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Date : 20000218


Dossier : A-337-98


C O R A M :      LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE SHARLOW


ENTRE :


BRIAN J. STEWART


demandeur


et


SA MAJESTÉ LA REINE


défenderesse



JUGEMENT


     L"appel est rejeté avec dépens.




" Alice Desjardins "

                                             J.C.A.





Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.





Date : 20000218


Dossier : A-337-98


C O R A M :      LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE SHARLOW


ENTRE :


BRIAN J. STEWART


demandeur


et


SA MAJESTÉ LA REINE


défenderesse







Audience tenue à Toronto (Ontario), le mardi 8 février 2000

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le vendredi 18 février 2000




MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                      LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :                              LE JUGE DESJARDINS

                                     LE JUGE SHARLOW




Date : 20000218


Dossier : A-337-98


C O R A M :      LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE SHARLOW


ENTRE :


BRIAN J. STEWART


demandeur


et


SA MAJESTÉ LA REINE


défenderesse



MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]      La question litigieuse que soulève le présent appel formé contre une décision de la Cour canadienne de l"impôt est de savoir si le juge de la Cour de l"impôt a commis une erreur lorsqu"il a conclu que les pertes locatives que l"appelant a subies n"étaient pas déductibles dans le cadre du calcul de son revenu imposable vu l"absence d"une attente raisonnable de profit.

[2]      En 1986, l"appelant a acquis deux logements en copropriété à London (Ontario), et deux à Surrey (Colombie-Britannique). Les quatre logements lui ont été vendus par le même vendeur/promoteur. L"appelant n"entendait pas les utiliser à des fins personnelles.

[3]      L"appelant a subi des pertes dès le départ. Pour les années d"imposition 1990, 1991 et 1992, l"appelant a réclamé des pertes de 27 814 $, 18 673 $ et 12 306 $ respectivement. Les pertes découlaient principalement d"intérêts sur des sommes qu"il avait empruntées pour acheter les logements. Le ministre a refusé ces réclamations sur le fondement [TRADUCTION] " que pour les années en cause, il ne paraît pas y avoir d"attente raisonnable de profit ".

[4]      L"appelant a formé un appel devant la Cour canadienne de l"impôt. Le juge McArthur a conclu que l"appelant " ne s"est pas acquitté de l"obligation qui lui incombait de montrer que la doctrine de l"attente raisonnable s"applique ". En outre, il a conclu que vu l"absence d"une source de revenu à l"égard de laquelle les intérêts avaient été encourus, ceux-ci n"étaient pas déductibles en vertu de l"alinéa 20(1)c ) de la Loi de l"impôt sur le revenu. Il a rejeté l"appel.

[5]      Dans l"appel qu"il a formé devant notre Cour, l"appelant soutient que le juge de la Cour de l"impôt a commis une erreur en appliquant le critère de l"attente raisonnable de profit et en concluant qu"il n"avait pas d"attente raisonnable de profit. Il dit que les intérêts sont déductibles en vertu de l"alinéa 20(1)c ).

[6]      Le critère de l"attente raisonnable de profit a été établi dans le célèbre arrêt Moldowan c. La Reine , 77 DTC 5213 (CSC). Dans cet arrêt, le juge Dickson (tel était alors son titre) a conclu que pour avoir une source de revenu aux fins de la Loi de l"impôt sur le revenu, le contribuable doit avoir en vue un profit ou une attente raisonnable de profit. Il dit, à la page 5215 :

     Il y a d"abord eu controverse, mais il est maintenant admis que pour avoir une "source" de revenu, le contribuable doit avoir en vue un profit ou une expectative raisonnable de profit. L"expression source de revenu équivaut donc au terme entreprise: Dorfman c. M.R.N. [72 DTC 6131], [1972] C.T.C. 151. Voir également l"al. 139(1)ae ) de la Loi de l"impôt sur le revenu qui inclut à titre de "frais personnels ou frais de subsistance", donc non déductibles aux fins de l"impôt, les dépenses inhérentes aux propriétés entretenues par le contribuable pour son propre usage et avantage, et non entretenues relativement à une entreprise exploitée en vue d"un profit ou dans une expectative raisonnable de profit. Si le contribuable, en exploitant sa ferme, se livre simplement à un passe-temps, esans expectative raisonnable de profit, il ne peut réclamer aucune déduction pour les dépenses engagées.
     Une jurisprudence volumineuse traite de la signification de l"expression expectative raisonnable de profit, mais il ne s"en dégage aucune constante. À mon avis, on doit s"appuyer sur tous les faits pour déterminer objectivement si un contribuable a une expectative raisonnable de profit. On doit alors tenir compte des critères suivants: l"état des profits et pertes pour les années antérieures, la formation du contribuable et la voie sur laquelle il entend s"engager, la capacité de l"entreprise, en termes de capital, de réaliser un profit après déduction de l"allocation à l"égard du coût en capital. Cette liste n"est évidemment pas exhaustive. Les facteurs seront différents selon la nature et l"importance de l"entreprise: La Reine c. Matthews (1974), 28 DTC 6193. Personne ne peut s"attendre à ce qu"un fermier qui achète une affaire déjà productive subisse au départ les mêmes pertes que celui qui met sur pied une exploitation forestière sur un terrain vierge.

