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     A-671-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 26 SEPTEMBRE 1997

CORAM :      LE JUGE STONE
         LE JUGE STRAYER
         LE JUGE MacGUIGAN
         AFFAIRE INTÉRESSANT une demande fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale,
         ET une décision de la Cour canadienne de l'impôt fondée sur les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu,

Entre :

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     requérant,

     - et -

     WILLIAM F. KUBICEK III, EXÉCUTEUR

     DE LA SUCCESSION DE FEU

     WILLIAM F. KUBICEK JR.,

     intimé.

     JUGEMENT

         La demande est accueillie, le jugement de la Cour de l'impôt en date du 29 juillet 1996 est annulé et l'affaire est renvoyée à cette Cour pour nouvel examen au motif que la réduction du gain en capital doit être calculée à compter du 31 décembre 1971 et non du 19 septembre 1967.

                         (A.J. Stone)

                                     Juge

Traduction certifiée conforme         
                                 François Blais, LL.L.

     A-671-96

CORAM :      LE JUGE STONE
         LE JUGE STRAYER
         LE JUGE MacGUIGAN
         AFFAIRE INTÉRESSANT une demande fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale,
         ET une décision de la Cour canadienne de l'impôt fondée sur les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu,

Entre :

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     requérant,

     - et -

     WILLIAM F. KUBICEK III, EXÉCUTEUR

     DE LA SUCCESSION DE FEU

     WILLIAM F. KUBICEK JR.,

     intimé.

Audience tenue à Toronto (Ontario), le vendredi 5 septembre 1997.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le vendredi 26 septembre 197.

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :      LE JUGE MacGUIGAN

SOUSCRIVENT À CES MOTIFS :      LE JUGE STONE

     LE JUGE STRAYER

     A-671-96

CORAM :      LE JUGE STONE
         LE JUGE STRAYER
         LE JUGE MacGUIGAN
     AFFAIRE INTÉRESSANT une demande fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale,
     ET une décision de la Cour canadienne de l'impôt fondée sur les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu,

Entre :

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     requérant,

     - et -

     WILLIAM F. KUBICEK III, EXÉCUTEUR

     DE LA SUCCESSION DE FEU

     WILLIAM F. KUBICEK JR.,

     intimé.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MacGUIGAN

La question faisant l'objet de cette demande fondée sur l'article 28 porte sur l'interprétation du paragraphe XIII (9) de la Convention entre le Canada et les États-Unis d'Amérique en matière d'impôts sur le revenu (la Convention). D'après les faits, William Kubicek Jr. et son épouse, des résidents américains, ont acheté un chalet sur le lac Ontario en 1967. Au décès de son épouse en 1981, M. Kubicek est demeuré le seul propriétaire du chalet, étant réputé avoir acquis la moitié appartenant à son épouse. À son décès en 1992, il a été réputé avoir disposé du chalet à sa valeur marchande nominale. La contestation entre les parties porte uniquement sur la date exacte à laquelle le délai doit commencer à courir aux fins du calcul de l'impôt. L'intimé suggère à cette fin le 19 septembre 1967, date d'acquisition du chalet, et le ministre du Revenu national le 31 décembre 1971, étant donné qu'un système relatif aux gains en capital a été institué pour la première fois au Canada le 1er janvier 1972 et que le 31 décembre 1971 a été choisi comme jour d'évaluation pour le calcul de tous les gains en capital qui seraient ultérieurement réalisés au Canada.

         La question consiste à déterminer la date exacte au regard de la Convention. Les dispositions pertinentes de la Convention sont rédigées dans les termes suivants :

     Par. III(2) :      Pour l'application de la Convention par un État contractant, toute expression qui n'y est pas définie a le sens que lui attribue le droit de cet État concernant les impôts auxquels s'applique la Convention, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente [...]         
     Par. XIII(1) :      Les gains qu'un résident d'un État contractant tire de l'aliénation de biens immeubles situés dans l'autre État sont imposables dans cet autre État.         
     Par. XIII(9) :      Lorsqu'une personne qui est un résident d'un État contractant aliène un bien de capital qui, conformément au présent article, est imposable dans l'autre État contractant et         
     a)      Cette personne possédait le bien le 26 septembre 1980 et résidait dans le premier État à cette date;         
     b)      [...]         
     le montant du gain qui est assujetti à l'impôt dans cet autre État conformément au présent article est réduit de la fraction du gain qui est imputable sur une base mensuelle à la période se terminant le 31 décembre de l'année où la Convention est entrée en vigueur, ou toute part plus élevée du gain telle qu'établie à la satisfaction de l'autorité compétente de l'autre État comme étant raisonnablement imputable à cette période.         

