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     A-311-94


OTTAWA, le jeudi 2 janvier 1997


CORAM :      LE JUGE EN CHEF
         LE JUGE HUGESSEN
         LE JUGE DESJARDINS


Entre :


     ALEXANDER ERNEST SUTHERLAND

     et

     SHARON GAY SUTHERLAND,

     appelants

     (demandeurs),


     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE

     du chef du Canada,

     intimée

     (défenderesse).




     JUGEMENT

     L'appel est rejeté avec dépens.


                         "Julius A. Isaac"

                                 Juge en chef




Traduction certifiée conforme         
                                 C. Delon, LL.L.




     A-312-94


OTTAWA, le jeudi 2 janvier 1997



CORAM :      LE JUGE EN CHEF
         LE JUGE HUGESSEN
         LE JUGE DESJARDINS


Entre :


     GUNDA MARY KING,

     appelante

     (demanderesse),


     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée

     (défenderesse).




     JUGEMENT

     L'appel est rejeté avec dépens.


                         "Julius A. Isaac"

                                 Juge en chef




Traduction certifiée conforme         
                                 C. Delon, LL.L.





CORAM :      LE JUGE EN CHEF
         LE JUGE HUGESSEN
         LE JUGE DESJARDINS

Entre :

     A-311-94

     ALEXANDER ERNEST SUTHERLAND

     et

     SHARON GAY SUTHERLAND,

     appelants

     (demandeurs),


     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE

     du chef du Canada,

     intimée

     (défenderesse).


     A-312-94

Entre :

     GUNDA MARY KING,

     appelante

     (demanderesse),


     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée

     (défenderesse).



Audience tenue à OTTAWA (Ontario), le jeudi 26 septembre 1996 et le mercredi 9 octobre 1996.

Motifs prononcés à OTTAWA (Ontario), le jeudi 2 janvier 1997.



MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR :      LE JUGE DESJARDINS

SOUSCRIT À CES MOTIFS :      LE JUGE HUGESSEN

MOTIFS CONCORDANTS :      LE JUGE EN CHEF





     A-311-94

CORAM :      LE JUGE EN CHEF
         LE JUGE HUGESSEN
         LE JUGE DESJARDINS

Entre :


     ALEXANDER ERNEST SUTHERLAND

     et

     SHARON GAY SUTHERLAND,


     appelants

     (demandeurs),


     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE

     du chef du Canada,


     intimée

     (défenderesse).


     A-312-94


Entre :

     GUNDA MARY KING,


     appelante

     (demanderesse),


     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE,


     intimée

     (défenderesse).




     MOTIFS DU JUGEMENT



LE JUGE DESJARDINS

     Il s'agit d'un appel conjoint concernant une décision de la Section de première instance qui a rejeté deux actions intentées à l'encontre de Sa Majesté la Reine (l'"intimée") par Alexander Ernest Sutherland et son épouse Sharon Gay Sutherland, et par Gunda Mary King (les "appelants"). Ceux-ci contestent les dispositions législatives de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes1 la ("LPRFC") et de la Loi sur la continuation de la pension des services de défense2 la ("LCPSD") qui refusent le bénéfice de l'allocation au survivant aux conjoints qui, dans le cas de la LPRFC, ont épousé le pensionné après que celui-ci a atteint l'âge de 60 ans ou après qu'il a pris sa retraite, ou qui, dans le cas de la LCPSD, ont épousé le pensionné après que celui-ci a atteint l'âge de 60 ans ou après qu'il a pris sa retraite. Les appelants prétendent que ces dispositions contreviennent à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés3 parce qu'elles créent de la discrimination fondée sur l'âge et le sexe.

LES FAITS

     Les faits ne sont pas contestés.

     M. Sutherland a servi dans les Forces canadiennes (les "Forces") de 1941 à 1946, puis de 1949 à 1970. Pendant son service dans les Forces, M. Sutherland était un "contributeur" au compte de pension de retraite établi en vertu de la LPRFC, et a commencé à recevoir des prestations de retraite en vertu de cette Loi dès sa libération en 1970. M. Sutherland a épousé Mme Sutherland en 1983, alors qu'il avait 63 ans. Par conséquent, aux termes du paragraphe 31(1) de la LPRFC, si Mme Sutherland survit à son époux, elle n'aura pas droit aux prestations au survivant que prévoit la LPRFC parce que, au moment de leur mariage, M. Sutherland avait plus de 60 ans.

     Feu M. King a servi dans les Forces canadiennes de 1923 à 1948. En raison de son service au sein des Forces canadiennes, M. King a reçu une pension, aux termes de la LCPSD, de sa libération en 1948 jusqu'à sa mort en 1990. M. King a épousé Mme King en 1970, alors qu'il avait 65 ans; ils sont demeurés mariés jusqu'au décès de M. King, vingt ans plus tard. Après le décès de son époux, Mme King a déposé une demande de prestations au survivant au titre de la LCPSD. Sa demande a été refusée en vertu des alinéas 26d) et e) de la LCPSD étant donné qu'à l'époque où elle a épousé M. King, celui-ci était à la fois retraité des Forces canadiennes et âgé de plus de 60 ans.

     Les appelants ont contesté séparément les dispositions susmentionnées de la LPRFC et de la LCPSD au motif qu'elles contreviennent à la garantie d'égalité prévue à l'article 15 de la Charte parce qu'elles entraînent une discrimination fondée sur l'âge et le sexe. Bien que les arguments invoqués par les appelants soient essentiellement les mêmes, les redressements qu'ils recherchent sont légèrement différents. Les Sutherland demandent simplement que le paragraphe 31(1) de la LPRFC soit déclaré inopérant aux termes de l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, alors que Mme King demande à la fois que les alinéas 26d) et e) de la LCPSD soient déclarés inopérants et que soit reconnu son droit aux prestations au survivant en vertu de la LCPSD, en s'appuyant sur l'article 24 de la Charte. Néanmoins, compte tenu de la similitude des deux actions, elles ont été entendues ensemble devant la Section de première instance.

LA DÉCISION ATTAQUÉE

     Dans une décision qui est maintenant publiée4, le juge de première instance a statué qu'aucun des paragraphes contestés n'était contraire à l'article 15 de la Charte et qu'il n'y avait pas de discrimination fondée sur le sexe ou l'âge.

     Le juge de première instance a commencé son analyse en exposant les antécédents législatifs des dispositions en question. Il fait observer que, avant d'être incorporée aux dispositions contestées, l'exclusion du droit aux prestations au survivant touchant les veuves des membres des Forces s'étant mariés après l'âge de 60 ans remonte à l'Acte des pensions de la milice de 19015, et que les mariages contractés après l'âge de 60 ans et après le départ à la retraite constituaient des facteurs d'exclusion en vertu de la Loi de la pension du service civil, 1924. Il résume ensuite la preuve des experts qu'il a entendue sur la question de l'intention du législateur relativement à ces exclusions. Il a rejeté le témoignage de l'un des témoins des appelants, Mme Margaret McCallum, qui a déclaré que l'objet de la loi était de protéger le régime de pension des militaires contre les visées de femmes prêtes à épouser des soldats, vieux ou à la retraite, afin de pouvoir toucher les prestations au survivant, en qualifiant péjorativement ces femmes de "chercheuses d'or" tentant de contracter un "mariage in extremis". Le juge de première instance n'a pas été non plus été impressionné par la preuve fournie par l'expert des appelants concernant la situation économique actuelle des femmes au Canada, Mme Margaret Townson, qui déclare dans sa déposition que les femmes âgées vivant seules sont plus susceptibles d'avoir des revenus inférieurs au seuil de la pauvreté parce qu'elles ont passé leur vie à entretenir un foyer, dépendant financièrement de leur mari. Le juge de première instance a fait observer que Mme Townson n'avait fourni aucune preuve concernant la situation économique des veuves de militaires ou de femmes, maintenant veuves, qui ne s'étaient mariées qu'après le départ à la retraite de leurs conjoints.

