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Date : 20041216

Dossier : A-109-04

Référence : 2004 CAF 437

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE SEXTON

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                             KAREN KENNEDY

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                intimée

                                  Audience tenue à Toronto (Ontario), le 13 décembre 2004

                                  Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 16 décembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE SEXTON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                  LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                         LA JUGE SHARLOW


                                                                                                                                 Date : 20041216

                                                                                                                             Dossier : A-109-04

                                                                                                                Référence : 2004 CAF 437

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE SEXTON

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                             KAREN KENNEDY

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SEXTON


[1]                Par des avis de nouvelle cotisation, les versements de pension alimentaire pour enfants reçus par l'appelante, Karen Kennedy, en 1997 et en 1998 ont été imposés. Mme Kennedy a interjeté appel des nouvelles cotisations à la Cour canadienne de l'impôt en faisant valoir que les versements de pension alimentaire pour enfants n'étaient pas imposables par suite de certaines modifications apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1, par la Loi budgétaire de 1996 concernant l'impôt sur le revenu, L.C. 1997, ch. 25, art. 9. Son appel a été rejeté pour les motifs exposés dans Kennedy c. Canada, [2003] 4 C.T.C. 2263; (2003), 39 R.F.L. (5th) 314. Mme Kennedy interjette maintenant appel de cette décision à la Cour.

[2]                En 1991, Mme Kennedy et son mari étaient séparés et la Cour de l'Ontario (Division générale) était saisie d'un litige relatif à la séparation. En mars 1991, une ordonnance provisoire concernant la garde des enfants et la pension alimentaire pour enfants a été rendue, avec le consentement de M. Kennedy. L'ordonnance prévoyait notamment des versements hebdomadaires de pension alimentaire pour chacun des enfants du couple. L'ordonnance fixait le montant de la pension alimentaire, sans toutefois prévoir d'augmentations en fonction du coût de la vie.

[3]                En décembre 1991, le litige a été réglé par un accord écrit intitulé « Procès-verbal de transaction » . Cet accord exigeait notamment que M. Kennedy verse chaque semaine à Mme Kennedy, pour chacun des enfants, le montant indiqué dans l'ordonnance rendue précédemment. Il prévoyait cependant également que le montant serait rajusté chaque année en fonction du coût de la vie et précisait la formule à utiliser à cette fin.


[4]                Le 24 septembre 1997, la Cour de l'Ontario (Division générale) a rendu, à la demande de Mme Kennedy, un jugement prévoyant le versement d'une pension alimentaire pour enfants égale aux montants indiqués dans le procès-verbal de transaction et payables suivant les modalités, y compris le rajustement en fonction du coût de la vie, qui y étaient stipulées.

[5]                Après que ce jugement a été rendu en 1997, l'avocat de Mme Kennedy a écrit à celle-ci une lettre confirmant que, comme le jugement avait été rendu après le 1er mai 1997, les versements de pension alimentaire qu'elle recevait n'étaient plus imposables entre ses mains et n'étaient plus déductibles par son mari.

[6]                Mme Kennedy a expliqué que l'ordonnance judiciaire avait été obtenue afin que l'obligation légale qui incombait à son mari de payer les augmentations relatives au coût de la vie - ce qu'il ne faisait pas apparemment - soit facilement exécutoire. D'après ce que je comprends, il ne fait aucun doute que le mari de Mme Kennedy avait l'obligation légale, depuis la conclusion du procès-verbal de transaction en 1991, de payer les augmentations relatives au coût de la vie, mais Mme Kennedy prétendait qu'à moins d'être prévue dans une ordonnance judiciaire cette obligation n'était pas exécutoire par le Bureau des obligations familiales. L'avantage, pour Mme Kennedy, d'utiliser ce moyen d'exécution réside dans le fait qu'il n'entraîne aucuns frais pour elle.


