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Date : 20020704

Dossier : A-87-01

Référence neutre : 2002 CAF 286

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                   ALIMENTS DORCHESTER INC. maintenant connue

                                sous le nom de EXCELDOR COOPÉRATIVE AVICOLE

                                                                                                                                                      Appelante

                                                                                   et

       MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE EXTÉRIEUR

                                                                                                                                                            Intimé

                                           Audience tenue à Québec (Québec), le 3 juin 2002

                                          Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 juillet 2002

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                         LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                                  LE JUGE PELLETIER


Date : 20020704

Dossier : A-87-01

Référence neutre : 2002 CAF 286

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                   ALIMENTS DORCHESTER INC. maintenant connue

                                sous le nom de EXCELDOR COOPÉRATIVE AVICOLE

                                                                                                                                                      Appelante

                                                                                   et

       MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE EXTÉRIEUR

                                                                                                                                                            Intimé

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NADON

[1]                 Le 27 janvier 2001, le juge Pinard, de la Section de première instance de cette Cour, rejetait la demande de contrôle judiciaire de l'appelante, Exceldor Coopérative Avicole, à l'encontre de deux décisions de l'intimé refusant de lui délivrer, aux termes du paragraphe 6.2(2) de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, S.R., ch. E-17 (la « Loi » ), une autorisation d'importer pour les années 1999 et 2000, de la volaille éviscérée libre de tous droits.


[2]                 Le présente appel soulève la question suivante: le juge Pinard avait-il raison de conclure que l'appelante n'avait pas droit, aux termes de l'alinéa 2(1)b) de l'Arrêté sur la méthode d'allocation de quotas (volaille et produits de volaille), DORS/95-388, 15 juillet 1996

(l' « Arrêté » ), aux quotas d'importation qu'elle demandait pour les années 1999 et 2000.

[3]                 L'appelante est une entreprise qui exploite des usines d'abatage et de transformation de volaille. Comme le signale l'appelante dans son mémoire, le marché dans lequel elle oeuvre est extrêmement compétitif, puisque les transformateurs de volaille doivent non seulement faire face à la concurrence des autres viandes, mais aussi faire face à leurs compétiteurs canadiens, d'autres abattoirs et transformateurs de volaille, ainsi qu'aux importations provenant de l'étranger, et plus particulièrement des États-Unis.

[4]                 L'appelante est issue de la fusion de deux coopératives, soit la Coopérative de Dorchester et la Société coopérative avicole régionale. Ces deux coopératives détenaient, en date du 15 décembre 1998, 100 % des actions de la compagnie Aliments Dorchester Inc. ( « Aliments Dorchester » ). Jusqu'au 31 janvier 1999, l'une des trois usines de l'appelante, soit celle opérée par Aliments Dorchester, était engagée dans la transformation de produits de second cycle.


[5]                 Afin de permettre à l'appelante et à ses concurrents canadiens de faire face à la concurrence provenant des États-Unis, le législateur a modifié la Loi en adoptant l'article 6.2, afin de permettre au ministre: (a) d'établir à chaque année la quantité de volaille éviscérée qui pourra bénéficier du contingent réduit à l'importation; (b) d'établir une méthode afin d'allouer les quotas entre les personnes qui en font la demande; (c) d'allouer lesdits quotas aux demandeurs qui rencontrent les conditions, et; (d) d'autoriser le transfert d'un quota d'une personne qui y a droit à une autre personne.

[6]                 Conformément à l'alinéa 6.2(2)a) de la Loi, l'Arrêté a été adopté. Par cet Arrêté, le ministre établissait une méthode d'allocation des quotas pour les différents types de quotas disponibles, dont celui qui faisait l'objet des demandes de l'appelante refusées par le ministre, à savoir une quote-part de la volaille éviscérée importée au Canada aux fins de la transformer en produits de volaille ( « produits de second cycle » ). Les dispositions pertinentes de la Loi et de l'Arrêté sont les suivantes:



La Loi:

6.2          (1) En cas d'une inscription de marchandises sur la listes des marchandises d'importation contrôlée aux fins de la mise en oeuvre d'un accord ou d'un engagement intergouvernemental, le ministre peut, pour l'application du paragraphe (2), de l'article 8.3 et du Tarif des douanes, déterminer la quantité de marchandises visée par le régime d'accès en cause, ou établir des critères à cet effet.