     Le juge de première instance a préféré retenir le témoignage de l'expert de l'intimée, Mme Sharon Hamilton, qui a expliqué que les régimes de pension du gouvernement sont conçus de façon que le coût des prestations prévues soit raisonnable aussi bien pour les employés que pour l'employeur qui est le gouvernement. Mme Hamilton a également expliqué que les prestations au survivant créent des charges importantes et qu'on a admis depuis longtemps le principe voulant qu'en matière de prestations au survivant, les obligations du régime ne s'étendent qu'aux survivants déjà en mesure de prétendre à ces prestations au jour où l'intéressé a pris sa retraite. Dans le cas des militaires, ce principe a été modifié puisqu'ils prennent leur retraite plus tôt que les autres; en fixant, de manière arbitraire, l'âge de 60 ans comme équivalent de l'âge de la retraite, le gouvernement a essayé de fournir aux conjoints des membres des Forces canadiennes des prestations au survivant comparables à celles prévues dans le cadre d'autres régimes de pension gouvernementaux. Le juge de première instance conclut en acceptant que, aux fins de la LPRFC et de la LCPSD, 60 ans tient tout simplement lieu d'âge de la retraite6. Le juge de première instance a également accepté la déposition de l'expert actuaire de l'intimée, M. Michael Cohen, qui a déclaré qu'autoriser le versement de prestations au survivant aux femmes qui épousent des militaires pensionnés ayant plus de 60 ans ferait augmenter le coût annuel du régime de 0,23 %, ce qui exigerait, au niveau des cotisations annuelles, un supplément situé entre 12,1 millions de dollars et 108 millions de dollars qui viendrait s'ajouter à l'amortissement sur quinze ans de nouvelles charges d'un montant situé entre 362 millions de dollars et 3,87 milliards de dollars. M. Cohen a souligné que l'élargissement des catégories d'admissibilité aux prestations de retraite pourrait effectivement encourager certains comportements visant à rendre les conjoints admissibles aux prestations de retraite, un phénomène qu'il appelle "l'anti-sélection", bien qu'il ait reconnu qu'aucune étude n'avait démontré qu'un effet anti-sélection se produirait si les prestations étaient accordées de la manière recherchée par les appelants. Le juge de première instance conclut son résumé de la preuve des experts de la manière suivante :

     Bref, d'après moi, les limitations que les dispositions en cause apportent à l'octroi des prestations au survivant ont, d'une manière générale, pour objet la maîtrise des coûts. Comme l'a expliqué M. Cohen, lors de l'élaboration d'un régime de pension, le désir de répondre aux besoins des employés doit tenir compte du besoin de maintenir les coûts à un niveau acceptable, de réduire au maximum les complications administratives et d'éviter toute disposition susceptible d'être exploitée par les bénéficiaires. Cela ne veut pas dire que les restrictions applicables aux personnes épousant des retraités âgés de plus de 60 ans aient pour objet de protéger les régimes de pension contre les "intrigantes". Il ne s'agit là que d'un objectif accessoire qui ne découle en rien d'un portrait stéréotypé du comportement féminin. L'inquiétude qu'ont pu inspirer certains cas isolés de mariages intéressés ne crée aucune présomption touchant le comportement féminin en général.7

     Le juge de première instance passe ensuite à l'analyse juridique de la présumée violation de l'article 15 de la Charte, en gardant à l'esprit les différentes opinions des parties. Les appelants prétendent que les dispositions de la LPRFC et de la LCPSD entraînent de la discrimination fondée sur l'âge ou le sexe. L'intimée nie cette allégation, en faisant valoir que ces distinctions sont fondées sur le statut professionnel du pensionné à l'époque de son mariage, ce qui est différent d'une caractéristique personnelle. Le juge de première instance s'est d'abord demandé s'il s'agissait de discrimination directe. Après avoir énoncé les critères applicables à l'article 15 de la Charte tirés d'autorités comme Andrews c. Law Society of British Columbia8 et Symes c. M.R.N.9, le juge de première instance a tiré un certain nombre de conclusions.

     Tout d'abord, il note que la différence de traitement entre deux groupes ne veut pas toujours dire qu'il y a discrimination. Il serait injuste, alors que les membres des Forces canadiennes prennent en général leur retraite beaucoup plus tôt que les autres employés du gouvernement fédéral, de leur imposer automatiquement, quant au droit aux prestations au conjoint survivant, la restriction visant les personnes qui se sont mariées après avoir pris leur retraite et il est manifestement plus juste de retenir, pour les membres des Forces canadiennes, un âge théorique de la retraite qui corresponde mieux à l'âge ordinaire de la retraite des autres employés du gouvernement fédéral.

     Deuxièmement, il conclut que la loi s'exprime en des termes d'une neutralité apparemment évidente. Bien qu'en pratique ce soient les épouses qui sont ainsi visées par les dispositions restreignant leur admissibilité aux prestations au conjoint survivant, le juge de première instance ne croit pas que ces restrictions sont fondées sur des caractéristiques personnelles non pertinentes. Ces restrictions sont nées du besoin de maîtriser les coûts et de la nécessité pour tous les régimes de pension de pouvoir calculer, à une date donnée, l'étendue de leurs engagements.

     Troisièmement, il conclut que la distinction en cause n'est pas fondée sur une caractéristique personnelle mais sur le statut professionnel du pensionné qui décide de se marier après l'âge de 60 ans. Selon le juge de première instance, la limite d'âge de 60 ans, retenue par les textes en question, n'est pas une caractéristique personnelle mais, tout simplement, une sorte d'âge théorique de la retraite permettant de déterminer le statut professionnel de l'intéressé et les droits qui en découlent au niveau de sa pension de retraite. N'étant pas une caractéristique personnelle, le statut professionnel ne relève pas du paragraphe 15(1) de la Charte.

     Après être parvenu à cette conclusion concernant la discrimination directe, le juge de première instance a poursuivi son analyse pour déterminer s'il y avait de la discrimination par effet préjudiciable. Il a suivi à cette fin une démarche en deux parties.

     Il s'est d'abord demandé "si la disposition en cause entraîne un effet préjudiciable pour les femmes (ou un sous-groupe de celles-ci) par rapport aux hommes (ou un sous-groupe)" et, deuxièmement, "si la disposition en cause crée une distinction fondée sur la caractéristique personnelle que constitue le sexe". Sur le premier point, les appelants ont fait valoir qu'il y avait effectivement discrimination par effet préjudiciable parce que la plupart des conjoints ayant épousé des pensionnés âgés de plus de 60 ans, ou âgés de moins de 60 ans mais ayant tout de même pris leur retraite, sont, en fait, des femmes. Ainsi, l'élimination des restrictions d'admissibilité aux prestations au conjoint survivant profitera surtout aux femmes et ce sont les femmes qui ont le plus de chance de subir un préjudice en raison des restrictions ainsi imposées. Le juge de première instance a émis l'avis que, puisque les femmes sont aussi bien celles qui bénéficient de l'allocation que celles qui se la voient refuser, il ne pouvait pas effectuer d'analyse comparative sur ce point étant donné que, dans les deux cas de figure, les groupes à comparer sont constitués de femmes. Il se peut que des femmes âgées vivant seules connaissent de façon générale des difficultés économiques plus grandes que la majorité, mais cette situation est indépendante des dispositions législatives contestées. Il a conclu que les appelants n'avaient tout simplement pas démontré qu'il y avait un lien entre les distinctions au niveau du traitement et le désavantage subi par les membres du groupe en question.

     Passant à la deuxième partie de son analyse, le juge de première instance fait observer que les appelants allèguent une discrimination fondée sur le sexe. Toutefois, comme la distinction est plutôt entre le groupe de femmes ayant épousé des retraités qui avaient plus de 60 ans et le groupe de femmes qui épousent des retraités qui n'ont pas encore atteint l'âge de 60 ans, il est clair que cette distinction n'est pas fondée sur le sexe. Compte tenu de la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Symes, il a statué qu'il est impossible de faire valoir qu'une disposition crée de la discrimination fondée sur le sexe lorsque le fardeau, ou l'avantage, revient aussi bien aux deux sexes, même si, le plus souvent, ce sont les femmes qui sont affectées par la disposition en cause.

     Quant à l'argument des appelants selon lequel la discrimination est fondée sur l'âge, le juge de première instance a statué que cet argument ne peut être soulevé puisqu'il a déjà conclu que la limite d'âge de 60 ans prévue dans les textes de loi correspond en fait à une sorte d'âge théorique de la retraite permettant de déterminer le statut professionnel à une date donnée. Il ne s'agit aucunement d'une caractéristique personnelle des retraités de sexe masculin et cela ne constitue donc pas un motif permettant de conclure à une discrimination en fonction de l'âge. Par ailleurs, si la distinction qui s'opère est entre le groupe des femmes plus âgées qui épousent des hommes déjà retraités et le groupe des femmes moins âgées qui épousent des hommes qui n'ont pas encore pris leur retraite, il reste à voir si l'un ou l'autre de ces groupes subit un fardeau ou bénéficie d'un avantage particulier. Comme ni l'une ni l'autre des parties n'a versé au débat de preuves à cet effet, ni de preuves tendant à établir une distinction entre les femmes qui épousent des retraités et les femmes plus âgées vivant seules en général, ou à démontrer que les femmes ayant épousé des retraités constituent depuis longtemps un groupe désavantagé, il n'a pu conclure qu'il y avait inégalité.

LES DISPOSITIONS PERTINENTES

     Il sera utile de faire ici un bref historique des dispositions pertinentes pour comprendre le contexte dans lequel elles se retrouvent.

     Les dispositions de la LPRFC et de la LCPSD qui refusent les prestations au survivant aux conjoints des militaires qui se marient après avoir atteint l'âge de 60 ans, ou après avoir pris leur retraite, remontent à l'Acte des pensions de la milice de 190110. Avant 1901, les pensions de retraite n'étaient accordées que par brevet royal.

     Aux termes de l'Acte des pensions de la milice, l'octroi d'une pension de retraite à la veuve était discrétionnaire. Selon l'article 18 de cette Loi, la pension était refusée si la requérante était, dans l'opinion du ministre, indigne de cette pension, ou si elle était riche. Aucune pension n'était accordée à la veuve d'un officier si celui-ci était plus âgé qu'elle d'au moins 25 ans, et aucune pension n'était non plus accordée si l'officier en question s'était marié après son départ à la retraite ou s'il s'était marié après avoir atteint l'âge de 60 ans. Selon l'article 22, la pension versée à la veuve était supprimée si elle en devenait indigne ou si elle devenait riche. En cas de remariage, cette pension était suspendue, mais elle lui était versée à nouveau si elle redevenait veuve.

