Date : 20000608
Dossier : A-769-98
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE NOËL
LE JUGE McDONALD
AFFAIRE INTÉRESSANT un appel interjeté conformément à l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique;
l'appel interjeté par Ranjit Perera par suite de nominations effectuées dans le concours interne 95/96-EX-IDA-302 à l'égard de plusieurs postes;
une décision en date du 4 octobre 1996 rendue par M. John Mooney, président d'un comité d'appel constitué conformément aux dispositions de l'art. 21 de ladite Loi;
ET
la décision rendue par écrit par Monsieur le juge Rouleau le 17 décembre 1998 en réponse à une demande présentée par le procureur général du Canada conformément aux dispositions des art. 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.
ENTRE :
RANJIT PERERA
appelant
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimé
JUGEMENT
L'appel est rejeté. Les dépens ne sont pas adjugés.
« A. J. Stone »
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Martine Brunet, LL.B.
Date : 20000608
Dossier : A-769-98
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE NOËL
LE JUGE McDONALD
AFFAIRE INTÉRESSANT un appel interjeté conformément à l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique;
l'appel interjeté par Ranjit Perera par suite de nominations effectuées dans le concours interne 95/96-EX-IDA-302 à l'égard de plusieurs postes;
une décision en date du 4 octobre 1996 rendue par M. John Mooney, président d'un comité d'appel constitué conformément aux dispositions de l'art. 21 de ladite Loi;
ET
la décision rendue par écrit par Monsieur le juge Rouleau le 17 décembre 1998 en réponse à une demande présentée par le procureur général du Canada conformément aux dispositions des art. 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.
ENTRE :
RANJIT PERERA
appelant
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimé
Audience tenue à Ottawa (Ontario) le mardi 9 mai 2000
Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le jeudi 8 juin 2000
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE NOËL
MOTIFS CONCOURANTS : LE JUGE STONE
MOTIFS DISSIDENTS : LE JUGE McDONALD
Date : 20000608
Dossier : A-769-98
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE NOËL
LE JUGE McDONALD
AFFAIRE INTÉRESSANT un appel interjeté conformément à l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique;
l'appel interjeté par Ranjit Perera par suite de nominations effectuées dans le concours interne 95/96-EX-IDA-302 à l'égard de plusieurs postes;
une décision en date du 4 octobre 1996 rendue par M. John Mooney, président d'un comité d'appel constitué conformément aux dispositions de l'art. 21 de ladite Loi;
ET
la décision rendue par écrit par Monsieur le juge Rouleau le 17 décembre 1998 en réponse à une demande présentée par le procureur général du Canada conformément aux dispositions des art. 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.
ENTRE :
RANJIT PERERA
appelant
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimé
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE NOËL
[1] Il s'agit d'un appel de la décision par laquelle le juge Rouleau a accueilli la demande que l'intimé avait présentée en vue du contrôle judiciaire d'une décision par laquelle un comité d'appel constitué en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (la Loi)[1] s'était déclaré compétent pour statuer sur une contestation de nature constitutionnelle de l'article 27 du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique (le Règlement)[2].
Les faits
[2] L'appelant s'est porté candidat à un poste lors d'un concours interne qui avait été organisé pour doter des postes à l'Agence canadienne de développement international (l'ACDI) au sein du « groupe EX » , dans les catégories scientifique et professionnelle. Il a été éliminé parce qu'il n'occupait pas un poste faisant partie de ces groupes.
[3] L'appelant a interjeté appel conformément à l'article 21 de la Loi. Au début de l'audience qui a eu lieu devant le comité d'appel, le représentant de l'ACDI a soutenu que les nominations contestées ne pouvaient pas faire l'objet d'un appel puisque, avant leur nomination, tous les employés nommés occupaient des postes au sein du groupe de la direction et que l'article 27 du Règlement prévoit que les fonctionnaires faisant partie du groupe de la direction sont soustraits à l'application de l'article 21 de la Loi lorsqu'ils sont nommés à un autre poste de ce groupe. Les dispositions de la Loi et du Règlement prévoyant cette exclusion se lisent comme suit :
The Act
35(1) The Commission may make such regulations as it considers necessary to carry out and give effect to this Act.
(2) Without limiting the generality of subsection (1), the Commission may make regulations
...
(e) respecting the appointment to and within the Public Service of persons in the executive group and excluding any such person or any group of such persons from the operation of any or all of the provisions of this Act;
... |
La Loi
35. (1) La Commission peut prendre toute mesure d'ordre réglementaire nécessaire selon elle à l'application de la présente loi.
(2) Sans préjudice de la portée générale du paragraphe (1), la Commission peut, par règlement
[...]
e) prévoir la nomination, interne ou externe, de fonctionnaires du groupe de la direction et les soustraire à l'application de tout ou partie de la présente loi;
[...] |
The Regulations
27(1) Section 21 of the Act does not apply where an employee in the executive group is appointed to another position in that group.
(2) Sections 17 to 26 do not apply in respect of an employee in the executive group who is appointed or about to be appointed to another position in that group. |
Les règlements
27(1) Tout fonctionnaire faisant partie du groupe de la direction est soustrait à l'application de l'article 21 de la Loi lorsqu'il est nommé à un autre poste de ce groupe.
(2) Les articles 17 à 26 ne s'appliquent pas à la nomination, effective ou imminente, d'un fonctionnaire du groupe de la direction à un autre poste de ce groupe. |
[4] L'appelant a soutenu que l'article 27 du Règlement ne peut pas s'appliquer de façon à l'empêcher d'exercer son droit d'appel puisqu'il contrevient à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte)[3] du fait qu'il [TRADUCTION] « prive d'un recours les personnes qui sont victimes de discrimination, comme lui-même, et encourage et perpétue ainsi la discrimination systémique directe à l'égard de ces groupes » [4]. L'appelant fait partie d'une minorité visible; en 1994, un comité d'appel constitué en vertu de l'article 31 de la Loi avait conclu que l'ACDI s'était livrée à des actes discriminatoires envers l'appelant en recommandant son renvoi et en omettant de le promouvoir[5]. À ce jour, l'ACDI n'a pas donné effet à la recommandation que le comité d'appel avait faite à ce moment-là , à savoir que l'appelant soit promu. L'appelant a soutenu que si ce n'avait été de la discrimination dont il avait été victime, il occuperait depuis bien longtemps un poste du groupe EX de sorte qu'il n'aurait pas été éliminé du concours. Étant donné que par ailleurs, il faisait partie du groupe de candidats les plus méritants, son exclusion allait à l'encontre du principe du mérite et l'article 27 du Règlement constitue une limitation inconstitutionnelle à son droit d'appel.
[5] L'appelant a également soutenu qu'il ne faut pas donner effet à l'alinéa 35(2)e) de la Loi puisqu'il contredit le paragraphe 35(1) et l'esprit général de la Loi en permettant la promulgation de règlements tels que l'article 27, qui contrecarrent l'objectif fondamental de la Loi, soit le respect du principe du mérite garanti aux articles 10 et 12 :
10. Appointments to or from within the Public Service shall be based on selection according to merit, as determined by the Commission, and shall be made by the Commission, at the request of the deputy head concerned, by competition or by such other process of personnel selection designed to establish the merit of candidates as the Commission considers is in the best interests of the Public Service.
|
10. Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique. |
12. (1) Subject to subsection (2), the Commission may, in determining pursuant to section 10 the basis of assessment of merit in relation to any position or class of positions, prescribe selection standards as to education, knowledge, experience, language, residence or any other matters that, in the opinion of the Commission, are necessary or desirable having regard to the nature of the duties to be performed.
(2) Any selection standards prescribed under subsection (1) in relation to any position or class of positions shall not be inconsistent with any classification standard established under the Financial Administration Act for that position or any position in that class.
(3) The Commission, in prescribing or applying selection standards under subsection (1), shall not discriminate against any person by reason of race, national or ethnic origin, colour, religion, age, sex, marital status, family status, disability or conviction for an offence for which a pardon has been granted.
(4) Subsection (3) does not apply in respect of the prescription or application of selection standards that constitute bona fide occupational requirements having regard to the nature of the duties of any position. |
12. (1) La Commission peut, en déterminant conformément à l'article 10 le principe de l'évaluation du mérite pour tout poste ou catégorie de postes, édicter des normes de sélection touchant à l'instruction, aux connaissances, à l'expérience, à la langue, au lieu de résidence ou à tout autre titre ou qualité nécessaire ou souhaitable à son avis du fait de la nature des fonctions à exécuter.
(2) Les normes de sélection ne peuvent être incompatibles avec les normes de classification édictées sous le régime de la Loi sur la gestion des finances publiques pour le poste ou tout poste de la catégorie en cause.
(3) Dans la formulation ou l'application des normes de sélection visées au paragraphe (1), la Commission ne peut faire intervenir de distinctions fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.
(4) Le paragraphe (3) ne s'applique pas à l'établissement ou à l'application de normes de sélection qui sont des exigences justifiées par la nature des fonctions d'un poste.
|
(5) At the request of representatives of any employee organization certified as a bargaining agent under the Public Service Staff Relations Act or of the employer as defined in that Act or where, in the opinion of the Commission, consultation is necessary or desirable, the Commission shall from time to time consult with those representatives or with the employer with respect to the selection standards that may be prescribed under subsection (1) or the principles governing the appraisal, promotion, demotion, transfer, lay-off or release of employees. |
(5) À la demande des représentants d'une organisation syndicale accréditée comme agent négociateur selon la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ou de l'employeur tel que défini dans cette loi, ou lorsqu'elle le juge utile, la Commission consulte, en tant que de besoin, les représentants de cette organisation ou l'employeur au sujet des normes de sélection visées au paragraphe (1) ou des principes régissant l'évaluation, l'avancement, la rétrogradation, la mutation, la mise en disponibilité ou le renvoi de fonctionnaires. |
[6] L'appelant a soutenu que, s'il pouvait établir que le paragraphe 12(3) et l'article 10 avaient été violés, il s'ensuivrait que les droits qui lui sont reconnus à l'article 15 de la Charte ont également été violés.