(2) Lorsqu'il a déterminé la quantité des marchandises en application du paragraphe (1), le ministre peut :

a) établir, par arrêté, une méthode pour allouer des quotas aux résidents du Canada qui en font la demande;

b) délivrer une autorisation d'importation à tout résident du Canada qui en fait la demande, sous réserve des conditions qui y sont énoncées et des règlements.

(3) Le ministre peut autoriser le transfert à un autre résident de l'autorisation d'importation.

                                     ***********

L'Arrêté:

1. [...]

« contingent historique » Contingent alloué en 1994 en fonction de celui alloué au moment de l'introduction des contrôles à l'importation et de l'allocation de contingents, compte tenu de ses rajustements successifs.

[...]

« distributeur » Distributeur - qui n'est pas une agence de courtage ou un détaillant distributeur, lequel a exercé les activités suivantes durant la période de référence :

a) il a acheté au moins 220 000 kg de volaille et de produits de volaille et les a revendus à d'autres entreprises qui ne sont pas des distributeurs;

b) il a maintenu ou loué un entrepôt et des camions, ou a acheté des services d'entreposage ou de transport, pour la conduite de son activité commerciale.

[...]

« période de référence » Période de douze mois commençant le 1er septembre et se terminant le 31 août qui précède l'année civile à laquelle s'applique l'autorisation d'importation.

[...]

« transformateur » Transformateur qui a transformé au moins 220 000 kg de volaille et de produits de volaille dans ses propres installations ou des installation louées, durant la période de référence.

« transformer » Abattre la volaille, découper la volaille éviscérée ou la transformer en produits de second cycle, y compris la fabrication de produits tels que les petits pâtés, les croquettes, les doigts, les roulés ou les rôtis fabriques avec de la chair de volaille.

[...]

« volaille éviscérée » Volaille abattue dont on a enlevé le sang, les systèmes respiratoires, digestif, reproducteur et urinaire, la tête, les plumes, les pattes à partir de l'articulation tibiotarsienne (jarret) et la glande uropygienne.

2. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), la méthode d'allocation des quotas quant à la quantité de volaille et de produits de volaille visée par le régime d'accès en cause qui peut être importée au Canada au cours d'une année civile est la suivante:

a) le requérant qui détient un contingent historique reçoit un quota égal à celui-ci;

b) le requérant qui est un transformateur de second cycle de produits de volaille non inscrits sur la Liste des marchandises d'importation contrôlée reçoit un quota égal, en équivalent de volaille éviscérée, à la quantité de volaille et de produits de volaille qui a été nécessaire à la production de ces marchandises durant la période de référence;

c) le requérant qui est une chaîne de restauration dont les ventes finales de volaille et de produits de volaille représentent au moins 50 % de ses ventes finales de viandes, notamment la volaille, la dinde, le dindon, le boeuf et le porc, reçoit, sur 1.75 million kg de la quantité visée par le régime d'accès, une part non inférieure à 18 144 kg et proportionnelle à la quantité de volaille et de produits de volaille qu'il a achetée durant la période de référence par rapport à la quantité achetée par tous les requérants visés par le présent alinéa;

d) le requérant qui est une chaîne de restauration dont les ventes finales de volaille et de produits de volaille sont inférieures à 50 % de ses ventes finales de viandes, notamment la volaille, la dinde, le dindon, le boeuf et le porc, reçoit, sur 0.75 million kg de la quantité visée par le régime d'accès, une part non inférieure à 18 144 kg et proportionnelle à la quantité de volaille et de produits de volaille qu'il a achetée durant la période de référence par rapport à la quantité achetée par tous les requérants visés par le présent alinéa;

