Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20030722

 

Dossier : A-555-02

 

Référence : 2003 CAF 307

 

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

 

 

ENTRE :

 

                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                              appelant

 

                                                                             et

 

 

                              BRUCE KITSCH, LESLIE TOWER, ROBERT TOWER

                                                       et BDO DUNWOODY LLP

                                                                                                                                                intimés

 

 

 

                         Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 24 juin 2003.

 

                                     Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 22 juillet 2003.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                LE JUGE MALONE

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                         LE JUGE SHARLOW


Date : 20030722

 

Dossier : A-555-02

 

Référence : 2003 CAF 307

 

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

 

 

ENTRE :

 

                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                              appelant

 

                                                                             et

 

 

                              BRUCE KITSCH, LESLIE TOWER, ROBERT TOWER

                                                       et BDO DUNWOODY LLP

                                                                                                                                                intimés

 

 

 

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LE JUGE MALONE

 

 

Introduction

 


[1]               Les présents appel et appel incident font suite à une ordonnance d’un juge de la Section de première instance de la Cour fédérale (le juge des demandes) datée du 3 septembre 2002 accueillant en partie une demande de contrôle judiciaire portant sur deux décisions du ministre du Revenu national (le ministre) prescrivant l’envoi aux contribuables de deux « demandes de production de renseignements » (les demandes) en application du paragraphe 231.2(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la Loi). Les motifs à l’appui de cette ordonnance sont publiés dans Tower c. Canada (Minis tre du Revenu national - M.R.N.) (1re inst.), [2003] 2 C.F. 146, [2002] 4 C.C.I. 220, 2002 D.T.C. 7315.

 

[2]               Par lesdites demandes, respectivement datées du 11 et 18 juillet 2001, le ministre exigeait de BDO Dunwoody, le cabinet d’experts-comptables de Bruce Kitsch, Leslie Tower et Robert Tower (les contribuables), de remettre tous les dossiers fiscaux, documents de planification fiscale et autres dossiers se rapportant aux contribuables et de répondre par écrit à certaines questions. Le juge des demandes ordonnait aux contribuables de se conformer aux demandes de production de renseignements, hormis les parties nécessitant des réponses écrites aux questions ou qui enjoignaient à Dunwoody d’établir de nouveaux documents, ces dernières demandes n’entrant pas dans le champ d’application du paragraphe 231.2(1).               

 

[3]               Le paragraphe susdit de la Loi, dont la teneur suit, donne pouvoir au ministre d’adresser des demandes de production de renseignements :

 

Production de documents ou fourniture de renseignements –

 

 231.2. (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le ministre peut, sous réserve du paragraphe (2) et, pour l'application et l'exécution de la présente loi, y compris la perception d'un montant payable par une personne en vertu de la présente loi, par avis signifié à personne ou envoyé par courrier recommandé ou certifié, exiger d'une personne, dans le délai raisonnable que précise l'avis:

 

Requirement to provide documents or information –

 

 231.2. (1) Notwithstanding any other provision of this Act, the Minister may, subject to subsection (2), for any purpose related to the administration or enforcement of this Act, including the collection of any amount payable under this Act by any person, by notice served personally or by registered or certified mail, require that any person provide, within such reasonable time as is stipulated in the notice,

 

a) qu'elle fournisse tout renseignement ou tout renseignement supplémentaire, y compris une déclaration de revenu ou une déclaration supplémentaire;

 

(a) any information or additional information, including a return of income or a supplementary return; or

 

b) qu'elle produise des documents.

 

[Je souligne]

 

(b) any document.

 

[Emphasis added]

 

Questions en litige

[4]               Diverses erreurs de droit sont alléguées dans l’appel et l’appel incident. Voici en résumé en quoi consistent les questions en litige :

 

Sur appel

a)         Dunwoody peut-il, en vertu du paragraphe 231.2(1), refuser de répondre aux questions écrites du ministre ou d’établir de nouveaux documents?

 

b)         Dunwoody peut-il, en vertu du paragraphe 231.2(1), supprimer des documents qu’il doit livrer, en réponse aux demandes du ministre, les indications et renseignements confidentiels relatifs à des personnes autres que les contribuables?

 

Sur appel incident

c)         les demandes de production de renseignements avaient-elles pour objet  d’appliquer et d’exécuter la Loi au sens de l’article 231.2?

 


d)         certains des documents requis que Dunwoody a préparés dans le cadre des conseils fiscaux destinés aux contribuables étaient-ils protégés par le secret professionnel?