[7] Avant l'audience qui devait avoir lieu devant le comitéd'appel, l'appelant a donné, conformément à l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale[6], un avis dans lequel la question d'ordre constitutionnel a été libellée comme suit :
[TRADUCTION]
Eu égard aux circonstances factuelles de la présente affaire, l'article 27 du REFP et l'alinéa 35(2)e) de la LEFP devraient-ils être déclarés nuls et non avenus?
a) l'alinéa 35(2)e) de la LEFP contredit le paragraphe 35(1) et l'esprit général de la Loi en permettant la promulgation de règlements tels que l'article 27, qui contrecarrent l'objectif fondamental de la Loi;
b) les règlements doivent être compatibles avec leurs lois habilitantes; or, l'article 27 du REFP empêche l'application de deux des dispositions les plus fondamentales de la LEFP, à savoir les articles 10 et 12;
c) l'article 27 du Règlement viole l'article 15 de la Charte parce qu'il encourage ou perpétue la discrimination systémique dans la catégorie de la gestion de la fonction publique fédérale;
d) de plus, l'article 27 du Règlement devrait être déclaré nul et non avenu en ce qui concerne son application à l'appelant parce qu'il porterait atteinte aux droits à l'égalité qui lui sont reconnus à l'article 15 eu égard aux circonstances particulières de la présente affaire, c'est-à -dire que malgré une décision du comité d'appel de la Commission de la fonction publique selon laquelle l'appelant avait fait l'objet d'actes discriminatoires et malgré les recommandations qui avaient été faites pour remédier à la situation, l'ACDI n'a pris aucune mesure.[7]
Cet avis renfermait également un exposédétaillé des faits essentiels sur lesquels l'appelant se fondait à l'appui de sa contestation de nature constitutionnelle et a été soumis au comité d'appel avec les documents que l'appelant jugeait pertinents.
[8] Le représentant de l'ACDI a maintenu que le comité d'appel ne pouvait pas poursuivre l'affaire en ce qui concerne la question de savoir si l'article 27 du Règlement viole l'article 15 de la Charte puisqu'il n'a pas compétence pour trancher des questions liées à la Charte. Le représentant a demandé au comité d'appel de rendre une décision sur ce point sans poursuivre l'enquête.
[9] Dans une longue décision, le comité d'appel a statué que l'article 27 du Règlement était intra vires de la Loi. Le comité a également statué qu'il avait la compétence voulue pour statuer sur la contestation de nature constitutionnelle de l'article 27.
[10] L'intimé a contesté la décision du comité au moyen d'une demande de contrôle judiciaire dans la mesure où celui-ci avait statué qu'il avait compétence pour régler la contestation de nature constitutionnelle. Par une décision rendue le 17 décembre 1998, le juge Rouleau a statué que le comité n'avait pas le pouvoir d'interpréter le droit, et encore moins d'examiner une contestation de nature constitutionnelle.
[11] Telle est la décision qui est ici en cause.
Autres procédures connexes
[12] Il importe ici de noter que l'appelant est demandeur dans deux actions qui sont en instance devant la Section de première instance.
[13] Dans la première action, l'appelant sollicite entre autres des dommages-intérêts conformément au paragraphe 24(1) de la Charte à l'égard de la discrimination dont il aurait censément été victime pendant qu'il travaillait pour l'ACDI. Le 31 mars 1998, dans un appel découlant d'une procédure interlocutoire engagée dans la présente action, cette cour a statué que la Section de première instance avait compétence conformément au paragraphe 24(1) pour accorder des réparations sous la forme d'ordonnances exigeant entre autres la prise de mesures en vue de remédier à la présumée discrimination dans l'embauchage de personnes de la catégorie des cadres supérieurs[8].
[14] Dans l'autre action, l'appelant sollicite entre autres conformément aux paragraphes 24(1) de la Charte et 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, un jugement déclaratoire portant que l'article 27 du Règlement est nul et non avenu. Toutes les autres procédures engagées devant le comité d'appel dans l'affaire qui nous intéresse ont été suspendues sur consentement en attendant le règlement définitif de la présente affaire[9].
Analyse et décision
[15] L'état du droit, en ce qui concerne la question soulevée dans cet appel, a été résumé par le juge La Forest, qui a rédigé la décision de la majorité dans l'arrêt Cooper c. Canada (CDP), [1996] 3 R.C.S. 854, aux pages 886 et 887 :
Dans trois arrêts précédents, Douglas College, Cuddy Chicks et Tétreault-Gadoury, précités, notre Cour a eu l'occasion d'analyser les principes fondant la compétence d'un tribunal administratif en matière d'examen de la constitutionnalité de sa loi habilitante. Elle y a expriméclairement que le par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 ne constitue pas une source indépendante de compétence pour les tribunaux administratifs. La question essentielle que doit trancher une cour de justice se rapporte plutôt à l'interprétation des lois -la législature, en l'espèce, le Parlement, a-t-elle inclus le pouvoir de trancher des questions de droit dans la loi habilitante du tribunal administratif? [Je souligne.]
Il ne peut pas être conclu à l'existence de ce pouvoir à moins qu'il ne soit d'abord établi que le tribunal a compétence « à l'égard de l'ensemble de la question qui lui est soumise, c'est-à -dire à l'égard des parties, de l'objet du litige et de la réparation recherchée » [10]. La question de savoir si le tribunal a compétence pour trancher des questions de droit et pour déterminer la validitéconstitutionnelle de sa loi habilitante ne se pose qu'alors.
[16] Je n'interprète pas les motifs prononcés en dissidence par le juge McLachlin (auxquels souscrivait le juge L'Heureux-Dubé) comme disant le contraire sur ce point fondamental. On ne peut pas dire qu'un tribunal qui n'a pas la compétence voulue pour régler l'affaire dont il est saisi conformément à sa loi habilitante a acquis sa compétence en la matière en vertu de la Charte. Comme le juge McLachlin l'a conclu après avoir examiné la jurisprudence :
[...] dans la mesure oùil exerce une fonction qui lui a étédévolue par sa loi habilitante, il peut examiner et trancher des questions relatives à la Charte.[11] [Je souligne.]
[17] En l'espèce, la compétence du comité est prévue à l'article 21 de la Loi :
21. (1) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made by closed competition, every unsuccessful candidate may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard. |
21. (1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.
|
(1.1) Where a person is appointed or about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made from within the Public Service by a process of personnel selection, other than a competition, any person who, at the time of the selection, meets the criteria established pursuant to subsection 13(1) for the process may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.
|
(1.1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à une sélection interne effectuée autrement que par concours, toute personne qui satisfait aux critères fixés en vertu du paragraphe 13(1) peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.
|
(2) Subject to subsection (3), the Commission, on being notified of the decision of a board established under subsection (1) or (1.1), shall, in accordance with the decision, (a) if the appointment has been made, confirm or revoke the appointment; or (b) if the appointment has not been made, make or not make the appointment. |
(2) Sous réserve du paragraphe (3), la Commission, après avoir reçu avis de la décision du comité visé aux paragraphes (1) ou (1.1), doit en fonction de celle-ci_: a) si la nomination a eu lieu, la confirmer ou la révoquer; b) si la nomination n'a pas eu lieu, y procéder ou non.
|
(2.1) Where the appointment of a person is revoked pursuant to subsection (2), the Commission may appoint that person to a position within the Public Service that in the opinion of the Commission is commensurate with the qualifications of that person.
(3) Where a board established under subsection (1) or (1.1) determines that there was a defect in the process for the selection of a person for appointment under this Act, the Commission may take such measures as it considers necessary to remedy the defect. |
(2.1) En cas de révocation de la nomination, la Commission peut nommer la personne visée à un poste qu'elle juge en rapport avec ses qualifications.
(3) La Commission peut prendre toute mesure qu'elle juge indiquée pour remédier à toute irrégularité signalée par le comité relativement à la procédure de sélection.
|
(4) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act as a result of measures taken under subsection (3), an appeal may be taken under subsection (1) or (1.1) against that appointment only on the ground that the measures so taken did not result in a selection for appointment according to merit. |
(4) Une nomination, effective ou imminente, consécutive à une mesure visée au paragraphe (3) ne peut faire l'objet d'un appel conformément aux paragraphes (1) ou (1.1) qu'au motif que la mesure prise est contraire au principe de la sélection au mérite.
|
[18] Les pouvoirs généraux du comité sont énoncés à l'article 7.4 de la Loi :
7.4 Subject to such restrictions or limitations as the Commission may specify, a board established under subsection 6(3), 21(1), 21(1.1) or 34(1) has, in relation to the matter before it, the powers referred to in section 7.2.
7.2 In connection with and for the purposes of any investigation or report, other than an audit, by the Commission under this Act, the Commission has all the powers of a commissioner under Part II of the Inquiries Act. |
7.4 Les comités visés aux paragraphes 6(3), 21(1), 21(1.1) ou 34(1) disposent, relativement à la question dont ils sont saisis, des pouvoirs attribués à la Commission par l'article 7.2, dans les limites qu'elle fixe.
7.2 Pour les besoins de tout rapport ou enquête qu'elle effectue sous le régime de la présente loi, sauf dans le cas des vérifications, la Commission dispose des pouvoirs d'un commissaire nommé au titre de la partie II de la Loi sur les enquêtes. |
[19] La portée et l'étendue de la compétence que possède le comité, en vertu de l'article 21, ont été examinées à maintes reprises par cette cour au fil des ans. Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Viola [1991] 1 C.F. 373, le juge Décary, au nom de la Cour[12], a dit ce qui suit, aux pages 383 et 384 :
Une jurisprudence constante de cette Cour2 a établi, et je reprends les mots du juge en chef Thurlow dans Ricketts [à la page 382]:
... que la définition des exigences essentielles et autres d'un poste de la Fonction publique ne fait pas partie des devoirs attribués à la Commission de la Fonction publique par la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, car il s'agit d'une fonction de gestion relevant du pouvoir du ministre de gérer son propre ministère en vertu de sa loi constitutive; que le rôle de la Commission, selon l'art. 10 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, consiste à choisir parmi les candidats possédant les qualités requises par le ministère le candidat le mieux qualifié pour le poste et à le nommer à ce poste; enfin, que le rôle du comité d'appel établi par l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique ne consiste pas à examiner les conditions définies par le ministère pour un poste précis mais à se demander si le principe du mérite établi par l'art. 10 a été respecté dans le choix et la nomination d'un candidat qui possède les qualités requises par le ministère pour le poste en question.