e) le requérant visé à l'alinéa a) reçoit, pour l'année civile indiquée à la colonne I de l'annexe II, le pourcentage figurant à la colonne II de la part de la quantité visée par le régime d'accès qui lui a été allouée pour l'année civile 1995 en vertu de l'alinéa 4(2)b) de l'Arrêté sur les méthodes d'allocation de quotas (Fromages et produits fromagers, volaille et ses produits, dindons, dindes et leurs produits, crème glacée, yoghourt, babeurre en poudre et lait concentré), dans sa version antérieure à la date d'entrée en vigueur du présent arrêté;

f) le requérant qui est un transformateur reçoit, sur les 70 % du solde de la quantité visée par le régime d'accès, après distribution aux requérants visés aux alinéas a) à e), une part non inférieure à 60 686 kg et proportionnelle à sa part du marché;

g) les requérants qui sont des distributeurs se partagent à part égale 30 % du solde de la quantité visée par le régime d'accès après distribution aux requérants visés aux alinéas a) à e).

(2) Le requérant visé à l'alinéa (1)a) qui répond autrement aux critères visés à l'un ou à l'autre des alinéas (1)c), d), e), f) ou g), peut, en remplacement d'un quota alloué en vertu des alinéas (1)a) et e), choisir de recevoir un quota en vertu de l'un ou l'autre des alinéas (1)c), d), f) ou g), ce choix étant irrévocable.

(3) Le quota de volaille et des produits de volaille alloué à un requérant pour une année civile aux termes du paragraphe (1) est rajusté à la baisse proportionnellement à sa sous-utilisation, le cas échéant, durant les douze mois précédant l'année civile à laquelle s'applique l'autorisation d'importation.

The Act:

6.2           (1) Where any goods have been included on the Import Control List for the purpose of implementing an intergovernmental arrangement or commitment, the Minister may determine import access quantities, or the basis for calculating them, for the purposes of subsection (2) and section 8.3 of this Act and for the purposes of the Customs Tariff.

(2) Where the Minister has determined a quantity of goods under subsection (1), the Minister may

(a) by order, establish a method for allocating the quantity to residents of Canada who apply for an allocation; and

(b) issue an allocation to any resident of Canada who applies for the allocation, subject to the regulations and any terms and conditions the Minister may specify in the allocation.

(3) The Minister may consent to the transfer of an import allocation from one resident of Canada to another.

                                     ***********

The Order:

1. [...]

" historical import quota" means an allocation that was made in 1994 on the basis of an allocation made at the time of the initial imposition of controls and allocations to importers, as adjusted since then.

"Distributor" means a distributor, who is not a commissioned broker, or a retailer-distributor, who during the reference period

(a) has bought at least 220,000 kg of chicken and chicken products and re-sold them to other businesses that are not distributors and

(b) has maintained or rented a warehouse and trucks or purchased warehousing or transportation services in carrying on its trade.

"reference period" in respect of an import allocation, means the 12-month period beginning on the September 1 and ending on the August 31 before the calendar year to which the import allocation applies.

"processor" means a processor who has processed at least 220,000 kg of chicken and chicken products at its own or rented facilities during the reference period.

"process" means to slaughter chicken, tu cut up eviscerated chicken or to further process. It includes to manufacture products such as patties, nuggets, fingers, rolls or roasts from chicken meat.

"eviscerated chicken" means a slaughtered chicken from which the blood, feathers, respiratory, digestive, reproductive and urinary systems, head, legs at the hock joint and the oil sack are removed.

