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Date : 19980526


Dossier : A-418-97

OTTAWA (ONTARIO), le mardi 26 mai 1998.

CORAM :      LE JUGE STONE

         LE JUGE LINDEN

         LE JUGE ROBERTSON

ENTRE :

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     demandeur,

     et

     ROBIN M. CHILDS,

     défendeur.

     JUGEMENT

     La demande fondée sur l'article 28 est accueillie, la décision du juge-arbitre en date du 28 avril 1997 est annulée et l'affaire renvoyée au juge-arbitre en chef, ou à un juge-arbitre qu'il nommera, pour qu'il rende une nouvelle décision qui tienne compte du fait que le défendeur était un travailleur indépendant pendant toute la période de prestations, et qu'il renvoie l'affaire à un conseil arbitral différemment constitué pour qu'il procède à un nouvel examen en vue de déterminer si le défendeur a sciemment fait des déclarations fausses et trompeuses.

     " A.J. Stone "

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


Date : 19980526


Dossier : A-418-97

CORAM :      LE JUGE STONE

         LE JUGE LINDEN

         LE JUGE ROBERTSON

ENTRE :

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     demandeur,

     et

     ROBIN M. CHILDS,

     défendeur.

Audience tenue à Toronto (Ontario), le mercredi 6 mai 1998.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le mardi 26 mai 1998.

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :      LE JUGE ROBERTSON

Y ONT SOUSCRIT :      LE JUGE STONE

     LE JUGE LINDEN


Date : 19980526


Dossier : A-418-97

CORAM :      LE JUGE STONE

         LE JUGE LINDEN

         LE JUGE ROBERTSON

ENTRE :

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     demandeur,

     et

     ROBIN M. CHILDS,

     défendeur.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROBERTSON

[1]      La présente demande de contrôle judiciaire soulève deux questions. La première est de savoir si le défendeur était un travailleur indépendant conformément au paragraphe 43(1) du Règlement sur l'assurance-chômage (le Règlement) ou, plutôt, s'il consacrait " si peu de temps " à son travail indépendant qu'il pouvait bénéficier de l'exemption prévue au paragraphe 43(2). La deuxième question est de savoir si le défendeur a sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses dans sa demande de prestations et, dans l'affirmative, s'il peut lui être infligé une pénalité en vertu du paragraphe 33(1) de la Loi sur l'assurance-chômage (la Loi). Les dispositions pertinentes sont les suivantes :

                 Le Règlement :                                                          
                 43(1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), lorsque le prestataire                 
                      a) est un travailleur indépendant ou exploite une entreprise soit à son compte, soit à titre d'associé ou de cointéressé, [...]                         
                 il est censé travailler une semaine entière.                 
                                                 
                 (2) Lorsque le prestataire exerce un emploi mentionné au paragraphe (1), mais qu'il y consacre si peu de temps qu'il ne saurait normalement compter sur cet emploi comme principal moyen de subsistance, il n'est pas censé, à l'égard de cet emploi, travailler une semaine entière.                 
                 La Loi :                 
                 33(1) Lorsque la Commission prend connaissance de faits qui, à son avis, démontrent qu'un prestataire ou une personne agissant pour le compte de celui-ci a, relativement à une demande de prestations ou à l'occasion de renseignements exigés par la présente loi ou par les règlements, sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse, fourni un renseignement faux ou trompeur ou présenté des observations fausses ou trompeuses, elle peut infliger au prestataire, pour chacun des déclarations, renseignements ou observations faux ou trompeurs, une pénalité dont le montant ne dépasse pas le triple de son taux de prestations hebdomadaires.                 

[2]      En 1991 et pendant qu'il était employé par Branair Ltd. à titre de technicien de climatisation, le défendeur a constitué en personne morale une entreprise appelée Wecan Heating & Air Conditioning. Le 31 janvier 1993, son emploi chez Branair a pris fin et le défendeur a donc présenté une demande de prestations d'assurance-chômage le 1er février 1993. Sur sa demande de prestations et par la suite sur ses cartes de déclaration, le défendeur a indiqué qu'il n'était pas un travailleur indépendant. Il a reçu cinquante semaines de prestations.

