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Date : 20000120

Dossier : A-699-98

CORAM :             LE JUGE STRAYER

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE MALONE

ENTRE :

CATHERINE LOUISE BOUCHER

     et KAREN McBRIDE

appelantes

         -- et --

                   LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

AUDIENCE TENUE à Ottawa (Ontario), le jeudi 20 janvier 2000

JUGEMENT prononcé à l'audience à Ottawa (Ontario), le jeudi 20 janvier 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR :                                          LE JUGE STRAYER


Date : 20000120

Dossier : A-699-98

CORAM :             LE JUGE STRAYER

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE MALONE

ENTRE :

CATHERINE LOUISE BOUCHER

     et KAREN McBRIDE

appelantes

         -- et --

                   LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario),

      le jeudi 20 janvier 2000)

LE JUGE STRAYER

[1]         Il s'agit d'un appel interjeté contre une décision de la Section de première instance par laquelle une demande de contrôle judiciaire d'une décision du Comité d'appel de la Commission de la fonction publique (ci-après le « CACFP » ) a été rejetée. Cette décision confirmait à son tour une décision d'un comité de sélection dans le cadre d'un appel devant la CACFP conformément au paragraphe 21(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

[2]         La sélection en question visait à combler des postes d'Agent d'établissement d'immigrants. L'énoncé de qualités de ces postes, publié par le ministère de l'Emploi et de l'immigration au mois d'avril 1996, dressait la liste des qualifications suivantes :


(1)             Connaissance de la législation pertinente, de la direction générale et des questions relatives à l'immigration ou à l'établissement d'immigrants.

(2)             Capacité et aptitude à faire passer des entrevues, à effectuer des enquêtes, etc.

(3)             Qualités personnelles, essentiellement une question de relations interpersonnelles et de jugement.

(4)             Connaissance de l'anglais.

(5)             Fiabilité / cote sécuritaire.

[3]         À titre de préparation pour la sélection des candidats, le comité de sélection a pondéré chacun de ces facteurs, et n'a accordé que 10% au facteur des connaissances. Le comité a également décidé que, tandis que certaines des qualifications relatives aux capacités et aux qualités personnelles seraient décisives, ce qui voulait dire que le défaut de satisfaire à ces facteurs aurait pour effet d'exclure un candidat, le facteur des connaissances ne serait pas décisif et le défaut de satisfaire ce facteur devant le comité de sélection ne serait pas fatal à une candidature. La note obtenue pour la composante des connaissances serait toutefois ajoutée à la note globale de chaque candidat.

[4]         Par suite d'examens écrits, d'entrevues et de la vérification des références, le comité a déterminé que cinq candidats étaient qualifiés pour le poste. Il n'est pas contesté que, de ces cinq candidats, trois n'avaient pas satisfait au facteur des connaissances. Les deux appelantes en l'espèce, qui étaient également candidates, n'avaient pas été retenues bien qu'elles aient satisfait au facteur des connaissances.


[5]         Les appelantes ont interjeté appel en vertu de l'article 21 et ont comparu devant le CACFP. Elles ont soutenu que le comité de sélection avait fait défaut de respecter le principe du mérite en ne faisant pas de la réussite relativement au facteur des connaissances une condition de nomination, et en ne lui accordant qu'une faible pondération, soit 10% de la note globale. Elles ont également prétendu que le comité de sélection avait omis de tenir compte de certains éléments de preuve qui auraient pu favoriser leur candidature et qu'elles voulaient présenter au CACFP dans le cadre de l'appel. Elles ont également présenté certaines autres allégations devant le CACFP; le comité les a rejetées ou n'y a pas donné suite, mais elles ne sont pas pertinentes quant à la présente instance.