 

Exposé des faits

[5]               Les contribuables, qui sont des hommes d’affaires, ont décidé en 1997 d’émigrer à l’étranger et de se désister de leur résidence canadienne. Ils en ont informé leur cabinet d’experts‑comptables, Dunwoody à Kelowna (Colombie-Britannique), qui les a adressés à Jas Butalia, un comptable agréé, spécialiste en matière d’impôt sur le revenu, attaché au bureau de Dunwoody à Calgary.

 

[6]               Suite à leurs discussions avec M. Butalia, les contribuables ont effectué des transactions en vue, semble-t-il, de déduire des frais d’intérêt pour contrebalancer leur revenu imposable prévu une fois qu’ils auront cessé d’être résidents du Canada, en 1998.

 

[7]               Lesdits contribuables ont négocié chacun séparément des emprunts auprès de la Banque Impériale de Commerce (CIBC), à hauteur de 50 à 100 millions de dollars US. Dans leurs déclarations de revenu pour 1997 et 1998, ils ont déduit les frais d’intérêt correspondant à ces emprunts.

 

[8]               Le ministre, dans son avis de cotisation initial aux contribuables pour 1997, a admis les déductions des frais d’intérêts qu’ils réclamaient.


 

[9]               Par lettres datées du 12 mai 2000, le ministre a réclamé des contribuables des renseignements concernant les déductions d’impôt opérées en 1997 et 1998, à quoi le cabinet Dunwoody a répondu en leur nom, le 20 septembre 2000, sans fournir cependant certains renseignements demandés par le ministre.

 

[10]           Par lettres datées du 11 mai 2001, le ministre a exposé les raisons pour lesquelles il estimait que les contribuables ne devraient pas bénéficier des déductions réclamées au titre des prêts contractés auprès de la CIBC pour l’année d’imposition 1997. Par la suite, les contribuables ont fait l’objet d’une nouvelle cotisation de la part du ministre rejetant les déductions pour frais d’intérêt pour les années d’imposition 1997 et 1998. Le 7 août 2001, ils ont déposé, chacun pour sa part, des avis d’opposition contestant l’exactitude des nouvelles cotisations. Ces oppositions sont aujourd’hui en instance. Entre-temps, les demandes de production de renseignements ont été signifiées au cabinet Dunwoody les 11 et 18 juillet 2001.

 


[11]           Ces demandes exigeaient la production d’une foule de documents comprenant notamment les dossiers fiscaux, les documents de planification, les dossiers des documents de travail, les dossiers permanents, les relevés, les minutes et notes de toutes les conversations ou réunions, les mémoires de frais détaillés, les relevés détaillés des communications téléphoniques, le matériel de promotion et la correspondance relative aux contribuables. Elles exigeaient en outre des réponses à un certain nombre de questions auxquelles M. Hughes, l’expert-comptable des contribuables au bureau de Dunwoody à Kelowna ainsi que M. Butalia devaient répondre. Ces questions avaient semble-t-il pour but de tirer au clair des faits dont MM. Hughes et Butalia auraient eu vraisemblablement connaissance. Personne n’a laissé entendre que l’un et l’autre n’étaient pas en mesure de répondre aux questions. Le ministre a toutefois admis que s’ils n’avaient pas en main les renseignements nécessaires, une réponse de leur part en ce sens satisferait à ses demandes.

 

[12]           Les contribuables et Dunwoody ont ensemble déposé une demande de contrôle judiciaire contestant la validité des demandes de production de renseignements tout en se réclamant du secret professionnel à l’égard des documents et renseignements requis. Le juge des demandes a accueilli en partie la demande de contrôle. Il a déterminé que l’obligation fiscale totale des contribuables faisait l’objet d’une enquête véritable et sérieuse de la part du ministre et que les demandes de production répondaient aux critères de pertinence et de plausibilité établis par la Cour dans AGT Limited c. Canada (Procureur général) (C.A.), [1997] 2 C.F. 878. Il a cependant jugé que le paragraphe 231.2(1) donnait au ministre le droit de demander la production de documents, mais non celui d’exiger des réponses à des questions et, partant de là, il a conclu que les demandes de production de renseignements n’étaient pas valides au regard des questions posées à MM. Hughes et Butalia.

 


[13]           Le juge des demandes a également indiqué qu’au cas où un document ou un renseignement quelconque visé par des demandes de production avait trait à un client du cabinet Dunwoody étranger aux appelants, Dunwoody avait le droit de supprimer de ce document ou renseignement le nom de la personne en question avant de le communiquer au ministre. Dunwoody n’a rien expurgé des documents qu’il a préparés, mais qu’il n’a pas livrés au ministre en attendant l’issue finale de la présente instance.

