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Date : 19990309


Dossier : A-521-97

HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE), LE MARDI 9 MARS 1999

CORAM :      LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE NOËL

ENTRE :

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     appelante,

ET :

     MICHAEL P. PERLEY,

     intimé.

     JUGEMENT

[1]      L'appel est accueilli avec dépens dans toutes les instances, la décision rendue par le juge de la Cour de l'impôt en vertu de l'alinéa 58(1)a) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) est annulée et la question de savoir si la Cour canadienne de l'impôt a compétence pour examiner et appliquer le Décret de remise d'impôt sur le revenu visant les Indiens afin de se prononcer en l'occurrence sur la justesse des nouvelles cotisations de l'appelante à l'égard de l'impôt, des intérêts et des pénalités est tranchée par la négative.

" Alice Desjardins "

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes

     Date : 19990309

     Dossier : A-521-97

CORAM :      LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE NOËL

ENTRE :

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     appelante,

ET :

     MICHAEL P. PERLEY,

     intimé.

         Appel entendu à Halifax (Nouvelle-Écosse), le mardi 9 mars 1999.

Jugement rendu oralement à l'audience à Halifax (Nouvelle-Écosse), le mardi 9 mars 1999.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :          LE JUGE LÉTOURNEAU, J.C.A.


Date : 19990309


Dossier : A-521-97

CORAM :      LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE NOËL

ENTRE :

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     appelante,

ET :

     MICHAEL P. PERLEY,

     intimé.


MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Exposés oralement à Halifax (Nouvelle-Écosse),

le mardi 9 mars 1999.)

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]      La Cour estime que c'est à tort que le juge de la Cour de l'impôt a conclu que, dans le cadre d'un appel interjeté des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le ministre), la Cour de l'impôt a compétence pour examiner et appliquer le mécanisme de remise établi par décret du gouvernement en 19931 et modifié en 19942.

[2]      Le décret a été adopté par le gouverneur en conseil sur recommandation du ministre conformément au paragraphe 23(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques3 (la Loi). Le paragraphe en question prévoit que le gouverneur en conseil peut accorder une remise d'impôt ou de pénalité lorsqu'il estime que le recouvrement de l'impôt ou l'imposition de la pénalité est déraisonnable ou injuste ou lorsque la remise en question serait conforme à l'intérêt public.

[3]      Selon la définition contenue au paragraphe 23(1) de la Loi, on entend par impôt les impôts, taxes, droits de douane ou autres contributions payables à Sa Majesté sous le régime d'une loi fédérale (non souligné dans l'original).

[4]      Ainsi qu'il apparaît à la page 7 de sa décision, le juge de la Cour de l'impôt a, pour parvenir à sa conclusion, supposé, à tort, qu'une ordonnance de remise fondée sur le décret intervient avant les nouvelles cotisations établies par le ministre. Cette méprise entraîne un double résultat. D'abord, elle établit, à tort, un lien entre l'idée de remise fiscale et celle de dette fiscale et, deuxièmement, elle transforme, à tort, une remise d'impôt en exonération fiscale.

[5]      Il est évident à nos yeux que la remise d'impôt prévue dans la Loi exige, comme condition préalable, que l'on fixe l'obligation ou la dette fiscale du contribuable et qu'on calcule le montant d'impôt dû par lui. Cela ressort clairement de la définition figurant au paragraphe 23(1) qui évoque, en effet, les sommes dues et payables à Sa Majesté. Il ressort clairement aussi des termes mêmes du paragraphe 23(2) qu'une ordonnance de remise ne peut intervenir que lorsque le recouvrement de l'impôt serait injuste ou déraisonnable. Les conditions ainsi prévues supposent d'abord que le ministre calcule le montant dû par le contribuable, cette cotisation devant prendre en compte les exonérations fiscales auxquelles a droit le contribuable. Sinon, comment pourrait-on conclure que le recouvrement de l'impôt serait injuste ou déraisonnable à moins, justement, d'avoir calculé au préalable le montant d'impôt qui est dû? Le montant ainsi calculé de la dette fiscale du contribuable constitue l'impôt pouvant faire l'objet d'une ordonnance de remise si le recouvrement de cet impôt devait, à ce stade-là, entraîner une injustice ou s'avérer déraisonnable.