     C'est la Loi de la pension du service civil, 1924 qui, pour la première fois, prévoit que la veuve d'un fonctionnaire aura droit à l'allocation au survivant. Cependant, cette allocation au survivant était assujettie à un octroi du gouverneur en conseil. On exigeait également que celle qui en bénéficiait soit et demeure digne, et ne se remarie point. L'allocation n'était pas versée si, à l'époque de son mariage, le mari avait déjà pris sa retraite ou avait plus de 60 ans. Si le pensionné avait plus de vingt ans de plus que sa femme, le montant de l'allocation était réduit en fonction d'un calcul actuariel.

     En 1946, la Loi des pensions de la milice a été modifiée au moyen de l'ajout de la partie V applicable aux personnes entrées dans les Forces après le 31 mars 1946, ainsi qu'à ceux qui étaient membres des Forces à cette date-là, et qui choisirent de devenir contributeurs11.

     Aux termes de la Partie V, les veuves n'avaient pas droit aux prestations si, entre autres, le contributeur avait plus de 60 ans lors de son mariage, mais aucune restriction n'était prévue pour les mariages intervenant après le départ à la retraite de l'intéressé. Les veuves des membres des Forces ne relevant pas de la Partie V restaient assujetties à la double restriction qui refusait d'accorder les prestations au survivant lorsque le mariage avait eu lieu après le départ à la retraite ou après que l'intéressé avait atteint l'âge de 60 ans.

     En 1950, la Loi des pensions de la milice est devenue la Loi sur les pensions des services de défense12.

     La Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes a été édictée en 1959 et elle est entrée en vigueur l'année suivante. Cette Loi régissait le droit aux prestations de retraite de toutes les personnes servant dans les Forces canadiennes, ainsi que de toutes les personnes relevant de la Partie V de la Loi sur les pensions des services de défense.

     La Loi sur la continuation de la pension des services de défense régissait le versement des prestations de retraite aux membres des Forces canadiennes qui n'étaient pas visés par la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes au moment de son adoption en 1959. Elle s'appliquait aux personnes ayant pris leur retraite des Forces canadiennes avant 1946, ou qui s'étaient enrôlées dans les Forces avant 1947 et qui n'avaient pas choisi, avant le 31 mars 1948, d'être visées par la Partie V de la Loi sur la continuation de la pension des services de défense. Le dernier contributeur en vertu de la Loi de la continuation de la pension des services de défense a pris sa retraite en janvier 1980. Toutes les personnes qui touchent des prestations au survivant en vertu de ce régime sont des femmes.

     En 1975, le Parlement a modifié la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes afin d'assurer l'égalité de traitement entre les contributeurs de sexe masculin et de sexe féminin. Les prestations au survivant pour les conjoints des femmes militaires ont été incorporées à la Loi à cette date.

     Finalement, en 1992, la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes et la Loi sur la continuation de la pension des services de défense ont été modifiées pour permettre aux pensionnés dont les conjoints n'étaient pas admissibles aux prestations au survivant, du fait des exclusions relatives aux mariages contractés après l'âge de 60 ans ou après le départ à la retraite, de réduire le montant de leurs prestations de façon à ce que leurs conjoints puissent recevoir l'allocation au survivant. La modification, qui est entrée en vigueur en mars 1994, n'a pas entraîné de coûts supplémentaires pour les régimes.

     Les dispositions contestées sont les suivantes :

Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes :

     25. (1) Au décès d'un contributeur qui, à la date de sa mort, avait droit selon la présente loi à une annuité, le conjoint survivant et les enfants du contributeur sont admissibles aux allocations suivantes [...]
         dans le cas d'un conjoint survivant, une allocation annuelle à jouissance immédiate, égale à l'allocation de base [...]
     31. (1) Nonobstant toute autre disposition de la présente loi, le conjoint survivant d'une personne n'a droit à aucune allocation annuelle prévue par la présente loi si cette personne était âgée de plus de soixante ans lors de son mariage, sauf si, par après, cette personne est devenue ou demeurée contributeur.

Loi sur la continuation de la pension des services de défense :

     25. Sous réserve des dispositions ci-après contenues, le gouverneur en conseil peut, s'il le juge à propos, accorder une pension à la veuve et une allocation de commisération à chacun des enfants de tout officier qui recevait sa solde entière lors de son décès, survenu après une époque à laquelle une pension aurait pu lui être accordée, ou qui recevait une pension lors de son décès.
     26. Cette pension ou allocation de commisération n'est pas accordée
     [...]
         d) si l'officier s'est marié après sa mise à la retraite;
         e) si l'officier était, à l'époque de son mariage, âgé de plus de soixante ans;

     Étant donné que le litige se fonde sur la Charte canadienne des droits et libertés (la "Charte")13, il convient de reproduire les dispositions pertinentes :

     1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.
     15.(1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.
     24.(1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.
     52.(1) La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit.

L'ANALYSE

     Les appelants prétendent que le juge de première instance a commis une erreur en concluant que les articles contestés de la LPRFC et de la LCPSD ne contreviennent pas à l'article 15 de la Charte, en raison de distinctions fondées sur l'âge et le sexe.

L'analyse du paragraphe 15(1) de la Charte

     Dans l'arrêt Egan c. Canada14, le juge LaForest, aux motifs duquel les juges Lamer, Gonthier et Major ont souscrit, cite l'arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia15 et fait observer que ce ne sont pas toutes les distinctions causant un désavantage à un groupe particulier qui constituent de la discrimination. Selon lui, "[si] les tribunaux devaient remettre en question chaque distinction ayant un effet défavorable sur un groupe énuméré ou analogue, le travail légitime de nos organismes législatifs s'en trouverait paralysé. Il faudrait alors effectuer une analyse sous le régime de l'article premier dans tous les cas mettant en cause un groupe bénéficiant d'une protection. Ainsi que je l'ai mentionné dans Andrews , à la p. 194, "en adoptant l'art. 15 on n'a jamais voulu qu'il serve à assujettir systématiquement à l'examen judiciaire des choix législatifs disparates qui ne portent aucunement atteinte aux valeurs fondamentales d'une société libre et démocratique"."16

     Il précise ensuite la notion de discrimination17 :

         Qu'est-ce donc que la discrimination? Plusieurs commentaires du juge McIntyre dans les motifs qu'il a prononcés dans Andrews permettent de préciser considérablement le concept. Ainsi, à la p. 174, il a dit :
         J'affirmerais alors que la discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux possibilités aux bénéfices et aux avantages offerts à d'autres membres de la société.
     Ces propos ne peuvent toutefois être considérés de façon isolée. Il faut les lire en conjonction avec le commentaire que le juge McIntyre avait fait auparavant à la p. 165 :
         En d'autres termes, selon cet idéal [d'égalité] qui est certes impossible à atteindre, une loi destinée à s'appliquer à tous ne devrait pas, en raison de différences personnelles non pertinentes, avoir un effet plus contraignant ou moins favorable sur l'un que sur l'autre.
     De même, dans mes motifs distincts, à la p. 193, j'ai fait remarquer que "la question pertinente consiste [...] à savoir si la disposition contestée constitue de la discrimination au sens où l'a définie mon collègue, c.-à-d. de la discrimination fondée sur des (TRADUCTION) "différences personnelles non pertinentes" comme celles qui sont énumérées à l'art. 15 ...".

     Il procède ensuite à une analyse en trois étapes exposée par le juge Gonthier dans Miron c. Trudel :

     Premièrement, il faut déterminer si la loi établit une distinction entre le demandeur et d'autres personnes. Deuxièmement, il faut se demander si la distinction donne lieu à un désavantage et examiner si le texte législatif attaqué impose à un groupe de personnes auquel appartient le demandeur des fardeaux, obligations ou désavantages non imposés à d'autres, ou le prive d'un bénéfice qu'il accorde à d'autres[...]
         Troisièmement, il faut déterminer si la distinction est fondée sur une caractéristique personnelle non pertinente mentionnée au par. 15(1) ou sur une caractéristique analogue.18

     Les juges Cory et Iacobucci, avec l'appui des juges Sopinka et McLachlin, proposent à leur tour cette analyse en deux étapes19 :

         Dans les arrêts Andrews et Turpin, précités, on a formulé une analyse en deux étapes permettant d'établir si le droit à l'égalité garanti par le par. 15(1) avait été violé. La première consiste à déterminer si, en raison de la distinction créée par la disposition contestée, il y a eu violation du droit d'un plaignant à l'égalité devant la loi, à l'égalité dans la loi, à la même protection de la loi et au même bénéfice de la loi. À cette étape de l'analyse, il s'agit principalement de vérifier si la disposition contestée engendre, entre le plaignant et d'autres personnes, une distinction fondée sur des caractéristiques personnelles.
         Les distinctions créées par les lois n'emportent pas toutes discrimination. C'est pourquoi il faut, à la seconde étape, déterminer si la distinction ainsi créée donne lieu à une discrimination. À cette fin, il faut se demander, d'une part, si le droit à l'égalité a été enfreint sur le fondement d'une caractéristique personnelle qui est soit énumérée au par. 15(1), soit analogue à celles qui y sont énumérées et, d'autre part, si la distinction a pour effet d'imposer au plaignant des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux bénéfices ou aux avantages offerts à d'autres.