[3]      En juillet 1995, la Commission d'assurance-chômage (la Commission) a examiné la demande de prestations du défendeur. Pendant l'examen, le défendeur a été interrogé par Scott Hmiel de la Commission, celui-ci a pris des notes détaillées de leur conversation. Le défendeur conteste la fidélité et l'admissibilité des notes de M. Hmiel (les notes). Les notes sont importantes dans la mesure où elles indiquent que le défendeur a admis avoir travaillé 2 000 heures en 1993 et avoir sciemment fait des déclarations fausses à la Commission. Le défendeur a constamment nié avoir fait ces déclarations.

[4]      Dans une lettre datée du 30 août 1995, la Commission a rétroactivement rendu le défendeur inadmissible au bénéfice des prestations au motif qu'il était un travailleur indépendant et, par conséquent, réputé travailler une semaine entière pendant la période visée, au sens où l'entend le paragraphe 43(1) du Règlement. La Commission a par la suite pénalisé le défendeur pour avoir fait 28 déclarations fausses et trompeuses sur sa demande initiale de prestations et par la suite sur les cartes de déclaration de quinzaine. Le défendeur a été tenu de rembourser la totalité des prestations reçues, au montant de 21 500 $, et également de payer une pénalité de 12 040 $. Le défendeur a interjeté appel de cette décision auprès du conseil arbitral.

[5]      Dans le but de contrecarrer les admissions contenues dans les notes, le défendeur a présenté au conseil un affidavit dans lequel il détaille les heures qu'" il " a facturées pendant la période de prestations. Le relevé hebdomadaire du défendeur est le suivant (N.B. : le relevé détaille les heures facturées pendant 47 semaines. Trois semaines de la période de prestations ne sont pas justifiées) :

                                                

Semaine se terminant le

Nombre d'heures

Nombre d'heures travaillées soir/fin de semaine

Semaine se terminant le

Nombre d'heures

Nombre d'heures travaillées soir/fin de semaine

     5 fév.

     0

     0

     23 juil.

     15,5

     ,5

     12 fév.

     8,5

     0

     30 juil.

     9,5

     1

     20 fév.

     5

     0

     7 août

     16,5

     0

     26 fév.

     2

     0

     13 août

     3

     0

     5 mars

     7

     0

     20 août

     1,5

     0

     12 mars

     5

     0

     28 août

     5,5

     0

     19 mars

     6

     0

     4 sept.

     4,5

     0

     26 mars

     17,5

     2,5

     10 sept.

     0

     0

     2 avr.

     6,5

     3

     18 sept.

     9,5

     ,5

     9 avr.

     9,5

     2

     24 sept.

     7

     0

     16 avr.

     10

     0

     1er oct.

     0

     0

     23 avr.

     1,5

     0

     8 oct.

     2

     0

     30 avr.

     12

     1,5

     15 oct.

     23

     8,5

     7 mai

     14,5

     0

     22 oct.

     15

     1

     15 mai

     12

     3,5

     30 oct.

     47,5

     13

     22 mai

     2,5

     0

     5 nov.

     26,5

     0

     28 mai

     0

     0

     13 nov.

     49

     16,5

     4 juin

     0

     0

     19 nov.

     72,5

     31

     11 juin

     7,5

     0

     26 nov.

     35,5

     10

     18 juin

     9

     0

     3 déc.

     27,5

     2

     25 juin

     16

     3,5

     11 déc.

     15

     2

     2 juil.

     15

     ,5

     17 déc.

     14

     4

     9 juil.

     30

     27

     24 déc.

     17

     0

     17 juil.

     15,5

     7

Le défendeur a admis devant le conseil qu'il était un travailleur indépendant de la semaine 38 à la semaine 48, inclusivement. Cette période n'a pas fait l'objet d'un autre appel.