 

Analyse

Question a) : Dunwoody peut-il, en vertu du paragraphe 231.2(1), refuser de répondre aux questions écrites du ministre ou d’établir de nouveaux documents?

 

[14]           Le juge des demandes a déterminé que les pouvoirs découlant du paragraphe 231.2(1) comprennent la production de documents et de renseignements existants, mais que cette disposition n’est pas rédigée de façon assez large pour contraindre les experts-comptables à répondre à des interrogations écrites. Il s’est expliqué en disant que si le législateur voulait assortir la disposition en question d’une portée assez large pour que le ministre ait l’option de procéder par écrit à un interrogatoire préalable, il y aurait pourvu. Je suis respectueusement d’avis que le distingué juge des demandes a interprété de façon erronée le paragraphe 231.2(1). Son erreur consiste, à mon point de vue, à n’avoir pas donné un sens à l’alinéa 231.2(1)a).

 

[15]           En matière d’interprétation législative, il existe une présomption de non-redondance. Le principe dominant a été énoncé dans Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4th ed. (Markham : Butterworths, 2002), page 158 :

[traduction] La législature est censée éviter les termes superflus ou dénués de sens, de se répéter inutilement ou de s’exprimer en vain. Chaque mot d’une loi est présumé être logique et jouer un rôle précis pour favoriser l’objet de la loi.

 

 

 


[16]           Le même principe est formulé en ces termes par le juge Iacobucci dans Fonds de développement économique local c. Canadian Pickles Corp., [1991] 3 R.C.S. 388, paragraphe 36 :

C’est un principe d’interprétation législative qu’il faut donner un sens à chaque terme d’une loi. « Une interprétation qui laisserait sans effet une partie des termes employés dans une loi sera normalement rejetée » (Maxwell on the Interpretation of Statutes (12e éd. 1969), page 36).

 

 

 

[17]           Appliqué en l’espèce, ce principe exige qu’un sens soit donné aux alinéas a) et b) du paragraphe 231.2(1) et, à moins d’une bonne raison contraire, il faut interpréter autrement les alinéas en question et donner un sens différent aux termes « renseignement » et « document ».

 

[18]           La Loi ne définit pas le mot « renseignement » figurant à l’alinéa 231.2(1)a). Si l’on consulte The Concise Oxford English Dictionary, 10e éd., « renseignement » veut dire [traduction] « les faits ou la connaissance obtenus ou acquis par voie de recherche ou d’études » ou [traduction] « ce qui est véhiculé ou représenté par une séquence de symboles, d’impulsions, etc. » La version française de l’alinéa 231.2(1)a) parle de « renseignement ». Le Collins Robert Unabridged French-English Dictionary (5e éd.) définit « renseignement » comme étant [traduction] « une information ou un élément d’information ».

 


[19]           L’alinéa 231.2(1)b), quant à lui, donne au ministre le pouvoir d’exiger la production « des documents ». Encore une fois, The Concise Oxford English Dictionary, 10e éd., définit le terme « document » comme étant [traduction] « un écrit, un imprimé, ou un produit de l’électronique qui fournit un renseignement ou une preuve ou qui sert de registre officiel ». Toutefois, le mot « document » tel qu’il figure dans la Loi, ne se limite pas aux pièces écrites. Ce mot, comme le définit l’article 231, comprend « les registres. Y sont assimilés les titres et les espèces ». Le mot « registre » qui est défini à son tour au paragraphe 248(1) comprend à son tour « les comptes, conventions, livres, graphiques et tableaux, diagrammes, formulaires, images, factures, lettres, cartes, notes, plans, déclarations, états, télégrammes, pièces justificatives et toute autre chose renfermant des renseignements qu’ils soient par écrit ou sous toute autre forme ».

 

[20]           Correctement interprété, l’alinéa 231.2(1)a) investit le ministre du pouvoir de contraindre un contribuable à fournir tout « renseignement » ce qui veut dire les éléments d’information dont il a connaissance et les éléments de fait. Pour exercer ce droit, le ministre doit être habilité à poser des questions pour obtenir et connaître les faits et chiffres. Les mots « une déclaration de revenu ou une déclaration supplémentaire », à l’alinéa a) n’enlèvent rien à cette interprétation du fait que le terme « y compris » qui le précède signifie que la phrase ne restreint pas le sens du mot « information ». Ces termes permettent au ministre non seulement d’obtenir les renseignements concernant le revenu d’un contribuable, mais aussi de déterminer la forme que doivent revêtir ces renseignements, c’est-à-dire une déclaration de revenu contenant les renseignements prescrits, plutôt qu’une lettre. À mon avis, le ministre est par conséquent en droit d’exiger la production de documents et de registres en application de l’alinéa 231.2(1)b) et de poser des questions pour s’informer et connaître les faits en vertu de l’alinéa 231.2(1)a).

