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Date : 20030506

Dossier : A-438-02

Référence neutre : 2003 CAF 206

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                               STEPHEN MOOTOO

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                              - et -

             LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

                                                                                                                                                        défendeur

                                     Audience tenue à Toronto (Ontario), le lundi 5 mai 2003.

                                    Jugement rendu à Toronto (Ontario), le mardi 6 mai 2003.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                         LE JUGE LINDEN

Y ONT SOUSCRIT :                                                                              

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE


Date : 20030506

Dossier : A-438-02

Référence neutre : 2003 CAF 206

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                               STEPHEN MOOTOO

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                              - et -

             LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

                                                                                                                                                        défendeur

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LINDEN

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par un conseil arbitral et confirmée par un juge-arbitre, voulant que le demandeur soit passible d'une pénalité en application de l'alinéa 38(1)a) de la Loi sur l'assurance-chomâge, L.C. 1996, ch. 23, au motif qu'il avait fait sciemment des déclarations « fausse[s] ou trompeuse[s] » .


[2]                 Personne ne conteste la fausseté des représentations qu'il a faites en affirmant qu'il ne « travaillait » pas alors qu'il cherchait activement des clients à qui vendre de l'assurance. Il a fait valoir que, puisqu'il n'a pas fait d'argent comme agent d'assurance et qu'il avait l'impression pendant ce temps qu'il ne faisait que chercher un emploi ou qu'il ne faisait que de la « prospection » clients, il pouvait honnêtement déclarer qu'il ne « travaillait » pas.

[3]                 Le conseil arbitral a rejeté l'appel du demandeur au motif qu'il avait enfreint la disposition de la Loi. Il a expliqué sa décision de la façon suivante :

Conclusion : Le conseil décide à l'unanimité de rejeter l'appel de M. Mootoo. Bien que M. Mootoo ait été crédible dans son explication selon laquelle il n'avait aucune intention de tromper quiconque, l'appelant, comme dans la décision Cub 22326 (Statner), a mal répondu à des questions très simples dans sa déclaration à la Commission (pièce 2-1). L'appelant a expliqué que ces réponses inexactes ne visaient aucunement à tromper ni à induire en erreur quiconque, mais l'appelant avait l'obligation statutaire de bien saisir l'intention de la question. Cela, il ne l'a pas fait. La question était la suivante : « Avez-vous travaillé? » La réponse était non. Le conseil était d'avis que le jugement rendu dans l'affaire Catherine Gates (A-600-94) étayait la pénalité qui a été établie puisque l'intention n'était pas un facteur pertinent.

[Non souligné dans l'original.]

[4]                 Le juge-artibre a confirmé cette décision. Il a déclaré :

En l'espèce, l'explication qu'a donnée le prestataire du fait qu'il avait donné des réponses inexactes était qu'il croyait ne pas avoir à signaler qu'il travaillait à essayer de vendre de l'assurance-vie puisqu'il ne tirait aucun gain de cette activité et que celle-ci équivalait à une recherche d'emploi. Il a affirmé - et le conseil l'a cru sur ce point - qu'il n'avait aucune intention d'induire quiconque en erreur mais n'avait tout simplement pas compris qu'il devait déclarer son travail.

En l'espèce, le conseil en est arrivé à la conclusion que le prestataire avait sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse puisqu'il avait répondu de façon inexacte à des questions évidentes. Il a ajouté que si ces questions, qui devraient être évidentes, ne l'étaient pas aux yeux du prestataire, celui-ci aurait dû s'informer. Il s'agit là d'une conclusion qui est bien étayée par la jurisprudence.

[Non souligné dans l'original.]


[5]                 À mon avis, cette décision ne saurait être maintenue. Pour qu'une pénalité s'applique en vertu de l'alinéa 38(1)a), il ne suffit pas qu'une déclaration soit fausse ou trompeuse, il faut que le demandeur l'ait faite en sachant sciemment qu'elle était fausse ou trompeuse. Dans les arrêts Canada (P.G.) c. Gates, [1995] 3 C.F. 17 (C.A.) et Canada (P.G.) c. Purcell, [1996] 1 C.F. 644 (C.A.), la Cour a précisé que la connaissance du demandeur relative à la fausseté de la déclaration fautive devait être tranchée sur le plan de la connaissance subjective. Dans l'arrêt Purcell la Cour a déclaré ce qui suit :

Le Conseil doit décider selon la prépondérance des probabilités qu'un prestataire savait, subjectivement, qu'une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite. Autrement dit, le critère n'est pas celui de ce que devrait savoir le soi-disant prestataire raisonnable. Il est clair qu'un tel être n'existe pas. Puis, à la page 21, le juge Linden poursuit en déclarant :