[6]      En d'autres termes, nous estimons que si la demande d'exonération fiscale concerne effectivement la question de la dette fiscale d'un contribuable donné, et dont un juge de la Cour de l'impôt peut à juste titre être saisi dans le cadre de l'appel interjeté d'une nouvelle cotisation dont on affirme qu'elle ne tient pas compte d'une telle exonération4, une demande de remise fiscale n'intervient qu'après la fixation de la dette fiscale d'un contribuable et le calcul du montant dû à ce titre. Par conséquent, lors d'un appel interjeté de la cotisation établie par le ministre quant à la dette fiscale d'un contribuable, le juge de la Cour de l'impôt n'a pas la compétence pour se prononcer sur la justesse de cette cotisation en évoquant le caractère éventuellement injuste ou déraisonnable du résultat que pourraient entraîner les efforts en vue d'assurer le recouvrement de l'impôt dû et payable. Sans cela, et en adoptant l'approche retenue par le juge de la Cour de l'impôt, il faudrait conclure qu'à l'époque où le ministre établit la cotisation, aucun argent n'est dû ou payable au titre de l'impôt dans chaque cas où le recouvrement de cet argent serait injuste ou déraisonnable. Par conséquent, il n'y aurait jamais d'impôt pouvant faire l'objet d'une remise étant donné que, en raison même du concept de remise d'impôt, un contribuable serait en fait exempté de toute dette fiscale avant l'établissement des nouvelles cotisations ou lors de l'établissement de celles-ci.

[7]      Nous sommes d'accord avec le jugement rendu par le juge de la Cour canadienne de l'impôt Lamarre-Proulx dans l'affaire Pachanos c. M.R.N.5, selon qui une ordonnance de remise s'applique aux procédures de recouvrement de l'impôt qui est dû et qui n'a pas encore été réglé et non pas aux cotisations à l'impôt sur le revenu. Cela ressort clairement du paragraphe 23(4) de la Loi qui détaille les méthodes permettant d'accorder une remise d'impôt6. Toutes les méthodes ainsi détaillées partent du principe qu'il existe une dette fiscale et aucune de ces méthodes n'évoque la possibilité de réduire le montant de la cotisation établi par le ministre. Le paragraphe 23(4) est rédigé en ces termes :

     (4) A remission pursuant to this section may be granted         
     (4) Ces remises peuvent être accordées sur:
     (a) by forbearing to institute a suit or proceeding for the recovery of the tax, penalty or other debt in respect of which the remission is granted;
    
     a) abstention de toute action en recouvrement des sommes en cause;
     (b) by delaying, staying or discontinuing any suit or proceeding already instituted;
     b) ajournement, suspension ou abandon de l'action;
     (c) by forbearing to enforce, staying or abandoning any execution or process on any judgment;
    
     c) abstention, suspension ou abandon de toute voie d'exécution forcée;
         (d) by the entry of satisfaction on any judgment; or
     d) constat judiciaire d'acquittement de l'obligation;
     (e) by repaying any sum of money paid to or recovered by the Receiver General for the tax, penalty or other debt.
     e) remboursement de sommes payées au receveur général ou recouvrées par lui au titre des taxes, pénalités ou autres dettes.

[8]      Pour ces motifs, l'appel est accueilli avec dépens dans toutes les instances et la décision par laquelle, sur le fondement de l'alinéa 58(1)a) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt, le juge de la Cour de l'impôt s'est estimé compétent pour examiner et appliquer le mécanisme instauré par le décret de remise, est annulée.

     " Gilles Létourneau "

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes

COUR D'APPEL FÉDÉRALE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                  A-521-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Sa Majesté la Reine c. Michael Perley
LIEU DE L'AUDIENCE :          Halifax (Nouvelle-Écosse)
DATE DE L'AUDIENCE :          le 9 mars 1999
MOTIFS DU JUGEMENT :      le juge Létourneau
EXPOSÉ ORALEMENT :          le 9 mars 1999
ONT COMPARU :              Bruce Russell          pour l'appelante
                     Ian Whitcomb      pour l'intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

George Thompson

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                          pour l'appelante

Hanson, Hashey

Fredericton (Nouveau-Brunswick)                  pour l'intimé
__________________

1      Décret de remise de l'impôt sur le revenu visant les Indiens, C.P. 1993-523, 16 mars 1993, Gazette du Canada, partie II, vol. 127, no 7, p. 1488.

2      Décret de remise de l'impôt sur le revenu visant les Indiens - Modification, C.P. 1994-799, 12 mai 1994, Gazette du Canada, partie II, vol. 128, no 11, p. 2202.

3      S.C. 1991, ch. 24, par. 7(2).

4      Voir l"alinéa 81(1)a ) de la Loi de l"impôt sur le revenu.
     81(1) Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :
     a) une somme exonérée de l'impôt sur le revenu par toute autre loi du Parlement du Canada, autre qu'un montant reçu ou à recevoir par un particulier qui est exonéré en vertu d'une disposition d'une convention ou d'un accord fiscal conclu avec un autre pays et qui a force de loi au Canada;

5      Voir 90 DTC 1668.

6      Voir également les paragraphes 23(3), (5) et (6) qui confirment le fait que la remise concerne le recouvrement.

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