2. (1) Subject to subsections (2) and (3), the method for allocating the import access quantity for chicken and chicken products that may be imported into Canada in a calendar year is as follows:

(a) an applicant who holds a historical import quota shall receive an equivalent import allocation;

(b) an applicant who is a processor of chicken-based products not on the Import Control List shall receive a share of the import access quantity that is equal, on an eviscerated chicken equivalent basis, to the amount of chicken and chicken products the processor used in producing those chicken-based products during the reference period;

(c) an applicant who is a foodservice chain whose volume of final sales of chicken and chicken products is equal to at least 50% of its total volume of final sales of meat, including chicken, turkey, beef and pork, shall receive a share of 1.75 million kg of the import access quantity, which shall not be less than 18,144 kg in proportion to its share of the volume of chicken and chicken products purchased by all applicants described in this paragraph during the reference period;

(d) an applicant who is a foodservice chain whose volume of final sales of chicken and chicken products is less than 50% of its total volume of final sales of meat, including chicken, turkey, beef and pork, shall receive a share of 0.75 million kg of the import access quantity, which shall not be less than 18,144 kg in proportion to its share of the volume of chicken and chicken products purchased b all applicants described in this paragraph during the reference period;

(e) an applicant referred to in paragraph (a) shall receive, for the calendar year set out in column I of an item of Schedule II, the percentage set out in column II of that item of the portion of the import access quantity that was allocated to the applicant for the 1995 calendar year under paragraph 4(2)d) of the Allocation Methods Order - Cheese and Cheese Products, Chicken and Chicken Products, turkey and Turkey Products, Ice Cream, Yogurt, Powdered Buttermilk and Concentrated Milk as it read immediately before the coming into force of this Order;

(f) an applicant who is a processor shall receive a share of 70% of the remaining portion of the import access quantity on a market-share basis after distribution to the applicants referred to un paragraphs (a) to (e), which shall not be less than 60,686 kg; and

(g) an applicant who is a distributor shall receive a share of 30% of the remaining portion of the import access quantity on an equal-share basis after distribution to the applicants referred to in paragraphs (a) to (e).

(2) An applicant referred to in paragraph (1)(a) who would otherwise satisfy the requirements of any of paragraphs (1)(c), (d), (e), (f) or (g) may, in lieu of an allocation under paragraphs (1)(a) and (e), elect to be granted an allocation under any of paragraphs (1)(c), (d), (f) or (g), which election is irrevocable.

(3) The quantity of chicken and chicken products allocated to an applicant under subsection (1) in respect of a calendar year shall be adjusted downward in proportion to any under-utilization by the applicant during the 12-month period before the calendar year to which the import allocation applies.


[7]                 Le litige porte entièrement sur ce que l'Arrêté décrit comme « produits de second cycle » , c'est-à-dire des produits de volaille composés de moins de 87 % de volaille, tels des petits pâtés, des croquettes, des doigts, des roulés et des rôtis fabriqués avec de la chair de volaille. Puisque ces produits de second cycle n'apparaissent pas sur la Liste des marchandises d'importation contrôlée (la « LMIC » ), ils peuvent entrer au Canada en provenance des États-Unis sans qu'aucun droit ne soit imposé.


[8]                 Il est à noter que la volaille éviscérée est sujette à des droits d'importation parce qu'elle apparaît sur la LMIC. Par conséquent, l'importateur qui bénéficie d'un quota n'est sujet à aucun droit d'importation, alors que celui qui ne bénéficie pas d'un quota doit payer des droits de l'ordre de 238 %.

[9]                 C'est pourquoi le 15 décembre 1998 et le 2 décembre 1999, l'appelante demandait au ministre de lui accorder pour les années 1999 et 2000 une quote-part de la volaille éviscérée réservée à la production de produits de second cycle. Cette demande s'appuyait sur la production de produits de second cycle de sa filiale Aliments Dorchester au cours des périodes du 1er septembre 1997 au 31 août 1998 et du 1er septembre 1998 au 31 août 1999 (les « périodes de référence » ). Faisant partie de l'information fournie par l'appelante au ministre dans le cadre de sa demande du 15 décembre 1998, était le fait qu'Aliments Dorchester cesserait ses activités commerciales le 31 janvier 1999.

[10]            Il n'y a pas de dispute entre les parties quant au fait que l'appelante ne transformait pas de volaille éviscérée en produits de second cycle, ni n'avait l'intention d'en transformer, durant le cours des années 1999 et 2000. Il n'y a aussi pas de dispute quant au fait qu'en date du 31 janvier 1999, Aliments Dorchester a cessé ses opérations de transformation de volaille en produits de second cycle.


