Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20020410

Dossier : A-642-97

Référence neutre : 2002 CAF 133

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                                REEBOK CANADA,

                                               une division d'Avrecan International Inc.

                                                                                                                                                      Appelante

                                                                                   et

                LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL, DOUANES ET ACCISE

                                                                                                                                                            Intimé

                                       Appel entendu à Ottawa, en Ontario, le 10 avril 2002.

                             Jugement rendu à l'audience à Ottawa, en Ontario, le 10 avril 2002.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                               LE JUGE ROTHSTEIN


Date : 20020410

Dossier : A-642-97

Référence neutre : 2002 CAF 133

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                                REEBOK CANADA,

                                               une division d'Avrecan International Inc.

                                                                                                                                                      Appelante

                                                                                   et

                LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL, DOUANES ET ACCISE

                                                                                                                                                            Intimé

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

                              (Rendus à l'audience à Ottawa, en Ontario, le 10 avril 2002)

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]                 Le présent appel de la Section de première instance a été ajourné en attendant la décision de la Cour suprême du Canada dans Canada (Sous-ministre du Revenu national) c. Mattel Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 100. L'arrêt Mattel a été rendu par la Cour suprême le 7 juin 2001 et, à notre avis, il s'applique au présent appel.


[2]                 Le point en litige consiste à savoir si les droits qui sont dus sur certaines marchandises importées doivent être calculés en additionnant le prix des marchandises et les redevances payées sur celles-ci. Le sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), chap.1 (2e suppl.) est ainsi libellé :

48(5) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté :

a) par addition, dans la mesure où ils n'y ont pas déjà été inclus, des montants représentant :

                    [...]

(iv) les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises, y compris les paiements afférents aux brevets d'invention, marques de commerce et droits d'auteur, que l'acheteur est tenu d'aquitter directement ou indirectement en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada, à l'exclusion des frais afférents au droit de reproduction de ces marchandises au Canada,                   

48(5)The price paid or payable in the sale of goods for export to Canada shall be adjusted

(a) by adding thereto amounts, to the extent that each such amount is not already included in the price paid or payable for the goods, equal to

                     [...]

(iv) royalties and licence fees, including payments for patents, trade-marks and copyrights, in respect of the goods that the purchaser of the goods must pay, directly or indirectly, as a condition of the sale of the goods for export to Canada, exclusive of charges for the right to reproduce the goods in Canada.                                                      

[3]                 La question consiste à savoir si l'obligation de payer des redevances constituait une condition de la vente des marchandises.   

[4]                 Dans la présente affaire, le contrat de vente entre le vendeur et l'acheteur consistait en un bon de commande. L'intimé reconnaît que le versement de redevances ne constituait pas une condition expresse de la vente mentionnée sur le bon de commande.


[5]                 Cependant, les mêmes parties avaient conclu une autre entente en matière de redevances. Bien que le bon de commande ne fasse pas mention expressément de l'entente en matière de redevances, et que l'entente en matière de redevances ne fasse pas expressément mention du bon de commande, l'intimé affirme que l'entente en matière de redevances constituait une condition préalable au bon de commande - c'est-à-dire que le vendeur ne fournirait aucune marchandise à l'acheteur si les redevances qui lui étaient dues en vertu de l'entente conclue ne lui étaient pas versées. Par conséquent, l'entente en matière de redevances constitue une condition de la vente des marchandises et, aux fins du calcul des droits, les redevances doivent s'ajouter au prix payé pour les marchandises.

[6]                 Dans Mattel, précité, les circonstances étaient similaires à celles du présent appel. En plus du contrat de vente, un contrat distinct en matière de redevances et de droits de permis a été établi. Cependant, dans Mattel, précité, le vendeur des marchandises faisant l'objet du contrat de vente et le concédant de licence étaient deux personnes distinctes.

[7]                 Le juge Major a affirmé que le sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi sur les douanes ne s'applique pas au versement de redevances. Au paragraphe 62 de la décision, il déclare ceci :

En l'espèce, les redevances en cause n'étaient pas versées en tant que condition de vente. Si Mattel Canada refusait de verser les redevances au Concédant de licence X, Mattel É.-U. ne pouvait refuser de vendre à Mattel Canada les marchandises visées par une licence ni résilier le contrat de vente. Le contrat de vente et le contrat de redevances constituaient des accords distincts intervenus entre des parties différentes.


[8]                   L'intimé fait valoir que la décision rendue dans Mattel, précité, ne s'applique pas en l'espèce, puisque le vendeur et le concédant de licence ne représentent qu'une seule et même personne. L'avocat de l'intimé affirme qu'en réalité, bien qu'il n'existe aucune disposition formelle ou écrite qui relie l'entente en matière de redevances au bon de commande, le vendeur refuserait de vendre des marchandises à l'acheteur si des redevances ne lui étaient pas versées. Puisque le vendeur pourrait refuser et refuserait de vendre des marchandises si des redevances ne lui étaient pas versées, le versement de redevances doit être une condition de la vente de marchandises et, par conséquent, les redevances doivent s'ajouter au prix des marchandises aux fins du calcul des droits.

