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                                                             A-855-96

                                                        (IMM-3320-95)

 

 

 

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 11 AVRIL 1997

 

CORAM :    LE JUGE STRAYER

           LE JUGE ROBERTSON

           LE JUGE McDONALD

 

 

 

ENTRE :

 

 

 

          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                            appelant,

 

                                - et -

 

                        JEFFREY HUGH WILLIAMS,

 

                                                              intimé.

 

 

 

                               JUGEMENT

 

     Il est par les présentes ordonné :

 

(1)que l'appel soit accueilli et que l'ordonnance en date du 29 octobre 1996 de la Section de première instance soit annulée;

 

(2)qu'il soit répondu aux questions certifiées de la manière suivante :

 

1.    Le paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, fait-il intervenir les droits à la liberté et/ou à la sécurité de la personne conformément à l'article 7 de la Charte des droits et libertés?

 

     Réponse : Non

 

2.    Dans l'affirmative, le paragraphe 70(5) est-il incompatible avec les exigences de la justice fondamentale et inopérant du fait qu'il est d'une imprécision inconstitutionnelle et/ou ne prévoit pas l'obligation de motiver une décision selon laquelle une personne constitue un danger pour le public au Canada?

 

     Réponse : Non


3.    L'exercice par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration du pouvoir discrétionnaire d'exprimer l'opinion qu'une personne constitue un danger pour le public au Canada conformément au paragraphe 70(5), dans le contexte de la procédure utilisée pour cette décision, est-il incompatible avec les exigences de la justice fondamentale et l'article 7 de la Charte là où il ne motive pas son opinion?

 

     Réponse : Non

 

4.    L'omission de motiver une décision rendue en vertu du paragraphe 70(5) selon laquelle une personne constitue un danger pour le public au Canada, dans le contexte de la procédure utilisée pour cette décision, va‑t‑elle à l'encontre des exigences de la justice naturelle et de l'équité en matière de procédure?

 

     Réponse : Non

 

 

 

                                                 Barry L. Strayer   

                                                     J.C.A.

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                       

                                             Marie Descombes, LL.L.


                                                             A-855-96

                                                        (IMM-3320-95)

 

 

 

CORAM :    LE JUGE STRAYER

           LE JUGE ROBERTSON

           LE JUGE McDONALD

 

 

 

ENTRE :

 

 

 

          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                            appelant,

 

                                - et -

 

                        JEFFREY HUGH WILLIAMS,

 

                                                              intimé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le jeudi 20 mars 1997.

 

 

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le vendredi 11 avril 1997.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                  LE JUGE STRAYER

 

 

Y ONT SOUSCRIT :                                    LE JUGE ROBERTSON

                                                     LE JUGE McDONALD


                                                             A-855-96

                                                        (IMM-3320-95)

 

 

 

CORAM :    LE JUGE STRAYER

           LE JUGE ROBERTSON

           LE JUGE McDONALD

 

 

 

ENTRE :

 

 

 

          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                            appelant,

 

                                - et -

 

                        JEFFREY HUGH WILLIAMS,

 

                                                              intimé.

 

 

 

                          MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE STRAYER

 

Introduction

     Il s'agit de l'appel d'une ordonnance rendue par la Section de première instance le 29 octobre 1996. Par cette ordonnance, le juge des requêtes a annulé une décision prise au nom du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration en application du paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration le 10 novembre 1995 et portant que, selon le ministre, le requérant constituait un danger pour le public au Canada. Le juge des requêtes a annulé la décision au motif que les principes de justice fondamentale[1] et les principes reconnus par la common law obligeaient le ministre, dans les circonstances, à motiver sa décision. Le juge des requêtes a refusé de conclure que le paragraphe 70(5) lui-même est nul en raison de son incompatibilité avec l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés pour les motifs invoqués par le requérant, à savoir que ce paragraphe est trop imprécis et n'exige pas expressément que des motifs soient fournis. Dans le cadre du présent appel, l'appelant demande l'annulation de la conclusion du juge des requêtes selon laquelle le ministre a contrevenu aux principes de justice fondamentale et à la common law. Quant à l'intimé, non seulement il demande la confirmation de la décision du juge des requêtes, mais il soutient aussi que le juge des requêtes aurait dû statuer que le paragraphe 70(5) contrevient à l'article 7 de la Charte parce qu'il est imprécis et ne prévoit pas l'obligation de fournir des motifs.

 

Les faits

     L'intimé est né en Jamaïque en 1966, est entré au Canada en 1976 et a le statut de résident permanent depuis ce temps. Il n'a jamais obtenu la citoyenneté canadienne. Entre le mois de mai 1984 et le mois de septembre 1989, il a été reconnu coupable de cinq infractions, à savoir l'infraction criminelle de voies de fait et quatre infractions reliées au trafic des stupéfiants en violation de la Loi sur les stupéfiants. À la suite de l'une de ces accusations, soit la possession de cocaïne dans le but d'en faire le trafic, il a été condamné en février 1992 à une peine de prison de quatre ans. Le juge de première instance de la Cour de l'Ontario (Division générale) qui a prononcé la sentence a fait les remarques suivantes sur l'intimé :

 

[TRADUCTION] En 1989, il a été reconnu coupable relativement à quatre accusations de commerce illicite, la première fois en mai 1982 [sic], et a été condamné à une peine de prison de six mois et à une probation de trois ans. En août 1989, il a été reconnu coupable de trafic d'un stupéfiant et condamné à une peine de prison de six mois. Il a de nouveau été reconnu coupable en août 1989 de trafic d'un stupéfiant et, en septembre 1989, d'avoir contrevenu à un engagement. La date de perpétration de l'infraction en ce qui a trait aux infractions que j'ai examinées était le 24 septembre 1989. Il appert que l'accusé devait à peine avoir recouvré sa liberté relativement aux infractions de 1989 reliées aux stupéfiants lorsqu'il a commis la présente infraction.

 

      L'accusé semble être un trafiquant de drogues convaincu et, selon moi, la sentence devrait tenir compte de ce fait en guise de dissuasion générale et spécifique. L'accusé sera condamné à une peine de prison quatre ans[2].

 

     La Loi sur l'immigration contient, ou contenait à l'époque pertinente, les dispositions suivantes :

 

4.(1) Ont le droit d'entrer au Canada les citoyens canadiens et, sauf s'il a été établi qu'ils appartiennent à l'une des catégories visées au paragraphe 27(1), les résidents permanents.

 

                               * * * * * * * * *

 

27.(1) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit faire part au sous-ministre, dans un rapport écrit [...], de renseignements concernant un résident permanent et indiquant que celui-ci, selon le cas :

 

      [...]

 

d) a été déclaré coupable d'une infraction prévue par une loi fédérale :

 

(i) soit pour laquelle une peine d'emprisonnement de plus de six mois a été imposée,

 

(ii) soit qui peut être punissable d'au moins cinq ans d'emprisonnement;

 

Une personne qui serait visée par les dispositions prévues au paragraphe 27(1) peut faire l'objet d'une enquête par un arbitre en application de l'article 32 qui dispose :

 

32.(2) S'il conclut que l'intéressé est un résident permanent se trouvant dans l'une des situations visées au paragraphe 27(1), l'arbitre, sous réserve des paragraphes 44(1) et 46(3), prend une mesure d'expulsion contre lui. (Non souligné dans l'original.)

 

Le 27 juin 1994, un arbitre a conclu que l'intimé était une telle personne et a ordonné son expulsion comme il était tenu de le faire.

 

     Si je comprends bien, l'intimé ne conteste pas qu'il est un résident permanent mais n'est pas un citoyen, qu'il a commis les infractions à l'égard desquelles l'arbitre a mené une enquête et qu'il a été reconnu à juste titre comme une personne se trouvant dans la situation visée à l'alinéa 27(1)d) à l'égard de laquelle, conformément au paragraphe 32(2), l'arbitre était tenu de prendre une mesure d'expulsion.