     Plus loin, le juge Cory ajoute20 :

         Enfin, dans l'arrêt Turpin, on a souligné la nécessité de distinguer entre la question de savoir s'il y a discrimination au sens du par. 15(1) et celle de savoir si cette discrimination est justifiée au regard de l'article premier de la Charte. Comme l'a dit le juge Wilson à la p. 1325 :
             Pour déterminer l'étendue des quatre principaux droits à l'égalité, il importe de s'assurer que chacun de ces droits se voie attribuer son plein sens indépendamment de tout facteur justificatif applicable en vertu de l'article premier de la Charte.
     Cette distinction analytique entre le par. 15(1) et l'article premier est importante puisque le plaignant qui invoque la Charte a pour seul fardeau de prouver que la loi établit une distinction discriminatoire. Ce n'est que si la Cour conclut qu'il y a violation du par. 15(1) que le gouvernement doit justifier cette discrimination.

     Le juge L'Heureux-Dubé a pour sa part effectué une analyse en trois étapes21.

     Il ne fait aucun doute, en l'espèce, que la LPRFC et la LCPSD créent une distinction dans ce sens qu'elles se fondent sur l'âge pour exclure certaines personnes d'un avantage et que la LCPSD ajoute un autre facteur d'exclusion, savoir la retraite.

     La deuxième étape, selon l'analyse suivie par le juge LaForest, consiste à déterminer si la distinction entraîne un désavantage, c'est-à-dire un fardeau, une obligation ou un désavantage non imposé à d'autres.

     La deuxième étape de l'analyse proposée par le juge Cory consiste à déterminer si la distinction créée par la loi se fonde sur une caractéristique personnelle et, dans l'affirmative, si elle entraîne de la discrimination. D'après son raisonnement, la discrimination s'entend de la négation d'un droit à l'égalité garanti par le par. 15(1) en imposant un fardeau, une obligation ou un désavantage non imposé à d'autres.

     Que disent les dispositions contestées?

     Une lecture de la disposition contestée de la LPRFC révèle que les membres ne peuvent transmettre le droit aux prestations au survivant à leur conjoint s'ils avaient 60 ans ou plus au moment de leur mariage à moins qu'ils ne deviennent ou demeurent contributeurs. En vertu de la LCPSD, l'officier perd son droit s'il se marie après son départ à la retraite ou s'il a plus de 60 ans au moment de son mariage.

     M. Sutherland peut uniquement alléguer qu'il y a eu discrimination du fait de l'âge, qui est le facteur d'exclusion spécifiquement mentionné. Si discrimination il y a, il s'agit de discrimination directe.

     Mme King et Mme Sutherland peuvent uniquement alléguer qu'on leur a refusé l'avantage d'une pension du fait de leur sexe s'il peut être démontré que les femmes subissent un préjudice en raison de la Loi. Elles ne peuvent alléguer qu'il y a discrimination directe fondée sur le sexe, étant donné que la Loi ne fait pas référence au sexe.

a) La discrimination fondée sur l'âge

     Les appelants font valoir que ces deux lois, selon toute apparence, ont pour effet de priver un officier de sexe masculin (en vertu de la LCPSD) et un membre des Forces (en vertu de la LPRFC) de l'avantage d'une pension à leur veuve ou d'une allocation annuelle au conjoint survivant, en s'appuyant sur l'âge au moment du mariage. Ils prétendent que le juge de première instance a évité d'en arriver à cette conclusion malgré le texte manifeste des dispositions contestées quand il a statué que l'avantage d'une pension à la veuve ou d'une allocation annuelle au conjoint survivant est refusé à un officier ou à un membre, non pas du fait de son âge, mais du fait de son statut professionnel au moment du mariage. Il a commis une erreur en déclarant que l'âge de 60 ans fixé par la Loi ne peut être considéré comme une caractéristique personnelle, mais bien comme un âge théorique de la retraite de façon à déterminer le statut professionnel d'un employé. Si l'âge de 60 ans est utilisé comme âge théorique de la retraite, cela équivaut, selon les appelants, à fixer l'âge obligatoire de la retraite à 60 ans, ce qui, en soi, constitue de la discrimination fondée sur l'âge. En outre, ils contestent le fondement factuel de la conclusion du juge de première instance selon laquelle l'âge de 60 ans, dont il est question dans la LPRFC et dans LCPSD, tient tout simplement lieu d'âge de la retraite.

     Cette conclusion se fonde largement sur la déposition de Mme Hamilton.

     Mme Hamilton, qui est experte en matière de développement, d'aménagement et de gestion des régimes de pension de la fonction publique fédérale, aussi bien du point de vue historique qu'en ce qui concerne le fonctionnement actuel, est entrée au service du Contrôleur du Trésor en 1966 en tant qu'agent administratif subalterne. Sa connaissance des principes sous-jacents aux régimes de retraite pertinents, antérieurement à son emploi, est limitée à l'examen qu'elle a fait des documents existants et à ses contrats professionnels avec des personnes qui s'intéressent au sujet depuis plus longtemps qu'elle22.

     Dans son affidavit déposé devant la Cour23, Mme Hamilton explique que les régimes fédéraux, qui comprennent entre autres ceux de la LPRFC et de la LCPSD, ont pour but de fournir à leurs membres un moyen adéquat de replacer les gains acquis avant la retraite au moment où ils quittent la population active et ainsi d'aider le secteur public fédéral à retenir les services de personnes compétentes pour assurer la prestation des services gouvernementaux prévus par le Parlement. Dans la conception et l'élaboration des régimes de retraite, le gouvernement du Canada doit veiller à ce que les prestations visées au régime soient raisonnables, tant du point de vue tant de leur coût pour les employés que du coût pour le gouvernement en tant qu'employeur. Le taux de cotisation des employés doit être raisonnable pour éviter qu'ils aient à mettre de côté une part trop importante ou déraisonnable de leur rémunération. Simultanément, le gouvernement doit maintenir un équilibre entre ses responsabilités de bon employeur et les besoins du contribuable de façon à s'assurer que celui-ci continuera d'appuyer ses obligations en tant qu'employeur.

     Mme Hamilton indique également que, d'après leurs lois habilitantes, les grands régimes fédéraux, comprenant celui de la LPRFC, mais non celui de la LCPSD, doivent être intégralement capitalisés. Ce qui signifie que le solde du compte de retraite de chacun des régimes, majoré des revenus d'intérêts prévus pour l'avenir, doit être suffisant pour financer le coût de toutes les prestations à payer en vertu du régime, et découlant des prestation accumulées à ce jour. Afin d'établir le taux de cotisation de l'employeur, il faut déterminer quelles seront les obligations prévues (c.-à-d. les prestations payables) au regard des crédits sur lesquels on peut compter (c.-à-d. les cotisations des employés et celle de l'employeur majorées des intérêts). Les décisions à cet égard se fondent sur deux séries d'hypothèses établies en consultation avec les actuaires du régime, savoir (a) des hypothèses économiques : les futures augmentations de traitement, le taux d'inflation et les taux d'intérêt, et (b) des hypothèses démographiques : les taux de cessation d'emploi, de retraite, de mortalité, de mariage et autres. Les prestations au survivant, dit-elle, créent des charges importantes pour les régimes et elles sont un facteur important dans les décisions d'augmenter les taux de cotisation des employés. Elle ajoute ceci :

     [TRADUCTION]
         À toutes les étapes de l'élaboration du programme de prestations au survivant, on a toujours tenu compte qu'il fallait fixer une limite à ces charges importantes. Le premier principe admis était qu'en matière de prestations au survivant, les obligations du régime de pension ne s'étendraient qu'aux survivants déjà en mesure de prétendre à ces prestations au jour du départ à la retraite de l'intéressé. C'est pour cette raison que des prestations ne sont pas payables au conjoint ou aux enfants lorsque le mariage a eu lieu ou que l'enfant est né après que l'intéressé a cessé de contribuer au régime.
         Pour assurer un traitement égal aux fonctionnaires, aux militaires et aux membres de la GRC au sujet des prestations au survivant, ce principe a été modifié en vertu de la LPRFC et de la LPRGRC pour tenir compte du profil de carrières très différent qui existe dans les Forces canadiennes et la GRC, dont les membres prennent leur retraite plus tôt que les autres fonctionnaires. Donc, ces régimes prévoient des prestations au survivant dans le cas d'un conjoint que le contributeur a épousé après sa retraite, pourvu que le mariage ait eu lieu avant que le contributeur atteigne l'âge de 60 ans. L'âge de 60 ans a été retenu parce que c'est l'âge normal de la retraite dans la fonction publique, c'est-à-dire l'âge auquel un membre d'un régime de retraite de la fonction publique comptant cinq ans ou plus de service (c.-à-d. un membre ayant des droits acquis) peut prendre sa retraite sans craindre que sa pension accumulée ne soit réduite.

                             [non souligné dans l'original]

     En contre-interrogatoire, elle a expliqué que l'âge de 60 ans n'avait pas en fait été "choisi" pour tenir lieu d'âge normal de la retraite dans la fonction publique puisque l'exclusion remonte à l'Acte des pensions de la milice de 1901 . Elle ajoute ensuite24 :

     [TRADUCTION]
         Je ne peux savoir quel était le principe sous-jacent. Je ne crois pas qu'il existe des preuves permettant de déterminer exactement quels facteurs ont joué dans les décisions qui ont été prises.