[11]            Avant d'aller plus loin, quelques remarques s'imposent. Par convention datée le 29 janvier 1999, Aliments Dorchester a convenu de distribuer à l'appelante la totalité de ses actifs, à charge par cette dernière d'assumer la totalité de son passif. Devant le juge Pinard et devant nous, l'appelante a argumenté qu'en raison de la convention d'attribution d'actifs entre elle et Aliments Dorchester, il s'est produit « un osmose juridique ayant des effets apparentés et traités à maints égards comme une fusion, faisant en sorte que les droits et obligations de l'entité cédante passe à la cessionnaire ... » . Selon l'appelante, si Aliments Dorchester avait droit aux quotas demandés, elle y avait aussi droit.

[12]            À mon avis, la transaction du 29 janvier 1999 n'a pas eu pour effet de fusionner l'appelante et sa filiale. Nonobstant cette conclusion, qu'il y ait eu fusion ou non, puisque les demandes de quotas de l'appelante sont fondées entièrement sur le droit aux quotas d'Aliments Dorchester, son droit aux quotas dépend totalement de celui d'Aliments Dorchester. Par conséquent, si cette société avait droit aux quotas demandés, l'appelante aura gain de cause dans cet appel.

[13]            Par décisions rendues le 29 juillet 1999 et le 26 janvier 2000, le ministre a refusé d'accorder à l'appelante les quote-parts demandées. La décision du 29 juillet 2000 se lit, en partie, comme suit:

[...]

Pour votre information l'Arrêté sur la méthode d'allocation de quotas (volaille et produits de volaille), à l'Annex [sic] 1 au paragraphe (1)(b) (voir attache) stipule que le requérant doit être un transformateur de second cycle de produits de volaille non inscrits sur la Liste des marchandises d'importation contrôlée au moment de sa demande de quote-part.

Nous avons examiné la demande de Exceldor au regard de ce critère. Malheureusement, les produits pour lesquels Exceldor devait démontrer une fabrication ne sont plus fabriqués par Exceldor et par conséquent, l'entreprise ne satisfait pas au critère susmentionné. Votre demande d'une part de contingent global d'importation attribuée aux transformateurs de produits non inscrits à la LMIC est donc rejetée.


La décision du 26 janvier 2000 est au même sens que celle du 29 juillet 1999.

[14]            En refusant les demandes de l'appelante, le ministre n'a fait aucune distinction entre l'appelante et sa filiale Aliments Dorchester. Son refus est fondé uniquement sur le fait que vu la cessation des opérations commerciales d'Aliments Dorchester, l'appelante ne pouvait dorénavant prétendre être un transformateur de volaille en produits de second cycle.

[15]            S'appuyant sur les paragraphes 6.2(1) et (2) de la Loi, et sur les alinéas 2(1)b) et f) de l'Arrêté, le juge Pinard a conclu que puisque l'appelante n'était pas un transformateur de second cycle, au sens de l'alinéa 2(1)b), elle n'avait pas droit à l'autorisation demandée. Il a, de plus, conclu qu'Aliments Dorchester ne pouvait, de toute façon, transférer son droit à une quote-part de la volaille éviscérée à l'appelante que dans la mesure où, conformément au paragraphe 6.2(3) de la Loi, le ministre y consentait. Selon le juge Pinard, un tel transfert ne pouvait être accordé, puisque l'appelante n'était pas un transformateur de second cycle.

[16]            Même si le juge Pinard n'en est arrivé à aucune conclusion expresse concernant le droit d'Aliments Dorchester d'obtenir les autorisations demandées, il appert clairement de ses propos que sa réponse aurait été dans la négative, puisque cette société avait cessé ses opérations le 31 janvier 1999 et, par conséquent, elle n'était plus un transformateur de second cycle.