 

     L'intimé a interjeté appel de cette décision devant la section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en application du paragraphe 70(1) qui est ainsi libellé :

 

70.(1) Sous réserve du paragraphe (4), les résidents permanents et les titulaires de permis de retour en cours de validité et conformes aux règlements peuvent faire appel d'une mesure de renvoi devant la Commission en invoquant les moyens suivants :

 

      a) question de droit, de fait ou mixte;

 

b) le fait que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, ils ne devraient pas être renvoyés du Canada.

 

Avant que son appel ne puisse être entendu, l'intimé a été avisé par voie de lettre en date du 2 octobre 1995 envoyée par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration que le ministre examinerait l'opportunité d'exprimer un avis de danger pour le public au Canada fondé sur le paragraphe 70(5). Cette disposition est ainsi libellée :

 

70.(5) Ne peuvent faire appel devant la section d'appel les personnes, visées au paragraphe (1) ou aux alinéas (2)a) ou b), qui, selon la décision d'un arbitre :

 

a) appartiennent à l'une des catégories non admissibles visées aux alinéas 19(1)c), c.1), c.2) ou d) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada;

 

b) relèvent du cas visé à l'alinéa 27(1)a.1) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada;

 

c) relèvent, pour toute infraction punissable aux termes d'une loi fédérale d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, du cas visé à l'alinéa 27(1)d) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada[3].

 

La lettre précisait que les documents suivants, qui étaient joints en annexe, seraient soumis au ministre pour examen :

 

-Le visa d'immigrant et la fiche relative au droit d'établissement

-Le rapport prévu à l'article 27 de la Loi sur l'immigration

-Le rapport circonstancié prévu au paragraphe 27(1)

-La mesure d'expulsion

-Les renseignements récapitulatifs de la police

-Le mandat de dépôt sur déclaration de culpabilité

-Les procès-verbaux de sentence

-Les documents soumis à l'agent des appels par l'avocate

 

La lettre mentionnait en outre que la formulation d'un tel avis aurait pour effet de retirer à l'intimé le droit d'appel prévu au paragraphe 70(1). La lettre invitait l'intimé à présenter des observations sur les questions de savoir s'il constituait un danger pour le public et s'il existait des raisons d'ordre humanitaire suffisantes pour primer le danger qu'il pourrait constituer. En guise de réponse, l'avocate de l'intimé a fait parvenir au ministre une lettre de onze pages renfermant des observations sur ces deux points. Entre autres choses, l'avocate a renvoyé le ministre à un rapport psychologique que le ministre avait déjà et dont le Ministère avait fourni un nouvel exemplaire à l'intimé. Ce rapport exprimait une opinion passablement favorable quant aux [TRADUCTION] « progrès » faits par M. Williams depuis son incarcération. Par la suite, un agent d'immigration a examiné tous ces documents et les a remis au délégué du ministre avec un rapport recommandant d'exprimer l'avis que l'intimé constituait un danger pour le public au Canada. Le 10 novembre 1995, le délégué du ministre a signé cet avis, ce qui a empêché la poursuite de l'appel devant la section d'appel. M. Williams a obtenu l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de l'avis du ministre, lequel a par la suite été annulé par la décision de la Section de première instance portée en appel.

 

     Comme il est mentionné plus haut, le juge des requêtes a conclu qu'il y a eu un déni de justice fondamentale, de justice naturelle et d'équité parce que le ministre n'a pas motivé son avis. Le juge des requêtes a fondé sa conclusion sur les affirmations suivantes : les conséquences pour l'intéressé d'un tel avis sont [TRADUCTION] « considérables »; le processus décisionnel ne donne aucune assurance que le décideur ultime considère directement les observations du requérant; on ne sait pas très bien quel raisonnement a motivé la conclusion que le requérant constitue un danger présent ou futur pour le public; et comme l'avis n'était pas motivé, une cour siégeant en révision ne peut, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, déterminer si le ministre applique des « critères pertinents et légitimes ». Le juge des requêtes a ensuite certifié les questions suivantes :

 

1.Le paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, fait-il intervenir les droits à la liberté et/ou à la sécurité de la personne conformément à l'article 7 de la Charte des droits et libertés?

 

2.Dans l'affirmative, le paragraphe 70(5) est-il incompatible avec les exigences de la justice fondamentale et inopérant du fait qu'il est d'une imprécision inconstitutionnelle et/ou ne prévoit pas l'obligation de motiver une décision selon laquelle une personne constitue un danger pour le public au Canada?

 

3.L'exercice par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration du pouvoir discrétionnaire d'exprimer l'opinion qu'une personne constitue un danger pour le public au Canada conformément au paragraphe 70(5), dans le contexte de la procédure utilisée pour cette décision, est-il incompatible avec les exigences de la justice fondamentale et l'article 7 de la Charte là où il ne motive pas son opinion?

 

4.L'omission de motiver une décision rendue en vertu du paragraphe 70(5) selon laquelle une personne constitue un danger pour le public au Canada, dans le contexte de la procédure utilisée pour cette décision, va‑t‑elle à l'encontre des exigences de la justice naturelle et de l'équité en matière de procédure?

 

Comme les trois premières questions portent toutes sur la constitutionnalité ou l'applicabilité du paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration, l'intimé a signifié un avis de question constitutionnelle aux procureurs généraux.

 

     Les questions en litige sont très importantes. La Section de première instance a rendu des décisions contradictoires sur la question de savoir si le ministre est tenu de motiver l'avis qu'il exprime en application du paragraphe 70(5). Certains juges ont statué que des motifs doivent être fournis[4] tandis que d'autres ont affirmé le contraire[5].

 

Analyse

     Avant de tenter de répondre aux questions certifiées, il serait utile de commencer par examiner l'effet de l'avis du ministre fondé sur le paragraphe 70(5) et le rôle de la Cour dans le cadre du contrôle de cet avis.

 

                     Effet de l'avis du ministre

 

     Le juge des requêtes décrit en ces termes les conséquences de l'avis du ministre :

 

Le requérant sera retiré de sa famille et renvoyé dans un pays où il n'a pas vécu depuis 20 ans, et qu'il a quitté âgé seulement de 9 ans.

 

En d'autres termes, le juge des requêtes traite cet avis comme une mesure d'expulsion. En toute confraternité, il me semble que cette qualification des effets de l'avis attribue une importance excessive à l'avis et fausse donc l'analyse des exigences de la justice fondamentale dans les circonstances.

 

     Pourquoi M. Williams doit‑il être renvoyé en Jamaïque? C'est avant tout parce que la politique gouvernementale du Canada, telle qu'elle est exprimée par les membres élus du Parlement, veut que les non-citoyens qui commettent des crimes d'une certaine gravité soient expulsés. Comme la Cour suprême l'a déclaré dans l'arrêt Chiarelli[6], qui est une affaire analogue :

 

Toutes les personnes qui entrent dans la catégorie des résidents permanents mentionnés au sous-al. 27(1)d)(ii) ont cependant un point commun: elles ont manqué volontairement à une condition essentielle devant être respectée pour qu'il leur soit permis de demeurer au Canada. En pareil cas, mettre effectivement fin à leur droit d'y demeurer ne va nullement à l'encontre de la justice fondamentale. Dans le cas du résident permanent, seule l'expulsion permet d'atteindre ce résultat. Une ordonnance impérative n'a rien d'intrinsèquement injuste. La violation délibérée de la condition prescrite par le sous-al. 27(1)d)(ii) suffit pour justifier une ordonnance d'expulsion. Point n'est besoin, pour se conformer aux exigences de la justice fondamentale, de chercher, au-delà de ce seul fait, des circonstances aggravantes ou atténuantes.