     Elle avait auparavant fait référence au rapport H.D. Clark sur les prestations au survivant préparé pour le Conseil du Trésor du Canada en avril 1981 et qui indique ce qui suit :

     [TRADUCTION]
         Il est généralement accepté que les obligations d'un régime de retraite concernant les prestations au survivant doivent être connues au moment où le service actif d'un employé prend fin pour quelque raison que ce soit et que toute option relative aux prestations au survivant doit être exercée avant que l'employé commence à toucher sa propre pension.25

                             [non souligné dans l'original]

     Elle admet qu'elle n'a pu trouver de documentation expliquant clairement la raison d'être de l'exclusion des mariages contractés après 60 ans et après le départ à la retraite du contributeur, au titre des prestations au survivant mais, essentiellement, on a jugé que cette exclusion protégeait le régime contre les obligations illimitées. En fait, on a conclu que, [TRADUCTION] "quand l'intéressé cesse d'accumuler des prestations, l'employeur, qui est le répondant du régime doit connaître toutes ses obligations éventuelles au regard de chaque contributeur. Cet élément a pu faire partie de la réflexion globale."26 Ce qu'elle laisse entendre, c'est qu'en adoptant l'exclusion de 60 ans pour les militaires, on a en fait élargi l'admissibilité aux prestations au conjoint au-delà de l'âge réel de la retraite, puisque les militaires prennent leur retraite beaucoup plus tôt que les fonctionnaires.27

     Les appelants prétendent que la plupart des fonctionnaires ne prennent pas leur retraite à l'âge de 60 ans. Le rapport de 1992 sur l'administration du régime de retraite de la fonction publique fédérale, au tableau 1228, indique qu'il y a eu en tout 4 564 départs à la retraite entre le 1er avril 1991 et le 31 mars 1992, et que seuls 908 fonctionnaires (soit environ 20 %) ont pris leur retraite à l'âge de 60 ans. Plus de 1 200 fonctionnaires (soit plus de 25 %) ont pris leur retraite entre 55 et 59 ans. Les quelque 2 300 fonctionnaires restants (soit plus de 50 %) qui ont pris leur retraite au cours de la même année avaient 61 ans ou plus. Par conséquent, selon les appelants, dans la mesure où l'on peut prétendre que l'exclusion basée sur l'âge de 60 ans est en harmonie avec un quelconque aspect du régime de retraite de la fonction publique, ce fait ne révèle rien de plus qu'une simple coïncidence historique.

     Mme Hamilton explique que "l'âge normal de la retraite pour les fonctionnaires" dont il est question dans son affidavit désigne l'âge ouvrant droit à pension. On lui a demandé si les déclarations qu'elle avait faites dans le paragraphe reproduit ci-dessus n'étaient que ses propres déductions ou des déclarations fondées sur une expérience réelle, même si c'est celles d'autres personnes. Elle a répondu qu'il s'agissait de renseignements qui lui ont été fournis et que ceux-ci semblaient compatibles avec une explication raisonnable de cette disposition. Elle a de plus indiqué dans sa déposition que, même si la disposition est demeurée inchangée dans ces lois jusqu'en 1946, [TRADUCTION] "le législateur aurait consciemment décidé, dans la conception de ces lois, de reprendre des dispositions provenant de lois antérieures"29. Elle a ensuite expliqué que dans sa décision de maintenir la restriction basée sur l'âge de 60 ans [TRADUCTION] "le gouvernement se serait demandé s'il voulait ou non recommander au législateur de créer une nouvelle catégorie de bénéficiaires en étendant l'avantage des prestations à un groupe qui n'avait pas droit à cet avantage auparavant"30.

     Mme McCallum, experte en histoire canadienne, plus particulièrement sur la situation économique des Canadiennes au regard des régimes de retraite, a témoigné pour le compte des appelants en indiquant que le but sous-jacent de l'exclusion des veuves des membres s'étant mariés après leur départ à la retraite et après 60 ans des prestations à la veuve était de protéger le régime établi par l'Acte des pensions de la milice de 1901 contre les "chercheuses d'or" et les "mariages in extremis", et non pas de limiter les charges dans un sens général. Le juge de première instance a rejeté cette déposition en partie parce que le témoin s'est appuyé sur les travaux préparatoires de la Loi sur les pensions , et non sur les lois contestées. Il fait observer31 que, contrairement à la Loi sur les pensions, ni la LCPSD, ni la LPRFC ne mettent en place des programmes de bien-être social. Les pensions prévues dans ces deux lois s'inscrivent dans le cadre de la rémunération versée aux personnes ayant servi au sein des Forces armées. Comme l'a reconnu Dr McCallum, la Loi sur les pensions n'avait rien à voir avec le départ à la retraite ou avec la prise de dispositions financières en vue de la retraite. La Loi ne créait aucun fond alimenté par des cotisations et n'exigeait pas, comme le font la LPRFC et la Loi sur la pension de la fonction publique, une péréquation entre les ressources et les charges.

     À partir de là, il était loisible au juge de première instance, qui était le juge des faits, de retenir ce qui lui semblait être une explication raisonnable de l'objet de l'exclusion contestée et de conclure qu'"aux fins de la LPRFC et de la LCPSD, "60 ans" tient tout simplement lieu d'âge de la retraite"32. Bien que, à première vue, les dispositions contestées soient reliées à l'âge, il conclut qu'"[e]n prévoyant, de manière arbitraire, l'âge de 60 ans comme équivalent de l'âge de la retraite, le gouvernement a essayé de fournir aux conjoints des membres des Forces canadiennes, des prestations au survivant comparables à celles prévues pour les autres catégories"33. Plus loin, après avoir procédé à l'analyse juridique, et en s'appuyant sur la preuve, il conclut dans les termes suivants :

         Or, en l'occurrence, la distinction n'est pas fondée sur une caractéristique personnelle mais sur le statut professionnel du pensionné qui décide de se marier après l'âge de 60 ans. La distinction en cause dépend du statut professionnel de l'intéressé selon qu'il est encore employé ou qu'il a pris sa retraite, c'est-à-dire selon qu'il a commencé ou non à recevoir ses prestations de retraite. La limite d'âge de 60 ans, retenue par les textes en question, n'est pas une caractéristique personnelle mais, tout simplement, une sorte d'âge théorique de la retraite permettant de déterminer le statut professionnel de l'intéressé et les droits qui en découlent au niveau de sa pension de retraite. En l'occurrence, l'âge de 60 ans constitue une caractéristique liée à l'emploi, c'est-à-dire une caractéristique professionnelle. N'étant pas une caractéristique personnelle, le statut professionnel ne relève pas du paragraphe 15(1) de la Charte.34

     Je ne peux constater aucune erreur dans l'analyse qu'a faite le juge de première instance des dispositions contestées de la LPRFC. Il a été convaincu que les exclusions prévues étaient nécessaires en vertu du régime mais que l'âge, bien qu'on y ait fait référence, n'était pas le véritable facteur d'exclusion. Je note que dans l'analyse qu'il a faite de la discrimination directe, il a déclaré que "[l]a Loi s'exprime en des termes d'une neutralité apparemment évidente"35. À mon avis, il est clair que, dans la mesure où les dispositions contestées ne sont apparemment pas exprimées de façon neutre, le juge de première instance a jugé que la neutralité ressortait de l'économie globale de la Loi.

Mais, ce n'est pas tout.

     La LPRFC étend l'admissibilité des prestations au survivant à compter de l'âge de la retraite réelle du membre jusqu'à l'âge théorique de la retraite fixée à 60 ans dans la fonction publique. M. Sutherland a quitté les Forces canadiennes vers l'âge de 50 ans. S'il n'y avait pas eu d'élargissement de l'admissibilité jusqu'à l'âge de 60 ans, l'exclusion se serait appliquée bien avant.

     L'âge de 60 ans devient donc une mesure de comparaison qui fixe le plafond des dispositions élargies permettant de traiter les militaires sur le même pied que les fonctionnaires. Quand les membres atteignent l'âge de 60 ans, et se marient par la suite, l'exclusion qui s'applique dans leur cas ne constitue pas de la discrimination étant donné qu'ils ne sont pas désavantagés par rapport à d'autres personnes. En fait, ils reçoivent le même traitement que les personnes qui contribuent à d'autres régimes gouvernementaux comparables. Les avantages qui, d'après les appelants, leur seraient refusés ne sont pas offerts à d'autres personnes. Il n'y a donc pas eu de discrimination.

     La situation est différente selon la LCPSD. L'inadmissibilité découle de l'âge seul, sans qu'il soit tenu compte du statut professionnel.

     M. King a pris sa retraite vers l'âge de 43 ans et a eu 60 ans vers 1965, c'est-à-dire bien avant le 17 avril 1985, date à laquelle l'article 15 de la Charte est entré en vigueur. Quand il a pris sa retraite et quand il a eu 60 ans, il n'était toujours pas marié à Mme King, puisque le mariage a été célébré en 1970. Aucune prestation au survivant ne pouvait donc être versée à sa veuve.

     Mme King demande à la Cour de reconnaître qu'elle a été privée d'une pension de veuve au décès de son mari en mai 1990, soit cinq ans après l'entrée en vigueur de l'article 15. Elle prétend que l'élément déterminant ou celui qui a cristallisé son droit aux prestations au survivant est la date du décès de son époux.

