Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


A-522-98

OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 7 JANVIER 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARC NOËL

E n t r e :


KENNETH M. NARVEY,


appelant,


- et -


MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

et VLADIMIR KATRIUK,


intimés.


ORDONNANCE

     La requête visant à faire accélérer l'audition du présent appel et à surseoir à l'audition du renvoi en instance devant la Section de première instance dans le dossier T-2408-96 en attendant l'issue du présent appel est rejetée.

                                         Marc Noël

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.



Date : 19990107


A-522-98

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARC NOËL

E n t r e :


KENNETH M. NARVEY,


appelant,


- et -


MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

et VLADIMIR KATRIUK,


intimés.

Audience tenue à Ottawa (Ontario) le mercredi 6 janvier 1999

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario) le jeudi 7 janvier 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      LE JUGE NOËL




Date : 19990107


A-522-98

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARC NOËL

E n t r e :


KENNETH M. NARVEY,


appelant,


- et -


MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

et VLADIMIR KATRIUK,


intimés.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NOËL

[1]      L'appelant a présenté une requête urgente en vue d'obtenir une ordonnance accélérant l'audition du présent appel et sursoyant au renvoi sous-jacent en instance devant la Section de première instance1 [TRADUCTION] " de manière à reporter à plus tard toute décision sur le fond tant qu'une décision n'aura pas été rendue au sujet du présent appel "2.

[2]      L'appel est interjeté d'une ordonnance par laquelle le juge Nadon a rejeté la requête présentée par l'appelant en vue d'obtenir l'autorisation d'intervenir au débat dans le but de convaincre le juge Nadon qu'il devait se récuser pour cause de crainte raisonnable de partialité. Il y aurait urgence parce que le juge Nadon a récemment annoncé qu'il rendrait son jugement sur le fond du renvoi au plus tard le vendredi 8 janvier 1999. L'appelant soutient que, si le juge Nadon devait rendre sa décision avant que son appel puisse être tranché, la réparation qu'il réclame deviendra caduque. D'où sa requête, qui constitue de fait une requête en injonction provisoire interdisant au juge Nadon de rendre sa décision.

[3]      Un bref rappel des faits pertinents s'impose.

[4]      La preuve administrée dans le renvoi a été entendue par le juge Nadon à diverses reprises entre le 1er décembre 1997 et le 22 juin 1998. Les plaidoiries se sont terminées le 3 juillet 1998 à Montréal et l'affaire a été mise en délibéré. La date prévue du prononcé de la décision a été fixée à la fin d'août 1998. Le 1er septembre 1998, l'appelant a présenté au juge Nadon une requête en vue d'obtenir l'autorisation d'intervenir dans l'affaire dont celui-ci était saisi de manière à pouvoir faire valoir à la fois que certains commentaires que le juge Nadon avait faits au cours de l'audience et la façon dont il avait interagi avec les avocats relativement à leurs arguments suscitaient une crainte raisonnable de partialité de sa part.

[5]      Le 11 septembre 1998, la présente requête en autorisation d'intervenir a été entendue par voie de conférence téléphonique. Elle a été rejetée le 17 septembre 1998 aux termes d'une décision motivée. Le lendemain, l'appelant a interjeté appel de cette décision.

[6]      Par la suite, le 29 septembre 1998, l'appelant a présenté une requête à la Section de première instance en vue d'obtenir une ordonnance interdisant au juge Nadon de rendre sa décision tant que la Cour d'appel n'aurait pas tranché l'appel dont elle était saisie. Le juge Muldoon a rejeté cette requête le 3 décembre 1998 pour des motifs de compétence3.

[7]      Le 28 décembre 1998, après avoir été mis au courant de l'intention du juge Nadon de faire connaître ses motifs, l'appelant a demandé que la présente requête soit inscrite d'urgence au rôle. Au moyen d'une note qu'il a adressée au greffe le 29 décembre 1998, le juge Strayer a ordonné que la requête soit entendue avant le 8 janvier 1999, date prévue de la communication de la décision du juge Nadon sur le fond du renvoi.

[8]      Il est important de noter qu'aucune des deux parties n'a soutenu devant le juge Nadon que l'allégation de partialité ou de crainte raisonnable de partialité formulée par l'appelant avait quelque fondement que ce soit. Bien qu'il ait soutenu à l'époque que l'appelant devait obtenir l'autorisation d'intervenir au débat pour apaiser les tensions, voici le point de vue que le ministre a adopté dans le cadre de la présente requête:

                 [TRADUCTION]                 
                 Le ministre maintient que, sur la question de fond, la requête de l'appelant est mal fondée. Qui plus est, le ministre estime que le juge Nadon a bien exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 109 des Règles en rejetant la demande d'intervention de l'appelant4.                 

[9]      Le juge Nadon a statué qu'il n'était pas loisible à l'appelant de soulever une question que les parties avaient elles-mêmes choisi de ne pas soulever. Malgré le fait qu'il aurait accordé l'autorisation si l'une ou l'autre partie avait estimé qu'il devait se récuser pour cause de partialité, il a conclu que l'appelant n'avait pas la qualité pour soulever cette question si les parties avaient jugé bon de l'ignorer. Ainsi, la question soulevée dans l'appel sous-jacent n'est pas celle de savoir si l'appelant a la qualité pour intervenir au débat, mais celle de savoir si la question de la partialité ne peut être soulevée que par les parties et si la partialité que l'appelant reproche au juge en qualité d'intervenant peut effectivement être établie.