 


Question b) : Dunwoody peut-il, en vertu du paragraphe 231.2(1), supprimer des documents qu’il doit livrer en réponse aux demandes du ministre, les indications et renseignements confidentiels relatifs à des personnes autres que les contribuables?

 

[21]           En s’apprêtant à communiquer au ministre les documents exigés, Dunwoody se souciait de que certains d’entre eux pouvaient contenir des noms et des renseignements se rapportant à d’autres clients qui n’étaient pas juridiquement associés ou liés aux contribuables. C’est pourquoi, au cours de la plaidoirie, il a sollicité du juge des demandes l’autorisation de supprimer de tels noms ou renseignements pour protéger, au besoin, le caractère confidentiel de l’information recueillie de tiers. Le juge des demandes a accédé à cette proposition.

 

[22]           Une fois que Dunwoody eut rassemblé les documents requis, on a constaté que rien ne devait en être retranché. Il est allégué, au nom des contribuables, qu’il ne faudrait pas du tout aborder cette question parce qu’elle est hors de propos, du fait que la mise au point des documents n’est pas controversée par les parties. La Couronne soutient qu’il convient, malgré cela, d’en discuter (voir Borowski c. Canada (Procureur général du Canada), [1989] 1 R.C.S. 342, page 353). Je suis d’avis qu’il est approprié d’examiner la conclusion du juge des demandes concernant la question de révision des documents en dépit de son caractère théorique, en raison de l’incertitude et de la confusion qui pourraient vraisemblablement découler des observations de ce juge et aussi, parce que la question peut être facilement tranchée.

 


[23]           Le dossier soumis au juge des demandes ne renferme aucun élément de preuve indiquant qu’un document quelconque visé par les demandes de production contenait des renseignements se rapportant à des tiers. La proposition de Dunwoody de retrancher pareils renseignements était tout à fait spéculative afin de parer à tout problème éventuel. Le juge des demandes a déclaré, par erreur, que Dunwoody a le droit d’expurger les documents objet des demandes de production. Il aurait dû plutôt statuer que Dunwoody n’avait pas réussi à établir un fait quelconque au soutien de ce droit (en supposant, sans en décider, qu’un tel droit existerait).

 

[24]           Voilà qui suffit à régler, en l’espèce, la question de mise au point des documents. J’admets que cette solution laisse en suspens des questions théoriques. Ainsi, la question est discutable de savoir s’il existe un quelconque droit de réédition applicable aux documents valablement visés par une demande de production aux termes du paragraphe 231.2(1). À cet égard, la jurisprudence de la Cour suprême du Canada appuie la proposition disant qu’une demande de production n’est pas frappée de nullité du seul fait qu’elle donne lieu à la divulgation de transactions mettant en cause des personnes qui ne font pas l’objet d’enquête et qui ne sont peut-être pas assujetties à l’impôt (voir Banque canadienne du Commerce c. Procureur général du Canada (1962), 35 D.L.R. (2d) 49, page 54; James Richardson & Sons c. Ministre du Revenu national, 9 D.L.R. (4th) 1, page 7; et R. c. McKinlay Transport, [1990] 1 R.C.S. 627, paragraphe 16).

 


[25]           Si le droit d’expurger existe en théorie, la question se pose de savoir qui devrait décider de l’exercice de ce droit dans un cas déterminé : est-ce la personne visée par la demande de production, le ministre ou la Cour? Si un litige survenait plus tard au sujet du droit d’élaguer un document visé par une demande de production valide qui renferme des renseignements sur une tierce partie, mais que le ministre, pour une raison ou une autre, ne devrait pas connaître, je n’ai aucun doute que les parties s’arrangeront pour débattre la question dans une tribune appropriée. Entre-temps je préfère ne pas me prononcer sur des points qui ne sont pas soulevés en l’espèce.

 

[26]           Pour ces motifs, l’appel interjeté par le ministre est bien fondé et devrait être accueilli sous la seule réserve que les questions soulevées dans l’appel incident soient tranchées.

 

Question c) : Les demandes de production avaient-elles pour objet d’appliquer et d’exécuter la Loi au sens du paragraphe 231.2?

 

[27]           Les éléments de preuve établissent que les demandes de production ont pour objet de déterminer si les contribuables sont fondés à déduire les frais d’intérêts. De façon générale, ce droit est subordonné à la question de savoir si les conditions énoncées à l’alinéa 20(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu sont remplies et, dans la négative, si la disposition générale antiévitement, objet du paragraphe 245(2), s’applique.