     Je ne vois aucun fondement dans cet argument. La loi met l'accent sur la survenance d'un événement, c'est-à-dire la date à laquelle M. King aurait pris sa retraite ou aurait eu 60 ans, s'il avait été marié à ce moment-là. C'est l'événement pertinent à partir duquel les prestations au survivant peuvent éventuellement devenir payables. Le statut de veuve de Mme King n'a rien à voir. La situation matrimoniale de M. King à la date de sa retraite ou au moment où il a eu 60 ans n'est pas une condition ou une situation en cours qui justifierait l'application de la Charte36.

     Finalement, les appelants ne peuvent prétendre que les dispositions contestées sont l'équivalent d'une retraite obligatoire. Les régimes reconnaissent tout simplement que les militaires prennent habituellement leur retraite beaucoup plus tôt que les fonctionnaires et prévoient donc une plus longue période d'admissibilité aux prestations. L'exclusion visant le contributeur qui s'est marié après l'âge de 60 ans prévue à la LPRFC est en fait annulée si le pensionné redevient membre du régime, ce qui est un autre indice que le régime se préoccupe exclusivement d'obligations financières.

b) La discrimination fondée sur le sexe et l'âge - l'effet anti-sélection

     Les appelants prétendent que le but de l'exclusion des veuves des militaires qui se sont mariés après leur départ à la retraite et après avoir atteint 60 ans de la pension versée à la veuve n'était pas de limiter les charges, dans un sens général, mais plutôt de protéger le régime établi par l'Acte des pensions de la milice de 1901 contre les "chercheuses d'or" et que cela équivaut à de la discrimination fondée sur le sexe.

     Ils ne s'appuient pas uniquement sur la preuve qu'ils ont produite, plus particulièrement sur le témoignage de Dr McCallum, mais également sur le rapport et la preuve orale du témoin expert de l'intimée, M. Cohen, qui souligne que l'élargissement des catégories d'admissibilité aux prestations de retraite pourrait effectivement encourager certains comportements, ce qu'il appelle les problèmes de l'anti-sélection découlant de l'élargissement des prestations au survivant au conjoint épousé après 60 ans. M. Cohen prétend que dans l'élaboration des régimes de retraite le désir de répondre aux besoins des employés doit tenir compte du besoin de maintenir les coûts à un niveau acceptable, de réduire au maximum les complications administratives et d'éviter toute disposition susceptible d'être exploitée par les bénéficiaires. Il déclare que LPRFC reconnaît les conjoints des contributeurs qui se sont mariés après leur départ à la retraite, mais [TRADUCTION] "une limite doit être fixée de façon à protéger le régime contre l'effet anti-sélection, d'où l'imposition de la limite d'âge"37. Il explique ainsi le phénomène anti-sélection38 :


     [TRADUCTION]
         Les adhérents à un régime de soins dentaires vont chez le dentiste plus souvent. C'est probablement une bonne chose. Je ne crois donc pas porter un jugement de valeur sur l'effet anti-sélection, mais je signale tout simplement un fait que nous constatons dans l'application des régimes de retraite, c'est-à-dire que, en présence d'une disposition généreuse, que ce soit des prestations au survivant, des prestations de retraite anticipée, des prestations d'invalidité, les adhérents ont tendance à faire des choses qu'ils n'auraient peut-être pas faites autrement. Ce qui fait augmenter le coût de l'avantage offert.

     L'effet anti-sélection est également relié à l'âge. Le risque d'anti-sélection augmente avec l'âge. En fait, M. Cohen déclare ce qui suit39 :

     [TRADUCTION]
     [...] au fur et à mesure que les membres vieillissent, il est probable que les mariages ont surtout pour objet d'assurer des prestations au survivant. On peut penser que cela se produit bien plus souvent que dans le cas des mariages contractés à 30 ou 40 ans.

     Selon la position des appelants, les dispositions d'exclusion avaient pour but de protéger les régimes d'un risque que seraient censées représenter de jeunes femmes opportunistes à l'égard d'hommes âgés. C'est selon eux la cause même de l'inconstitutionnalité de ces dispositions. Plutôt que de s'appuyer sur des critères qui s'adressent précisément au risque particulier qui est perçu (par exemple, une disposition qui exclut les femmes qui ont épousé un pensionné en mauvaise santé au moment du mariage), la Loi exclut simplement toutes les veuves des pensionnés qui se sont mariés après leur départ à la retraite et après avoir atteint l'âge de 60 ans.

     Le juge de première instance a conclu que l'effet anti-sélection était un objectif accessoire à l'objectif premier des lois, mais il a ajouté qu'il ne découlait en rien "d'un portrait stéréotypé du comportement féminin". Il a également ajouté qu'"[i]l y aurait sélection à rebours quel que soit le sexe des pensionnés"40, et également que "[l']inquiétude qu'ont pu inspirer certains cas isolés de mariages intéressés ne crée aucune présomption touchant le comportement féminin en général"41.

     Je ne trouve aucune erreur dans l'analyse faite sur ce point.

     Aux termes d'une modification apportée en 1975, l'exclusion prévue à la LPRFC s'applique également aux pensionnés des deux sexes. Les hommes et les femmes sont donc traités sur un pied d'égalité en vertu du régime. En vertu de la LCPSD, seules les veuves sont admissibles aux prestations au survivant. Une femme ne peut donc alléguer qu'il y a discrimination fondée sur le sexe à l'égard d'un avantage qui n'est offert qu'aux femmes.

Conclusion

     Les appelants n'ont pas satisfait à la deuxième étape de l'analyse énoncée par le juge LaForest ou le juge Cory au titre de l'article 15 de la Charte. En outre, si je reprends les termes de l'analyse du juge Cory, les appelants ne se sont pas acquittés du fardeau de démontrer que les dispositions contestées créaient une distinction fondée sur une caractéristique personnelle et qu'ils subissaient un désavantage. Comme le paragraphe 15(1) de la Charte n'a pas été enfreint, il n'est pas nécessaire de faire l'analyse au regard de l'article premier.

     Je suis d'avis de rejeter les deux appels avec dépens.


                         "Alice Desjardins"

     Juge


"Je souscris à ces motifs,

     James K. Hugessen, juge"









Traduction certifiée conforme         
                                 C. Delon, LL.L.




     A-311-94


CORAM :      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE HUGESSEN

         LE JUGE DESJARDINS


Entre :

     ALEXANDER ERNEST SUTHERLAND

     et

     SHARON GAY SUTHERLAND,

     appelants

     (demandeurs),


     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE

     du chef du Canada,

     intimée

     (défenderesse).

______________________________________________________________


     A-312-94


Entre :

     GUNDA MARY KING,

     appelante

     (demanderesse),

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée

     (défenderesse).


LE JUGE EN CHEF


     J'ai eu l'avantage de lire la version préliminaire des motifs de ma collègue, Mme le juge Desjardins. Je suis d'accord avec la façon dont elle propose de trancher ces appels. Toutefois, pour les motifs qui suivent, et avec tout le respect pour l'opinion contraire, je ne peux accepter sa conclusion selon laquelle l'alinéa 26e) de la Loi sur la continuation de la pension des services de défense, S.R.C. 1970, ch. D-3 ("LCPSD") et le paragraphe 31(1) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes , L.R.C. (1985), ch. C-17 ("LPRFC") ne contreviennent pas au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés (la "Charte") et ne créent donc pas de discrimination.

     J'accepte les faits pertinents à ces appels tels qu'ils ont été énoncés par ma collègue dans ses motifs.

     Le juge de première instance a préféré la déposition de Mme Hamilton à celle de Dr McCallum, et c'était son droit. Toutefois, à mon avis, il a commis une erreur de droit quand il a conclu que la restriction applicable aux membres "ayant plus de 60 ans" dans la LPRFC et la LCPSD n'était pas, comme elle se voulait, une distinction fondée sur l'âge, mais bien sur le statut professionnel.

     Pour faciliter la lecture, je reproduis ci-dessous les dispositions pertinentes. L'article 26 de la LCPSD dispose comme suit :

     26.      Cette pension ou allocation de commisération n'est pas accordée [...]
         d)      si l'officier s'est marié après sa mise à retraite;
         e)      si l'officier était, à l'époque de son mariage, âgé de plus de soixante ans;

                                 [non souligné dans l'original]

     Le paragraphe 31(1) de la LPRFC est rédigé dans les termes suivants :

     31(1) Nonobstant toute autre disposition de la présente Loi, le conjoint survivant d'une personne n'a droit à aucune allocation annuelle prévue par la présente Loi si cette personne était âgée de plus de soixante ans lors de son mariage, sauf si, par après, cette personne est devenue ou demeurée contributeur.