[6]      Le conseil a rejeté l'appel du défendeur dans une décision datée du 8 janvier 1995. Le conseil a estimé que le défendeur était un travailleur indépendant pendant toute la période de prestations. Bien que la décision du conseil ne fasse pas expressément mention d'une jurisprudence quelconque, elle cite la [TRADUCTION] " pièce 12.3 " à l'appui des six critères utilisés pour évaluer si le prestataire consacre [TRADUCTION] " peu de temps " à son emploi. La pièce 12.3 est l'argument de la Commission fondé sur CUB 5454 (la décision Schwenk) qui a établi le critère permettant de déterminer si l'exception prévue au paragraphe 43(2) du Règlement s'applique. Dans cette affaire, la Commission a examiné chacun des six critères en les appliquant à la situation du défendeur. Le conseil a par la suite conclu que le défendeur savait qu'il avait travaillé et qu'il avait omis de faire les déclarations exigées. De l'avis unanime, la crédibilité du défendeur était [TRADUCTION] " mise en doute ". Le défendeur a interjeté appel de la décision du conseil devant le juge-arbitre.

[7]      Le juge-arbitre a accueilli l'appel du défendeur dans une décision datée du 28 avril 1997. Il a conclu que la seule question en litige était de savoir si le conseil avait appliqué le bon critère pour parvenir à la conclusion que le défendeur était un travailleur indépendant. Le fait que le défendeur ait fait des déclarations fausses ou trompeuses ou non, ainsi que les conclusions du conseil quant à la crédibilité, dépendaient de la question de savoir si le défendeur consacrait [TRADUCTION] " si peu de temps " sur le plan des efforts à son entreprise que l'exception à la règle générale le visait. En résumé, s'il était estimé que le défendeur n'était pas un travailleur indépendant, alors il n'aurait pas pu faire de déclarations fausses à cet égard. [Question : En est-il de même en ce qui concerne les déclarations quant à savoir si le défendeur a touché des revenus?]

[8]      Le juge-arbitre a conclu que le conseil avait appliqué le mauvais critère en se fondant sur la décision Schwenk pour évaluer si le défendeur était un travailleur indépendant. Dans l'arrêt Canada (P.G.) c. Jouan (1995), 122 D.L.R. (4th) 347 (C.F.A.) la Cour a statué que des six critères énumérés dans la décision Schwenk, le plus important et le plus pertinent est le temps qu'un prestataire consacre à son entreprise. Les autres critères (le capital investi, la réussite ou l'échec financier, la durée de l'entreprise, la nature de l'emploi à savoir si celui-ci se rapporte à l'occupation habituelle du prestataire, et la volonté d'accepter ou de chercher au autre emploi) ne sont pas significatifs en eux-mêmes, mais peuvent aider à analyser le nombre total d'heures qu'un prestataire consacre à son entreprise. Pour ce motif, le juge-arbitre a estimé que le fait que le conseil se soit fondé sur la décision Schwenk était une erreur de droit. Le juge-arbitre a par la suite conclu que le défendeur n'était pas un travailleur indépendant pendant les semaines 1 à 22 et les semaines 24 à 37, inclusivement. Cependant, il était un travailleur indépendant pendant la semaine 23 au cours de laquelle il a travaillé un total de 30 heures facturables. Comme il a été mentionné plus tôt, le défendeur a admis avoir été travailleur indépendant pendant les semaines 38 à 48.

[9]      Le juge-arbitre a par la suite conclu qu'en procédant à l'appréciation de la crédibilité du défendeur, le conseil avait omis d'appliquer le critère subjectif énoncé dans l'arrêt Canada (P.G.) c. Gates, [1995] 3 C.F. 17 (C.A.). Le juge-arbitre a conclu que si le conseil était parvenu à la bonne conclusion sur la question de travailleur indépendant, il serait par conséquent parvenu à une conclusion différente sur la question de savoir si des déclarations fausses ou trompeuses avaient été faites. Étant donné que le défendeur n'était un travailleur indépendant que pendant la semaine 23, pour toutes les autres semaines il n'a pas sciemment fait de fausses déclarations. Le juge-arbitre, exerçant la compétence que lui attribue l'article 81 de la Loi, a annulé la décision du conseil. La décision du conseil en ce qui concerne le trop-payé et la pénalité a été confirmée pour la semaine 23 seulement. [La décision du juge-arbitre ne fait aucune mention des semaines 38 à 48.]