2Bauer c. Le comitéd'appel de la Fonction publique, [1973] C.F. 626 (C.A.); Demers c. Le procureur général du Canada, [1974] 1 C.F. 270 (C.A.); Brown c. La Commission de la Fonction publique, [1975] C.F. 345 (C.A.); Irwin c. Le Comitéd'appel de la Commission de la Fonction publique, [1979] 1 C.F. 356 (C.A.); Ricketts c. Ministère des Transports (1983), 52 N.R. 381 (C.A.F.); Guy c. Comitéd'appel de la Commission de la Fonction publique, [1984] 2 C.F. 369 (C.A.).
[20] Bien qu'il soit important, le rôle du comité d'appel est strictement défini. Le comité doit s'assurer que le principe du mérite est respecté compte tenu des exigences établies par l'employeur; le comité ne peut pas se prononcer sur les qualités que le ministère employeur juge nécessaires ou souhaitables. Il s'agit d'une fonction relevant du pouvoir que le ministre possède en vue de gérer son ministère en vertu de sa loi habilitante. Le comitéd'appel s'intéresse uniquement aux actions de la Commission de la fonction publique (la Commission) lorsqu'elle choisit, parmi les candidats possédant les qualités exigées par le ministère employeur, celui qui a le plus de mérite.
[21] À cet égard, il importe de noter la différence entre les normes de sélection établies par la Commission conformément au paragraphe 12(1) et les qualités ou exigences établies par le ministère employeur dans l'exercice d'une fonction de gestion en ce qui concerne ses besoins. Les normes de sélection relèvent de la compétence d'un comité d'appel constitué conformément à l'article 21[13], mais il est établi depuis longtemps que les qualités et exigences relèvent du contrôle exclusif de la direction.
[22] Cette distinction fondamentale est énoncée d'une façon succincte par le juge Marceau dans l'arrêt Canada c. Blashford [1991] 2 C.F. 44, à la page 48 :
Selon mon interprétation de l'esprit de la Loi, le « principe du mérite » doit présider au processus de sélection que la Commission de la fonction publique doit observer dans l'exercice de ses attributions qui consistent à juger et à classer les candidats; ce « principe » n'a rien à voir avec la définition des exigences de base pour pouvoir participer au concours, laquelle relève de la prérogative exclusive du ministère intéressé. La décision Delanoy, sur laquelle s'est fondé le Comité d'appel, portait non pas sur les qualités requises mais sur les normes de sélection, ce que le juge Ryan a pris soin de souligner dans les motifs de jugement qu'il prononçait au nom de la Cour. (note de bas de page omise) [Je souligne.][14]
Les normes de sélection s'appliquent donc dans les paramètres des exigences de base établies par le ministère employeur. En l'espèce, la preuve dont disposait le comité d'appel indique que les exigences de base qui ont abouti à l'élimination de l'appelant ont été élaborées par l'ACDI, et ce, même si la Commission a été consultée et même si elle les a approuvées[15].
[23] Dans l'affaire Viola, le comité d'appel avait pris sur soi de ne pas tenir compte d'une exigence linguistique établie par le ministère employeur pour le motif qu'elle était « arbitraire » , « irrégulière » et non justifiée compte tenu de la Loi sur les langues officielles de 1988[16]. Le comité a fait remarquer ce qui suit :
Il n'est pas du tout certain que les nominations proposées auraient été les mêmes si l'exigence du bilinguisme n'avait pas constitué une condition de nomination...[17]
Et il a accueilli l'appel. Il l'a fait en se fondant sur le fait que les exigences linguistiques « arbitraires » et « irrégulières » contrevenaient peut-être au principe du mérite en empêchant des candidats mieux qualifiés qui ne satisfaisaient pas aux exigences en question d'être nommés au poste en question[18].
[24] Cette décision ayant été contestée conformément à l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, telle qu'il était alors libellé, cette cour a eu à déterminer si le comitéd'appel, en sa qualité de gardien du principe du mérite, avait le pouvoir de se prononcer sur l'exigence linguistique établie par le ministère employeur. Après avoir effectué un examen détaillé de la loi et de la jurisprudence, la Cour a conclu qu':
[...] un comité d'appel ne peut davantage remettre en question les exigences linguistiques d'un poste qu'il ne peut, par exemple, remettre en question les exigences d'instruction, de connaissances, d'expérience ou de lieu de résidence.[19]
Elle l'a fait en se fondant sur le fait que les décisions prises par le ministère employeur dans l'exercice d'une fonction de gestion ne relevaient pas de la Commission et, par conséquent, que le comité d'appel n'avait pas compétence.
[25] En l'espèce, la question sur laquelle le comité a assumé une compétence est de savoir si, en concluant que l'appelant ne remplissait pas les conditions d'admissibilité et en l'éliminant sur cette base, et ce, même si l'appelant avait allégué que si ce n'avait été de la discrimination dont il avait été victime, il aurait rempli ces conditions, la Commission avait violé le principe du mérite établi par la Loi ainsi le droit à l'égalité qui était reconnu à l'appelant par l'article 15 de la Charte. L'appelant soutient d'une façon convaincante que s'il peut démontrer que le principe du mérite a été violé en raison de la discrimination systémique directe dont il a fait l'objet de la part de l'ACDI, il s'ensuit logiquement qu'il a également été porté atteinte à son droit constitutionnel à l'égalité[20]. La réparation accordée découlerait du fait que le comité a compétence pour donner une interprétation atténuée à la limitation apportée au droit d'appel de l'appelant conformément au paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, pour conclure que le principe du mérite a été violé et pour exiger que la Commission révoque les nominations effectuées d'une façon irrégulière[21].
[26] Comme il en a déjà été fait mention, un tribunal peut examiner la constitutionnalité de sa loi habilitante uniquement s'il a déjà compétence sur toute la question qui lui est soumise[22]. Cela veut dire qu'avant d'aborder la question d'ordre constitutionnel, le comité d'appel devait être convaincu que, si ce n'était de l'article 27 du Règlement, il aurait compétence pour entendre l'appel interjeté par l'appelant[23].
[27] Comme nous l'avons vu, la compétence du comité d'appel consiste à exercer une surveillance sur le rôle de la Commission, qui doit procéder à la sélection et classer les candidats selon leur mérite dans le cadre de la procédure de sélection. Le comité examine la procédure de sélection suivie par la Commission et s'assure que, lorsque des irrégularités sont constatées dans cette procédure, elles n'aboutissent pas à une nomination qui contrevient au principe du mérite[24].
[28] L'allégation sous-jacente sur laquelle la compétence du comité reposait apparemment dans l'affaire Viola était que l'employeur avait établi des exigences « irrégulières » ou « arbitraires » qui empêchaient la sélection du meilleur candidat, de sorte qu'il était contrevenu au principe du mérite. L'allégation sous-jacente sur laquelle la compétence du comité reposerait apparemment en l'espèce et qu'avec le temps, l'employeur a fait preuve de discrimination directe et s'est livré à des actes discriminatoires systémiques dont l'effet était d'empêcher l'appelant d'être promu au groupe EX et, par conséquent, d'être admissible et d'être choisi pour l'un des postes en question, de sorte que le principe du mérite était violé[25].
[29] Il n'a jamais été statué que les mesures prises par le ministère employeur dans la gestion de ses affaires relevaient de la compétence d'un comité d'appel même si elles étaient illégales et même si elles compromettaient le principe du mérite. Dans l'arrêt Viola, cet avis a été exprimé comme suit :
C'est la sélection du candidat par la Commission, une fois les qualités requises définies par le ministère, qui seule peut intéresser le comité d'appel.
La Cour a ajouté ce qui suit :
Cela ne signifie pas que la décision du ministère est à l'abri de tout contrôle judiciaire, [...]
Cela signifie plutôt que ce n'est pas au comité d'appel, mais à la Section de première instance de la Cour fédérale [...] que doit rendre compte le ministère s'il se produit quelque irrégularité ou quelque illégalité dans l'établissement des conditions requises.[26]
[30] Je ne puis voir comment le résultat peut être différent dans ce cas-ci. En fait, les illégalités qui ont censément été commises par le ministre employeur relèvent encore moins de la compétence du comité d'appel que dans l'affaire Viola. Au cours d'une audience qui doit durer de 15 à 20 jours, l'appelant a l'intention de démontrer qu'au fil des ans, dans la gestion de son personnel, l'ACDI s'est livrée d'une façon continuelle à des actes discriminatoires envers les minorités visibles en général et envers lui en particulier[27]. Tel est le fondement factuel invoqué à l'appui de la présumée violation du principe du mérite et de la réparation sollicitée devant le comité d'appel[28].
[31] Même si, devant le comité d'appel et pendant toute la durée des procédures, l'appelant a allégué que la Commission avait violé l'article 10 et le paragraphe 12(3) de la Loi, il n'a jusqu'à maintenant allégué aucun fait qui, s'il était considéré comme établi, aurait pu permettre au comité de conclure que la Commission avait manqué à l'obligation qui lui était imposée par l'une ou l'autre disposition et d'assumer sa compétence sur cette base. En particulier, les normes de sélection élaborées par la Commission n'ont pas été contestées et il n'a été fait état d'aucune irrégularité dans la procédure de sélection suivie par la Commission. De fait, rien ne laisse entendre que cette procédure n'a pas abouti à la sélection des candidats qui avaient le plus de mérite parmi ceux qui remplissaient les conditions d'admissibilité établies par l'employeur.