[17]            Les paragraphes pertinents des motifs du juge Pinard sont les suivants:


[12]         Comme il ressort des faits de la présente cause que le requérant des quotas à l'importation pour les années 1999 et 2000 est Exceldor, un transformateur qui n'était pas et n'est pas, directement ou indirectement, un transformateur de second cycle au sens de l'alinéa 2(1)b) de l'Arrêté, je suis d'avis qu'il s'agit là d'un motif à lui seul suffisant pour entraîner le rejet de la demande de contrôle judiciaire.

[13]         Considérant en outre qu'Aliments Dorchester Inc. constitue une personne morale distincte et que celle-ci a cessé toute production le 31 janvier 1999, les quotas d'importation requis pour le reste de l'année 1999 et pour l'année 2000 ne pouvaient être utilisés sans d'abord être transférés, avec le consentement du             « ministre , par ou pour Aliments Dorchester Inc.à un autre « résident » qualifié, tel que prévu au paragraphe 6.2(3) de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation. Comme semblable transfert n'a jamais été sollicité et qu'il n'a de toute façon jamais fait l'objet d'un consentement du ministre responsable, les quotas d'importation demandés par Exceldor ne pouvaient être attribués. D'ailleurs, permettre semblable transfert, alors qu'Exceldor n'a été et n'est d'aucune façon un transformateur de second cycle, aurait été à l'encontre de l'Arrêté qui, à son alinéa 2(1)f), prévoit une méthode d'allocation de quotas différente pour les autres « transformateurs » .

[18]            L'argumentation de l'appelante est fort simple. Elle prétend qu'elle rencontrait les critères d'attribution de quotas prévus à l'alinéa 2(1)b) de l'Arrêté, parce que sa filiale Aliments Dorchester avait transformé au moins 220 000 kg de volaille éviscérée en produits de second cycle durant les périodes de référence. Par conséquent, l'appelante prétend qu'elle était en droit d'obtenir un quota égal à la quantité de volaille éviscérée transformée en produits de second cycle, à savoir 626 914 kg pour l'année 1999 et 12 906 kg pour l'année 2000. Il n'était donc pas nécessaire, selon l'appelante, de démontrer qu'Aliments Dorchester allait poursuivre ses activités de transformation de produits de second cycle durant les années 1999 et 2000 pour rencontrer les critères de l'Arrêté.


[19]            Le ministre est en désaccord avec la position prise par l'appelante. Selon le ministre, compte tenu que l'appelante ne pouvait prétendre, après le 31 janvier 1999, être un transformateur de produits de second cycle et que l'objectif de la législation est de permettre aux entreprises canadiennes de transformation de volaille éviscérée en produits de second cycle non inscrits sur la LMIC, de faire face à la concurrence américaine, l'interprétation que propose l'appelante de l'alinéa 2(1)b) de l'Arrêté ne peut être valide parce qu'elle a pour effet non pas de lui permettre de faire face à la concurrence américaine, mais plutôt de lui procurer un avantage sur ses concurrents canadiens.

[20]            Selon le ministre, l'utilisation par le législateur du verbe « être » , à l'alinéa 2(1)b) de l'Arrêté, dénote l'intention évidente du législateur que des quotas soient accordés uniquement à des personnes toujours engagées dans la transformation de volaille éviscérée en produits de second cycle. Puisque l'appelante n'a jamais été un transformateur de produits de second cycle non inscrits sur la LMIC, et qu'Aliments Dorchester a cessé ses opérations à la fin janvier 1999, il a correctement refusé d'accorder à l'appelante les quotas demandés.

[21]            Finalement, le ministre soumet que même si l'appelante rencontrait les critères de l'alinéa 2(1)b) de l'Arrêté, sa décision d'exiger qu'un demandeur de quotas soit toujours un transformateur de produits de second cycle constitue un exercice valide du pouvoir discrétionnaire qui lui a été conféré sous l'alinéa 6.2(2)b) de la Loi. Au soutien de cet argument, le ministre fait référence à la décision de la Cour suprême du Canada dans Maple Lodge Farm Ltd. c. Le gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2.