 


[28]           Les contribuables font valoir que les demandes de production conduiront à communiquer des documents de planification fiscale ainsi que des renseignements sur leur intention profonde touchant les transactions qui ont donné lieu à la déduction des frais d’intérêts. Ils allèguent que le ministre ne peut vraiment pas exiger des documents de planification financière ou une preuve de l’intention subjective des contribuables en vue d’appliquer et d’exécuter la Loi de l’impôt sur le revenu, car ces questions ne sont pas pertinentes quant à l’applicabilité de l’alinéa 20(1)c) ou du paragraphe 245(2). Il m’est impossible d’accepter cet argument. La portée du paragraphe 231.2(1) n’est pas aussi restreinte que le disent les contribuables.

 

[29]           La portée du paragraphe 231.2(1) a été abordée dans un certain nombre de causes (voir R. c. McKinlay Transport, précitée, James Richardson & Sons c. Ministre du Revenu national, précitée; AGT Limited c. Procureur général du Canada, précitée; et R. c. Jarvis, 2002 D.T.C. 7547 (C.S.C.), paragraphe 51). Les principes pertinents établis par ces tribunaux affirment que l’évaluation de l’obligation fiscale d’un contribuable est un objectif lié à l’application et l’exécution de la Loi. Une demande de production est valide si les renseignements demandés peuvent se rapporter à l’évaluation de la dette fiscale du contribuable visé. C’est là un seuil peu élevé. Le paragraphe 231.2(1) accorde au ministre un pouvoir plus étendu pour obtenir des renseignements que s’il s’agissait pour lui, par exemple, de procéder à un interrogatoire préalable dans le cadre d’un appel en matière d’impôt sur le revenu.

 

[30]           À mon avis, les renseignements que le contribuable s’oppose à produire peuvent être pertinents au regard de l’évaluation de la dette fiscale en vertu de la Loi. Comme l’a dit le juge Desjardins au paragraphe 23 de la décision unanime de la Cour dans AGT Limited c. Procureur général du Canada, précitée :

[traduction] Étant donné la nature de la conduite réglementée par la Loi de l’impôt sur le revenu, il sera souvent impossible de déterminer si une personne s’est livrée à la conduite interdite sans examiner le processus par lequel une société ou une entreprise soupçonnée a pris et exécuté ses décisions.


 

 

[31]           Tout d’abord, les renseignements sur la planification fiscale peuvent faire la lumière sur l’intention des contribuables et, partant, revêtir de l’importance au regard de l’interprétation des contrats ou pour déterminer si des individus agissent sans droit de regard. En outre, ces renseignements peuvent aider à situer la question de résidence des contribuables qui est en cause en l’espèce, puisqu’il est pertinent de savoir s’ils avaient l’intention de rompre, définitivement ou temporairement, leurs attaches avec le Canada. Enfin, l’intention subjective des contribuables peut servir à déterminer si les frais d’intérêt sont déductibles ou si la disposition générale antiévitement est applicable. Le critère de l’objet est peut-être de nature concrète, mais l’intention du contribuable est sans doute un élément pertinent (voir Ludco Enterprises Ltd. c. Canada, [2001] 2 R.C.S. 1082, paragraphes 54 et 55; et Fraser Milner Casgrain c. Ministre du Revenu national, 2002 D.T.C. 7310, [2002] 4 C.T.C. 210 (C.F.P.I.)).

 


[32]           Les contribuables affirment également que les demandes de production qui visent à obtenir des renseignements au sujet des années d’imposition 1997 et 1998 ont été adressées plus de trois ans après l’avis de cotisation initial relatif à ces années et donc, après l’expiration du délai de prescription normal applicable à ces années-là. Ils soutiennent qu’ils n’ont pas besoin de produire un document quelconque exigé par les demandes de production, puisque le ministre ne peut plus établir de nouvelles cotisations pour les années en question. Je ne partage pas ce point de vue. Premièrement, les demandes de production de documents ne sont assujetties à aucun délai de prescription. En second lieu, il n’est pas établi au dossier que le ministre n’est pas en mesure de fixer de nouvelles cotisations pour 1997 et 1998. En supposant, sans conclure, que les demandes de production se rapportent uniquement à ces années-là, de nombreuses dispositions législatives autorisent le ministre à établir de nouvelles cotisations au cours des trois années qui suivent l’expiration du délai normal de prescription. D’autres exceptions législatives écartent à leur tour tout délai de prescription.