[32] Il est donc clair que lorsque, dans sa seconde lettre d'appel, l'appelant dit que :
Je soutiens qu'eu égard aux faits de l'affaire, la procédure de sélection viole les articles 10 et 12 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.[29]
il ne conteste pas la procédure de sélection telle qu'elle a été définie par cette cour, mais le fait que la Commission l'a éliminé parce qu'il ne remplissait pas les conditions d'admissibilité établies par l'employeur. Comme nous l'avons vu, compte tenu de la Loi telle qu'elle a été interprétée par cette cour dans les arrêts Viola, Blashford et Ricketts, supra, la Commission s'était vue obligée de donner effet à ces conditions.
[33] Enfin, l'appelant a également soutenu que la Commission avait été de mauvaise foi et avait manqué à l'obligation qui lui était imposée par la loi en omettant de donner effet à la recommandation qui avait été faite par le comitéd'appel constitué en vertu de l'article 31 en 1994, à savoir que l'appelant soit promu. Je note simplement à cet égard que cette recommandation a été faite à l'ACDI plutôt qu'à la Commission et que la Commission, pas plus que le comité d'appel constitué en vertu de l'article 31, ou en fait un comité constitué en vertu de l'article 21, ne possède le pouvoir, en vertu de la loi, de contraindre l'ACDI à se conformer à cette recommandation.
[34] Avant de conclure que la Commission n'est pas autorisée à intervenir en l'espèce, je dois reconnaître que dans l'arrêt Bambrough, supra, le juge Le Dain a exprimé l'avis selon lequel la Commission avait implicitement le pouvoir de collaborer avec le ministère employeur en vue d'établir les qualités requises pour occuper un poste :
La Commission doit avoir le pouvoir de s'assurer que les qualités spécifiées correspondent à celles exigées par le poste et que l'énoncé de ces qualités donne une assise solide à un processus de sélection selon le mérite. J'estime que ce pouvoir découle des responsabilités de la Commission en matière de nominations, en vertu des articles 5, 8 et 10 de la Loi, plutôt que de son pouvoir, en vertu de l'article 12, de prescrire les normes de sélection.[30]
Il faut se rappeler que, dans ce cas-ci, la preuve dont disposait le comité était que la Commission avait été consultée et qu'elle avait approuvé les conditions d'admissibilité établies par l'ACDI.
[35] Le pouvoir que la Commission possède implicitement de participer à l'élaboration des conditions et exigences fondamentales est difficile à concilier avec la jurisprudence plus récente. De fait, dans l'arrêt Blashford, le juge Décary a exprimé l'avis selon lequel le pouvoir de « participation » que possède implicitement la Commission, comme l'a dit le juge Le Dain, doit être interprété d'une façon fort stricte :
En conséquence, dans la mesure où la Commission est habilitée à « participer » à la définition des qualités requises au cours du processus de sélection, l'arrêt Bambrough pose pour règle que la Commission peut tout au plus participer à un développement raisonnable des exigences qui se déduisent des conditions initiales. [Je souligne.][31]
S'il s'agit du bon énoncé de la thèse avancée dans l'arrêt Bambrough, comme je crois que c'est le cas compte tenu des arrêts Viola, Blashford et Ricketts, supra, il est clair que, dans ce cas-ci, la Commission n'a pas le pouvoir implicite de rejeter les conditions d'admissibilité établies par l'ACDI.
[36] Afin d'assumer sa compétence sur la question d'ordre constitutionnel, le comité d'appel devait être convaincu qu'il avait compétence pour entendre l'appel. Or, à mon avis, le comitén'avait pas compétence.
[37] Ayant tiré cette conclusion, je me sens obligé d'ajouter que si, malgré les décisions uniformément rendues par cette cour, il devait être conclu que le comité d'appel a compétence pour entendre l'appel, je serais porté à conclure qu'il a également la compétence voulue pour se prononcer sur la contestation de nature constitutionnelle, et ce, pour les motifs suivants.
[38] Les motifs que le juge Le Dain a énoncés dans l'arrêt Bambrough, supra, s'ils sont interprétés isolément, indiquent l'unique fondement permettant de conclure que le comité d'appel avait compétence pour entendre l'appel dans ce cas-ci. Compte tenu des faits allégués par l'appelant, l'argument serait que, dans l'exercice de son pouvoir implicite, la Commission a omis de s'assurer que les conditions d'admissibilité établies par l'ACDI étaient « exigées » par le poste à combler et que l'énoncé « donn[ait] une assise solide à un processus de sélection selon le mérite » [32].
[39] À supposer que la Commission ait pareil pouvoir, la question soumise au comité d'appel serait de savoir si, en souscrivant aux conditions d'admissibilité établies par l'employeur, dont l'effet est de maintenir et de perpétuer les actes discriminatoires de ce dernier, la Commission a violé le principe du mérite prévu par la Loi ainsi que le droit à l'égalité reconnu à l'appelant par l'article 15 de la Charte. La réparation serait encore celle qui est énoncée au paragraphe [25].
[40] Comme le juge La Forest l'a dit dans l'arrêt Cooper, supra, un tribunal a le pouvoir de se prononcer sur la constitutionnalité de sa loi habilitante si le législateur lui a conféré le pouvoir de trancher des questions de droit générales. Ce pouvoir peut être conféré expressément ou implicitement et relève uniquement de la volonté du législateur.
[41] Selon l'hypothèse susmentionnée, la question d'ordre constitutionnel relèverait carrément de la compétence du comité d'appel puisque la limitation du droit d'appel ferait obstacle tant au droit que possède l'appelant d'être promu conformément au principe du mérite établi par la Loi qu'au droit à l'égalité qui lui est reconnu par la Charte. Étant donné qu'une décision selon laquelle l'un ou l'autre de ces droits a été violé découlerait nécessairement du même ensemble de faits et donnerait lieu à des conclusions identiques, je suis d'avis que si le législateur avait voulu que le comité d'appel ait compétence sur l'une de ces questions, il devait également vouloir que le comité ait compétence sur l'autre question.
[42] Ceci dit, pour les motifs énoncés aux paragraphes 15 à 36, je ne crois pas que le législateur ait voulu que la Commission possède un pouvoir relativement aux qualités et exigences établies par l'employeur aux fins de la sélection et de la promotion du personnel. En décidant le contraire, l'on modifierait la compétence du comité d'appel d'une façon que le législateur n'envisageait pas.
[43] Il s'ensuit que le comité d'appel n'a pas compétence pour entendre l'appel et a fortiori qu'il n'a pas compétence sur la question d'ordre constitutionnel.
[44] Par conséquent, je rejetterais l'appel. Étant donné que l'appelant fait encore face à la tâche difficile d'identifier le tribunal compétent devant lequel il peut revendiquer ses droits constitutionnels, je n'adjugerais pas les dépens.
« Marc Noël »
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Martine Brunet, LL.B.
Date : 20000608
Dossier : A-769-98
(T-2386-96)
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE NOËL
LE JUGE McDONALD
AFFAIRE INTÉRESSANT un appel interjeté conformément à l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique;
l'appel interjeté par Ranjit Perera par suite de nominations effectuées dans le concours interne 95/96-EX-IDA-302 à l'égard de plusieurs postes;
une décision en date du 4 octobre 1996 rendue par M. John Mooney, président d'un comité d'appel constitué conformément aux dispositions de l'art. 21 de ladite Loi;
ET
la décision rendue par écrit par Monsieur le juge Rouleau le 17 décembre 1998 en réponse à une demande présentée par le procureur général du Canada conformément aux dispositions des art. 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.
ENTRE :
RANJIT PERERA
appelant
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimé
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE STONE
[1] J'ai eu l'avantage de lire l'ébauche des motifs de jugement prononcés par mes collègues en l'espèce.
Les faits
[2] L'appelant est depuis longtemps fonctionnaire; il travaille à l'Agence canadienne de développement international (l'Agence). Pendant le temps qu'il a passé à l'Agence, il n'a pas été entièrement heureux, comme le montre la plainte de discrimination en matière d'emploi qui a abouti à une décision en sa faveur rendue par un comité d'appel le 22 novembre 1994 dans le dossier 91-IDA-0972R1, à laquelle il n'a pas encore été donné effet.
[3] Le litige qui nous occupe découle de la nomination d'un certain nombre d'employés à divers postes de directeur général de l'Agence, en 1996, à la suite du concours interne 95/96-EX-IDA-302. Il était expressément dit que le concours était ouvert aux : [TRADUCTION] « Employés de la fonction publique faisant partie du groupe EX et des catégories scientifique et professionnelle » [33]. Aux fins du concours, les fonctions d'un directeur général étaient les suivantes[34] :
[TRADUCTION]
Le directeur général est chargé d'assurer la direction en ce qui concerne l'élaboration et l'intégration d'approches stratégiques cohérentes en matière de gestion ainsi que la planification des activités de la Direction; il est chargé, au nom de l'ACDI, des relations et consultations extérieures avec les intéressés qui ont mis sur pied des programmes concernant des pays en voie de développement.
Les critères de sélection applicables aux postes en question étaient notamment : [TRADUCTION] « Une expérience étendue en matière de gestion de programmes et projets importants et complexes » , « la direction d'un groupe de travail multi-sectoriel » en matière d'élaboration des politiques et « la gestion d'une gamme complète de ressources humaines et financières au niveau supérieur » [35].