[22]            La seule question en litige devant nous concerne l'interprétation de l'alinéa 2(1)b) de l'Arrêté, qui prévoit que « le requérant qui est un transformateur de second cycle de produits de volaille ... reçoit un quota égal ... » . Selon l'appelante, puisque « transformateur » est défini à l'Arrêté comme étant un transformateur qui a transformé au moins 220 000 kg de volaille et de produits de volaille durant la période de référence, il en résulte que l'alinéa 2(1)b) n'exige nullement que ce transformateur soit toujours un transformateur de second cycle lors du dépôt de sa demande ou lors de l'attribution des quotas.

[23]            Je ne peux, malheureusement pour l'appelante, souscrire à ce point de vue. L'alinéa 2(1)b) de l'Arrêté ne doit évidemment pas être lu en vase clos, mais plutôt comme l'indiquait le juge Iacobucci de la Cour suprême du Canada dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, lorsqu'il adoptait, aux pages 40 et 41, le point de vue exprimé par Driedger dans Construction of Statutes, 2e édition, 1983:

Bien que l'interprétation législative ait fiat couler beaucoup d'encre [...], Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l'interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit:

[TRADUCTION] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

De plus, l'article 12 de la Loi d'interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21, prévoit:


12. Tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

12. Every enactment is deemed remedial, and shall be given such fair, large and liberal construction and interpretation as best ensures the attainment of its objects.



[24]            Une lecture attentive de l'alinéa 2(1)b), ainsi que des alinéas 2(1)a), c), d), e) et f), et du paragraphe 2(2), mène à la conclusion suivante: que le droit au quota sous l'alinéa 2(1)b) est déterminé par le statut du requérant, à savoir un transformateur de second cycle, alors que le montant du quota qui sera attribué est déterminé par la quantité de volaille qui a été nécessaire à la production du requérant durant l'année précédente, i.e. la période de référence.

[25]            L'alinéa 2(1)a) attribue un droit à un quota à celui qui détient un contingent historique. Pour avoir droit à ce quota, le requérant doit détenir un contingent historique et le montant du quota sera égal au contingent historique.

[26]            Les alinéas 2(1)c) et d) attribuent un droit à un quota au requérant qui est une chaîne de restauration. L'alinéa 2(1)c) traite du requérant dont les ventes finales de volaille et de produits de volaille représentent au moins 50 % de ses ventes finales de viandes, alors que l'alinéa 2(1)d) traite du requérant dont les ventes finales de volaille ou de produits de volaille sont inférieures à 50 % de ses ventes finales de viandes. Donc, pour avoir droit à un quota, le requérant sous l'alinéa 2(1)c) doit nécessairement être une chaîne de restauration dont les ventes finales de volaille et de produits de volaille représentent au moins 50 % de ses ventes finales de viandes. Par ailleurs, le montant du quota qui sera attribué à ce requérant sera déterminé par rapport à la quantité de volaille et de produits de volaille qu'il a achetée durant l'année précédente, i.e. durant la période de référence.


[27]            L'alinéa 2(1)f) traite du droit à un quota du requérant qui est un transformateur. Celui-ci aura droit au quota s'il a transformé au moins 220 000 kg de volaille et de produits de volaille durant la période de référence. Par ailleurs, le montant du quota qui lui sera attribué, calculé sur le 70 % du solde de la quantité visée par le régime d'accès, après distribution au requérant visé aux alinéas 2(1)a) à e), sera un minimum de 60 686 kg et proportionnel à sa part du marché.

[28]            Quant à l'alinéa 2(1)g), il traite du droit à un quota du requérant qui est un distributeur. Pour avoir droit à ce quota, le requérant doit rencontrer la définition de « distributeur » qui apparaît à l'article 1 de l'Arrêté. Tous les requérants qui sont des distributeurs se partageront, à part égale, 30 % du solde de la quantité visée par le régime d'accès, après distribution aux requérants visés aux alinéas 2(1)a) à e).