Pour décider si le prestataire avait une connaissance subjective de la fausseté des déclarations, la Commission ou le Conseil peuvent toutefois tenir compte du bon sens et de facteurs objectifs. En d'autres termes, si un prestataire prétend ignorer un fait connu du monde entier, le juge des faits peut à bon droit refuser de le croire et conclure qu'il connaissait bel et bien ce fait, malgré qu'il le nie. Le fait que le prestataire ignore une évidence peut donc mener à une inférence légitime selon laquelle il ment. Le critère appliqué n'est pas objectif pour autant, mais il permet de tenir compte d'éléments objectifs pour trancher la question de la connaissance subjective. Si, en définitive, le juge des faits est d'avis que le prestataire ne savait effectivement pas que sa déclaration était fausse, l'irrégularité visée par le paragraphe 33(1) n'a pas été commise.

Dans l'arrêt Gates, la Cour a également cité la jurisprudence des juges-arbitres en matière de fardeau de la preuve. D'après cette jurisprudence, c'est au départ à la Commission qu'il appartient de prouver qu'un prestataire a sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse. Mais, à partir du moment où la preuve démontre qu'un prestataire a donné une réponse inexacte à une question très simple ou à des questions figurant sur la carte de déclaration, il y a renversement du fardeau de la preuve et c'est alors au prestataire qu'il appartient d'expliquer l'existence de ses réponses inexactes.


[6]                 Puisque le conseil arbitral croyait que le demandeur n'avait pas eu l'intention de tromper, la question de la pénalité est réglée. L'exigence relative au fait que le demandeur doit savoir, subjectivement, que sa déclaration est fausse n'a pas été respectée.   

[7]                 Quand le conseil arbitral a écrit que le demandeur avait « l'obligation statutaire de bien saisir l'intention de la question » , il a erré en droit. Cette déclaration indique que le conseil arbitral se servait d'une norme objective et non d'une norme subjective. Cette erreur est susceptible de révision selon la norme de la décision correcte (voir l'arrêt Budhai c. Canada (P.G.), [2002] A.C.F. no 1089 (C.A.F.)).

[8]                 Pour ce qui est de la décision, il n'est pas nécessaire de renvoyer l'affaire pour nouvelle audience, étant donné que le conseil, en arrivant à la conclusion sur les faits que le demandeur était « crédible » et qu'il « n'avait aucune intention de tromper » , a prouvé qu'il estimait que le demandeur n'avait pas sciemment fait une déclaration « fausse ou trompeuse » . Le conseil a cru que le demandeur n'avait pas l'intention subjectivement de tromper. Il n'y a donc pas de fondement à la pénalité et la décision doit être rejetée.


[9]                 La demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision du juge-arbitre sera annulée et l'affaire sera renvoyée au juge-arbitre en chef pour qu'il rende une décision en conformité avec les présents motifs.

« A. M. Linden »                

Juge                        

« Je souscris aux présents motifs

Marshall Rothstein »

« Je souscris aux présents motifs

B. Malone »

Traduction certifiée conforme

Josette Noreau, B.Tra.


                                                           COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                          Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                            A-438-02

INTITULÉ :                                           STEPHEN MOOTOO

demandeur

- et -

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                LE LUNDI 5 MAI 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                         LE JUGE LINDEN                 

Y ONT SOUSCRIT :                           LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

DATE :                                                                LE MARDI 6 MAI 2003

PRONONCÉS À TORONTO (ONTARIO), LE MARDI 6 MAI 2003

COMPARUTIONS :

John McKean                                        Pour le demandeur

David Little

                                                  

Sharon McGovern                                                 Pour le défendeur

                                                                                                                                                                       

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hastings and Prince Edward Legal Services        Pour le demandeur

Avocats

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                 Pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


Date : 20030506

Dossier : A-438-02

Toronto (Ontario), le mardi 6 mai 2003

CORAM :       LE JUGE LINDEN      

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

ENTRE :                                  

STEPHEN MOOTOO

demandeur

- et -

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

défendeur

                                                                                                                                                                       

JUGEMENT

            La demande est accueillie, la décision du juge-arbitre est anulée et l'affaire est renvoyée au juge-arbitre en chef pour qu'il rende une nouvelle décision en conformité avec les présents motifs.            

« A. M. Linden »                 

Juge                       

Traduction certifiée conforme

Josette Noreau, B.Tra.

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