[4] L'appelant a cherché à participer à ce concours. Par une lettre datée du 15 févier 1996, la Commission de la fonction publique (la Commission) l'a informé qu'il [TRADUCTION] « ne rempliss[ait] pas les conditions de base nécessaires en ce qui concerne l'admissibilité » (c'est-à -dire qu'il fallait être un employé de la fonction publique faisant partie du groupe EX et des catégories scientifique et professionnelle)[36] et il a donc été éliminé. Une tentative initiale d'en appeler de la décision par laquelle l'appelant avait été éliminé a été rejetée pour le motif qu'elle était prématurée puisque le concours n'avait pas encore eu lieu. Le 3 mai 1996, la Commission a informé l'appelant qu'en raison de l'article 27 du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique (le Règlement), un comité d'appel ne serait pas autorisé à intervenir si la nomination était effectuée à l'intérieur du groupe de la direction, mais qu'on l'informerait de ses droits d'appel si un employé qui ne faisait pas partie de ce groupe était nommé[37].
[5] Le 6 mai 1996, on a informé l'appelant que le jury de sélection avait terminéson appréciation des qualités des candidats pour les postes en question et que la Commission avait approuvé sa recommandation[38]. L'appel interjeté par l'appelant devant le comité d'appel a été suivi d'une lettre datée du 17 mai 1996[39], dans laquelle l'appelant énonçait les moyens d'appel suivants :
[TRADUCTION]
Les moyens sur lesquels l'appel interjeté à la suite dudit concours est fondé sont résumés dans mon appel initial. Je soutiens qu'eu égard aux faits de l'affaire, la procédure de sélection viole les articles 10 et 12 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Cette procédure viole également le droit garanti à l'article 15 de la Charte à l'égalité de bénéfice et à la protection égale de la loi. Je soutiens également que l'article 27 du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique, sur lequel était fondée ma disqualification dans la procédure de sélection, constitue en fait une violation des articles 10 et 12 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. En outre, étant donné la discrimination systémique dont font l'objet les employés provenant d'une minoritévisible en ce qui concerne les promotions à des postes de cadres supérieurs au sein de l'ACDI et de la fonction publique fédérale en général, depuis que l'article 15 de la Charte est entré en vigueur l'article 27 du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique viole en fait les droits reconnus à l'article 15 de la Charte en ce qui concerne les fonctionnaires provenant d'une minoritévisible en général, et eu égard aux faits de la présente affaire, les droits qui me sont reconnus à l'article 15 de la Charte en particulier. En outre, les conditions fondamentales qui sont énoncées sont inéquitables et déraisonnables, et elles n'ont aucun lien rationnel avec les obligations et responsabilités afférentes aux postes désignés.
[6] La Commission a ensuite constitué un comité d'appel conformément à l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33 (la Loi) pour instruire l'appel. Toutefois, l'intimé a au départ soulevé une objection préliminaire au sujet de la compétence que possède le comité d'entendre et de régler l'appel en affirmant que, compte tenu de l'article 27 du Règlement, aucun appel ne peut être interjeté contre les nominations parce que toutes les personnes nommées étaient membres du groupe de la direction. Dans la décision qu'il a rendue le 4 octobre 1996, le comité d'appel a conclu qu'il avait compétence pour entendre l'affaire.
[7] Le juge des requêtes n'était pas d'accord. À son avis, la fonction du comité d'appel, en vertu de l'article 21 de la Loi, était limitée « à l'appréciation des faits » visant à assurer le respect du principe du mérite garanti à l'article 10 de la Loi. Le juge était en outre d'avis, compte tenu de la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854, qu'il n'existait aucune source indépendante de compétence conformément au paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 et enfin, qu' « aucun pouvoir n'a[vait] été conféré au comité d'appel lui permettant d'interpréter la loi » et que le comité « ne p[ouvait] s'attaquer à un problème constitutionnel » .
[8] Il s'agit ici de savoir si le juge des requêtes a commis une erreur en concluant que le comité d'appel n'avait pas compétence pour régler la question soulevée dans l'appel dont il était saisi.
[9] Dans leurs motifs, mes collègues énoncent toutes les dispositions législatives pertinentes. Cependant, pour plus de commodité, je citerai ici les dispositions de l'article 21 de la Loi et le paragraphe 27(1) du Règlement. L'article 21 de la Loi se lit comme suit :
21. (1) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made by closed competition, every unsuccessful candidate may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard. |
21. (1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.
|
(1.1) Where a person is appointed or about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made from within the Public Service by a process of personnel selection, other than a competition, any person who, at the time of the selection, meets the criteria established pursuant to subsection 13(1) for the process may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard. |
(1.1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à une sélection interne effectuée autrement que par concours, toute personne qui satisfait aux critères fixés en vertu du paragraphe 13(1) peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.
|
(2) Subject to subsection (3), the Commission, on being notified of the decision of a board established under subsection (1) or (1.1), shall, in accordance with the decision, |
(2) Sous réserve du paragraphe (3), la Commission, après avoir reçu avis de la décision du comité visé aux paragraphes (1) ou (1.1), doit en fonction de celle-ci:
|
(a) if the appointment has been made, confirm or revoke the appointment, or (b) if the appointment has not been made, make or not make the appointment. |
a) si la nomination a eu lieu, la confirmer ou la révoquer; b) si la nomination n'a pas eu lieu, y procéder ou non. |
(2.1) Where the appointment of a person is revoked pursuant to subsection (2), the Commission may appoint that person to a position within the Public Service that in the opinion of the Commission is commensurate with the qualifications of that person. |
(2.1) En cas de révocation de la nomination, la Commission peut nommer la personne visée à un poste qu'elle juge en rapport avec ses qualifications.
|
(3) Where a board established under subsection (1) or (1.1) determines that there was a defect in the process for the selection of a person for appointment under this Act, the Commission may take such measures as it considers necessary to remedy the defect. |
(3) La Commission peut prendre toute mesure pour remédier à toute irrégularité signalée par le comité relativement à la procédure de sélection.
|
(4) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act as a result of measures taken under subsection (3), an appeal may be taken under subsection (1) or (1.1) against that appointment only on the ground that the measures so taken did not result in a selection for appointment according to merit. |
(4) Une nomination, effective ou imminente, consécutive à une mesure visée au paragraphe (3) ne peut faire l'objet d'un appel conformément aux paragraphes (1) ou (1.1) qu'au motif que la mesure prise est contraire au principe de la sélection au mérite.
|
|
|
|
Le paragraphe 27(1) du Règlement, édicté en vertu de l'alinéa 35(2)e) de la Loi, se lit comme suit :
27. (1) Section 21 of the Act does not apply where an employee in the executive group is appointed to another position in that group. |
|
27. (1) Tout fonctionnaire faisant partie du groupe de la direction est soustrait à l'application de l'article 21 de la Loi lorsqu'il est nommé à un autre poste dans ce groupe.
|
Analyse
[10] En rendant leurs décisions, le comitéd'appel et le juge des requêtes se sont fondés sur les jugements prononcés par la Cour suprême du Canada dans les affaires Douglas/Kwantlen Faculty Assn. c. Douglas College, [1990] 3 R.C.S. 570, Cuddy Chicks Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), [1991] 2 R.C.S. 5 et Tétreault-Gadoury c. Canada (Commission de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 2 R.C.S. 22. Le juge des requêtes avait à sa disposition les directives additionnelles données par la Cour suprême dans l'affaire Cooper, supra. Dans les motifs de ces décisions, il est souligné que la question de savoir si un tribunal administratif donné possède la compétence voulue pour examiner une question liée à la Charte dépend en bonne partie, mais non exclusivement, de l'interprétation de la loi pertinente. Le principe fondamental énoncé par la Cour suprême est que « le tribunal administratif à qui l'on a conféré le pouvoir d'interpréter la loi a aussi le pouvoir concomitant de déterminer si la loi est constitutionnelle » : Cuddy Chicks, supra, juge La Forest, à la p. 13. Un mandat exprès permettant de statuer sur une question de droit sera normalement considéré comme « le facteur le plus important » lorsqu'il s'agit de déterminer si un tribunal possède le pouvoir de trancher une question liée à la Charte : Tétreault-Gadoury, supra, juge La Forest, à la p. 32. Toutefois, « le pouvoir d'un tribunal administratif de statuer sur des questions de droit peut être conféré de façon expresse ou implicite » : Cooper, supra, juge La Forest, par. 46.
[11] De plus, le juge La Forest a fait les remarques suivantes dans l'arrêt Cooper, supra (par. 47) :
Pour déterminer si un tribunal a compétence à l'égard des parties, de l'objet du litige et de la réparation recherchée, il convient de tenir compte de questions pratiques comme la composition et la structure du tribunal, la procédure qui est suivie devant lui, les voies d'appel existant contre les décisions qu'il rend et son expertise. Ces considérations d'ordre pratique, dans la mesure où elles font ressortir l'économie de la loi habilitante, renseignent sur le mandat que le législateur a confié au tribunal administratif. Des considérations d'ordre pratique et fonctionnel peuvent par ailleurs appuyer ou réfuter l'existence d'une compétence en matière constitutionnelle, quoique de telles considérations ne puissent jamais prendre le pas sur l'intention du législateur.
[12] Dans l'affaire Cooper, supra, le point litigieux se rapportait à la constitutionnalité de l'alinéa 15c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, et plus précisément à la question de savoir si la Commission canadienne des droits de la personne ou un tribunal constitué par cette commission avait compétence pour trancher la question particulière. En examinant le texte de cette loi, le juge La Forest a fait remarquer, au paragraphe 53, que la Commission « n'[était] pas un organisme décisionnel » et que l'aspect principal de son rôle était « de vérifier s'il exist[ait] une preuve suffisante » . La loi conférait à la Commission le pouvoir d'interpréter et d'appliquer sa loi habilitante, mais cela ne voulait pas nécessaire dire qu'elle lui conférait la compétence voulue pour examiner des questions de droit générales. Le juge La Forest a conclu, au paragraphe 58, qu'il n'y avait « tout simplement rien dans la Loi qui puisse permettre de conclure que la Commission » avait le mandat de statuer sur la constitutionnalité de l'alinéa 15c). Le juge a ensuite examiné diverses considérations d'ordre pratique en déterminant si la Commission avait compétence sur les parties, sur l'objet du litige et sur la réparation recherchée. À son avis, ces considérations n'étaient pas déterminantes en tant que telles. Le juge était d'avis que la Commission n'était pas un organisme décisionnel et, en outre, qu'elle n'avait pas l'expertise nécessaire pour trancher la question liée à la Charte.