Analyse

[10]      Dès le début, je dois souligner qu'il n'est pas exact de dire que le défendeur était un travailleur indépendant. Je fais cette affirmation parce qu'il était employé par Wecan, une entreprise que lui-même et une autre personne avaient constitué en personne morale dans le but d'exploiter une entreprise conjointe. Cela étant dit, l'emploi du défendeur est visé par l'expression, " lorsque le prestataire [...] exploite une entreprise [...] à son compte ", qui figure au paragraphe 43(1) du Règlement . De façon à assurer l'uniformité, je continuerai à parler du défendeur en l'appelant travailleur indépendant.

[11]      Il est manifeste que le défendeur et le juge-arbitre sont d'avis que la question du travail indépendant doit être évaluée à la semaine. Mais à mon humble avis, c'est impossible pour plusieurs raisons. Premièrement, la question n'est pas de savoir pendant combien d'heures facturables un prestataire travaille dans une semaine. Il est notoire qu'un tel calcul ne témoigne pas des heures effectivement passées à l'exploitation d'une entreprise commerciale. Le nombre total d'heures travaillées est plus significatif. Quoi qu'il en soit, il est peu réaliste d'adopter un cadre légal dans lequel le travail indépendant est défini par le nombre d'heures qu'un prestataire travaille au cours d'une semaine. Pour mettre en place une telle conception, il faudrait que les conseils arbitraux précisent le nombre maximum d'heures pendant lesquelles un prestataire a le droit de travailler afin d'être visé par l'exception de la personne qui travaille " si peu de temps ", prévue au paragraphe 43(2) du Règlement . De plus, cette méthode conduirait au résultat absurde que dans une semaine un prestataire serait réputé être un travailleur indépendant, mais pas dans les autres. À mon avis, le cadre d'analyse à la semaine préconisé est inconciliable avec le système législatif dans son ensemble.

[12]      Pour avoir droit aux prestations d'assurance-chômage, un prestataire ne doit pas travailler. Le paragraphe 10(1) de la Loi prévoit, " [u]ne semaine de chômage, pour un prestataire, est une semaine pendant laquelle il n'effectue pas une semaine entière de travail. " De même, le paragraphe 43(1) du Règlement fait en sorte qu'un prestataire est réputé travailler une semaine entière lorsqu'il est un travailleur indépendant, à moins que l'exception prévue au paragraphe 43(2) ne s'applique : " [le prestataire] consacre si peu de temps [à cet emploi] qu'il ne saurait normalement compter sur cet emploi comme [...] moyen de subsistance ". Ces dispositions signifient implicitement que le Parlement a adopté le point de vue selon lequel une personne qui s'occupe activement de ses intérêts commerciaux ne peut pas être considérée comme cherchant activement un autre emploi. Comme l'a souligné le juge Marceau dans l'arrêt Jouan , précité : " [l]a Loi est là pour assurer des prestations temporaires aux personnes sans emploi qui cherchent activement un autre travail. On ne peut donc pas y recourir pour subventionner les entrepreneurs qui lancent leur propre affaire. " Dans ce contexte, la vraie question est de savoir si le défendeur en travaillant chez Wecan aspirait à en faire un moyen de subsistance. Cette décision doit être prise d'une manière objective.