[9]                 Nous sommes d'avis qu'en l'espèce, le vendeur refuserait probablement de vendre des marchandises à l'acheteur si ce dernier ne lui versait aucune redevance. D'après la preuve, c'est parce qu'il n'existe aucune obligation continue de vendre à l'acheteur. Si ce dernier avait l'intention d'effectuer d'autres achats à l'avenir, un nouveau contrat de vente devrait être rédigé et le vendeur y préciserait que le versement de redevances constitue une condition du nouveau contrat et que les redevances doivent être versées. De plus, le contrat stipulerait probablement le versement des redevances impayées. Dans le cas contraire, le vendeur refuserait de vendre les marchandises.   


[10]              Cependant, ce refus de vendre n'équivaut pas à celui dont il est fait mention dans Mattel, précité. Dans cette affaire, le refus de vendre mentionné par le juge Major représentait un refus de vendre alors qu'il existait une obligation préalable de vendre de la part du vendeur - sans doute en vertu d'un contrat de vente continu et qui précisait les prix. Au paragraphe 68 de la décision, le juge déclare ceci :

À moins que le vendeur n'ait le droit de refuser de vendre àl'acheteur les marchandises faisant l'objet d'une licence ou de résilier le contrat de vente lorsque l'acheteur ne paie pas les redevances ou les droits de licence, le sous-al. 48(5)a)(iv) est inapplicable.

Le « droit de refus de vendre » que mentionne le juge Major laisse entendre qu'il existe une obligation préalable dont le vendeur peut être libéré. Afin que le terme « refus de vendre » employé par le juge Major ait une signification juridique, il doit être utilisé dans le contexte d'une obligation préalable de vendre. Le juge Major n'aurait pu employer le terme pour désigner tout nouveau contrat de vente distinct qui n'oblige aucunement les parties, jusqu'à ce que celles-ci s'entendent sur les modalités du nouveau contrat.

[11]              Le fait que le juge Major a précisé que le contrat de vente et l'entente en matière de redevances ont été conclus entre des parties distinctes constitue une autre raison pour laquelle il a jugé que l'exigence de verser des redevances dans Mattel, précité, ne représentait pas une condition de la vente de marchandises. Cependant, même lorsque les parties sont les mêmes, comme dans l'espèce, il n'est pas inévitable que l'obligation en vertu d'une entente devienne automatiquement une obligation en vertu de l'autre. Tout dépend du libellé des ententes.


[12]              Dans Mattel, précité, le juge Major, au paragraphe 63, a formellement rejeté les notions de « lien véritable » , de « contrôle de fait » , de « pratique » et de « logique » comme arguments pour démontrer que, dans ce cas, le versement de redevances pourrait représenter une condition de la vente pour les fins du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi sur les douanes. Au paragraphe 64 de la décision, il souligne que, lorsque des dispositions législatives claires et non équivoques peuvent être appliquées directement aux faits, il n'y a pas lieu de se livrer à une analyse de la réalité économique d'une opération. Dans la présente cause, l'intimé tente de convaincre la Cour de faire preuve d'esprit pratique ou d'appliquer une réalité économique aux circonstances. Il ne suggère nullement que le sous-alinéa 48(5)a)(iv) serait ambigu. Nous devons examiner la loi telle qu'elle est et l'appliquer aux faits. En l'espèce, le versement de redevances en vertu de l'entente en matière de redevances ne représente pas une condition de la vente en vertu du bon de commande. Par conséquent, le versement des redevances n'est pas une condition de la vente des marchandises aux fins du sous-alinéa 48(5)a)(iv) et les redevances ne doivent pas s'ajouter au prix de ces marchandises aux fins du calcul des droits.   

[13]              L'appel sera accueilli avec dépens tant devant la présente Cour que devant la Section de première instance. La décision du sous-ministre du Revenu national sera annulée et l'affaire sera renvoyée au sous-ministre pour réévaluation conformément aux présents motifs.

                                                                                                         « Marshall Rothstein »                

                                                                                                             Juge

Traduction certifiée conforme

                                                         

Richard Jacques, LL.L.


Date : 20020410

Dossier : A-642-97

Ottawa (Ontario), le 10 avril 2002

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                      REEBOK CANADA,

                     une division d'Avrecan International Inc.

                                                                                                  Appelante

                                                         et

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL, DOUANES ET ACCISE

Intimé

JUGEMENT

Par la présente, la Cour ordonne que :

1) l'appel soit accueilli;

2)              la décision du sous-ministre soit annulée et que l'affaire soit renvoyée au sous-ministre pour qu'une nouvelle décision soit prise conformément aux motifs énoncés; et

3)              les dépens soient adjugés à l'appelante tant devant la présente Cour que devant la Section de première instance.

   

                      B. L. Strayer                  

Juge

  

Traduction certifiée conforme

                                                         

Richard Jacques, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D'APPEL

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                          A-642-97

APPEL DE LA DÉCISION RENDUE PAR LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA LE 30 JUIN 1997 DANS LE DOSSIER T-864-94

INTITULÉ :                                           REEBOK CANADA c. LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL, DOUANES ET ACCISE

LIEU DE L'AUDIENCE :      OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :    Le 10 avril 2002

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR                        (les juges Strayer, Rothstein et Sexton)

PRONONCÉS À

L'AUDIENCE PAR :             Le juge Rothstein

COMPARUTIONS :

Nicholas P. McHaffie                                           POUR L'APPELANTE

Glenn A. Cranker

Peter M. Southey                                                 POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Stikeman Elliott                                                     POUR L'APPELANTE

Ottawa (Ontario)

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                 POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.