                                 [non souligné dans l'original]

     Les mots en italiques sont clairs et non équivoques et par conséquent il n'est pas nécessaire d'en donner une interprétation plus détaillée42. L'expression "âgé[e] de plus de soixante ans" limite l'admissibilité aux prestations au survivant aux cas où les contributeurs se marient avant l'âge de 60 ans ou à 60 ans. Pour conclure, comme le juge de première instance l'a fait, que l'expression dans chaque cas tient lieu d'âge de la retraite consiste à mon avis à réécrire la loi. Dans son ouvrage Driedger on the Construction of Statutes , Sullivan met en garde contre cette tendance des tribunaux à réécrire les lois dans le passage suivant :

     [TRADUCTION]
     En acceptant une interprétation peu plausible ou impossible, le tribunal substitue en fait une règle créée judiciairement à une règle adoptée par le législateur. C'est une chose que d'ajouter ou de retrancher des mots pour exprimer plus clairement ce que le législateur a dit expressément ou implicitement; c'en est une autre de modifier la loi pour qu'elle dise ce que le tribunal souhaite qu'elle dise ou pour qu'elle s'exprime de la façon dont le tribunal pense que le législateur aurait voulu s'exprimer s'il avait mieux réfléchi à la question. Cette façon de réécrire la loi n'est pas permise en vertu de la règle du sens plausible.43

     Abstraction faite des motifs poursuivis par le législateur dans l'adoption de ces dispositions, elles interdisent l'admissibilité aux prestations au survivant en fonction de l'âge.

Le paragraphe 15(1) de la Charte

     Avec respect, je ne peux accepter la conclusion de ma collègue et celle du juge de première instance selon lesquelles ces dispositions ne créent pas de discrimination parce qu'elles accordent un avantage, qui ne leur aurait pas autrement été accessible, aux veuves qui ont marié d'anciens contributeurs aux régimes de retraite après le départ à la retraite de ceux-ci. Le juge de première instance a conclu qu'en élargissant la capacité des contributeurs d'assurer des prestations au survivant à leur conjoint dès la retraite des militaires (qui se produit plus tôt que pour les fonctionnaires) jusqu'à l'âge de 60 ans, le législateur leur a accordé un avantage auquel ils n'auraient autrement pas eu droit. Mais cela n'est manifestement pas le cas de l'alinéa 26e) de la LCPSD qui prive un conjoint survivant de son droit aux prestations si elle a épousé un contributeur après que celui-ci a atteint l'âge de 60 ans, même s'il travaillait encore au moment de son mariage.

     L'intention du législateur d'étendre ces avantages aux conjoints survivants de militaires qui se sont mariés après le départ à la retraite est louable. En l'espèce, toutefois, le législateur a choisi de limiter l'étendue du bénéfice de ces prestations au survivant en s'appuyant sur un motif de discrimination énuméré, savoir l'âge. Mais l'intention louable du législateur en imposant une limite à la personne "âgée de plus de 60 ans", bien qu'elle soit pertinente à la question de la justification de cette limite n'est pas, selon mon interprétation des autorités, pertinente à la question de savoir si les dispositions sont discriminatoires.

     À mon avis, le juge de première instance a commis une erreur de droit en tenant compte, dans son analyse du paragraphe 15(1) de la Charte, de l'intention du législateur au moment de l'adoption des deux dispositions. Comme le faisait remarquer le juge Iacobucci, s'exprimant au nom de la majorité de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Symes c. Canada, "l'animus n'est pas pertinent en matière de discrimination. On pourra conclure à la discrimination même s'il n'existe pas d'intention de discriminer."44

     L'intention que poursuivait le législateur au moment d'adopter une disposition est une considération qui doit à bon droit se poser dans une analyse de l'article premier de la Charte. Le juge Wilson a conclu, au nom de la majorité de la Cour suprême dans R. c. Turpin, ce qui suit :

     Pour déterminer l'étendue des quatre principaux droits à l'égalité, il importe de s'assurer que chacun de ces droits se voie attribuer son plein sens indépendamment de tout facteur justificatif applicable en vertu de l'article premier de la Charte.45

     La distinction analytique entre le paragraphe 15(1) et l'article premier est importante. C'est à la partie requérante qu'incombe le fardeau de démontrer que la loi créant une distinction est discriminatoire. Ensuite, le gouvernement aura à justifier cette discrimination46. Le juge McLachlin, s'exprimant en son nom personnel et au nom de trois autres juges, a fait observer ce qui suit dans Miron c. Trudel :

     Cette façon de départager l'analyse entre le par. 15(1) et l'article premier est compatible avec la directive à laquelle notre Cour s'est conformée depuis les premiers arrêts portant sur la Charte : les tribunaux devraient interpréter les droits qui y sont énumérés d'une façon large et libérale, et ce sera alors à l'étape de l'analyse fondée sur l'article premier qu'il faudra restreindre la protection prima facie ainsi accordée pour la rendre conforme aux intérêts opposés sur les plans social et législatif.47

     La méthode appropriée d'analyser le paragraphe 15(1) de la Loi a été élaborée dans Andrews c. Law Society of British Columbia48, R. c. Turpin49, Symes c. Canada50, Miron c. Trudel51 et Egan c. Canada52. Dans Egan, les juges Cory et Iacobucci, s'exprimant au nom de la majorité de la Cour sur la question de l'interprétation du paragraphe 15(1), ont exposé le cadre approprié convenant à l'analyse fondée sur le paragraphe 15(1). La première étape relative à l'analyse des droits à l'égalité consiste à déterminer si la loi attaquée crée une distinction qui nie au plaignant son droit à l'égalité devant la loi, à l'égalité dans la loi, à la même protection de la loi ou au même bénéfice de la loi. À la deuxième étape, il faut déterminer si la distinction donne lieu à une discrimination parce qu'elle nie les droits à l'égalité sur le fondement d'un motif énuméré ou analogue et a pour effet d'imposer au plaignant un désavantage ou un fardeau en empêchant ou en restreignant l'accès aux bénéfices ou aux avantages offerts à d'autres53.

     Je reconnais avec ma collègue que l'alinéa 26e) de la LCPSD et le paragraphe 31(1) de la LPRFC créent une distinction. Ces dispositions refusent les prestations au survivant aux conjoints des contributeurs qui se sont mariés alors que ceux-ci étaient "âgés de plus de 60 ans". Ces dispositions établissent une distinction entre les conjoints survivants qui ont épousé des contributeurs avant que ceux-ci atteignent l'âge de 60 ans et celles qui ont épousé des contributeurs après que ceux-ci eurent atteint cet âge. Dans le premier cas, les conjoints survivants ont droit à l'allocation au survivant : dans le deuxième cas, elles n'ont pas ce droit. Sans me prononcer sur la question de savoir si cette distinction constitue une


discrimination directe fondée sur l'âge à l'encontre des conjoints survivants, je dirais que cette distinction équivaut à tout le moins à une discrimination par effet préjudiciable54.

     Je n'accepte pas non plus la conclusion de ma collègue selon laquelle l'application de la Charte dépend de "la date à laquelle M. King aurait pris sa retraite ou aurait eu 60 ans, s'il avait été marié à ce moment-là". Les conjoints n'acquièrent pas leur droit aux prestations au survivant au soixantième anniversaire de leur époux (alors que les appelantes n'étaient même pas encore mariées aux contributeurs) ni au moment de leur mariage, mais au décès de leur conjoint. Autrement dit, l'épouse d'un contributeur ne devient "un conjoint survivant" qu'au moment du décès de son époux. M. King est mort en 1990, alors que le paragraphe 15(1) de la Charte était déjà en vigueur. En outre, les prestations au survivant sont encore refusées à ce jour à Mme King, ce qui équivaut à une négation d'un avantage économique qui est offert aux conjoints survivants des contributeurs qui se sont mariés avant l'âge de 60 ans ou à 60 ans.

     La distinction fondée sur la personne "âgée de plus de 60 ans" constitue donc clairement une négation de l'égalité au même bénéfice de la loi. La pension au survivant confère un avantage économique, et l'accès à ces prestations est refusé aux conjoints survivants des contributeurs qui se sont mariés après 60 ans.

     Ma collègue conclut que la distinction fondée sur "la personne âgée de plus de 60 ans" n'entraîne pas un désavantage pour les contributeurs, parce qu'elle place les contributeurs militaires sur un pied d'égalité avec les fonctionnaires fédéraux. Je ne peux accepter cette conclusion. Bien entendu, la comparaison est un élément pertinent de l'analyse portant sur l'égalité. Comme les juges Cory et Iacobucci le font observer dans Egan :

     Dans l'arrêt Andrews, précité, on a reconnu que, pour juger s'il y a égalité ou discrimination, il faut établir des comparaisons entre différents groupes de personnes. Voici ce que dit le juge McIntyre à la p. 164 :
         [L'égalité] est un concept comparatif dont la matérialisation ne peut être atteinte ou perçue que par comparaison avec la situation des autres dans le contexte socio-politique où la question est soulevée.55

     Le juge de première instance était en droit de conclure, d'après la preuve dont il était saisi, que l'âge de la retraite des fonctionnaires fédéraux faisait partie du contexte socio-politique dans lequel la loi a été adoptée. Toutefois, la question de la validité constitutionnelle de ces dispositions se pose en raison de la distinction fondée sur l'âge qui est créée par la loi. La comparaison entre les groupes doit être faite en tenant compte de la distinction créée par la loi. Dans ces dispositions, le législateur a créé une distinction entre les conjoints survivants des contributeurs qui se sont mariés après 60 ans et ceux qui se sont mariés avant cet âge. À mon avis, les groupes dont il faut tenir compte aux fins de la comparaison sont ceux qui sont créés par la loi elle-même : les conjoints survivants des contributeurs qui se sont mariés après 60 ans devraient être comparés avec les conjoints survivants des contributeurs qui se sont mariés avant cet âge, plutôt que de les comparer avec les fonctionnaires qui ne sont pas mentionnés dans la loi.