[13] L'appelant ne soutient pas que la Loi autorise expressément le comité d'appel à se prononcer sur la constitutionnalité de l'article 27. Il soutient principalement que la compétence peut s'inférer implicitement de la Loi et d'autres circonstances pertinentes. Selon lui, le juge des requêtes a commis une erreur en limitant son examen à la question de savoir si une compétence était expressément conférée et en ne tenant pas compte de l'argument selon lequel il existait une compétence implicite.
[14] Il ressort de l'avis d'appel du 17 mai 1996 que l'appelant cherche à établir devant le comitéque la procédure de nomination établie par la Commission n'était pas conforme au principe du mérite, que les conditions à remplir à l'égard des postes étaient inéquitables et déraisonnables et que la procédure de sélection violait les droits qui lui étaient reconnus à l'article 15 de la Charte. Toutefois, je suis d'accord pour dire que le rôle du comité d'appel consiste avant tout à déterminer, comme le prévoit le paragraphe 21(3) de la Loi, s'il y avait une « irrégularité » relativement à la procédure de sélection.
[15] L'appelant soutient que tel est ici le cas. Toutefois, à mon avis, et comme le juge Noël le signale, le rôle du comité ne peut pas normalement s'étendre à la contestation des qualités requises établies par l'employeur. Il n'appartiendrait pas au comité d'appel de déterminer s'il y a eu discrimination dans l'élaboration des critères y afférents. Le rôle du comité est limité à déterminer si l'on a observé le principe du mérite aux fins des nominations aux postes à l'égard desquels ces qualités étaient requises. La contestation de l'article 27 du Règlement n'est pas directement liée à la procédure de nomination. L'appelant affirme plutôt que l'article 27 porte atteinte aux droits qui lui sont reconnus à l'article 15 de la Charte non parce que cette procédure est irrégulière, mais parce que la discrimination l'a empêché de faire partie du groupe admissible. Même s'il y avait discrimination à ce stade, cela n'établirait pas, à mon avis, que la procédure était de quelque façon irrégulière, de sorte qu'il était justifié pour le comité d'intervenir, mais plutôt que l'employeur a causéun préjudice à l'appelant avant que la procédure soit entamée.
[16] Je conclus donc que le comité d'appel n'a pas compétence, que ce soit expressément ou implicitement, sur l'objet du litige. Je tire cette conclusion malgréla nature officielle de la procédure qui prévoit la tenue d'une audience sur avis aux parties, l'assignation de témoins et le droit d'interroger et de contre-interroger les personnes qui ont été citées pour témoigner devant le comité d'appel.
[17] J'aimerais faire une dernière remarque. Comme le dit le juge Noël, l'appel que l'appelant a interjeté conformément à l'article 21 de la Loi n'est pas l'unique recours dont il dispose. L'appelant a engagé deux autres procédures devant la Section de première instance; dans l'une, il demande des dommages-intérêts et dans l'autre il demande un jugement déclaratoire portant que l'article 27 du Règlement est nul et non avenu. L'introduction de ces procédures ne constitue pas un facteur déterminant en ce qui concerne les questions dont nous sommes saisis, mais elle donne peut-être une possibilité de contester l'article 27 du Règlement en vertu de la Charte.
[18] Pour les motifs prononcés par le juge Noël et pour les motifs ci-dessus énoncés, je réglerais l'appel de la façon dont le juge Noël le propose.
« A. J. Stone »
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Martine Brunet, LL.B.
Date : 20000608
Dossier : A-769-98
(T-2386-96)
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE NOËL
LE JUGE McDONALD
AFFAIRE INTÉRESSANT un appel interjeté conformément à l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique;
l'appel interjeté par Ranjit Perera par suite de nominations effectuées dans le concours interne 95/96-EX-IDA-302 à l'égard de plusieurs postes;
une décision en date du 4 octobre 1996 rendue par M. John Mooney, président d'un comité d'appel constitué conformément aux dispositions de l'art. 21 de ladite Loi;
ET
la décision rendue par écrit par Monsieur le juge Rouleau le 17 décembre 1998 en réponse à une demande présentée par le procureur général du Canada conformément aux dispositions des art. 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.
ENTRE :
RANJIT PERERA
appelant
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimé
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE McDONALD
[1] J'ai lu les motifs de mes collègues, Messieurs les juges Noël et Stone, mais il m'est impossible de souscrire au raisonnement qu'ils ont fait dans la présente affaire. À mon avis, un comité d'appel constitué en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (la LEFP) a compétence pour déterminer la constitutionnalité de l'article 27 du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique (le Règlement).
[2] L'appelant a demandéà cette cour de suivre la décision minoritaire rendue par Madame le juge McLachlin dans l'affaire Cooper c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne)1. Il est vrai que les motifs que Monsieur le juge La Forest a prononcés au nom de la majorité ont été critiqués par les auteurs2, mais cette cour ne peut pas suivre une décision minoritaire de la Cour suprême du Canada plutôt que le jugement rendu à la majorité. Seule la Cour suprême peut réexaminer sa position antérieure sur ce point si elle est de nouveau saisie de l'affaire.
[3] Je suis lié par la décision que la majorité a rendue dans l'affaire Cooper, mais j'ai conclu qu'en l'espèce, le comité d'appel satisfait aux exigences énoncées par la majorité et qu'il a donc compétence pour trancher des questions constitutionnelles.
[4] L'appelante a soutenu devant cette cour que les tribunaux sont tenus d'appliquer le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 en tranchant toute question dont ils sont par ailleurs légitimement saisis. Je suis d'accord avec Monsieur le juge Noël pour dire qu'il ressort clairement de la décision rendue dans l'affaire Cooper que le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle ne fournit pas aux tribunaux administratifs une source distincte de compétence à l'égard des questions constitutionnelles.
[5] Le critère à appliquer consiste à savoir si le législateur a conféré au comité d'appel la compétence voulue pour trancher des questions de droit3. La Cour suprême a dit que, pour qu'un organisme administratif « étudie une question ayant trait à la Charte [il] doit déjà avoir compétence à l'égard de l'ensemble de la question qui lui est soumise, c'est-à -dire à l'égard des parties, de l'objet du litige et de la réparation recherchée » 4.
[6] Mes collègues ont conclu que le comité d'appel ne peut pas examiner la présente demande, qui est fondée sur la Charte, parce qu'il n'a pas compétence sur l'ensemble de la question qui lui est soumise. Monsieur le juge Noël fonde sa décision sur l'avis selon lequel « il n'a jamais été statué que les mesures prises par le ministère employeur dans la gestion de ses affaires relevaient de la compétence d'un comité d'appel même si elles étaient illégales et même si elles compromettaient le principe du mérite » . Monsieur le juge Noël considère essentiellement que la présente affaire se rapporte à la question des qualités requises pour occuper un poste. Étant donné que les qualités requises sont déterminées par les ministères et que le comité a uniquement compétence sur la procédure de sélection, mes collègues concluent que le comité n'a pas compétence sur l'objet du litige.
[7] Je ne puis souscrire à cette position. L'objet réel du présent litige, tel qu'il est clairement énoncé dans la lettre par laquelle l'appelant en a appeléde la procédure de sélection, est de savoir si [TRADUCTION] « la procédure de sélection viol[ait] les articles 10 et 12 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique » 5. Cet objet relève clairement de la compétence du comité d'appel, comme le montre l'article 21 de la LEFP. Le paragraphe 21(1) se lit comme suit :
21.(1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, [...], en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête [...]
[Je souligne]
Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Landriault, Monsieur le juge Pratte, de cette cour, a dit ce qui suit :
[...] il me paraît sage de donner au terme « candidat » , tel qu'il apparaît à l'article 21, son sens ordinaire qui, à mon avis, s'applique à tous ceux qui ont fait acte de candidature. Cette conclusion me paraît conforme à l'arrêt de la Cour suprême du Canada Bullion c. Sa MajestéLa Reine et autre qui, à mon sens, signifie que le fonctionnaire qui pose sa candidature dans un concours restreint et dont la candidature est sommairement rejetée parce qu'il ne fait pas partie de la zone du concours, selon la définition qu'en donne la Commission conformément à l'alinéa 13b) de la Loi, peut en appeler sur le fondement de l'article 21, et contester la légalité de la décision de la Commission prise en vertu de cet alinéa 13b).6
Il ressort clairement de ce passage que l'appelant n'a pas à posséder toutes les qualités requises à l'égard du poste afin d'interjeter appel devant le comité. Il incombe au comité, lorsqu'il entend l'appel, de déterminer si la procédure de sélection a été suivie conformément au principe du mérite. Si le comité détermine que l'appelant n'a pas les qualités voulues, il peut rejeter l'appel. Le processus décisionnel du comité exige que celui-ci détermine si les critères établis par les ministères à l'égard du poste ont été appliqués et évalués conformément au principe du mérite et si le choix entre les candidats admissibles était justifié. Même si les ministères peuvent établir les exigences qui s'appliquent à un poste donné, cela ne veut pas nécessairement dire que le comité ne peut pas examiner l'application de ces critères dans une procédure de sélection.