 

[33]           Enfin, les contribuables allèguent que les demandes de production de documents font fi des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (Procédure générale), DORS/90‑688a, régissant l’interrogatoire préliminaire. La seule réponse à cet argument consiste à dire qu’aucun appel en matière d’impôt sur le revenu n’a été interjeté en l’espèce. Quoi qu’il en soit, le droit du ministre d’enquêter sur les affaires d’un contribuable n’est pas nécessairement limité par l’introduction d’un appel (voir Canada c. Imperial Oil Limited et Inco Limited, 2003 CAF 289). Il se peut que le pouvoir d’enquêter soit exercé abusivement dans certaines circonstances, mais tel n’est pas le cas ici.

 

[34]           Pour les susdits motifs et d’après mon analyse, le juge des demandes a correctement statué que les demandes de production de documents avaient pour objet d’appliquer et d’exécuter la Loi.

 

Question d) : Certains des documents requis que Dunwoody a préparés dans le cadre des conseils fiscaux destinés aux contribuables étaient-ils privilégiés?

 


[35]           Cette question soulève celle de savoir si les mémorandums, les notes relatives à des conseils fiscaux et d’autres documents qui exposent ou présentent l’avis d’un expert-comptable à son client ainsi que le raisonnement ou l’analyse qui sous-tend cet avis, constituent des communications privilégiées. Si elles le sont, elles seraient soustraites, en vertu des lois canadiennes, à l’obligation de communiquer même si le sujet est pertinent au regard d’une vérification de l’impôt sur le revenu ou d’une procédure devant la Cour de l’impôt.

 

[36]           La Cour suprême du Canada a reconnu l’existence de deux sortes de privilèges légaux – un privilège « générique » et un autre qui « dépend des conditions de chaque cas » (voir R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263, paragraphe 26). Les contribuables insistent à dire que leurs communications confidentielles avec M. Butalia, une fois bien comprises, peuvent se ranger dans l’une ou l’autre de ces catégories. Ils affirment que, d’après les éléments de preuve, ils ont traité avec Dunwoody et particulièrement avec M. Butalia, en tenant pour acquis que les conseils fiscaux qu’ils recevraient étaient confidentiels. Ils allèguent que s’ils avaient su que ces conseils ne pouvaient être protégés que dans le cadre du privilège propre à l’avocat, ils n’auraient pas consulté Dunwoody sur ces questions.

 


[37]           En 1990, notre Cour a confirmé que le privilège du secret professionnel ne s’applique pas aux conseils donnés par un expert-comptable à son client en rapport avec les dispositions de la Loi sur les perquisitions et saisies (voir Baron c. Canada, [1991] 1 C.F. 688, (1990) 91 D.T.C. 5055, [1991] 1 C.C.I. 125). De l’avis des contribuables, il est temps aujourd’hui de reconnaître un privilège générique aux communications entre les experts-comptables et les clients auxquels ils donnent des conseils fiscaux dans le cadre d’une relation professionnelle, et que ce privilège devrait s’étendre à toutes les catégories de conseils fiscaux, qu’il s’agisse d’impôt sur le revenu, de taxe d’accise, de taxe sur les produits et services, de taxe de vente ou de taxe foncière. Ils font valoir que les catégories de privilèges ne sont pas immuables et qu’elles peuvent évoluer avec le temps par l’identification d’une nouvelle catégorie fondée sur des principes (voir le juge en chef Lamer dans R. c. Gruenke, précitée, paragraphe 35).

 

[38]           Je ne vois rien dans les observations des contribuables qui milite contre la décision antérieure de cette Cour dans Baron c. Canada, précitée. Le privilège du secret professionnel de l’avocat, qui est fondamental à la bonne administration de la justice, est nécessaire pour que le client puisse, à la faveur d’avis confidentiels, ester en justice pour défendre ses droits contre des réclamations indues (voir R. c. McClure, [2001] 1 R.C.S. 445, pages 457 à 459). Les avocats sont tenus par la loi et par leur code de déontologie de préserver et de protéger l’intérêt public dans l’administration de la justice (voir Fortin c. Chrétien, [2001] 2 R.C.S. 500, paragraphe 49). Les comptables, par contre, ne sont pas assujettis à ces obligations et ils ne donnent pas des avis juridiques, sinon ils contreviendraient aux lois provinciales et territoriales régissant les professions légales. D’après mon analyse, aucune considération de politique générale prépondérante ne permet d’assimiler au privilège de l’avocat les conseils obtenus de comptables.

 


[39]           Quant au privilège fondé sur les circonstances de chaque cas, la Cour suprême du Canada a statué que les principes énoncés par le professeur Wigmore dans son traité américain sur la preuve fournissent un cadre général permettant de déterminer si une communication est privilégiée ou non. Dans ce cadre, les considérations de politique et les exigences relatives à l’établissement des faits peuvent être pesées et équilibrées suivant l’importance relative qu’elles revêtent dans chaque cas. Par conséquent, il y aurait toujours lieu d’aborder la question du privilège fondé sur les circonstances de chaque cas en s’appuyant sur des principes et en tenant compte de chacun des quatre critères et des circonstances particulières à chaque cas (voir R. c. Gruenke, précitée, paragraphe 35).