[29]            Le paragraphe 2(2) de l'Arrêté est aussi pertinent pour bien comprendre le sens de l'alinéa 2(1)b), en ce qu'il prévoit qu'un requérant qui détient un contingent historique et qui satisfait aussi aux critères visés aux alinéas 2(1)c), d), e), f) ou g) peut choisir un quota attribué en vertu de ces alinéas, plutôt qu'un quota sous l'alinéa 2(1)a). Ce texte, à mon avis, traduit bien la volonté du législateur qu'il s'agit de critères (le texte anglais utilise l'expression « requirements » ) qui doivent être rencontrés par le requérant: le requérant qui détient un contingent historique, qui est aussi une chaîne de restauration dont les ventes finales de volaille représentent au moins 50 % de ses ventes finales de viandes ou moins de 50 %, selon le cas, qui est un transformateur qui reçoit une part non inférieure à 60 686 kg et proportionnelle à sa part de marché, ou qui est un distributeur (tel que défini par l'Arrêté) qui partage avec d'autres, à part égale, 30 % du solde de la quantité visée par le régime d'accès après distribution aux requérants visés aux alinéas 2(1) a) à e).

[30]            Il appert donc clairement des alinéas 2(1)a), c), d), e), f) et g), que les qualifications qui se rattachent à un requérant sont des critères qui doivent nécessairement être rencontrés par un requérant pour avoir droit à un quota et, dans le cas du paragraphe 2(2), pour pouvoir opter pour un autre quota. Puisque les critères énumérés aux alinéas 2(1)a), c), d), e), f) et g) sont analogues à ceux de l'alinéa 2(1)b), il en découle que le requérant qui désire obtenir un quota sous l'alinéa 2(1)b), doit démontrer qu'il est un transformateur de second cycle de produits de volaille qui a transformé, durant la période de référence, au moins 220 000 kg de volaille et de produits de volaille. S'il rencontre ces critères, le requérant aura droit à un quota qui sera déterminé par la quantité de volaille et de produits de volaille dont il a eu besoin pour produire les produits de second cycle durant la période de référence.

[31]            À mon avis, un tel requérant doit pouvoir satisfaire aux critères de l'alinéa 2(1)b), non seulement au moment de sa demande de quota, mais plus particulièrement au moment de l'attribution du quota demandé. Puisque le quota est attribué au requérant pour fins de transformation durant l'année en cours, je ne puis voir comment l'alinéa peut être lu autrement. Puisqu'Aliments Dorchester avait cessé ses opérations le 31 janvier 1999, et que l'appelante n'était pas un transformateur de second cycle lorsqu'elle a demandé des quotas, qu'elle n'avait jamais été un tel transformateur, et qu'elle n'avait pas l'intention de le devenir, il ne peut faire de doute que l'intimé était tout à fait justifié de lui refuser les quotas.


[32]            J'en viens donc à la conclusion que le juge Pinard n'a commis aucune erreur lorsqu'il a conclu que l'appelante n'avait pas droit aux quotas d'importation qu'elle demandait pour les années 1999 et 2000. L'appel devrait donc être rejeté avec dépens.

   

                                                                                                "M. Nadon"

ligne

                                                                                                             j.c.a.

   

"Je suis d'accord.

Gilles Létourneau, j.c.a."

  

"Je suis d'accord.

J.D. Pelletier, j.c.a."


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION D'APPEL

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 A-87-01

INTITULÉ :              ALIMENTS DORCHESTER INC

           

                  Demandeur

et   

MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU    COMMERCE EXTÉRIEUR

                   Défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                              3 juin 2002

MOTIFS :                   le juge Nadon

Y ONT SOUSCRIT :       le juge Létourneau

le juge Pelletier

DATE DES MOTIFS :    le 4 juillet 2002

COMPARUTIONS :

Me Alain Robitaille

Me Michel Jolin

POUR L'APPELANT

Me Louis Sébastien

Me Jean-Robert Noiseux

POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                                             

KRONSTROM DESJARDINS

Québec (Québec)

POUR L'APPELANT

MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Ottawa (Ontario)                                                                                          POUR L'INTIMÉ

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