         L'arrêt de principe concernant l'interprétation des traités est la décision unanime de la Cour suprême du Canada dans La Reine c. Crown Forest Industries Limited [1995], 2 R.C.S. 802 dans lequel le juge Iacobbucci exprime l'avis de la Cour :

     L'interprétation d'un traité vise d'abord et avant tout à trouver le sens des termes en question. Il convient donc de considérer le langage utilisé ainsi que l'intention des parties.         

En l'espèce, la Cour s'est efforcée d'examiner le sens ordinaire du texte de la disposition en question et les buts de la Convention.

         En souscrivant à cette décision dans Coblentz c. La Reine (1996), 96 D.T.C. 6531, 6534, le juge Robertson a fait observer au nom de la Cour que "l'interprétation littérale n'a aucun rôle à jouer en matière d'interprétation des traités".

         La question de la double imposition n'est pas soulevée en l'espèce parce que l'article XXIV de la Convention oblige les États-Unis à accorder à l'intimé un crédit pour tous les impôts canadiens payés sur les gains en capital. La seule question à résoudre est donc la répartition appropriée de l'impôt entre le Canada et les États-Unis.

         Selon l'un des principes directeurs du système canadien d'imposition des gains en capital, le 31 décembre 1971 est le point de référence pour déterminer les conséquences fiscales qu'entraîne au Canada la disposition d'un bien en capital dont le contribuable était propriétaire à cette date étant donné que, comme je l'ai déjà dit, les dispositions législatives canadiennes sur les gains en capital réalisés au Canada sont entrées en vigueur pour la première fois au début de 1972. Bien entendu, en vertu de l'ancienne convention entre le Canada et les États-Unis relativement à la double imposition, le Canada ne pouvait imposer les gains en capital réalisés par des résidents des États-Unis sur des biens situés au Canada entre 1972 et 1984 (jusqu'à la modification de la Convention en 1984).

         La Cour de l'impôt, s'appuyant sur une décision antérieure rendue en vertu de sa procédure informelle dans Kaplan Estate c. La Reine (1992), 94 D.T.C. 1816 selon laquelle le terme "gain" n'est défini ni dans la Convention ni dans la Loi de l'impôt sur le revenu , a statué que la période pertinente au calcul des déductions sur le gain en capital devait commencer à la date de l'achat initial de la propriété, c'est-à-dire à compter du 19 septembre 1967.

         Toutefois, le paragraphe III(2) de la Convention et l'article 3 de la Loi sur l'interprétation des conventions en matière d'impôts sur le revenu indiquent clairement que, lorsqu'une expression n'est pas définie dans la Convention, comme le terme "gain", ces expressions doivent avoir le sens qu'elles ont pour l'application des lois fiscales de l'État qui procède à l'imposition. À mon avis, le requérant a raison de prétendre que le mot sens n'est pas l'équivalent du mot définition. La Convention n'exige pas qu'il y ait une définition dans la loi d'un État, mais seulement que le sens de l'expression en question puisse en être dégagé. En ce sens, le sens du terme "gain" peut être déduit du paragraphe 40(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu , qui énonce la méthode que doit utiliser un contribuable pour calculer un gain en capital aux fins de l'impôt sur le revenu au Canada. Étant donné la variété des gains qui peuvent être imposés par l'État contractant aux termes du paragraphe XIII(1), je ne crois pas que le concept de gain découlant du paragraphe XIII(9) soit davantage limité, mais plutôt qu'il doit être déterminé selon la loi canadienne.

         S'opposant à cette affirmation, les intimés s'appuient sur l'explication technique de la Convention produite par le Treasury Department des États-Unis, sanctionnée par le ministre canadien des Finances, qui déclare que le paragraphe 9 de la Convention dispose que :

     [TRADUCTION]         
     [...] lorsqu'un résident du Canada ou des États-Unis est assujetti à l'impôt aux termes de l'article XIII dans l'autre État contractant sur des gains réalisés au moment de l'aliénation d'un bien de capital, le montant du gain doit être réduit aux fins de l'impôt dans cet autre État du montant du gain imputable à la période au cours de laquelle le bien immeuble était détenu jusqu'au 31 décembre de l'année au cours de laquelle les documents de ratification ont été échangés. (non souligné dans l'original)         

Le juge de la Cour de l'impôt s'est appuyé sur l'expression "au cours de laquelle le bien immeuble était détenu" pour déterminer que la date d'acquisition de la propriété était la date de départ appropriée pour la déduction antérieure à 1984.

         Il n'y a pas de tradition ou de procédure internationale qui statue que l'échange de documents négociés ultérieurement soit déterminant pour l'interprétation d'un traité. L'explication technique est un document de source américaine. Il est vrai qu'elle a été sanctionnée par le ministre des Finances du Canada, mais pour que le Canada soit lié par ce document, il faudrait qu'il soit l'équivalent d'une autre convention, ce qu'il n'est pas. D'un point de vue canadien, il a à peu près la même valeur qu'un bulletin d'interprétation de Revenu Canada, cèst-à-dire qu'il peut présenter un intérêt pour la Cour, sans nécessairement régler une question en litige.