 

Il n'est pas contesté que M. Williams est une telle personne. S'il n'avait pas interjeté appel de la mesure d'expulsion prise par l'arbitre, il aurait été expulsé sur-le-champ. Comme la Cour suprême l'a déclaré dans l'arrêt Chiarelli[7], le législateur n'était pas constitutionnellement tenu de prévoir un appel ou un redressement discrétionnaire quelconque. Il s'ensuit que tout droit d'appel accordé par le législateur peut être restreint ou retiré. Dans les faits, un appel peut généralement être interjeté aux conditions énoncées au paragraphe 70(1). Il convient de noter dans l'extrait précité de cette disposition que les moyens d'appel prévus sont, à l'alinéa 70(1)a), une question de fait ou de droit ou une question mixte de droit et de fait et, à l'alinéa 70(1)b), un moyen discrétionnaire par lequel la Commission peut décider que :

 

[...] eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, ils ne devraient pas être renvoyés du Canada.

 

Les résidents permanents ont généralement été autorisés à interjeter appel en invoquant ces moyens jusqu'à l'adoption en 1995[8] de la modification qui a ajouté le paragraphe 70(5) cité plus haut. Il est acquis que ce paragraphe exige que le ministre soit à la fois convaincu en vertu de l'alinéa 70(5)c) qu'une personne a été reconnue coupable d'un crime particulièrement grave, pas juste d'une infraction visée à l'alinéa 27(1)d), et d'avis que cette personne constitue un danger pour le public au Canada. Il n'est pas contesté que le ministre a conclu à bon droit que M. Williams est une personne qui relève du cas visé à l'alinéa 70(5)c).

 

     Le nouveau paragraphe 70(5) a été adopté après que M. Williams a déposé son appel auprès de la section d'appel de l'immigration, mais avant que son appel ne soit entendu. L'avis du ministre a eu pour effet d'empêcher l'audition de l'appel. Toutefois, une disposition transitoire de la loi de 1995 prévoit que lorsque le ministre exprime, à l'égard d'une personne, un avis de danger pour le public avant que l'audition de l'appel interjeté par cette personne ne soit commencé, l'appel ne peut pas se poursuivre, mais cette personne a le droit de présenter une demande de contrôle judiciaire de la mesure d'expulsion dans les quinze jours de la réception d'un avis[9]. L'intimé avait le droit de présenter pareille demande en l'espèce, mais il n'en a rien fait.

 

     Qu'a donc perdu l'intimé du fait de la formulation par le ministre de l'avis selon lequel l'intimé constitue un danger pour le public au Canada? Il a perdu le droit d'interjeter appel en vertu de l'alinéa 70(1)a) sur une question de droit ou de fait, ou sur une question mixte de droit et de fait. À la place, il a obtenu le droit de demander un contrôle judiciaire, recours qui serait au moins aussi efficace à l'égard d'une question de droit, mais qui ne permettrait peut-être pas un examen aussi complet des conclusions de fait. L'intimé n'a pas exercé ce droit, et il n'est pas donné à entendre qu'il a vraiment le désir non partagé de soutenir que l'arbitre a commis une erreur de fait ou de droit en prenant la mesure d'expulsion. Quoi qu'il en soit, la substitution d'un contrôle judiciaire à un droit d'appel, du fait de l'avis donné par le ministre, ne me paraît pas constituer une atteinte grave aux droits de l'intimé.

 

     Pour autant que je puisse en juger, M. Williams se plaint surtout de ne plus pouvoir, à cause de l'avis donné par le ministre, demander à la section d'appel de décider, en application de l'alinéa 70(1)b), si, « eu égard à toutes les circonstances », il ne devrait pas être expulsé du Canada. L'avocate de l'intimé a été incapable de nous mentionner un motif que la Commission pourrait invoquer en vertu de l'alinéa b) qui ne pourrait pas l'être également dans le cadre de l'exercice par le ministre du pouvoir discrétionnaire que le paragraphe 114(2) lui accorde de soustraire M. Williams à une expulsion pour des raisons d'ordre humanitaire. Un tel examen est toujours possible avant une expulsion et, de fait, la procédure employée en l'espèce a fait en sorte qu'on a expressément demandé à M. Williams de joindre aux observations qu'il présenterait au ministre sur la question de savoir s'il constituait un danger pour le public au Canada des observations quant aux raisons d'ordre humanitaire. C'est ce que son avocate a fait de façon assez détaillée.

 

     L'avocate de M. Williams se plaint également que le retrait du droit d'appel a fait perdre à W. Williams le sursis d'exécution d'origine législative de la mesure d'expulsion auquel il avait droit auparavant en application de l'alinéa 49(1)b) de la Loi. Ce sursis d'exécution est automatique lorsqu'un appel est déposé auprès de la section d'appel et peut durer jusqu'à l'issue de l'appel, c'est‑à‑dire plusieurs années. Au lieu de cela, l'intimé s'est trouvé dans la position où, après que le ministre a donné son avis, il devait entamer une procédure en contrôle judiciaire contre la mesure d'expulsion, puis convaincre un juge de surseoir à l'exécution de la mesure d'expulsion jusqu'à l'issue du contrôle judiciaire. Une fois de plus, il est difficile de considérer cette transformation comme un empiétement sur les droits fondamentaux de l'intimé, aussi ennuyeux que cela puisse être pour lui et son avocate. Dans la plupart des autres procédures d'appel, les sursis ne sont pas automatiques, mais discrétionnaires.

 

     L'avis donné par le ministre en application du paragraphe 70(5) a donc pour effet de substituer le droit de demander un contrôle judiciaire au droit d'interjeter appel de la mesure d'expulsion, de substituer l'exercice par le ministre du pouvoir discrétionnaire dont il est investi de dispenser une personne d'une expulsion légale à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire semblable conféré à la section d'appel par l'alinéa 70(1)b), et de substituer le droit de demander un sursis judiciaire au droit d'obtenir un sursis d'origine législative. Il me paraît donc difficile de considérer l'avis du ministre comme la cause véritable de l'expulsion de l'intimé. Il n'est même pas possible d'affirmer que l'avis du ministre est une cause sine qua non parce qu'on ne peut pas présumer qu'en son absence la section d'appel aurait relevé une erreur de fait qu'un contrôle judiciaire n'aurait pas permis de relever ou aurait exercé, en application de l'alinéa b), un pouvoir discrétionnaire plus favorable à l'intimé que celui qu'aurait exercé le ministre dans le cadre de son examen des raisons d'ordre humanitaire.

 

     Bref, M. Williams est menacé d'expulsion parce que, en tant que non-citoyen, il a commis des crimes graves au Canada. Il n'est pas donné à entendre que les procès qui ont abouti aux déclarations de culpabilité prononcées contre M. Williams ont été inéquitables, que la mesure d'expulsion prise contre celui-ci était erronée en droit ou quant aux faits, ou qu'on n'a pas donné à M. Williams la possibilité d'exprimer ses opinions sur tous les documents soumis au ministre (mis à part le « Rapport sur l'avis du ministre » résumant le dossier préparé à l'intention du délégué du ministre qui n'a pas été remis à l'intimé à ce moment-là, mais a été produit en vue d'un examen judiciaire dans le cadre du contrôle judiciaire).