 

[40]           Les quatre critères de Wigmore sont les suivants :

a)             Les communications doivent avoir été transmises confidentiellement avec l’assurance qu’elles ne seront pas divulguées.

 

 

b)             Le caractère confidentiel doit être un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties.

 

 

c)             Les rapports doivent être de la nature de ceux qui selon l’opinion de la collectivité doivent être entretenus assidûment.

 

 

d)             Les préjudices que subiraient les rapports par la divulgation des communications doivent être plus considérables que l’avantage à retirer d’une juste décision.

 

 

(voir John Henry Wigmore, Evidence in Trials at Common Law, vol. 8. (Boston : Little, Brown, 1961), page 527.)

 


[41]           En discutant du premier critère de Wigmore, la Cour suprême du Canada s’est prononcée en ces termes : « il est absolument crucial que l’on s’attende à ce que les communications soient confidentielles. Sans cette expectative de caractère confidentiel, le privilège n’a pas de raison d’être » (voir R. c. Gruenke, précitée, paragraphe 39). Bien qu’un comptable agréé soit tenu, en vertu des lois et de son code de déontologie, d’assurer le caractère confidentiel de ses communications avec ses clients, il sait, ou est censé savoir, que ce caractère confidentiel est limité par le pouvoir du ministre d’exiger la divulgation. Par conséquent, Dunwoody et les contribuables ne se sont pas acquittés du fardeau qui leur incombe de prouver que les rapports en cause étaient censés être suffisamment confidentiels pour satisfaire au premier critère de Wigmore.

 

[42]           De même, les contribuables n’ont pas démontré que le caractère confidentiel était un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant de leur relation avec M. Butalia de façon à répondre au deuxième critère de Wigmore. Le caractère confidentiel peut être souhaité, comme il en va pour tous les rapports personnels et professionnels, mais ceux dont il s’agit en l’occurrence ne dépendaient pas, pour exister, de l’élément de confidentialité. En fait, la preuve indique que si M. Kitsch avait cru qu’aucun caractère confidentiel n’entrait en ligne de compte, il se serait malgré tout adressé au même cabinet d’experts-comptables pour obtenir des conseils en matière d’affaires ou de finances.

 

[43]           De plus, les contribuables n’ont pas démontré que leurs rapports avec les comptables fiscalistes étaient de ceux qui, selon l’opinion de la collectivité, doivent être assidûment entretenus au point de bénéficier d’un privilège. Bien que le caractère confidentiel soit préférable, la relation entre un expert-comptable et son client n’est pas aussi fondamentale pour la société et l’administration de la justice que l’est la relation d’un avocat avec le sien.

 


[44]           Les rares situations où la portée d’un privilège en fonction de chaque cas a été étendue à certaines communications bien précises avaient trait aux relations de médecins avec leurs patients, de thérapeutes en matière d’agression sexuelle et de membres du clergé. Ces relations sont assidûment entretenues au point de bénéficier éventuellement d’un privilège dans certaines circonstances bien définies. La raison en est bien simple. La société canadienne attache une bien plus grande valeur à l’intégrité physique, mentale et spirituelle d’une personne qu’à sa fortune. Il est établi que le fait de dissuader quelqu’un de consulter un médecin, un thérapeute en matière d’agression sexuelle ou un membre du clergé peut causer un préjudice et des souffrances inutiles. Ce qui peut arriver de pire à une personne qu’on décourage de prendre conseil au sujet de l’impôt sur le revenu, c’est de rater une occasion d’épargner de l’impôt, ce qui est peut-être regrettable, mais qui ne menace en rien son bien-être physique, mental et spirituel.