         Quoi qu'il en soit, le document ne devrait pas être interprété comme s'il s'agissait d'un traité ou d'une loi traitant en détail de toutes les applications possibles à des faits particuliers. Le terme "détenu" serait littéralement exact d'un point de vue général, mais il ne peut être utilisé pour traiter de la situation particulière d'un bien détenu au Canada par un résident américain avant 1992.

         Je crois que l'interprétation que la Cour de l'impôt a donnée de l'explication américaine est erronée. En s'appuyant sur une simple expression, la Cour de l'impôt a ignoré le contexte de cette explication, c'est-à-dire que seuls les "gains" dont il est question sont ceux qui sont "assujettis à l'impôt". Dans le contexte canadien, il s'agirait uniquement des gains qui ont été réalisés après le 31 décembre 1971, date à laquelle le Canada a commencé à imposer les gains en capital.

         Le sens ordinaire du terme "gain" pour les fins de l'article XIII de la Convention est le gain qui est assujetti à l'impôt . Compte tenu de ce libellé et de l'intention apparente des parties, la Cour doit conclure que le calcul de la réduction de l'impôt sur le gain en capital commence au moment où le gain a commencé de s'accumuler pour les fins de l'impôt sur le revenu au Canada. En l'espèce, la date de départ est le 31 décembre 1971, et non la date à laquelle l'intimé a acquis le chalet. Cette interprétation est plus conforme aux fins visées par la Convention, c'est-à-dire éviter la double imposition et favoriser une répartition appropriée de l'impôt entre le Canada et les États-Unis, que ne le serait le sens littéral proposé par le juge de la Cour de l'impôt. À ce sujet, nous sommes tout à fait d'accord avec les propos du professeur Brian Arnold1 :



     [TRADUCTION]         
     La Cour canadienne de l'impôt a rejeté les arguments [du requérant] parce que, selon elle, l'article 40 de la Loi de l'impôt sur le revenu ne donne pas une définition du terme "gain", mais fournit plutôt une façon de déterminer le gain en capital. Cette distinction n'est pas justifiée. La Cour de l'impôt ne semble pas comprendre le but et l'effet de l'article 3 de la Loi sur l'interprétation des conventions en matière d'impôts sur le revenu ou du paragraphe III(2) du traité [...] Bien entendu, l'objet fondamental des traités en matière fiscale est d'éliminer la double imposition. Étant donné que le Canada n'impose pas les gains en capital sur la partie qui a été accumulée avant 1972, il n'est pas justifié de tenir compte de la propriété de l'immeuble avant cette date aux fins des dispositions transitoires énoncées au paragraphe XIII(9).         

         Par conséquent, le requérant était justifié d'établir une nouvelle cotisation à l'égard de l'intimé.

         Je suis d'avis d'accueillir la demande de contrôle judiciaire, d'annuler le jugement de la Cour de l'impôt en date du 29 juillet 1996 et de renvoyer l'affaire à la Cour pour nouvel examen au motif que la réduction du gain en capital doit être calculée à compter du 31 décembre 1971 et non du 19 septembre 1967.

                         (A.J. Stone)

                                     Juge

Je souscris à ces motifs,

A.J. Stone, juge.

Je souscris à ces motifs,

B.L. Strayer, juge.

Traduction certifiée conforme         
                                 François Blais, LL.L.

     A-671-96

         AFFAIRE INTÉRESSANT une demande fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale,
         ET une décision de la Cour canadienne de l'impôt fondée sur les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu,

Entre :

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     requérant,

     - et -

     WILLIAM F. KUBICEK III, EXÉCUTEUR

     DE LA SUCCESSION DE FEU

     WILLIAM F. KUBICEK JR.,

     intimé.

     MOTIFS DU JUGEMENT

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :                  A-671-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Le procureur général du Canada c. William F. Kubicek III, exécuteur de la succession de feu William F. Kubicek Jr.
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          le 5 septembre 1997
MOTIFS DU JUGEMENT PAR :      le juge MacGuigan
SOUSCRIVENT À CES MOTIFS :      le juge Stone
                         le juge Strayer
DATE :                      le 26 septembre 1997

ONT COMPARU :

David Spiro

Sean O'Donnell                          pour le requérant

Gloria Geddes

John Lorito                              pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                          pour le requérant

Fasken Campbell Godfrey

Toronto (Ontario)                          pour l'intimé

__________________

     1      Brian J. Arnold, "Canadian Court Interprets Article XIII(9) of the Canada-U.S. Tax Treaty", Tax Notes International, 4 novembre 1996, 1513.

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