 

             Le caractère révisable de l'avis du ministre

 

     Il est frappant que le paragraphe 70(5) dispose que ne peut faire appel l'intéressé qui constitue un danger « selon le ministre » et non « selon le juge ». Par ailleurs, le législateur n'a pas formulé la disposition de manière objective, c'est-à-dire en prescrivant qu'une attestation interdisant un autre appel peut uniquement être délivrée s'il est « établi » ou « décidé » que l'appelant constitue un danger pour le public au Canada. Le législateur a plutôt eu recours à une formulation subjective pour énoncer le pouvoir de tirer une telle conclusion : le critère n'est pas celui de savoir si le résident permanent constitue un danger pour le public, mais celui de savoir si, « selon le ministre », il constitue un tel danger. Il existe une jurisprudence abondante selon laquelle, à moins que toute l'économie de la Loi n'indique le contraire en accordant par exemple un droit d'appel illimité contre un tel avis[10], ces décisions subjectives ne peuvent pas être examinées par les tribunaux, sauf pour des motifs comme la mauvaise foi du décideur, une erreur de droit ou la prise en considération de facteurs dénués de pertinence[11]. En outre, lorsque la Cour est saisie du dossier qui, selon une preuve non contestée, a été soumis au décideur, et que rien ne permet de conclure le contraire, celle-ci doit présumer que le décideur a agi de bonne foi en tenant compte de ce dossier[12].

 

     En l'espèce, nous savons quels documents ont été soumis au décideur. Parmi ceux-ci, il y avait à la fois des documents favorables et des documents défavorables à l'intimé, notamment les observations faites par son avocate et un rapport psychologique qui lui était favorable. Je n'arrive pas à comprendre comment on peut affirmer que l'un de ces documents est sans rapport avec la formulation de l'avis du ministre, et il n'a pas été donné à entendre que d'autres facteurs dénués de pertinence ont été pris en considération au nom du ministre pour exprimer l'avis en son nom. La Cour n'est pas invitée à confirmer le bien-fondé de l'avis du ministre, mais simplement à déterminer si le contrôle de cet avis est justifié en droit.

 

     Ces remarques étant faites, j'en viens maintenant aux quatre questions qui ont été certifiées.

 

                              Question 1

 

1.Le paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, fait-il intervenir les droits à la liberté et/ou à la sécurité de la personne conformément à l'article 7 de la Charte des droits et libertés?

 

     Premièrement, pour les motifs exposés plus haut, je ne suis pas disposé à présumer qu'un avis donné en vertu du paragraphe 70(5) devrait être assimilé à une mesure d'expulsion. Au pire, l'avis remplace un appel sur le droit et les faits par un contrôle judiciaire, remplace le pouvoir discrétionnaire de la section d'appel par le pouvoir discrétionnaire dont le ministre est investi d'accorder une dispense pour des raisons d'ordre humanitaire et remplace la certitude d'un sursis d'exécution d'origine législative par l'éventualité d'un sursis d'exécution judiciaire.

 

     Deuxièmement, même en acceptant la prémisse du juge des requêtes selon laquelle c'est l'avis du ministre qui est la cause de l'expulsion de M. Williams, je ne suis pas convaincu que cela fait intervenir un droit à la « liberté » ou à la « sécurité de la personne » prévu à l'article 7 de la Charte.

 

     Il est nécessaire d'établir une distinction entre la présente espèce et des affaires comme l'arrêt Singh[13] dans lequel trois des six juges ont statué que l'article 7 entrait en jeu dans le règlement d'une revendication du statut de réfugié. Le fait qu'un revendicateur du statut de réfugié risque d'être renvoyé dans un pays dans lequel il serait, selon lui, menacé de mort ou d'emprisonnement a été fondamental pour parvenir à cette conclusion. En l'espèce, M. Williams n'a pas laissé entendre qu'il ne peut pas retourner en Jamaïque en toute sécurité, même s'il préférerait ne pas y retourner. Il n'a aucun des « droits » reconnus par la Convention sur les réfugiés, telle qu'elle est mise en oeuvre par la Loi sur l'immigration, que trois des juges de la Cour suprême ont invoqués pour conclure que les droits garantis par l'article 7 avaient été violés, et que trois autres juges ont invoqués pour conclure que l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits entrait en jeu.

 

     La jurisprudence de cette Cour sur ce point manque de cohérence. Dans une série de décisions[14], il a été clairement statué qu'une expulsion n'entraîne pas une perte de liberté et, partant, que l'article 7 n'entre pas en jeu. Des opinions contraires ont été exprimées. Lorsque cette Cour a été saisie de l'affaire Chiarelli[15], les juges sont tous arrivés à la conclusion que l'expulsion d'un résident permanent pouvait entraîner une perte de liberté, mais la Cour suprême[16], qui a infirmé cette décision pour d'autres motifs, n'a pas jugé nécessaire de traiter cette question. Dans l'arrêt Nguyen[17], le juge Marceau a déclaré à un moment donné qu'une déclaration d'irrecevabilité de la revendication d'un requérant ne porte pas en elle-même atteinte à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne. Il a ensuite affirmé que lorsque cette déclaration est combinée à l'exigence voulant que les non-citoyens qui commettent des crimes graves soient expulsés, c'est tout le cadre législatif qui se rapporte à la « perte de liberté ». On ne sait pas très bien dans quelle mesure cette observation tient au fait que l'intéressé était un demandeur du statut de réfugié qui pouvait, par définition, affirmer que sa vie serait en danger s'il retournait dans son pays[18]. De plus, il semble que ces conclusions étaient inutiles puisque la Cour a conclu qu'il n'y a pas eu d'entorse à la justice fondamentale.

 

     Sans prétendre trancher la question à l'égard des réfugiés, j'ai du mal à comprendre comment on peut considérer que le refus d'accorder une dispense discrétionnaire de l'exécution d'une mesure d'expulsion légale prise contre un non-réfugié auquel la loi ne reconnaît pas le droit d'être au Canada entraîne une perte de liberté. À moins de considérer que la « liberté » comprend la liberté d'être partout où l'on veut, sans égard à la loi, comment l'exécution légale d'une mesure d'expulsion peut-elle faire perdre cette liberté?

 

     L'avocat de l'intimé a invoqué des arrêts de la Cour suprême qui n'ont pas grand-chose à voir avec l'immigration pour revendiquer une interprétation plus large de la « liberté » et de la « sécurité de la personne ». Il a cité des remarques faites par le juge Wilson dans l'arrêt Morgentaler c. P. G. du Canada[19], à savoir que le droit à la liberté comprend une garantie générale « d'autonomie personnelle sur les décisions importantes touchant intimement à [la] vie privée [d'un individu] ». Je me contenterai de dire que quatre juges qui ont accepté le résultat ont refusé d'examiner l'application de la « liberté » dans ce contexte et ont fondé leur décision sur la « sécurité de la personne ». De toute évidence, leur conclusion selon laquelle l'article 7 entrait en jeu se rapportait directement au caractère très importun du recours à l'avortement et au fait que des sanctions pénales pouvaient être imposées. Deux juges ont conclu que l'article 7 n'avait pas été violé. L'avocat nous a renvoyés à un autre arrêt dans lequel l'« autonomie personnelle » est considérée comme un aspect de la « liberté », soit B. et autre c. Children's Aid Society of Metropolitan Toronto et autre[20]. Dans cet arrêt, quatre juges de la Cour suprême ont considéré que la « liberté » garantie par l'article 7 donne aux parents le droit de refuser un traitement médical pour leurs enfants. Il convient de faire remarquer que quatre autres juges ont refusé de donner à la « liberté » cette portée et qu'un juge n'a pas estimé nécessaire de trancher la question puisqu'il a conclu que les exigences de justice fondamentale prévues à l'article 7 n'ont pas été violées.

 

     Eu égard aux décisions rendues jusqu'à ce jour, donc, je suis incapable de conclure que la « liberté » comprend le droit pour les résidents permanents de faire le choix personnel de demeurer au Canada lorsque, comme la Cour suprême l'a déclaré dans l'arrêt Chiarelli[21] :

 

[ils] ont manqué volontairement à une condition essentielle devant être respectée pour qu'il leur soit permis de demeurer au Canada.