[13]      À mon humble avis, le juge-arbitre a commis une erreur en concluant que le défendeur avait consacré " si peu de temps " à son emploi comme travailleur indépendant que l'exception prévue au paragraphe 43(1) du Règlement pouvait être invoquée avec succès. Premièrement, en évaluant les heures travaillées à la semaine, le juge-arbitre a appliqué le mauvais critère. Deuxièmement, les faits soutiennent pleinement la conclusion à laquelle le conseil est parvenu. Au total, le temps que le défendeur a consacré en 1993 à exploiter son entreprise n'est ni sans importance ni représentatif de quelqu'un qui n'exerçait pas son travail dans le but d'assurer sa subsistance. Cette conclusion est étayée non seulement en fonction des heures que le défendeur a lui-même facturées, mais également en fonction des critères à l'appui énoncés dans la décision Schwenk, précitée. En 1992, le défendeur a fait un apport en capital de 10 151 $. En 1993, Wecan a eu un revenu d'environ 112 000 $, a fait des achats d'un montant total de 64 320 $, a eu des frais de 31 936 $ et a contracté un emprunt bancaire. Le défendeur a tiré individuellement un profit de 12 616 $ de l'entreprise en 1993. Bien que la preuve atteste qu'il a rempli 20 demandes d'emploi auprès d'entreprises de réparation d'appareils de climatisation, en plus de chercher un emploi, le défendeur faisait également de la sollicitation pour son entreprise, Wecan. En fait, la recherche d'emploi du défendeur n'a donné lieu qu'à du travail à contrat. Enfin, tout doute à ce sujet est définitivement écarté si on se reporte à une lettre présentée par le défendeur à la Commission après l'entrevue avec M. Hmiel (Pièce 8, à la page 153 du dossier de la demande). Dans cette lettre, le défendeur reconnaît, [TRADUCTION] " rétrospectivement [...] j'étais techniquement parlant un travailleur indépendant ". Compte tenu de tous ces facteurs, il s'ensuit que le défendeur n'a pas le droit de se fonder sur l'exception de la personne qui travaille " si peu de temps " énoncée au Règlement . Par conséquent, le défendeur est réputé avoir été un travailleur indépendant pendant la totalité des cinquante semaines de la période de prestations, comme le conseil l'a statué, et il doit rembourser les prestations reçues. Ainsi, la seule question qui reste à trancher est de savoir si le conseil a commis une erreur en concluant que le défendeur avait sciemment fait de fausses déclarations à la Commission.

[14]      Pendant la plaidoirie, une partie importante des débats a porté sur la question de savoir si M. Hmiel aurait dû témoigner devant le conseil si ses [TRADUCTION] " notes " devaient être admissibles ou si une certaine importance devait être accordée à ses notes. Compte tenu du fait que je suis d'avis que la présente affaire doit être renvoyée devant le conseil relativement à la question de la crédibilité et, ainsi, de la possibilité que la question de la preuve y soit examinée, il n'est qu'approprié que la Cour aborde la dernière question.

[15]      L'avocat de la Commission a adopté la position selon laquelle il serait insoutenable du point de vue administratif d'exiger que les employés de la Commission assistent au contre-interrogatoire devant le conseil dans des affaires où la Commission souhaiterait s'appuyer sur des notes prises relativement à des témoignages de prestataires pendant des entrevues avec le personnel de la Commission. L'avocat du défendeur se préoccupe principalement des conséquences financières auxquelles peut avoir à faire face un prestataire qui est reconnu avoir sciemment fait de fausses déclarations, en l'espèce plus de 12 000 $. Si la question avait dû être tranchée uniquement sur ces deux critères, j'aurais été porté à prendre le parti du défendeur. Toutefois, en y réfléchissant plus longuement, je suis d'avis que la position de la Commission doit prévaloir pour les raisons suivantes.

[16]      Sous le régime de la Loi sur l'assurance-chômage, ni le conseil, ni un prestataire n'a le droit de citer des témoins à comparaître et cette loi n'exige pas que les employés de la Commission assistent aux audiences. Il semblerait s'ensuivre que la Cour n'a pas le pouvoir d'imposer cette exigence. En outre, il pourrait être allégué que si les employés de la Commission devaient assister aux audiences du conseil à des fins de contre-interrogatoire alors devraient aussi le faire ceux qui présentent des arguments écrits à l'appui d'un appel d'un prestataire devant le conseil. En l'espèce, par exemple, le défendeur a présenté des états financiers non vérifiés préparés par le comptable externe de son entreprise, ainsi que des références de moralité. Il me semble que toute tentative de la Cour pour exiger la présence de certaines personnes à une audience du conseil, si leurs déclarations écrites doivent être admises en preuve ou qu'une certaine importance doive être accordée à ces déclarations, changerait nettement la nature des procédures du conseil et ce pour le pire.

