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Date: 19991013


Dossier: A-539-95



Ottawa (Ontario), mercredi, 13 octobre 1999.


Coram:      LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE NOËL


Entre :

     LOUIS ASSELIN

     Appelant

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Intimé

     - et -

     LA COMMISSAIRE AUX LANGUES OFFICIELLES

     Intervenante



     JUGEMENT


     L'appel est rejeté sans dépens.



     "Robert Décary"

     j.c.a.





Date: 19991013


Dossier: A-539-95

Coram:      LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE NOËL


Entre :

     LOUIS ASSELIN

     Appelant

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Intimé

     - et -

     LA COMMISSAIRE AUX LANGUES OFFICIELLES

     Intervenante






     Audience tenue à Ottawa (Ontario) le mercredi 13 octobre 1999.


     Jugement rendu à l'audience à Ottawa (Ontario) le mercredi 13 octobre 1999.








MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR:      LE JUGE DÉCARY



Date: 19991013


Dossier: A-539-95

Coram:      LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE NOËL


Entre :

     LOUIS ASSELIN

     Appelant

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Intimé

     - et -

     LA COMMISSAIRE AUX LANGUES OFFICIELLES

     Intervenante



     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

     (Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario)

     le mercredi, 13 octobre 1999)

LE JUGE DÉCARY

[1]      Le président d'un comité d'appel ("le comité d'appel") constitué par la Commission de la Fonction publique ("la Commission") en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, c. P-33 ("la Loi") a-t-il compétence pour remettre en question le bien-fondé du profil linguistique d'un poste à combler?

[2]      M. le juge Dubé, dans une décision publiée à (1995), 100 F.T.R. 309, a conclu que non. Cet appel est à l'encontre de cette décision.

[3]      Il ne fait pas de doute que jusqu'à ce que la Loi sur l'emploi dans la fonction publique soit amendée, en 1992, la question ne se posait plus. La jurisprudence était claire: un comité d'appel, qu'il s'agisse de qualifications générales (Canada (Procureur général) c. Blashford, [1991] 2 C.F. 44 (C.A.)) ou de profil linguistique (Canada (Procureur général) c. Viola, [1991] 1 C.F. 373 (C.A.)), ne pouvait s'intéresser qu'au processus de sélection d'un candidat par la Commission: il ne lui appartenait pas de remettre en question les conditions d'obtention d'un poste qu'avait établies un ministère.

[4]      Qu'en est-il de cette jurisprudence à la lumière de l'ajout, en 1992, de l'article 12.1 (S.C. 1992, c. 54, art. 11), lequel entrait en vigueur le 1er juin 1993?

[5]      Ce nouvel article se lit comme suit:

12.1    The Commission may review any qualifications established by a deputy head for appointment to any position or class of positions to ensure that the qualifications afford a basis for selection according to merit.

   12.1    La Commission peut réviser les qualifications établies par un administrateur général pour les nominations à tel poste ou telle catégorie de postes afin de faire en sorte que ces qualifications satisfassent au principe de la sélection au mérite.

[6]      L'appelant prétend que ce nouvel article est venu conférer au comité d'appel le pouvoir de remettre en question le bien-fondé des qualifications sur lesquelles était fondé le concours. Cet article n'a pas cette portée. Il suffit, pour s'en convaincre, de le situer dans son contexte et de bien lire les mots que le législateur a utilisés.

[7]      L'article 12.1 se retrouve sous la rubrique "nominations", laquelle comprend les articles 10, 11, 12 et 12.1. Ces articles définissent en quoi consiste "une sélection fondée sur le mérite". Le paragraphe 12(1) établit que c'est la Commission qui fixe les normes de sélection et d'évaluation "pour déterminer les principes de la sélection au mérite" ("for the purpose of establishing the basis for selection according to merit"). L'article 12.1, qui suit l'article 12, permet à la Commission de "réviser les qualifications établies par un administrateur général", et ce "afin de faire en sorte que ces qualifications satisfassent au principe de la sélection au mérite" ("to ensure that the qualifications afford a basis for selection according to merit" (nos soulignements).

