qu"il avait demandées. Le requérant a interjeté appel de la décision du ministre devant le tribunal de révision, qui a finalement rejeté l"appel. Le tribunal a conclu que le requérant n"était pas admissible à recevoir des prestations d"invalidité vu qu"aucun élément de preuve objectif n"établissait qu"il était incapable d"accomplir tout travail. En fait, il est ressorti de la plupart des rapports médicaux que le requérant était en mesure d"accomplir certains types de travaux.
     Le requérant a voulu interjeter appel de cette décision devant la Commission d"appel des pensions. Cependant, le vice-président a refusé de lui accorder l"autorisation d"interjeter appel, car il estimait que la Commission ne pourrait tirer de conclusion autre que celle à laquelle était parvenu le tribunal de révision. En particulier, il a dit :
         La preuve médicale n"étaye pas la prétention selon laquelle le requérant est incapable d"occuper de façon régulière un emploi rémunérateur. Bien qu"elle établisse que le choix de travaux qu"il peut accomplir est limité, mais étaye la prétention du ministre selon laquelle le requérant serait en mesure d"accomplir un travail moins dur physiquement. En ce qui concerne les compétences académiques du requérant, toute limite résultant de cette considération n"a rien à voir avec l"invalidité.



[3]          Pour rejeter la demande de contrôle judiciaire, le juge Tremblay-Lamer a conclu que le critère applicable pour déterminer si la Cour peut annuler une décision dans de tels cas est celui de la légalité de la décision et non celui de la décision correcte, et elle a cité l"arrêt Ernewein c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration [1980] 1 R.C.S. 639. Autrement dit, à moins que le vice-président ait tenu compte de facteurs non pertinents ou qu"il ait agi de façon contraire à la loi, la Cour doit faire preuve de retenue à l"égard de sa décision (MacDonald c. Ville de Montréal , [1986] 1 R.C.S. 460, à la page 507. En s"appuyant sur ces principes, le juge Tremblay-Lamer a conclu :

         Je ne suis pas d"accord avec le requérant que le tribunal de révision a appliqué le mauvais critère pour déterminer s"il était réputé invalide. Même si le tribunal de révision n"a pas explicitement utilisé les mots " occupation véritablement rémunératrice ", cela ne veut pas nécessairement dire qu"il n"a pas appliqué le bon critère. À mon avis, lorsqu"il a dit qu"aucun élément de preuve objectif n"établissait que le requérant était incapable d"accomplir " tout travail ", le tribunal de révision renvoyait au travail sédentaire par opposition au travail physique. L"état de santé du requérant ne l"empêche pas d"accomplir du travail sédentaire.
         Le vice-président n"a pas agi de façon déraisonnable lorsqu"il a refusé d"autoriser le requérant à interjeter appel, étant donné que la preuve médicale étayait la conclusion selon laquelle le requérant était en mesure d"accomplir du travail moins dur. J"estime qu"il y avait assez de documents pour étayer sa conclusion.     


[4]          À la suite de cette décision, le juge Reed, dans l"affaire Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) [1999] A.C.F. no 1252, 13 août 1999, a également examiné la norme de contrôle que la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada est tenue d"appliquer lorsqu"elle contrôle les décisions relatives aux demandes d"autorisation d"interjeter appel devant la CAP.



[5]          Le juge Reed a conclu que la demande d'autorisation d'interjeter appel est une étape préliminaire à une audition du fond de l'affaire. Ainsi, " [c]'est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l'audition de l'appel sur le fond " (voir page 6 de la décision). La Cour s"est fondée sur l"arrêt Kurniewicz c. Canada (Ministre de la Main-d"oeuvre et de l"Immigration) (1974) 6 N.R. 225, à la page 230 (C.A.F.) pour étayer sa proposition selon laquelle, pour que l"autorisation soit accordée, il doit exister un motif défendable de faire éventuellement droit à l"appel.



[6]          Par suite d"un examen des motifs qu"il a donnés pour refuser l"autorisation d"interjeter appel, il est évident que le vice-président de la CAP est allé beaucoup plus loin que de simplement déterminer s"il y avait une cause défendable ou si une question de droit ou de compétence avait été soulevée, et qu"il s"est plutôt demandé si l"appelant pouvait avoir gain de cause au fond. Il s"agit d"une erreur de droit. Le vice-président a affirmé (Dossier d"appel, page 60) :

[TRADUCTION]
Il est difficile de voir comment la Commission pourrait tirer une conclusion autre que celle à laquelle était parvenu le tribunal de révision. La preuve médicale n"étaye pas la prétention selon laquelle le requérant est incapable d"occuper de façon régulière un emploi rémunérateur. Bien qu"elle établisse que le choix de travaux qu"il peut accomplir est limité, mais étaye la prétention du ministre selon laquelle le requérant serait en mesure d"accomplir un travail moins dur physiquement. En ce qui concerne les compétences académiques du requérant, toute limite résultant de cette considération n"a rien à voir avec l"invalidité. Il ne saurait être justifié d"accorder l"autorisation d"interjeter appel.

                


[7]          À notre humble avis, le vice-président de la CAP n"a pas appliqué le bon critère pour rendre sa décision et il a imposé à l"appelant un fardeau trop élevé lorsqu"il a évalué la demande d"autorisation d"interjeter appel. À notre avis, il existe au moins une cause défendable quant à l"interprétation appropriée du sous-alinéa 42(2)(a)i ) du Régime de pensions du Canada selon lequel, pour qu"une invalidité soit grave, le demandeur doit être " régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ". Le tribunal de révision, toutefois, a supposé que l"appelant devait prouver qu"il était " incapable d"accomplir tout travail ".



[8]          L"appel devrait être accueilli et l"ordonnance que le juge Tremblay-Lamer en rendue en date du 6 mars 1998 devrait être annulée. La demande de contrôle judiciaire doit être accueillie et la demande d"autorisation d"interjeter appel devant la CAP devrait être renvoyée afin de faire l"objet d"un nouvel examen.


     (B. Malone)

     Malone J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Julie Boulanger, LL.M.





Date : 19991216


Dossier : A-229-98

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE MALONE


ENTRE :

     MERVYN K. MARTIN

     appelant

         - et -

     LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

     intimé






Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 16 décembre 1999.

Motifs du jugement de la Cour prononcés à l"audience à Ottawa (Ontario), le 16 décembre 1999.



MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :      LE JUGE MALONE

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

DIVISION D"APPEL


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :                  A-229-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Mervyn K. Martin c.
                         Le ministre du Développement des ressources humaines

LIEU DE L"AUDIENCE :              OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L"AUDIENCE :              le 16 décembre 1999

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR (LES JUGES STRAYER, ROBERTSON ET MALONE)

PRONONCÉS À L"AUDIENCE PAR MONSIEUR LE JUGE MALONE, LE 16 DÉCEMBRE 1999.



ONT COMPARU :

M. Ronald B.F. Cronkhite                      POUR L"APPELANT
M. Jan Brongers                          POUR L"INTIMÉ


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lanark County Legal Clinic

Perth (Ontario)                          POUR L"APPELANT

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                  POUR L"INTIMÉ
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.