[17]      En concluant que les employés de la Commission n'ont pas besoin d'être présents aux contre-interrogatoires devant un conseil quand les admissions qu'auraient faites les prestataires se retrouvent dans les notes que les employés de la Commission ont rédigées, je ne veux pas dire qu'une telle preuve écrite des admissions orales doive être acceptée telle quelle. Le conseil a le droit de rendre une conclusion précise selon laquelle un prestataire était un témoin crédible en dépit des déclarations contradictoires relevées dans les notes que les employés de la Commission ont prises pendant une entrevue. Ces déclarations sont intrinsèquement sujettes à caution quand les prestataires ne les ont pas approuvées au moment où elles ont été faites, mais en dernier lieu il appartient au conseil d'évaluer l'importance, le cas échéant, devant leur être accordée.

[18]      En ce qui concerne la conclusion du conseil selon laquelle le défendeur avait sciemment fait de fausses déclarations, il est clair que le conseil a, en appréciant sa crédibilité, mal appliqué la décision Gates. Il ne suffit pas pour un conseil arbitral de mentionner simplement que la crédibilité d'un prestataire est [TRADUCTION] " mise en doute ". Par conséquent, le conseil a commis une erreur en droit et l'affaire aurait dû être renvoyée devant le conseil pour que celui-ci procède à un nouvel examen de cette question seulement. Je suis d'avis qu'il est bien établi en droit que ce n'est pas le rôle de la Cour, dans une demande de contrôle judiciaire, ni d'un juge-arbitre, en appel d'une décision du conseil, de tirer des conclusions quant à la crédibilité. Un appel devant un juge-arbitre n'est pas une procédure de novo dans laquelle un prestataire a le droit de témoigner en son propre nom : voir Canada (P.G.) c. Taylor (1991), 81 D.L.R. (4th) 69 (C.A.F.). Je dois également mentionner que le fait que le conseil a commis une erreur en concluant que le défendeur n'était pas crédible ne conduit pas à la conclusion opposée; c'est-à-dire que le défendeur était crédible. Une telle erreur n'amène pas non plus à la conclusion que la Commission ne s'est pas acquittée de son obligation d'établir que le défendeur avait sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses. En résumé, on ne peut reprocher à la Commission les erreurs commises par le conseil.

[19]      Pour ces motifs, je suis d'avis d'accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et d'annuler la décision du juge-arbitre, datée du 28 avril 1997. L'affaire est renvoyée au juge-arbitre en chef, ou à un juge-arbitre qu'il nommera, pour qu'il rende une nouvelle décision qui tienne compte du fait que le défendeur était un travailleur indépendant pendant toute la période de prestations, et qu'il renvoie l'affaire à un conseil arbitral différemment constitué pour qu'il procède à un nouvel examen en vue de déterminer si le défendeur a sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses.

     " J.T. Robertson "

     J.C.A.

"Je souscris à ces motifs.

A.J. Stone J.C.A. "

" Je souscris à ces motifs.

A.M. Linden J.C.A "

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE


Date : 19980526


Dossier : A-418-97

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     demandeur,

     et

     ROBIN M. CHILDS,

     défendeur.

    

     MOTIFS DU JUGEMENT

    


             
     COUR FÉDÉRALE DU CANADA         
     SECTION D'APPEL         
     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER         
DOSSIER :                  A-418-97         
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Le Procureur général du Canada c. Robin M. Childs         
LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)         
DATE DE L'AUDIENCE :          le 6 mai 1998         
MOTIFS DU JUGEMENT PAR :      le juge Robertson         
Y ONT SOUSCRIT :              le juge Stone         
                         le juge Linden         
EN DATE DU :                  26 mai 1998         
ONT COMPARU :         
M. Robert Jaworski                      POUR LE DEMANDEUR         
M. Kenneth H. Post                      POUR LE DÉFENDEUR         
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :         
M. George Thomson                      POUR LE DEMANDEUR         
Sous-procureur général du Canada         
Ottawa (Ontario)         
Turkstra, Mazza, Shinehoft,              POUR LE DÉFENDEUR         
Mihailovich and Associates         
Hamilton (Ontario)         
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