 

Par conséquent, je répondrais à la question 1 par la négative.

 

                              Question 2

 

2.Dans l'affirmative, le paragraphe 70(5) est-il incompatible avec les exigences de la justice fondamentale et inopérant du fait qu'il est d'une imprécision inconstitutionnelle et/ou ne prévoit pas l'obligation de motiver une décision selon laquelle une personne constitue un danger pour le public au Canada?

 

     Comme j'ai répondu à la question 1 par la négative, je n'ai pas besoin, à strictement parler, de répondre aux questions 2 et 3. Toutefois, au cas où j'aurais conclu à tort que l'article 7 n'entre pas en jeu, je répondrai à ces questions. Comme le mot « inopérant » est également employé à l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, je crois comprendre qu'il s'agit principalement de savoir si le paragraphe 70(5) est valide.

 

     Il est certain qu'une imprécision excessive peut porter atteinte aux exigences de justice fondamentale, mais je conviens avec le juge des requêtes que le paragraphe 70(5) n'atteint pas une telle imprécision.

 

     La Cour suprême a déclaré dans l'arrêt Nova Scotia Pharmaceutical Society[22] qu'une loi est d'une imprécision inconstitutionnelle « si elle manque de précision au point de ne pas constituer un guide suffisant pour un débat judiciaire ». Dans le contexte du contrôle judiciaire d'une décision du ministre sur la question de savoir si, « selon le ministre, [une personne] constitu[e] un danger pour le public au Canada », la question qu'il faut se poser est la suivante : cette phraséologie donne-t-elle des instructions suffisantes au ministre, afin que le ministre et la Cour puissent déterminer si le ministre exerce ce pouvoir comme le législateur l'entendait? À mon avis, le libellé du paragraphe 70(5) est suffisamment clair à cet égard. Dans ce contexte, le sens de l'expression « danger pour le public » n'est pas un mystère : cette expression doit se rapporter à la possibilité qu'une personne ayant commis un crime grave dans le passé puisse sérieusement être considérée comme un récidiviste potentiel. Point n'est besoin de prouver - à vrai dire, on ne peut pas prouver - que cette personne récidivera. Selon moi, cette disposition oriente convenablement la pensée du ministre vers la question de savoir si, compte tenu de ce que le ministre sait de l'intéressé et des observations que l'intéressé a faites en son propre nom, le ministre peut sincèrement croire que l'intéressé est un récidiviste potentiel dont la présence au Canada crée un risque inacceptable pour le public. J'insiste sur le mot « inacceptable » parce que, vu l'impossibilité de prouver une conduite future, il y a toujours un risque, et la mesure dans laquelle la société devrait être prête à accepter ce risque peut faire intervenir des considérations politiques qui ne sont pas inappropriées de la part d'un ministre. Celui-ci peut bien conclure, par exemple, que les personnes reconnues coupables d'infractions reliées aux stupéfiants sont plus susceptibles de récidiver et que le trafic des stupéfiants constitue une menace particulière pour la société canadienne. Je conviens avec le juge Gibson dans l'affaire Thomson[23] que le « danger » doit être interprété comme un « danger présent ou futur pour le public ». J'hésite toutefois à affirmer que le ministre doit avoir en main un type particulier de document pour tirer une conclusion de danger présent ou futur. J'ai du mal à comprendre pourquoi il n'est pas loisible à un ministre de prévoir une inconduite future à partir d'une inconduite passée, particulièrement eu égard aux circonstances des infractions et, comme en l'espèce, aux commentaires faits par l'un des juges qui ont prononcé les peines. Il se peut qu'une cour de contrôle ne soit pas du même avis que le ministre, ou considère qu'on aurait dû donner plus de poids à certains documents, mais cela ne veut pas dire que le critère législatif est d'une imprécision inadmissible simplement parce qu'il permet au ministre de parvenir à une conclusion différente de celle de la Cour.

 

     Je suis donc convaincu que l'expression « danger pour le public au Canada » attire suffisamment l'attention du ministre sur la question qu'il doit examiner et permet adéquatement à une cour de contrôle de déterminer si le ministre a pris en considération des facteurs pertinents.

 

     J'estime que le juge Gonthier, qui a rédigé les motifs de la Cour suprême dans l'arrêt Nova Scotia Pharmaceutical Society[24], a donné un avertissement salutaire aux tribunaux à cet égard :

 

Il faut hésiter à recourir à la théorie de l'imprécision pour empêcher ou gêner l'action de l'État qui tend à la réalisation d'objectifs sociaux légitimes, en exigeant que la loi atteigne un degré de précision qui ne convient pas à son objet. Il y a lieu d'assurer un délicat dosage des intérêts de la société et des droits de la personne. Une certaine généralité peut parfois favoriser davantage le respect des droits fondamentaux car un texte précis pourrait ne pas être invalidé dans certaines circonstances, alors qu'un texte plus général pourrait adéquatement régir ces mêmes circonstances.

 

Il convient particulièrement de faire remarquer que dans cette affaire la Cour suprême a rejeté le moyen selon lequel l'acte criminel qui consiste à comploter « pour empêcher ou diminuer indûment la concurrence » était d'une imprécision inconstitutionnelle.

 

     Il faut prendre particulièrement garde, dans une affaire comme celle dont je suis saisi, de traiter la décision du ministre comme une sorte de lettre de cachet, comme un ordre arbitraire donné par un haut fonctionnaire despotique d'emprisonner ou d'exiler aléatoirement des citoyens par ailleurs innocents. Il est une fois de plus important de rappeler les conditions applicables à la formulation d'un tel avis : la perpétration d'une infraction par un non-citoyen, la prise d'une mesure d'expulsion contre celui-ci en conformité avec les lois fédérales et l'application régulière de la loi, le fait que l'infraction commise doit être particulièrement grave et punissable d'au moins dix ans d'emprisonnement, et la confirmation de l'avis du ministre uniquement après que les exigences d'équité ont été respectées grâce à la présentation d'observations par l'intéressé.

 

     L'avocat de l'intimé nous a renvoyés à des décisions incongrues sur la question de l'imprécision, en particulier l'arrêt Morales[25] dans lequel la Cour suprême du Canada a examiné la validité de conditions prévues à l'article 515 du Code criminel concernant le refus d'une mise en liberté sous caution. Dans cette affaire, la Cour suprême a conclu qu'une limite liée à l'« intérêt public » était trop imprécise, encore que la question ait été traitée dans l'optique non pas de l'article 7, mais de l'alinéa 11e) de la Charte. Il faut faire remarquer que cette affaire concernait une question encore plus impérieuse, soit la validité de la détention de prévenus avant un procès. De plus, il est important de noter que la Cour a confirmé une disposition permettant la détention, au besoin

 

[...] pour la protection ou la sécurité du public, eu égard aux circonstances, y compris toute probabilité marquée que le prévenu, s'il est mis en liberté, commettra une infraction criminelle ou nuira à l'administration de la justice.

 

conformément à l'alinéa 515(10)b). Il convient de noter que cette disposition ne définissait pas la sécurité du public, mais donnait uniquement certains exemples de facteurs pertinents après les mots « y compris ». Le juge en chef Lamer a en outre confirmé ceci :

 

[...] la prévisibilité exacte de la dangerosité future n'est pas une exigence constitutionnelle[26].

 

À mon avis, ce raisonnement s'applique également à la présente affaire, et on ne peut pas exiger que le paragraphe 70(5) renferme des critères précis au point de faire en sorte que l'application de cette disposition donne des résultats tout à fait prévisibles.