L'article premier de la Charte

     Les conclusions de fait du juge de première instance appuient la conclusion selon laquelle, bien que les dispositions engendrent une discrimination fondée sur l'âge, elles sont justifiées au regard de l'article premier. Les dispositions constituent manifestement des limites prescrites par une règle de droit. Les objectifs des dispositions, c'est-à-dire le maintien des coûts à un niveau raisonnable et la nécessité de déterminer les obligations du régime de retraite à une date donnée, sont des motifs suffisamment urgents et réels pour justifier la restriction imposée à un droit garanti par la Charte. La restriction fondée sur l'âge entraîne des économies substantielles et elle est donc reliée rationnellement à ces objectifs.

     La conclusion de droit du juge de première instance, selon laquelle la loi a été adoptée afin d'offrir aux militaires à la retraite des avantages plus généreux que ceux auxquels ils auraient normalement eu droit, devrait être considérée comme un facteur important dans l'analyse fondée sur l'article premier. En outre, le législateur a essayé, au moyen des dispositions contestées de la LCPSD et de la LPRFC, de distribuer des ressources limitées à des groupes qui se font concurrence, notamment les contributeurs en règle, les anciens contributeurs et leurs conjoints survivants et personnes à charge. Il est approprié de faire preuve de retenue à l'égard des décisions du législateur dans un cas comme celui en l'espèce. En pareilles circonstances, le critère de proportionnalité a été satisfait si le gouvernement a démontré qu'il existait un "fondement raisonnable" pour la limite fondée sur l'âge.56

     Les conclusions de fait du juge de première instance concernant l'objet de l'élargissement des avantages jusqu'à l'âge de 60 ans, le coût accru de l'octroi des prestations au groupe exclu, et l'incertitude actuarielle découlant de l'élargissement de ces avantages sont la preuve qu'il existe un motif raisonnable pour limiter, comme le font l'alinéa 26e) de la LCPSD et le paragraphe 31(1) de la LPRFC, les droits à l'égalité des appelants. La restriction aux droits à l'égalité des appelants est dans ce cas raisonnable et justifiée au regard de l'article premier de la Charte.

Conclusion

     Bien que les limites fondées sur l'âge dans les dispositions contestées de la LCPSD et de la LPRFC soient discriminatoires, elles n'en constituent pas moins des restrictions raisonnables aux droits à l'égalité des appelants.


     Par ces motifs, je suis d'avis d'accueillir l'appel de la façon proposée par ma collègue.




                         "Julius A. Isaac"

                                 Juge en chef









Traduction certifiée conforme         
                                 C. Delon, LL.L.






     COUR D'APPEL FÉDÉRALE


     A-311-94


Entre :


     ALEXANDER ERNEST SUTHERLAND

     et

     SHARON GAY SUTHERLAND,

     appelants

     (demandeurs),

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     du chef du Canada,

     intimée

     (défenderesse).

_________________________________________


     A-312-94


Entre :

     GUNDA MARY KING,

     appelante

     (demanderesse),

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée

     (défenderesse).





     MOTIFS DU JUGEMENT




COUR D'APPEL FÉDÉRALE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


NE DU GREFFE :              A-311-94

APPEL D'UN JUGEMENT DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE EN DATE DU 26 MAI 1994, NE DE DOSSIER T-123-91.

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Alexander Ernest Sutherland et al.

                     c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :      le jeudi 26 septembre 1996

                     le mercredi 9 octobre 1996

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR :      le juge Desjardins

SOUSCRIT À CES MOTIFS :                  le juge Hugessen

MOTIFS CONCORDANTS PRONONCÉS PAR :      le juge en chef

DATE :                  le jeudi 2 janvier 1997


ONT COMPARU :


M. J.J. Mark Edwards          pour les appelants


M. Brian J. Saunders

M. James Hendry              pour l'intimée



PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


Nelligan Ë Power

Ottawa (Ontario)              pour les appelants


M. George Thomson

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)              pour l'intimée




COUR D'APPEL FÉDÉRALE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


NE DU GREFFE :              A-312-94

APPEL D'UN JUGEMENT DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE EN DATE DU 26 MAI 1994, NE DE DOSSIER T-2233-89.

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Gunda Mary King c.

                     Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :      le jeudi 26 septembre 1996

                     le mercredi 9 octobre 1996

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR :      le juge Desjardins

SOUSCRIT À CES MOTIFS :                  le juge Hugessen

MOTIFS CONCORDANTS PRONONCÉS PAR :      le juge en chef

DATE :                  le jeudi 2 janvier 1997


ONT COMPARU :


M. J.J. Mark Edwards          pour les appelants


M. Brian J. Saunders

M. James Hendry              pour l'intimée



PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


Nelligan Ë Power

Ottawa (Ontario)              pour les appelants


M. George Thomson

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)              pour l'intimée

__________________

1      L.R.C. (1985), ch. C-17, par. 31(1)

2      S.R.C. 1970, ch. D-3, articles 25 et 26

3      Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, (Loi de 1982 sur le Canada), 1982, ch. 11 (R.-U.)

4      Sutherland c. Canada, [1994] 3 C.F. 662

5      1 Edouard VII, ch. 17

6      [1994] 3 C.F. 662, page 676

7      [1994] 3 C.F. 662, page 680

8      [1989] 1 R.C.S. 143

9      [1993] 4 R.C.S. 695

10      1 Edouard VII, ch. 17

11      10 Geo. VI, ch. 59; la partie V s'appliquait aux gradés et hommes de troupe ainsi qu'aux officiers.

12      14 Geo. VI, ch. 32

13      Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.)

14      [1995] 2 R.C.S. 513

15      [1989] 1 R.C.S. 143

16      [1995] 2 R.C.S. 513, pages 529-530

17      [1995] 2 R.C.S. 513, page 530

18      [1995] 2 R.C.S. 513, page 531

19      [1995] 2 R.C.S. 513, page 584

20      [1995] 2 R.C.S. 513, page 586

21      [1995] 2 R.C.S. 513, page 552. Elle dit ceci :
             À mon avis, pour établir que les droits qui lui sont garantis par le par. 15(1) de la Charte ont été violés, un particulier doit faire la preuve des trois éléments suivants :
             (1)      la loi crée une distinction;              (2)      cette distinction entraîne une négation de l'un des quatre droits à l'égalité, fondée sur l'appartenance de la personne qui invoque le droit à un groupe identifiable;              (3)      cette distinction est "discriminatoire" au sens de l'art. 15.

22      Transcription, vol. 2, pages 37-38; contre-interrogatoire de Mme Sharon Hamilton

23      Dossier d'appel, Appendice commun I, vol. II, pages 309-310

24      Transcription, vol. 3, page 28, ligne 25; contre-interrogatoire de Mme Sharon Hamilton

25      Dossier d'appel, Appendice commun I, vol. IV, 589, page 614

26      Transcription, vol. 2, pages 78-79; interrogatoire principal de Mme Sharon Hamilton

27      Transcription, vol. 3, page 25, ligne 20; contre-interrogatoire de Mme Sharon Hamilton

28      Dossier d'appel, Appendice commun I, vol. III, 408, page 422

29      Transcription, vol. 3, page 27; contre-interrogatoire de Mme Sharon Hamilton

30      Transcription, vol. 3, page 31; contre-interrogatoire de Mme Sharon Hamilton

31      [1994] 3 C.F. 662, page 674

32      [1994] 3 C.F. 662, page 676

33      [1994] 3 C.F. 662, page 676

34      [1994] 3 C.F. 662, pages 685-686

35      [1994] 3 C.F. 662, page 684

36      Voir R. Gamble, [1988] 2 R.C.S. 595, page 628; Dhami c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1989], A.C.J. nE 112 (C.A.F.); Benner c. Canada (Secrétaire d'État), [1994] 1 C.F. 250 (C.A.F.)

37      Dossier d'appel, Appendice commun 1, vol. V, page 772; affidavit de M. Michael Cohen

38      Transcription, vol. 3, page 126; contre-interrogatoire de M. Michael Cohen

39      Transcription, vol. 3, page 122; contre-interrogatoire de M. Michael Cohen

40      [1994] 3 C.F. 662, page 679

41      [1994] 3 C.F. 662, page 680

42      McCraw c. R., [1991] 3 R.C.S. 72, page 80; R. c. Multiform Manufacturing Co. Ltd., [1990] 2 R.C.S. 624, page 630. Voir également Maxwell, The Interpretation of Statutes, 12e éd. (Toronto : Carswell, 1969) pages 28 et 29; Sullivan, Driedger on the Construction of Satutes (Toronto : Buttweworths, 1994) 1-8; Driedger, Construction of Statutes, 2e éd. (Toronto : Butterworths, 1983) pages 28, 87; Côté, Interprétation des lois (1984), page 2.

43      Précité, page 103

44      [1993] 4 R.C.S. 695, page 756; souligné dans l'original

45      [1989] 1 R.C.S. 1296; voir également Egan c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 513, page 586

46      Egan, ibid.; Miron c. Trudel, [1995] 2 R.C.S. 418, pages 485-486

47      Ibid., page 486

48      [1989] 1 R.C.S. 143

49      Précité

50      Précité

51      Précité

52      Précité

53      Ibid., page 584

54      Ibid., page 587

55      Ibid., page 585

56      Voir Irwin Toy Ltd. c. Québec (P.G.), [1989] 1 R.C.S. 927.

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