[6]         Les appelantes ont par la suite demandé à la Section de première instance le contrôle judiciaire de la décision du CACFP relativement aux deux questions mentionnées précédemment. Le juge de première instance a décidé que comité de sélection n'avait pas commis d'erreur quant au traitement du facteur des connaissances. Il a considéré qu'il était suffisant que le comité de sélection ait inclus les notes obtenues pour le facteur des connaissances dans la note globale attribuée à chacun des candidats : il n'était pas nécessaire de faire de la réussite du facteur des connaissances, une condition de sélection. Par conséquent, le CACFP n'avait commis aucune erreur susceptible de révision en confirmant la décision du comité de sélection. Il a également conclu qu'il était loisible au CACFP de rendre une décision relative à la nouvelle preuve.


[7]         Quant à la première question en litige, celle du traitement du facteur des connaissances par le comité de sélection, nous sommes d'avis qu'elle constitue une question de droit en ce qui a trait aux exigences du principe du mérite et nous considérons par conséquent que la décision du CACFP de confirmer ce procédé constituait également une question de droit. Nous ne sommes pas convaincus que nous devrions considérer que le CACFP est un tribunal qui possède une telle expertise en matière d'interprétation de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique que nous devrions faire preuve d'un haut degré de retenue à son égard quant à cette question. Le comité de sélection est un comité ad hoc. Nous concluons à cet égard que la norme de révision que la Section de première instance aurait dû appliquer est celle de la décision correcte.

[8]         Selon cette norme, nous concluons que le comité de sélection a commis une erreur de droit en ce qu'il n'a pas exigé que les candidats possèdent chacune des qualifications annoncées pour ce poste. Cela correspondait effectivement à un défaut d'évaluer le facteur des connaissances. Nous suivons l'arrêt de la Cour dans Tiefenbrunner et autres c. P.G. du Canada[1] et nous concluons qu'un tel défaut constituait une erreur de droit de la part du comité de sélection. De fait, cela a eu pour effet d'éliminer le facteur des connaissances des qualifications malgré les exigences annoncées pour le poste. Comme la Cour l'a décidé en d'autres occasions, un comité de sélection ne peut changer les qualifications annoncées en éliminant une ou plusieurs d'entre elles : agir de la sorte est inéquitable pour ceux qui autrement, auraient peut-être posé leur candidature mais ne l'ont pas fait parce qu'ils reconnaissaient ne pas posséder toutes les qualifications annoncées.[2]

[9]             Contrairement au juge de première instance, nous ne sommes pas convaincus non plus que le facteur des connaissances ait été évalué correctement du fait de l'inclusion de la note d'un candidat obtenue pour le facteur des connaissances dans la note globale : le fait est que ce facteur a été éliminé en tant que condition préalable pour le poste.


[10]       Étant donné la conclusion à laquelle nous venons d'arriver, il s'ensuit que l'appel est accueilli, la décision du CACFP est annulée, et l'affaire lui est renvoyée. Par conséquent, il n'est pas nécessaire que nous nous penchions sur le deuxième point en litige relativement aux questions de preuve qui se sont posées à la première audience du comité qui a mené à la décision qui est maintenant annulée.

      (s)    « B.L. Strayer »      

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Kathleen Larochelle, LL.B.


            COUR D'APPEL FÉDÉRALE

    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :                                                             A-699-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                  Catherine Louise Boucher et autre

c. Le procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                                           Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                             Le 20 janvier 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :             (Les juges Strayer, Létourneau et Malone)

PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR :                       Le juge Strayer

ONT COMPARU :

David Yazbeck                                                  pour LES APPELANTES

J. Sanderson Graham                                                              pour L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Allen, Cameron & Ballantyne                      pour LES APPELANTES

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                                                          pour L'INTIMÉ                                

Sous-procureur général du Canada



     [1]       A-915-91, le 10 novembre 1992, inédit (C.A.F.).

     [2] Voir Bambrough c. La Commision de la fonction publique, [1976] 2 C.F. 109; Procureur général c.Blashford et autres, [1991] 2 C.F. 44.

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