 

     Il convient de traiter brièvement des lignes directrices établies par le Ministère pour la gouverne des fonctionnaires devant recommander au ministre d'exprimer un avis fondé sur le paragraphe 70(5)[27]. L'intimé a soutenu que les lignes directrices ne définissent ni ne limitent convenablement les motifs permettant de conclure qu'une personne constitue un danger pour le public. Je ferai d'abord remarquer, comme l'a fait le juge des requêtes, que les lignes directrices ne sont pas des règles de droit, ne sont pas impératives et ne sont pas supposées être exhaustives[28]. En fait, si elles étaient supposées être exhaustives, le ministre ne pourrait pas restreindre à ce point son pouvoir discrétionnaire. Selon moi, il n'y a rien dans les lignes directrices qui soit étranger à la formulation régulière d'un avis fondé sur le paragraphe 70(5) (sauf, peut-être, des raisons d'ordre humanitaire que l'intimé ne peut pas désapprouver), mais les lignes directrices ne peuvent en aucune façon être considérées comme définissant la totalité des facteurs dont le ministre pouvait à juste titre tenir compte.

 

     Par conséquent, je suis convaincu que le paragraphe 70(5) n'est pas inconstitutionnellement vague, et l'article 7 n'est pas violé pour cette raison.

 

     Il ne reste plus qu'à examiner l'autre volet de la question 2, c'est‑à‑dire la question de savoir si le fait que le paragraphe 70(5) n'oblige pas le ministre à motiver « la décision selon laquelle une personne constitue un danger pour le public au Canada » est un déni de justice fondamentale qui rend cette disposition inopérante pour cette raison. Il est évidemment admis que les exigences procédurales de la justice fondamentale varient selon le contexte dans lequel elles sont invoquées[29]. C'est la raison pour laquelle il est important, comme je l'ai mentionné plus haut, de comprendre la signification véritable de l'avis donné par le ministre. Cet avis n'est pas une mesure d'expulsion. Il s'applique aux personnes qui font déjà l'objet d'une mesure d'expulsion légale et, comme l'intimé le déplore en l'espèce, peut entraîner la substitution d'une forme de redressement discrétionnaire à une autre, ou la substitution d'un sursis d'exécution discrétionnaire à un sursis d'exécution d'origine législative.

 

     Il convient d'abord de faire remarquer que la question 2 déborde peut-être le cadre de la question litigieuse régulièrement soulevée par l'espèce. Le paragraphe 70(5) n'autorise pas le ministre à prendre une « décision » mais à exprimer un « avis », à savoir qu'une personne constitue un danger pour le public au Canada. Je dois interpréter la question en fonction des termes employés dans la Loi.

 

     Je confirmerais d'abord, comme l'ont fait de nombreuses cours de justice dans le passé, qu'il est généralement sinon toujours préférable que les cours de justice et les tribunaux motivent leurs décisions. Donner des motifs est avantageux à bien des égards : les motifs permettent aux parties de savoir pourquoi elles ont eu gain de cause ou été déboutées, ce qui est une considération très importante; la rédaction de motifs astreint une cour de justice ou un tribunal à une discipline lorsqu'il faut justifier le résultat; et les motifs aident indéniablement une cour de justice, par la suite, à statuer sur un appel ou à exercer des pouvoirs de contrôle judiciaire.

 

     On nous répète souvent que les principes de justice fondamentale résident dans les préceptes fondamentaux de notre système juridique. À mon avis, ces préceptes fondamentaux n'ont jamais obligé les tribunaux à motiver leurs décisions lorsqu'une loi ne l'exige pas expressément[30]. C'est particulièrement vrai lorsque la décision en question est essentiellement une décision discrétionnaire[31]. S'agissant des questions litigieuses en l'espèce, on ne nous a renvoyés à aucun précédent qui conteste sérieusement ces principes.

 

     Ce qui a été reconnu, c'est que lorsque la décision discrétionnaire d'un tribunal est manifestement absurde ou lorsque les faits qui ont été soumis au tribunal exigeaient manifestement un résultat différent ou étaient dénués de pertinence mais ont apparemment eu un effet déterminant sur le résultat, il se peut qu'une cour de justice doive, en l'absence de motifs qui auraient pu expliquer comment le résultat est effectivement justifié ou comment certains facteurs ont été pris en considération mais rejetés, annuler la décision pour l'un des motifs reconnus de contrôle judiciaire comme l'erreur de droit, la mauvaise foi, la prise en considération de facteurs dénués de pertinence et l'omission de tenir compte de facteurs pertinents[32]. Dans de telles circonstances, la décision du tribunal est annulée non pas parce qu'elle n'est pas motivée, mais parce que sans motifs il n'est pas possible de surmonter l'obstacle que constitue la conclusion d'absurdité ou d'erreur dérivée du résultat ou des circonstances entourant la décision. À mon sens, c'est à cette situation que le juge Estey faisait référence lorsqu'il a déclaré dans l'arrêt Northwestern Utilities :

 

Toutefois, cela ne signifie pas que la décision d'un tribunal administratif est susceptible de révision pour l'unique raison qu'elle n'est pas motivée, en l'absence d'obligation légale ou réglementaire en ce sens. (Non souligné dans l'original.)

 

     La seule affaire invoquée par l'avocat de l'intimé et par le juge des requêtes qui semble, à première vue, déroger à ce principe est la décision Doody de la Chambre des lords[33]. Dans cette affaire, le ministre de l'Intérieur avait omis d'exposer à un prisonnier condamné à perpétuité les motifs pour lesquels, dans l'exercice de ses pouvoirs discrétionnaires, il n'avait pas fixé la période minimale d'emprisonnement avant l'admissibilité à la libération conditionnelle recommandée par l'appareil judiciaire. La Chambre des lords, qui n'a pratiquement pas expliqué pourquoi elle s'écartait d'une jurisprudence de longue date, a statué que, dans les circonstances, l'équité exigeait que le ministre de l'Intérieur fournisse au prisonnier des motifs au soutien de sa décision. La justification de cette décision résiderait dans le fait que, puisqu'une telle décision est susceptible de contrôle judiciaire, le prisonnier aurait été incapable de savoir si « le processus décisionnel a fait fausse route » à moins de connaître les motifs de la décision[34]. À mon avis, il convient d'abord de faire remarquer qu'il était question d'emprisonnement dans cette affaire et que le ministre de l'Intérieur fixait en réalité la durée de la période pendant laquelle les condamnés à l'emprisonnement à perpétuité devraient effectivement demeurer en prison. En outre, cette décision s'inscrivait dans un système ne comportant aucune constitution écrite ni aucune protection constitutionnelle de droits et de libertés fondamentaux. En l'absence d'outils constitutionnels semblables, l'appareil judiciaire anglais a eu tendance à étendre les limites traditionnelles du contrôle judiciaire prévu par la common law d'une manière qui n'est pas nécessairement appropriée à notre droit administratif. Somme toute, cette preuve des « préceptes fondamentaux de notre système juridique » ne me paraît pas convaincante.

 

     J'ai du mal à comprendre pourquoi une décision non motivée est nulle pour la seule raison que son examen par un tribunal siégeant en appel ou exerçant des pouvoirs de contrôle judiciaire peut être difficile. Je reconnais une fois de plus qu'il est très souhaitable que des motifs soient fournis, mais il est tout à fait possible qu'un tribunal, ou un juge du reste, rende une décision légitime sans fournir de motifs. L'expérience démontre que les cours de justice le font quotidiennement. Pourquoi devrait-il en être autrement pour les tribunaux? C'est particulièrement vrai lorsque les tribunaux exercent des pouvoirs en grande partie discrétionnaires, comme le ministre qui, en vertu du paragraphe 70(5), n'est pas tenu d'appliquer des principes juridiques existants à des conclusions de fait précises comme le font les cours de justice ou de nombreux tribunaux.