[7]      L"appelant soutient que l"arrêt Moldowan ne s"applique pas à moins que l"activité ou le bien en cause n"ait un élément d"usage personnel. Nous n"estimons pas que l"application de cet arrêt est ainsi restreinte. Le principe de l"arrêt Moldowan veut que pour avoir une source de revenu, le contribuable doit avoir en vue un profit ou une attente raisonnable de profit. Aucun arrêt ultérieur de la Cour suprême n"a modifié ce prinpipe.

[8]      Lorsqu"il y a réclamation de perte découlant d"une entreprise ou d"un bien, il faut se demander si une entreprise ou un bien constitue une source de revenu. Dans le cas où la personne en cause possède un bien immobilier qui lui procure un revenu de location mais ne lui permet jamais de réaliser un profit sur une période de conservation projetée, la question de savoir si la personne en cause a acquis ou conserve ce bien pour un objectif autre que la réalisation d"un profit se pose. Il peut être conclu que l"objectif consiste en un quelconque usage personnel, mais il peut s"agir aussi d"un objectif tout autre que l"intention de réaliser un profit. Dans un tel cas, les pertes ne peuvent être déduites vu que le bien en cause ne constitue pas une source de revenu. En l"espèce, des pertes réclamées à l"égard des logements en copropriété ont été présentées au juge de la Cour de l"impôt, et celui-ci n"a pas commis d"erreur en appliquant le critère de l"attente raisonnable de profit pour déterminer si ceux-ci constituaient effectivement une source de revenu.

[9]      Compte tenu de l"absence d"élément ayant trait à l"usage personnel, le juge de la Cour de l"impôt a-t-il commis une erreur lorsqu"il a conclu à l"absence d"attente raisonnable de profit? Le critère de l"attente raisonnable de profit ne permet pas au ministre de reconsidérer l"appréciation commerciale que le contribuable a faite, et il ne saurait justifier la décision de ne pas permettre la déduction de pertes causées par l"évolution imprévue d"un environnement économique défavorable.

[10]      Cependant, cela n"est pas la raison pour laquelle le juge de la Cour de l"impôt a conclu à l"absence d"une attente raisonnable de profit dans la présente affaire. En l"espèce, le vendeur/promoteur a fourni un circulaire relatif à l"offre qui renfermait des projections sur une période de conservation se terminant par la vente des logements en 1997. Le juge de la Cour de l"impôt a conclu :

Le plan Reemark, qui avait été remis à l'appelant avant que celui-ci achète les quatre logements, comprenait une annexe pro forma et des projections, comme il en a ci-dessus été fait mention. Selon le plan, les pertes locatives étaient déduites d'autres revenus et un gain était en fin de compte réalisé par suite de l'augmentation prévue de la valeur de la propriété. Le plan Reemark ne prévoyait pas qu'on devait s'attendre à tirer un profit du revenu de location.

Il est clair que le juge de la Cour de l"impôt a conclu que l"attente de l"acquisition et de la conservation du bien était un gain en capital réalisé lors de la vente de cette dernière à la fin de la période de conservation projetée, et non la réalisation d"un profit à partir de la location du bien.

[11]      Bien que l"appelant ait témoigné avoir pris certaines mesures pour rendre les logements rentables, avoir eu l"intention de rembourser toute dette active en vue de créer des liquidités, et avoir eu des problèmes auxquels il ne s"attendait pas, le juge de la Cour de l"impôt n"a pas admis ce témoignage en preuve. Il a tenu compte de l"expérience de l"appelant dans le domaine de l"investissement immobilier et conclu, d"une part, que celui-ci avait compris les projections du promoteur selon lesquelles il ne réaliserait pas de profit au cours de la période de conservation projetée et, d"autre part, que l"appelant n"avait pas de plan réaliste en vue de réaliser un profit.

[12]      Le juge de la Cour de l"impôt n"a pas commis d"erreur manifeste ou dominante en tirant ses conclusions de fait. Nous acceptons ses conclusions de fait ainsi que sa conclusion que l"appelant n"a pas rempli l"obligation qui lui incombait d"établir qu"il pouvait raisonnablement s"attendre à réaliser un profit à partir des quatre logements en copropriété et que ces derniers ne constituaient pas une source de revenu. Il s"ensuit que les pertes ne sont pas déductibles.

[13]      L"alinéa 20(1)c ) prévoit que les intérêts sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d"une entreprise ou d"un bien. Or, comme il n"y avait pas de source de revenu en l"espèce, il n"y avait pas d"intérêts déductibles en vertu de cet alinéa.

[14]      L"appel est rejeté avec dépens.


" Marshall Rothstein "

                                             J.C.A.



" Je souscris à ces motifs.

             Alice Desjardins "

" Je souscris à ces motifs.

             Karen Sharlow "     









Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR D"APPEL FÉDÉRALE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :              A-337-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Brian J. Stewart c. Sa Majesté la Reine


LIEU DE L"AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :          le 8 février 2000


MOTIFS DE JUGEMENT EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :              le juge Desjardins

                     le juge Sharlow

EN DATE DU :              18 février 2000



ONT COMPARU :

M. Richard B. Thomas

M. James Warnock                          POUR L"APPELANT

M. Richard Gobeil

Mme Michelle Farrell                          POUR L"INTIMÉE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McMillan Binch

Toronto (Ontario)                          POUR L"APPELANT

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                  POUR L"INTIMÉE

COUR D"APPEL FÉDÉRALE


Date : 20000211


Dossier : A-337-98


ENTRE :


BRIAN J. STEWART


demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE


défenderesse







MOTIFS DU JUGEMENT




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