[7]                En appel, la Cour de l'impôt devait décider si les versements de pension alimentaire pour enfants reçus par Mme Kennedy en 1997 et en 1998 étaient assujettis à l' « ancien régime » applicable aux pensions alimentaires pour enfants (le « système de déduction et d'inclusion » ), sous lequel les versements de pension alimentaire pour enfants faits en vertu d'un accord écrit ou d'une ordonnance judiciaire étaient déductibles par le payeur et imposables entre les mains du bénéficiaire. Le juge de la Cour de l'impôt a conclu que les versements de pension alimentaire reçus par Mme Kennedy étaient assujettis à l'ancien régime, et il a rejeté l'appel.

[8]                Mme Kennedy prétend devant la Cour, comme elle l'a fait devant la Cour de l'impôt, que c'est le « nouveau régime » créé par la loi modificative de 1996 mentionnée précédemment, et non l'ancien régime, qui s'applique aux versements de pension alimentaire pour enfants qu'elle a reçus après le 27 septembre 1997. Sous le nouveau régime, les versements de pension alimentaire pour enfants payables en vertu d'un accord écrit ou d'une ordonnance judiciaire ne sont pas imposables entre les mains du bénéficiaire ni déductibles par le payeur.

[9]                La loi modificative de 1996 prévoyait différentes méthodes permettant aux parties à un accord ou à une ordonnance judiciaire relatif à la pension alimentaire pour enfants en vigueur sous l'ancien régime de s'assujettir au nouveau régime après avril 1997. Les méthodes sont décrites dans la définition de « date d'exécution » , l'expression utilisée pour désigner le jour après lequel le nouveau régime doit s'appliquer aux versements de pension alimentaire pour enfants prévus par un accord écrit ou une ordonnance judiciaire. Règle générale, le nouveau régime ne s'applique pas aux versements faits en vertu d'un accord ou d'une ordonnance qui ne prévoit pas de date d'exécution. La définition de « date d'exécution » est contenue au paragraphe 56.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu :


... « date d'exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

... "commencement day" at any time of an agreement or order means

a) si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

(a) where the agreement or order is made after April 1997, the day it is made; and

b) si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(b) where the agreement or order is made before May 1997, the day, if any, that is after April 1997 and is the earliest of

(i) le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(i) the day specified as the commencement day of the agreement or order by the payer and recipient under the agreement or order in a joint election filed with the Minister in prescribed form and manner,

(ii) si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(ii) where the agreement or order is varied after April 1997 to change the child support amounts payable to the recipient, the day on which the first payment of the varied amount is required to be made,

(iii) si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iii) where a subsequent agreement or order is made after April 1997, the effect of which is to change the total child support amounts payable to the recipient by the payer, the commencement day of the first such subsequent agreement or order, and

(iv) le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

(iv) the day specified in the agreement or order, or any variation thereof, as the commencement day of the agreement or order for the purposes of this Act.

[10]            La question en litige en l'espèce est de savoir si le jugement de 1997 a créé une date d'exécution au sens de la définition contenue au paragraphe 56.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu, de sorte que les versements de pension alimentaire pour enfants reçus par Mme Kennedy ne seraient pas imposables entre ses mains.


[11]            L'appelante a fait valoir que, comme elle devait obtenir un jugement afin d'obtenir une procédure d'exécution pour forcer son mari à payer les augmentations relatives au coût de la vie, l'ordonnance de 1997, qui a été rendue après avril 1997, a créé une date d'exécution au sens de l'alinéa a) de la définition du paragraphe 56.1(4).

[12]            Je ne peux souscrire à cette interprétation de la loi. L'obligation de payer la pension alimentaire a été créée par l'ordonnance rendue par la Cour de l'Ontario en 1991, et celle de payer les augmentations relatives au coût de la vie, par le procès-verbal de transaction signé en 1991. Le jugement de 1997 n'a eu aucune incidence sur ces obligations. Ce jugement a peut-être facilité la perception des sommes par Mme Kennedy, mais les obligations elles-mêmes existaient bien avant avril 1997. Mme Kennedy n'avait pas besoin d'obtenir le jugement de 1997 pour contraindre son mari à payer. Elle aurait pu intenter une action devant la Cour de l'Ontario pour faire respecter les modalités du procès-verbal de transaction.