 

     Je ne sais absolument pas pourquoi les cours de justice peuvent, de droit, rendre une décision non motivée, mais peuvent insister pour que les tribunaux ne puissent, de droit, le faire. Selon l'arrêt Doody et le juge des requêtes en l'espèce, cette affirmation s'explique par le fait que si le décideur ne motive pas sa décision, une cour de justice qui siège en révision ne peut pas savoir si la décision est correcte. Il me semble que cette approche est fondée sur la prémisse selon laquelle les décisions rendues par les tribunaux et les hauts fonctionnaires sont présumées erronées tant que leur bien-fondé n'a pas été établi. Toutefois, la séparation des pouvoirs et les principes ordinaires de retenue judiciaire exigent qu'il incombe à la personne qui conteste une décision discrétionnaire de prouver que cette décision est illégale. Cette preuve peut être facile à faire dans certains cas s'il s'agit d'une décision qui est manifestement absurde, qui est manifestement illégale parce qu'elle se rapporte à des questions qui ne ressortissent pas à la compétence du décideur, ou qui n'est explicable qu'en présumant la mauvaise foi. En l'absence de tels facteurs, c'est à la personne qui demande un contrôle judiciaire qu'il appartient de soumettre des éléments de preuve ou d'invoquer des moyens expliquant pourquoi la décision est illégale. Cela ne diminue nullement l'opportunité pour le décideur de fournir des motifs, mais je ne vois pas comment on peut en faire une obligation légale en l'absence d'une exigence législative.

 

     Par conséquent, les principes de justice fondamentale qui sont garantis par l'article 7 de la Charte n'exigent pas que des motifs soient fournis. La question 2 est peut-être assez vaste, toutefois, pour englober les exigences de justice fondamentale prévues à l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits. En admettant, sans me prononcer là-dessus, que les droits protégés par l'alinéa 2e) soient plus étendus que ceux que protège l'article 7, je demeure convaincu que les exigences de justice fondamentale ne sont pas plus vastes. Pour le même motif, donc, je ne vois aucun conflit avec l'alinéa 2e). Par ailleurs, l'alinéa 2e) exige uniquement une « audition impartiale » et je doute qu'une décision non motivée soit nécessairement préjudiciable à l'« audition ».

 

     Puisque la question 2 soulève la question générale de savoir si le paragraphe 70(5) est inopérant parce qu'il ne prévoit pas l'obligation de fournir des motifs, je répondrais donc aussi à cette partie de la question par la négative.

 

                              Question 3

 

3.L'exercice par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration du pouvoir discrétionnaire d'exprimer l'opinion qu'une personne constitue un danger pour le public au Canada conformément au paragraphe 70(5), dans le contexte de la procédure utilisée pour cette décision, est-il incompatible avec les exigences de la justice fondamentale et l'article 7 de la Charte là où il ne motive pas son opinion?

 

     Si je comprends bien, cette question conteste la constitutionnalité de l'avis même donné par le ministre en l'espèce parce que cet avis n'a pas été motivé, même en admettant que le paragraphe 70(5) soit valide. En d'autres termes, la question 2 soulève une question en vertu de l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 alors que la question 3 soulève une question en vertu de l'article 24 de cette loi.

 

     Comme cette question se rapporte beaucoup plus à l'exercice véritable qu'à l'octroi du pouvoir discrétionnaire, il est encore plus opportun de tenir compte des observations que j'ai faites au début sur l'effet de la décision du ministre. En fait, puisque, concrètement, cette décision a simplement pour conséquence de retirer à la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié l'exercice du pouvoir discrétionnaire de dispenser l'intimé de l'exécution d'une mesure d'expulsion légitime et d'accorder ce pouvoir discrétionnaire au ministre, de même que de remplacer un sursis d'exécution d'origine législative par un sursis d'exécution judiciaire, les exigences de la justice fondamentale ne sont pas très profondes. Pour les motifs que j'ai fournis en répondant à la question 2, j'estime que le défaut de fournir des motifs en l'espèce ou dans des affaires similaires ne porte nullement atteinte à la justice fondamentale. Même en acceptant le principe énoncé dans l'arrêt Doody et apparemment accepté par le juge des requêtes, savoir qu'une décision non motivée peut empêcher un contrôle judiciaire véritable, telle n'est pas la situation en l'espèce. J'ai fait état plus haut de la portée limitée du contrôle judiciaire de telles décisions. La Cour n'est pas invitée à siéger en appel et à statuer à nouveau sur des conclusions de fait. Ce n'est pas l'avis du juge qui est requis sur la question de savoir si un non-citoyen constitue un danger pour le public. En l'espèce, nous savons d'après l'affidavit qui a été soumis au juge des requêtes[35] au nom du ministre que le délégué du ministre qui a pris la décision avait obtenu les documents suivants :

 

[TRADUCTION] [...] le casier judiciaire du requérant, les observations faites par l'avocate du requérant, la famille au Canada, la participation à des cours de réinsertion sociale au pénitencier de Joyceville, l'attestation de réussite et le rapport psychologique favorable au requérant.

 

La Cour a également été saisie de ces documents ainsi que du rapport qui a initialement été fourni au délégué du ministre, mais pas à l'intimé. Il n'est pas donné à entendre qu'un de ces documents est totalement étranger aux considérations pertinentes quant à une conclusion de dangerosité. Ces documents renferment l'ensemble des observations que l'intimé a faites après avoir lu attentivement les documents soumis au délégué du ministre, de sorte que tout ce que l'avocat de M. Williams allait dire en faveur de son client a été soumis au délégué du ministre. Peut-être qu'un juge des requêtes ayant pris connaissance de ces documents serait personnellement d'avis que la preuve selon laquelle M. Williams ne constitue pas un danger était plus convaincante que la preuve contraire, mais, selon moi, là n'est pas la question. Il s'agit en l'espèce de savoir s'il est possible d'affirmer avec certitude que le délégué du ministre a agi de mauvaise foi, en tenant compte de facteurs ou d'éléments de preuve dénués de pertinence, ou sans égard au dossier. Il n'y a absolument rien qui permette de conclure que l'un ou l'autre de ces faits s'est produit, et je ne vois pas comment on peut considérer que le résultat est absurde : en d'autres termes, je ne vois pas comment on peut dire qu'il n'était pas loisible au délégué du ministre d'exprimer l'avis, sur le fondement des déclarations de culpabilité prononcées contre M. Williams, de leur nature et de leur nombre, et d'après les observations du juge qui a prononcé la sentence, que M. Williams constituait un danger pour le public au Canada. De plus, rien ne permet de conclure, quand on compare les résultats aux faits fondamentaux non contestés, que le ministre doit avoir appliqué des critères illégaux. Si l'existence de l'un de ces problèmes avait été démontrable d'après le dossier, il aurait peut-être été possible d'affirmer que la Cour était tenue d'annuler l'avis parce que, en l'absence de motifs pour neutraliser la preuve négative, force lui est de conclure que cet avis est illégal. Toutefois, aucun problème semblable n'a été démontré, et cela devrait clore la discussion pour une cour siégeant en révision.

 

     Je répondrais donc à la question 3 par la négative.

 

                              Question 4

 

4.L'omission de motiver une décision rendue en vertu du paragraphe 70(5) selon laquelle une personne constitue un danger pour le public au Canada, dans le contexte de la procédure utilisée pour cette décision, va‑t‑elle à l'encontre des exigences de la justice naturelle et de l'équité en matière de procédure?