[10]      Pour pouvoir obtenir la réparation qu'il sollicite, il incombe à l'appelant de me convaincre que son appel soulève une question sérieuse, qu'il subirait un préjudice irréparable si l'injonction sollicitée n'était pas prononcée et que la prépondérance des inconvénients joue en sa faveur. En supposant que j'aie par ailleurs la compétence pour accorder le genre de réparation demandée5 et qu'il y ait une question sérieuse à juger, l'appelant n'a pas réussi à faire la preuve d'un préjudice irréparable ou à démontrer que la prépondérance des inconvénients favorise le prononcé de l'injonction demandée.

[11]      Le fondement du caractère " irréparable " du préjudice allégué par l'appelant repose entièrement sur le paragraphe 18(3) de la Loi sur la citoyenneté , qui dispose :

                 (3) La décision de la Cour visée au paragraphe (1) est définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d'appel.                 

Suivant l'appelant, le résultat de cette restriction est que, bien que dans la plupart des cas, la partialité puisse être soulevée avant ou après le prononcé de la décision sur le fond, dans le cas qui nous occupe, la question de la partialité doit être examinée [TRADUCTION] " avant le prononcé de la décision sur le fond ou pas du tout, parce que la décision n'est pas susceptible d'appel6 ".

[12]      Je ne suis pas de cet avis. La partialité, qu'elle soit réelle ou appréhendée, touche la compétence7. Si l'on suppose, aux fins du présent débat, que l'appelant puisse démontrer que le juge Nadon a fait preuve de partialité ou qu'on peut raisonnablement craindre qu'il a fait preuve de partialité, il s'ensuivrait que le juge Nadon n'avait pas compétence pour statuer sur la question qui lui était soumise. Or, une décision rendue au sujet d'un renvoi n'est pas une décision " visée " à l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté et, plus précisément, elle n'est pas une décision à laquelle la restriction formulée au paragraphe 8(3) s'applique8.

[13]      L'incompétence, si elle peut être démontrée, est toujours accompagnée d'une réparation, étant donné qu'il appartient à l'autorité concernée de décider. Le droit d'un tiers d'interjeter appel lorsque la partie concernée omet de le faire est reconnu9. Il s'ensuit que, si l'appelant a raison d'affirmer que le juge Nadon a fait preuve de partialité, une réparation peut être obtenue, indépendamment du fait que le juge Nadon rende ou non sa décision.

[14]      En outre, je ne crois pas que la prépondérance des inconvénients favorise l'appelant. Ainsi que la Cour suprême l'a fait remarquer dans l'arrêt Tobiass, il est dans l'intérêt du public que les affaires de révocation de citoyenneté soient jugées dans les délais prescrits et sans retard excessif. L'appelant a déjà retardé considérablement le déroulement de l'instance en empêchant le juge Nadon de rendre sa décision et il demande à la Cour de prolonger encore plus ce retard. À mon avis, la prépondérance des inconvénients favorise l'intérêt que possèdent les parties et le public en général de voir le présent renvoi tranché dans un délai raisonnable.

[15]      Ainsi donc, il n'a pas été établi que le recours exercé par l'appelant deviendra caduc si l'on permet au juge Nadon de rendre sa décision sur le fond. La requête en injonction provisoire est donc rejetée. Pour les mêmes motifs, la demande visant à obtenir l'audition accélérée de l'appel est rejetée.

                                 Marc Noël

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      A-522-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Kenneth MNarvey c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et Vladimir Katriuk
AUDIENCE TENUE PAR VOIE DE CONFÉRENCE TÉLÉPHONIQUE      OTTAWA
                                             MONTRÉAL
                                             TORONTO
DATE DE L'AUDIENCE :              le 6 janvier 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Noël le 7 janvier 1999

ONT COMPARU :

M. Kenneth M. Narvey                  pour son propre compte
Me Martine Valois                      pour l'intimé, le MCI
Me Orest Rudzik                      pour l'intimé V. Katriuk

Me Nestor Woychyshyn

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Kenneth M. Narvey                  pour son propre compte

Montréal

Me Morris Rosenberg                  pour l'intimé, le MCI

Sous-procureur général du Canada

Me Orest Rudzik                      pour l'intimé V. Katriuk

Toronto

__________________

1M.C.I. c. Katriuk, no du greffe T-2408-96, renvoi à la Section de première instance de la Cour fédérale en vertu de l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté.

2Avis de requête, page 2, paragraphe 2.

3Un appel a été interjeté de cette décision le 7 décembre 1998 et est présentement en instance.

4Dossier de la requête du ministre, paragraphe 20.

5L'article 398 des Règles prévoit le sursis d'exécution d'une ordonnance en attendant l'issue de l'appel. Il n'envisage pas le type de réparation provisoire sollicitée par l'appelant en l'espèce.

6Avis de requête, paragraphe 28.

7R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, à la page 526 (le juge Cory).

8On a cité l'arrêt Canada (ministre de la Citoyenenté et de l'Immigration) c. Tobiass, [1997] 3 R.C.S. 391, aux pages 410 à 417 et en particulier les paragraphes 50 et 61. En ce qui concerne le paragraphe 56, je tiens à souligner que, contrairement à ce qu'on semble avoir supposé lors du débat, dans l'arrêt Luitjens c. Canada (Secrétaire d'État), (1992), 9 C.R.R. (2d) 149, aux pages 151 et 152, la Cour d'appel fédérale ne s'est pas prononcée sur la question de savoir si les décisions interlocutoires rendues au cours d'un renvoi effectué en vertu de l'article 18 sont régies par le paragraphe 18(3). Je constate également que la Cour suprême a choisi de laisser cette question en suspens jusqu'à ce qu'elle soit de nouveau soulevée. À mon avis, les questions qui portent sur la compétence, qu'elles soient soulevées contre la décision ultime ou pour contester une décision interlocutoire ne sont pas limitées par le paragraphe 18(3).

9Voir l'arrêt Société des Acadiens c. Association of Parents, [1986] 1 R.C.S. 549.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.