[8] Mes collègues ont essentiellement statué que le comité d'appel n'a pas compétence parce que, même en l'absence de l'article 27 du Règlement, il ne pouvait rendre une décision favorable à l'appelant dans ce cas-ci. Cela équivaut à déterminer qu'un comité n'a pas compétence sur l'ensemble de la question à moins que la Cour n'estime qu'il est possible que l'appelant ait gain de cause. Par conséquent, dans ce cas-ci, mes collègues croient qu'étant donné que M. Perera ne possède pas les qualités voulues, le comité ne peut pas avoir compétence pour entendre l'appel. Avec égards, il appartient au comité d'appel de se prononcer sur la question. À mon avis, cette cour ne devrait pas confondre des questions de compétence et l'issue de l'affaire au fond. On peut également se demander si cette cour peut tirer une conclusion de fait sur la question de savoir si M. Perera possède les qualités voulues à l'égard de ce poste (ou s'il est possible de présumer qu'il a les qualités requises compte tenu de la décision antérieure rendue par le comité au sujet de la discrimination dont il a fait l'objet) sans entendre la preuve des parties sur ce point.
[9] De plus, mes collègues ne semblent pas tenir compte du paragraphe 12(3) de la LEFP lorsqu'ils déterminent s'il est possible que M. Perera ait gain de cause dans cet appel. Le paragraphe 12(3) semble laisser entendre que les normes utilisées pour évaluer les qualités d'une personne ne peuvent pas être discriminatoires. Sans prendre position sur ce point, M. Perera pourrait utiliser cette disposition pour soutenir qu'étant donné que son niveau actuel d'emploi résulte d'un acte discriminatoire, il devrait être présumé qu'il occupe un poste de direction et qu'il est donc admissible au poste. M. Perera devrait avoir la possibilité de présenter pareils arguments devant le comité d'appel.
[10] L'intimé a également soutenu qu'en ce qui concerne la question de savoir si le comité a compétence sur l'ensemble de la question, le comité ne possède pas de pouvoirs réparateurs dans ce cas-ci. En vertu de la LEFP, il incombe à la Commission de la fonction publique d'accorder une réparation. Pareils pouvoirs doivent être exercés conformément aux conclusions et recommandations du comité. La Commission agit en fait ainsi pour le compte du comité7. Je suis donc convaincu que le comité a compétence sur l'ensemble de la question, y compris la réparation recherchée.
[11] Il reste uniquement à cette cour à déterminer si le législateur voulait que le comité ici en cause ait le pouvoir de trancher des questions de droit. Comme Monsieur le juge La Forest le dit : « Il ne fait aucun doute que le pouvoir d'un tribunal administratif de statuer sur des questions de droit peut être conféré de façon expresse ou implicite » 8. Il n'est pas contesté que la LEFP ne confère pas expressément au comité d'appel constitué en vertu de l'article 21 le pouvoir de trancher des questions de droit. Il reste à savoir si ce comité a implicitement le pouvoir de trancher pareilles questions.
[12] Afin de déterminer si le comité ici en cause possède une compétence implicite sur des questions de droit, cette cour doit tenir compte d'un certain nombre de facteurs. L'intimé a soutenu que nous pouvons uniquement examiner les mots de la loi habilitante en vue de déterminer si le comité ici en cause possède une compétence implicite. Dans l'arrêt Cuddy Chicks Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), dans un passage qui a été cité avec approbation par la majorité dans l'arrêt Cooper, la majorité de la Cour suprême a dit que « [l]a compétence du tribunal doit [...] lui avoir été conférée expressément ou implicitement par sa loi constitutive ou autrement » 9 [je souligne]. Toutefois, dans l'arrêt Cooper, la majorité avait déjà dit qu'il s'agissait de savoir si le législateur avait conféré un pouvoir « dans sa loi habilitante » . On peut donc se demander si cette cour doit se limiter au libellé de la loi habilitante qui s'applique à un organisme administratif pour conclure à l'existence d'un pouvoir implicite.
[13] Pour les motifs ci-dessous énoncés, je conclus que je n'ai pas à résoudre pareille confusion en l'espèce parce que le libelléde la loi habilitante est suffisant pour fonder l'octroi d'un pouvoir implicite permettant de trancher des questions de droit. Cela résulte de la nature du comité d'appel, de la compétence du comité et de considérations d'ordre pratique.
[14] Dans l'arrêt Cooper, Monsieur le juge La Forest considérait la nature de l'organisme administratif comme un facteur majeur à prendre en considération. Plus précisément, afin de conclure à l'existence d'un pouvoir implicite de trancher des questions de droit, le rôle de l'organisme administratif doit être de nature décisionnelle. Le Black's Law Dictionary définit l'audience décisionnelle comme s'entendant d'[TRADUCTION] « une procédure de l'organisme dans laquelle les droits et obligations d'une personne particulière sont déterminés après qu'un avis a été donné et que la possibilité d'être entendu a été fournie » 10. La Commission canadienne des droits de la personne était l'organisme administratif en cause dans l'affaire Cooper. La Commission a une fonction de gardienne et son rôle est limité à l'appréciation des faits. La Cour suprême a fait remarquer qu'il n'est pas nécessaire de tenir plus qu'une « audience sur dossier » . Bref, « [l]es fonctions d'administration et d'examen préalable qui sont dévolues à la Commission et l'absence de rôle important et décisionnel indiquent manifestement que le législateur n'avait pas l'intention de conférer à cet organisme le pouvoir d'examiner des questions de droit » 11.
[15] Par contre, le paragraphe 21(1) de la LEFP montre clairement que le rôle du comité d'appel créé en vertu de l'article 21 est de nature décisionnelle. Le paragraphe 21(1) de la LEFP exige que le comité donne aux deux parties au litige la possibilité de se faire entendre. En outre, le comité d'appel rend une décision au sujet des droits des deux parties. La fonction du comité d'appel s'étend bien au-delà de l'examen préalable des plaintes et des enquêtes factuelles. La nature décisionnelle du rôle du comité d'appel indique, selon moi, l'existence d'un pouvoir implicite d'examiner les questions de droit.
[16] À mon avis, la nature décisionnelle du rôle de l'organisme administratif est un facteur essentiel dans l'affaire Cooper et dans la présente espèce parce que l'organisme décisionnel doit habituellement trancher des questions de droit. Les organismes décisionnels examinent des questions de preuve et de procédure afin de régler les affaires dont ils sont saisis. Or, bien sûr, les questions de preuve et de procédure sont des questions de droit. Cela laisse entendre qu'étant donné que le législateur a conféré au comité d'appel une fonction décisionnelle, il doit avoir implicitement voulu que celui-ci tranche ces questions générales de droit.
[17] En plus de trancher les questions de droit inhérentes à un organisme décisionnel, un comité d'appel constitué en vertu de l'article 21 est chargéde veiller à ce que les nominations à la fonction publique soient effectuées conformément au principe du mérite. La sélection fondée sur le mérite exige l'application d'un principe de droit, à savoir le principe du mérite. Ce principe ne comporte pas une liste de critères précis qui s'appliquent de la même façon dans tous les cas. Il s'agit plutôt d'un concept juridique abstrait. Ce n'est donc pas une question de fait, mais cela exige plutôt l'application d'un principe juridique aux faits d'une affaire donnée. Comme cette cour l'a récemment dit dans l'arrêt Boucher c. Canada (Procureur général)12, l'audition d'un appel interjeté à la suite d'une nomination « constitue une question de droit en ce qui a trait aux exigences du principe du mérite et nous considérons par conséquent que la décision du CACFP de confirmer ce procédé constituait également une question de droit » 13. En outre, dans l'arrêt Tiefenbrunner c. Canada (Procureur général)14, cette cour a statué qu'un comité d'appel constitué en vertu de l'article 21 avait commis une erreur de droit en statuant sur la question de savoir si une nomination particulière avait été effectuée conformément au principe du mérite. Logiquement, si un comité d'appel constitué en vertu de l'article 21 a commis une erreur de droit, il doit d'abord avoir tranché une question de droit.
[18] Le principe du mérite est prévu à l'article 10 de la LEFP. Dans l'arrêt Cooper, le juge La Forest a dit que même si un organisme administratif a le pouvoir d'interpréter et d'appliquer sa loi habilitante, il ne s'ensuit pas nécessairement que cet organisme soit habilité à se prononcer sur des questions de droit générales. Toutefois, Monsieur le juge La Forest a clairement dit qu'il parlait des dispositions de la loi habilitante conférant la compétence. Plus précisément, il a conclu que « [l]e pouvoir de refuser de recevoir une plainte, de rejeter une demande ou de refuser d'accomplir une des nombreuses fonctions dont peut être chargé un organisme administratif n'équivaut pas au pouvoir de trancher des questions de droit » 15. L'article 10, dans lequel est établi le principe du mérite, n'est pas une disposition attributive de compétence et il peut donc être utilisé pour établir la compétence que possède le comité sur les questions de droit générales.
[19] Enfin, plusieurs considérations d'ordre pratique favorisent l'octroi d'une compétence dans la présente espèce. Monsieur le juge La Forest a dit que « [c]es considérations peuvent [...] servir à mettre en lumière l'intention du législateur, mais elles ne sont pas déterminantes » 16. Dans ce cas-ci, les considérations d'ordre pratique pertinentes comprennent le fait qu'il n'existe aucune voie d'appel contre une décision rendue par un comité d'appel constitué en vertu de l'article 21. Les décisions du comité sont uniquement assujetties au contrôle judiciaire de la Cour fédérale. Il n'en allait pas de même pour la Commission des droits de la personne qui était en cause dans l'affaire Cooper, les décisions de cette dernière n'ayant pas d'effet juridique sauf aux fins de la transmission d'une plainte au tribunal pour décision.
[20] Une deuxième considération d'ordre pratique qui favorise l'octroi de la compétence voulue au comité est qu'afin de déterminer si la Charte a été violée il faut connaître tant la jurisprudence relative à la Charte que les faits en cause dans l'affaire. Le comité est mieux placé pour apprécier les faits d'une affaire de façon à déterminer si la Charte a été violée. Une fois que le comité a rendu sa décision, la Cour fédérale est autorisée à examiner ses conclusions de droit selon la norme de la décision correcte afin de s'assurer que la Charte a correctement été appliquée. Toutefois, la tâche de la Cour sera rendue plus facile si le comité a tiré les conclusions de fait nécessaires afin de déterminer si la Charte a été violée.