[8]      Nous avons reproduit et souligné le texte anglais pour bien faire voir que l'article 12.1 n'est en somme qu'une continuation du paragraphe 12(1). Il ne vise, lui aussi, que le principe de la sélection au mérite ("the basis for selection according to merit") et s'il permet à la Commission, de manière expresse, de réviser les qualifications définies par un ministère, c'est uniquement afin de "faire en sorte" ("to insure") que la nature et la formulation de ces qualifications cadrent bien avec le principe et le processus de sélection au mérite. La Commission pourrait, par exemple, être d'avis qu'une qualification imposée par un ministère va à l'encontre du principe de sélection au mérite ou encore que cette qualification est formulée de manière telle qu'elle ne permette pas d'en faire une évaluation utile. La Commission ne pourrait cependant pas se servir de cet article pour s'interposer dans les pouvoirs de gérance d'un ministère et modifier les qualifications, par ailleurs valables et vérifiables aux fins de la sélection au mérite, que le ministère aura retenues.

[9]      La rubrique "nominations" est suivie de celle intitulée "concours", laquelle regroupe les articles 13 à 20, définit les modalités des concours et établit le mécanisme de nomination une fois le concours complété.

[10]      Vient ensuite la rubrique intitulée "appels", laquelle comprend les articles 21 et 21.1 et vise les appels portés à la suite de la tenue d'un concours.

[11]      Il appert, à première vue, que le pouvoir de révision que confère l'article 12.1 et dont nous avons plus haut décrit les paramètres, est un pouvoir qui doit être exercé par la Commission avant qu'un concours donné ne soit complété. Le procureur de la Commission nous a souligné que l'article 12.1 pouvait trouver application indépendamment de la tenue d'un concours particulier puisqu'il permet de réviser les qualifications établies pour "telle catégorie de poste". Quand bien même cela serait, il n'en reste pas moins qu'à l'égard d'un "poste" en particulier, il est impensable que le pouvoir de révision soit exercé pendant la tenue du concours au détriment des candidats en lice ou de ceux qui ont été écartés ou ne se sont pas présentés en raison d'une qualification que la Commission voudrait maintenant réviser. La Commission devrait très certainement recommencer le processus de sélection ou l'ajuster en conséquence dès lors qu'elle changerait en cours de route les règles du jeu.

[12]      Aussi, quand bien même il serait possible de prétendre qu'un comité d'appel est un commissaire ou un fonctionnaire de la Commission auquel celle-ci peut déléguer ses pouvoirs aux termes de l'article 6.1, il n'est tout simplement pas possible de soutenir qu'un comité d'appel pourrait se voir déléguer un pouvoir de révision dont l'exercice est nécessairement antérieur à sa propre entrée en fonction.

[13]      Le procureur de la Commission nous a appris à l'audience qu'en pratique la Commission ne voit même pas les qualifications établies par un ministère avant la tenue d'un concours. Cette pratique est à tout le moins troublante. L'article 12.1 permet à la Commission de réviser l'exercice par un ministère des pouvoirs qu'elle lui a délégués et donc de réviser ce que fait un ministère dans un cas donné. Elle ne l'y contraint pas, certes, mais si la Commission se place systématiquement dans une position telle qu'elle ne puisse pas réviser avant la tenue d'un concours les qualifications établies par un ministère, il y a vraisemblablement abdication de pouvoir. Il va de soi, par ailleurs, que la Commission ne peut déléguer à un ministère le pouvoir que la Loi confère à la Commission de réviser les qualifications établies par ce même ministère.

[14]      Nous concluons par conséquent que l'article 12.1 n'a modifié d'aucune façon les pouvoirs d'un comité d'appel. Pas plus aujourd'hui qu'hier un tel comité n'a-t-il compétence pour remettre en question le niveau linguistique d'un poste. La décision rendue par cette Cour dans l'affaire Viola, supra par. 3, demeure d'autant plus applicable que la restriction que la Cour avait alors dû s'imposer dans l'interprétation des droits linguistiques vu l'arrêt prononcé par la Cour suprême du Canada dans Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick Inc. c. Association of Parents for Fairness in Education, [1986] 1 R.C.S. 549, a été récemment levée par l'arrêt R. c. Beaulac, [1999] 1 R.C.S. 768.

[15]      L'appel sera rejeté, sans dépens dans les circonstances.



     "Robert Décary"

     j.c.a.

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