[13]            Il me semble que, même si la définition de « date d'exécution » au paragraphe 56.1(4) aurait pu être plus claire, l'objet de la loi est de faire en sorte que le nouveau régime s'applique aux ordonnances ou aux accords établis après avril 1997 qui créent effectivement de nouvelles obligations. Les obligations créées sous l'ancien régime demeurent assujetties aux anciennes dispositions. C'est ce que confirme d'ailleurs le sous-alinéa b)(ii), qui prévoit que l'accord ou l'ordonnance qui fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants crée une nouvelle date d'exécution; dans ce cas, une nouvelle obligation est créée par suite de la modification apportée après avril 1997. Il en est de même du sous-alinéa b)(iii), qui prévoit qu'un accord ou une ordonnance subséquent établi après avril 1997 ayant pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants crée une date d'exécution.

[14]            La Cour de l'impôt a déjà interprété la loi de cette façon dans le passé. Voir Katsoras c. Canada, [2002] A.C.I. no 254 (C.C.I.), aux paragraphes 8 à 10; Pieper c. Canada, [2004] A.C.I. no 256 (C.C.I.), au paragraphe 6; Bolt c. Canada, [2002] A.C.I. no 401 (C.C.I.), au paragraphe 9; Price c. Canada, [2001] A.C.I. no 355 (C.C.I.), au paragraphe 9.

[15]            Par conséquent, je suis d'avis de conclure que l'ordonnance de 1997 ne crée pas une date d'exécution faisant en sorte que Mme Kennedy n'a pas d'impôt à payer sur les sommes qu'elle a reçues de son mari en 1997 et en 1998.

[16]            En outre, il m'est impossible de conclure que l'alinéa b) de la définition de « date d'exécution » au paragraphe 56.1(4) est utile à l'appelante en créant une date d'exécution relativement au procès-verbal de transaction établi en 1991 :

(a)        le sous-alinéa (i) ne s'applique pas parce que Mme Kennedy et son mari n'ont pas présenté un choix conjoint indiquant une date d'exécution relativement au procès-verbal de transaction établi en 1991;


(b)        le sous-alinéa (ii) ne s'applique pas parce que le procès-verbal de transaction établi en 1991 n'a pas fait l'objet d'une modification touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants payable à Mme Kennedy;

(c)        le sous-alinéa (iii) ne s'applique pas parce qu'aucun accord ou ordonnance judiciaire subséquent n'a eu pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants payables à Mme Kennedy;

(d)        le sous-alinéa (iv) ne s'applique pas parce que le procès-verbal de transaction établi en 1991 ne précise pas de date d'exécution.

[17]            Par conséquent, malgré la sympathie que m'inspire l'appelante en raison de l'assurance que son avocat lui a donné que les versements de pension alimentaire n'étaient pas imposables et du fait que, même à Revenu Canada, des personnes ont considéré que Mme Kennedy ne devait pas inclure ces versements dans son revenu, je crois que son appel doit être rejeté. Dans les circonstances cependant, il devrait l'être sans dépens.

                                                                                                                              _ J. Edgar Sexton _             

                                                                                                                                                     Juge                         

« Je souscris aux présents motifs

       Gilles Létourneau, juge »

« Je souscris aux présents motifs

       K. Sharlow, juge »

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                             A-109-04

INTITULÉ :                                                            KAREN KENNEDY

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    LE 13 DÉCEMBRE 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                LE JUGE SEXTON

Y ONT SOUSCRIT :                                              LE JUGE LÉTOURNEAU

LA JUGE SHARLOW

DATE DES MOTIFS :                                           LE 16 DÉCEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Karen Kennedy                                                         POUR SON PROPRE COMPTE

Roger LeClaire                                                          POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Karen Kennedy                                                         POUR SON PROPRE COMPTE

Niagara Falls (Ontario)

Morris Rosenberg                                                      POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada


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