[21] Cela m'amène à la dernière raison justifiant l'octroi d'une compétence au comité, à savoir l'efficacité. Si la position que mes collègues ont prise dans ce cas-ci était adoptée, les personnes qui déposent une plainte devant le comité auraient un long chemin à parcourir pour en arriver à un règlement de l'affaire. Ainsi, il se pourrait qu'un plaignant présente une demande fondée sur la Charte devant le comité d'appel et que le comité conclue qu'il n'a pas compétence. Le plaignant devrait alors solliciter un jugement déclaratoire d'invalidité devant la Section de première instance de la Cour fédérale. Si la Section de première instance accordait le jugement déclaratoire, l'affaire serait renvoyée au comité d'appel. Si le comité d'appel entendait ensuite l'affaire et se prononçait en faveur du plaignant, l'intimé pourrait demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale. Si le comité d'appel avait pu examiner la question liée à la Charte, il aurait pu régler toute l'affaire, de sorte qu'il aurait suffi que la Cour fédérale tienne une seule audience au cours de laquelle toutes les questions auraient pu être examinées. Cette procédure aurait l'avantage de permettre au comité d'appel de tirer les conclusions de fait nécessaires afin d'apprécier la demande fondée sur la Charte. Pareilles conclusions de fait seraient alors portées devant la Cour d'appel fédérale en cas d'appel. La Cour pourrait alors se fonder sur les conclusions de fait qui ont été tirées pour déterminer si la Charte a correctement été appliquée. Cette question d'efficacité est particulièrement importante pour le plaignant pour lequel le comité d'appel est un tribunal plus rapide et moins coûteux. Pour assurer l'accessibilité de la justice en général, il importe que les plaideurs soient en mesure de présenter une demande fondée sur la Charte de la façon la plus efficace possible.
Conclusion
[22] Pour les motifs énoncés, je conclus qu'en l'espèce, le comité d'appel avait compétence pour déterminer la constitutionnalité de l'article 27 du Règlement. J'accueillerais l'appel. Étant donné que l'appelant a soulevé une question d'importance générale et qu'il a eu gain de cause en première instance, je suis d'avis qu'il devrait avoir droit aux dépens s'il a gain de cause et que les dépens ne devraient pas être adjugés contre lui si la demande n'est pas accueillie.
« F. J. McDonald »
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Martine Brunet, LL.B.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : A-769-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : RANJIT PERERA
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LES 9 et 10 MAI 2000
MOTIFS DU JUGEMENT du juge Noël, en date du 8 juin 2000, auxquels le juge Stone joint ses motifs concourants et auxquels le juge McDonald joint ses motifs dissidents.
ONT COMPARU :
Rangit Perera POUR SON PROPRE COMPTE
Linda Wall
Hana Gertler POUR L'INTIMÉ
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Rangit Perera
Orléans (Ontario) POUR SON PROPRE COMPTE
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario) POUR L'INTIMÉ
[1] L.R.C. (1985), ch. P-33.
[2] Gazette du Canada, Partie II, vol. 127, no 12 à la p. 2653.
[3] Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.).
[4] Décision du comité d'appel, dossier d'appel, vol. III à la p. 161.
[5] Perera c. ACDI, 22 novembre 1994, dossier 91-IDA-0972R, dossier d'appel, vol. II à la p. 7.
[6] L.C. 1998, ch. 38.
[7] L'appelant a également donné avis d'une question d'ordre constitutionnel avant l'audition de l'appel et avant le contrôle judiciaire devant le juge Rouleau. Dans les deux cas, il ne demande plus que l'article 27 [TRADUCTION] « [soit] déclaré nul et non avenu » , mais qu'il soit déclaré invalide conformément au paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle. Devant le comité d'appel, l'avis avait été donné sur consentement, et devait être considéré comme ayant le même effet malgré son libellé. (Affidavit de Tanjit Perera, dossier d'appel, vol. 1, à la page 5).
[8] Perera et al. c. Canada, [1998] 3 C.F. 381 (C.A.).
[9] Ordonnance, dossier d'appel, vol. I aux p. 102-104.
[10] Cooper, supra à la p. 888 citant Cuddy Chicks Ltd. c. CRTO, [1991] 2 R.C.S. 5 à la p. 14.
[11] Cooper, supra à la p. 909.
[12] Juge Pratte et juge McGuigan, souscrivant à cet avis.
[13] Delanoy c. Comité d'appel de la Commission de la fonction publique, [1977] 1 C.F. 562 (C.A.).
[14] Voir également : juge Décary dans Blashford aux pages 59-60; Brown c. Commission de la fonction publique, [1975] C.F. 345 (C.A.) aux pages 357-358; Bambrough c. Commission de la fonction publique, [1976] 2 C.F. 109 (C.A.F.) aux pages 115-116; Delanoy, supra note 13 aux p. 568-569; Ricketts c. Ministère des Transports, (1983), 52 N.R. 381 (C.A.F.) à la p. 382.
[15] Décision du comité d'appel, supra, note 4, aux pages 159-160. Je remarque qu'étant donné que ces exigences avaient été formulées par le ministère employeur et qu'elles se rapportaient à l'admissibilité fondamentale, il importe peu que la Commission les ait approuvées puisqu'elle se voyait obligée, en vertu de la Loi, de les accepter. (Blashford, supra; voir aussi Viola, supra).
[16] L.C. 1988, ch. 38.
[17] Viola, supra à la p. 377.
[18] Ibid.
[19] Viola, supra à la p. 385.
[20] Exposé des faits et du droit de l'appelant, au par. 80 e).
[21] Conformément à l'al. 21(2)a) de la Loi.
[22] Cuddy Chicks Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), supra note 10 à la p. 14. Voir également Douglas/Kwantlen Faculty Assn. c. Douglas College, [1990] 3 R.C.S. 570 et Tétreault-Gadoury v. Canada (Commission de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 2 R.C.S. 22.
[23] Dans les longs motifs qu'il a prononcés, le comité d'appel n'a pas examiné la question; il s'est immédiatement arrêté à la question de savoir s'il avait compétence, en vertu de sa loi habilitante, pour trancher la question d'ordre constitutionnel. (Voir la décision du comité d'appel, supra, note 4 à la page 182).
[24] Voir Caldwell et al. c. Commission de la fonction publique et al., 25 N.R. 458 (C.A.) juge Pratte, à la p. 459; Bambrough c. Commission de la fonction publique, supra note 14, juge Le Dain, aux pages 115, 121-122.
[25] Voir la lettre initiale d'appel en date du 26 février 1996, telle qu'elle est reprise dans la deuxième lettre d'appel du 17 mai 1996 (dossier d'appel, vol. III aux pages 294 et 449 respectivement) et l'avis de question d'ordre constitutionnel déposé avant l'audience devant le comité d'appel. Voir également les avis subséquents déposés devant la Section de première instance et devant la Section d'appel de la Cour fédérale (dossier d'appel, vol. II à la p. 86, et vol. 1 à la p. 43). L'avis a été déposé devant la Section d'appel après la constitution des dossiers d'appel).
[26] Viola, supra à la p. 384.
[27] Exposé versé au dossier rédigé par le président du comité d'appel en date du 1er mai 1996, page 1, point 5 (dossier d'appel, vol. III, à la page 463).
[28] Voir l'avis de question d'ordre constitutionnel déposé devant le comité d'appel sous la rubrique : [TRADUCTION] « Faits essentiels donnant lieu à la question d'ordre constitutionnel » . Voir également les avis subséquents sous la même rubrique (supra, note 26).
[29] Lettre d'appel datée du 17 mai 1996, supra note 25.
[30] Bambrough, supra, note 14 aux pages 117 et 118.
[31] Blashford, supra, à la p. 58.
[32] Bambrough, supra, tel que cité au paragraphe [34].
[33] Dossier d'appel, vol. III, à la p. 195.
[34] Ibid.
[35] Ibid.
[36] Ibid, à la p. 252.
[37] Ibid, à la p. 295.
[38] Ibid, à la p. 253.
[39] Ibid, à la p. 304.
1 [1996] 3 R.C.S. 854 au par. 69.
2 Voir par exemple : J.M. Evans, "Administrative Tribunals and Charter Challenges: Jurisdiction, Discretion and Relief"(1997) 10 C.J.A.L.P. 356; J. McMillan, "Tribunals and the Charter: The Search for Implied Jurisdiction - A Case Comment on Cooper v. Canada (Human Rights Commission)" (1998) 32:2 U.B.C. Law Review 365; M.C. Crane, "Administrative Tribunals, Charter Challenges, and the 'Web of Institutional Relationships'" (1998) 61 Sask. L.R. 495.
3 Cooper, supra note 1 au par. 45.
4 Cuddy Chicks Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), [1991] 2 R.C.S. 5, tel que cité dans Cooper supra note 1 au par. 46.
5 Dossier d'appel, volume III, à la p. 449. [TRADUCTION] « Lettre de M. Perera concernant l'appel interjeté contre la nomination » .
6 [1983] 1 C.F. 636 à la p. 641.
7 Paragraphe 21(2) de la LEFP : « La Commission, après avoir reçu avis de la décision du comité visé aux paragraphes (1) ou (1.1), doit en fonction de celle-ci: a) si la nomination a eu lieu, la confirmer ou la révoquer; b) si la nomination n'a pas eu lieu, y procéder ou non.
8 Cooper, supra note 1 au par. 46.
9 [1991] 2 R.C.S. 5 à la p. 14.
10 Black's Law Dictionary, 5e éd., s.v. « adjudicative hearing » (audience décisionnelle).
11 Cooper, supra note 1 au par. 58.
12 [2000] A.C.F. no 86 (C.A.), en direct : QL (ACF).
13 Ibid. au par. 7.
14 [1992] A.C.F. no 1021 (C.A.), en direct : QL (ACF).
15 Cooper supra note 1 au par. 55.
16 Cooper supra note 1 au par. 59.