 

     Selon moi, il est juste de présumer que les exigences de « justice naturelle » sont subsumées dans la catégorie générale de l'« équité », particulièrement en ce qui a trait à une décision administrative comme celle qui nous intéresse. Il est indiscutable que les exigences en matière d'équité varient selon la gravité de la décision qui est prise. À mon sens, comme je l'ai mentionné plus haut, cette décision n'est pas assimilable à une mesure d'expulsion, mais entraîne le retrait du pouvoir discrétionnaire de dispenser M. Williams d'une expulsion légale, ce pouvoir étant plutôt exercé par le ministre par la suite. Cette décision substitue également l'éventualité d'un sursis d'exécution discrétionnaire à un sursis d'origine législative automatique. Le processus décisionnel autorisé par le paragraphe 70(5) n'est pas un processus judiciaire ou quasi-judiciaire qui, par nature, comporte l'application de principes juridiques préexistants à des décisions factuelles précises, mais réside plutôt dans la formulation d'un avis de bonne foi basé sur les probabilités perçues par le ministre au moyen d'un examen des documents pertinents et sur une évaluation de l'acceptabilité du risque probable. Dans de telles circonstances, les exigences en matière d'équité sont minimes et ont sûrement été respectées pour des motifs identiques à ceux que j'ai donnés pour conclure que les exigences de justice fondamentale, le cas échéant, ont été respectées.

 

     Il faut donc répondre par la négative à la question 4.

 

Dispositif

     Je suis d'avis d'accueillir l'appel, d'annuler l'ordonnance en date du 29 octobre 1996 de la Section de première instance et de répondre par la négative aux quatre questions certifiées.

 

 

 

                                              B.L. Strayer a signé

                                                   l'original       

                                                     J.C.A.

 

 

 

Je souscris à ces motifs.

     J. T. Robertson

 

 

Je souscris à ces motifs.

     F. J. McDonald

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                       

                                             Marie Descombes, LL.L.


        COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

 

 

 

              No du greffe : A-855-96

                        (IMM-3320-95)

 

 

 

 

ENTRE :

 

 

 

    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

         ET DE L'IMMIGRATION,

 

                            appelant,

 

                - et -

 

        JEFFREY HUGH WILLIAMS,

 

                              intimé.

 

 

 

 

 

                                   

 

          MOTIFS DU JUGEMENT

                                   

 

 


                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

            AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

NO DU GREFFE :                 A-855-96

 

APPEL D'UN JUGEMENT RENDU PAR LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE LE 29 OCTOBRE 1996 DANS LE DOSSIER IMM-3320-95

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :  Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Jeffrey Hugh Williams

 

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 20 mars 1997

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : Le juge Strayer

 

Y ONT SOUSCRIT :              Le juge Robertson

                                Le juge McDonald

 

DATE DES MOTIFS :             Le 11 avril 1997

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

Mme Urszula Kaczmarczyk                    pour l'appelant

M. John Loncar

 

 

M. Ronald Poulton                          pour l'intimé

Mme Victoria Russel

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

M. George Thomson

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                           pour l'appelant

 

 

Jackman & Associates

Toronto (Ontario)                          pour l'intimé


 



[1]On ne sait pas très bien si le juge des requêtes a appliqué l'exigence de justice fondamentale prévue à l'article 7 de la Charte ou l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, ou les deux.

[2]Dossier d'appel, page 141.

[3]     Adopté par L.C. 1995, ch. 15, art. 13.

[4]Voir, p. ex., la présente affaire, Clarke c. M.C.I., 28 novembre 1996, IMM-2962-95; Ibraham c. M.C.I., 29 novembre 1996, IMM-766-96; Hinds c. M.C.I., 27 novembre 1996, IMM-3549-95; Calabrese c. M.C.I., 20 décembre 1996, IMM-1136-96.

[5]Voir, p. ex., Gervasoni c. M.C.I., (1996) 110 F.T.R. 297; Canales c. M.C.I. (1996) 114 F.T.R. 281; Lindo c. M.C.I., 29 août 1996, IMM‑264-96.

[6]     [1992] 1 R.C.S. 711, à la p. 734.

[7]     Ibid., aux p. 732, 742.

[8]     Précité, note 3.

[9]     Ibid.

[10]Voir, p. ex., P. G. du Canada c. Purcell, [1996] 1 C.F. 644, à la p. 661 (C.A.F.).

[11]Voir, p. ex., Purcell, ibid.; Shah c. M.E.I. (1994) 170 N.R. 238, à la p. 240 (C.A.F.); Wade et Forsyth, Administrative Law (7e éd., 1994), à la p. 443.

[12]Voir, p. ex., Baker c. M.E.I., 29 novembre 1996, A-441-95 (C.A.F.) (non publié).

[13]    [1985] 1 R.C.S. 178.

[14]Hoang c. M.E.I. (1990) 13 Imm. L.R. (2nd) 35, à la p. 41; Canepa c. M.E.I., [1992] 3 C.F. 270, à la p. 277; Barrera c. M.E.I., [1993] 2 C.F. 3, à la p. 16.

[15]    [1990] 2 C.F. 299, aux p. 318 et 319, 323 (C.A.).

[16]    Précité, note 6.

[17](1993) 18 Imm. L.R. (2d) 165, aux p. 171, 172 et 174, [1993] 1 C.F. 696, aux p. 702 à 706.

[18]Le juge Marceau déclare dans une note en bas de page :

 

[...] il me semble, en toute déférence, que l'expulsion d'un individu aurait pour conséquence nécessaire de porter atteinte à sa liberté [...]

[19]    (1988) 62 C.R. (3d) 1, [1988] 1 R.C.S. 30.

[20]    (1995) 122 D.L.R. (4th) 1, [1995] 1 R.C.S. 315.

[21]    Précité, note 6, à la p. 734.

[22]    [1992] 2 R.C.S. 606, à la p. 643.

[23]    16 août 1996, IMM-107-96 (C.F. 1re inst.), à la p. 11 (non publié).

[24]    Précité, note 22, à la p. 642.

[25]    (1992) 17 C.R. (4th) 74, [1992] 3 R.C.S. 711.

[26]Ibid., à la p. 99, s'appuyant sur l'arrêt antérieur R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309.

[27]    Dossier d'appel, pages 305 à 307.

[28]    Ibid., page 231.

[29]    Voir, p. ex., Chiarelli, précité, note 6, à la p. 743.

[30]Voir, p. ex., Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Edmonton (1978) 89 D.L.R. (3d) 161, aux p. 175 et 176 (C.S.C.), [1979] 1 R.C.S  684, aux p. 704 à 706; Public Service Board of New South Wales v. Osmond (1986) 159 C.L.R. 656, aux p. 662 et 663, et la jurisprudence du Commonwealth qui y est mentionnée (H.C. d'Austr.); R. v. Home Secretary, Exp. Doody [1994] 1 A.C. 531, à la p. 564 (H.L.); Bidulka et autres c. Conseil du Trésor, [1987] 3 C.F. 630, à la p. 643 (C.A.F.); Commission canadienne des droits de la personne c. Canada (1995) 192 N.R. 125, à la p. 128 (C.A.F.).

[31]    Shah c. M.E.I. (1994) 170 N.R. 238, à la p. 239 (C.A.F.).

[32]Voir, p. ex., Commission canadienne des droits de la personne c. Canada, précité, note 22, aux p. 128 à 130; R. v. Civil Service Appeal Board, Exp. Cunningham [1991] 4 All E.R. 310 (C.A.).

[33]Précité, note 30. L'autre affaire anglaise mentionnée par l'avocat et citée par le juge des requêtes, savoir l'arrêt Cunningham, précité, note 32, concerne une décision qui était manifestement absurde parce que l'indemnité accordée en contrepartie du congédiement était peu élevée comparativement à celle que, selon la preuve, d'autres tribunaux avaient accordée dans des affaires analogues. Il fallait donc expliquer la décision en donnant des motifs ou autrement.

[34]    Ibid., à la p. 565.

[35]    Dossier d'appel, pages 68 et 69.

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