 


[45]           Considérant le quatrième critère de Wigmore, il faut déterminer si l’intérêt qu’il y a à soustraire des communications à la divulgation l’emporte sur celui de connaître la vérité et de bien trancher le litige (voir M.(A.) c. Ryan, [1997] 1 R.C.S. 157, paragraphes 16 et 31). L’évaluation du préjudice que subit la relation, comparé à l’avantage que présente le règlement correct d’une affaire, met en jeu des considérations de politique publique. Comme l’a conclu le juge en chef McLachlin, à ce stade de l’analyse, une injustice éventuelle ne devrait pas être acceptée pour prix de l’extension du privilège de non-communication. Il est vrai que les catégories de privilège traditionnelles comportent nécessairement ce risque d’injustice. Cela ne veut pas dire qu’en se fondant sur de nouveaux privilèges, « les tribunaux devraient tolérer à la légère l’accroissement de leur portée ». (M.(A.) c. Ryan, précitée, paragraphe 32). Le préjudice éventuel résultant de la divulgation de renseignements contestés a été décrit au paragraphe 30 de ce jugement comme :

[perpétuant] le désavantage que ressentent les victimes d’agression sexuelle qui sont souvent des femmes. La nature intime de l’agression sexuelle accentue les craintes que la victime éprouve au sujet de sa vie privée et est susceptible d’augmenter la difficulté d’obtenir réparation... La victime d’une agression sexuelle est alors défavorisée par rapport à la victime d’un autre méfait.... Elle est alors pénalisée doublement, d’abord par l’agression sexuelle elle-même, ensuite par le prix qu’elle doit payer pour demander réparation – une réparation qui, dans certains cas, peut faire partie de son programme de thérapie.

 

 

La Cour a entériné, néanmoins, la divulgation de tous les documents à l’exception des notes personnelles d’un individu qui ne serait pas appelé à témoigner à l’instance et dont l’opinion est sans objet. La revendication infructueuse du privilège illustre, dans ce cas-là, le seuil élevé du préjudice nécessaire pour l’emporter sur l’avantage à retirer d’une juste décision.

 

[46]           Les contribuables n’ont pas prouvé qu’un préjudice d’ordre public surviendrait si les communications avec leurs comptables continuent de faire l’objet d’examen par le ministre. D’innombrables relations entre des comptables et leurs clients se sont pleinement déroulées dans le passé, nonobstant la possibilité pour le ministre de revoir leurs communications. Quel que soit le préjudice d’ordre public que craignent les contribuables, il n’a pas fait obstacle au maintien complet et satisfaisant de telles relations, malgré le pouvoir d’examen du ministre. Si la perspective d’un privilège au cas par cas devait hanter les communications entre les comptables et leurs clients, le préjudice au regard de la vérification et de l’application de la Loi serait considérable et l’emporterait sur tout autre, s’il en est, que subiraient de telles relations. Dans l’ensemble, il ressort de mon analyse que, tout bien pesé, la divulgation est dans l’intérêt du public.


 

[47]           Les communications en litige dans les présents appel et appel incident ne répondent à aucun des quatre critères de Wigmore et ne sont donc pas protégées par un privilège au cas par cas. Le juge des demandes a correctement statué que les documents requis par les demandes de production ne bénéficient ni d’un privilège générique ni d’un privilège au cas par cas.

 

[48]           L’attention de la Cour a été appelée sur le fait que, depuis le 22 juillet 1998, les États‑Unis, en application du I.R.C. § 7525 (1986), ont accordé un privilège générique aux fiscalistes fédéraux agréés en ce qui concerne les conseils fiscaux qu’ils donnent à leurs clients. Mis à part les affaires criminelles, la portée de ce privilège, lorsqu’il met en cause soit le Internal Revenue Service, soit les causes portées devant la Cour fédérale des États-Unis, est la même que celle du privilège qui régit les relations avocat-client. Bien que ce soit là une question de politique, elle n’a aucune incidence sur nos travaux. En outre, la teneur de la Loi prouve, à n’en pas douter, qu’il est préférable de laisser au Parlement le soin d’édicter cette catégorie de privilèges pour les comptables.

 

[49]           L’appel incident devrait être rejeté avec dépens. L’appel devrait être accueilli avec dépens, l’ordonnance du juge des demandes, datée du 3 septembre 2002, devrait être infirmée et la demande de contrôle judiciaire, rejetée avec dépens.

 

                                                                                       « B. Malone »      

                                                                                                     Juge           

 

« Je souscris aux présents motifs.


Gilles Létourneau, juge »

 

« Je souscris aux présents motifs.

K. Sharlow, juge »

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

 

Martine Guay, LL.L.


                             COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :               A-555-02

 

INTITULÉ :              Ministre du Revenu national c. Bruce Kitsch et al

                                                     

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 24 juin 2003

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        Le juge Malone

 

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     Le juge Létourneau

                                      Le juge Sharlow

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 22 juillet 2003

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Robert Carvalho et                                                  POUR L’APPELANT

M. Ron Wilhelm

 

M. Joel Nitikman                                              POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

M. Morris Rosenberg                                       POUR L’APPELANT

Sous-procureur général du Canada

 

Fraser Milner Casgrain s.r.l.                                          POUR LES  INTIMÉS                    

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

 


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