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Date : 20040129

Dossier : A-166-03

Référence : 2004 CAF 47

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LA JUGESHARLOW

LE JUGEMALONE

ENTRE :

                                                      MARIE-CLAUDE BOUCHER

                                                                                                                                              appelante

                                                                             et

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                  intimée

                       Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 27 janvier 2004

                       Jugement rendu à Vancouver (Colombie-Britannique), le 29 janvier 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                        LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                      LES JUGES ROTHSTEIN ET MALONE


Date : 20040129

Dossier : A-166-03

Référence : 2004 CAF 47

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LA JUGE SHARLOW

LE JUGEMALONE

ENTRE :

                                                      MARIE-CLAUDE BOUCHER

                                                                                                                                              appelante

                                                                             et

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                  intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]                Il s'agit de l'appel d'un jugement de la Cour canadienne de l'impôt qui rejetait l'appel interjeté par Marie-Claude Boucher à l'encontre d'une cotisation fiscale établie pour l'année d'imposition 1990. Le jugement de la Cour canadienne de l'impôt est publié : Boucher c. Canada, [2003] 3 C.T.C. 2059, 2003 D.T.C. 314.


[2]                Je résume les faits pertinents comme suit. En 1990, Mme Boucher travaillait pour la société W.C.I. Wood Conversion Inc., qui appartenait à son beau-frère. La preuve présentée devant la Cour canadienne de l'impôt a permis d'établir qu'en 1990, Mme Boucher a reçu de W.C.I. des paiements dont le total était de 213 072 $. Ces paiements apparaissaient dans un feuillet T4A selon lequel aucun montant n'avait été retenu au titre de l'impôt sur le revenu.

[3]                Mme Boucher n'a pas contesté avoir reçu 213 072 $ de W.C.I. en 1990. Cependant, quand elle a fait sa déclaration de revenus, elle a déclaré ce montant comme étant des revenus de dividendes. Elle a fait valoir qu'à ce moment-là, elle était actionnaire de la société W.C.I. et que les paiements reçus étaient en fait des dividendes, de sorte qu'elle avait droit à un crédit d'impôt pour dividendes, crédit qu'elle a d'ailleurs réclamé dans sa déclaration de revenus.

[4]                Mme Boucher prétend être actionnaire de W.C.I., prétention que la Cour de justice de l'Ontario a rejetée par jugement en 1998. Il ne fait aucun doute que les 213 072 $ qu'elle a reçus de W.C.I. étaient un revenu d'emploi et qu'elle n'avait pas droit à un crédit d'impôt pour dividendes. Sa cotisation a été établie suivant les critères applicables à des revenus d'emploi.

[5]                Devant la Cour canadienne de l'impôt, Mme Boucher a témoigné que pendant l'année d'imposition 1990, elle était la dirigeante de W.C.I. et que les retenues sur la paie faisaient partie de ses responsabilités. Elle a précisé que son revenu effectif provenant de W.C.I. était de 414 617 $ et qu'elle avait fait en sorte que, non seulement les 213 072 $ lui soient versés, mais aussi que 201 545 $ soient retenus pour fins d'impôt. Ainsi, les 213 072 $ représentaient son revenu d'emploi net et non son revenu d'emploi brut.


[6]                Aucune preuve documentaire n'a été soumise à la Cour canadienne de l'impôt à l'appui du témoignage de Mme Boucher. Pour des raisons que je n'ai pas besoin de répéter, le juge de la Cour canadienne de l'impôt a conclu que Mme Boucher n'était pas un témoin crédible. L'évaluation défavorable de sa crédibilité est justifiée au vu du dossier. Puisque le témoignage de l'appelante était l'unique élément de preuve que l'impôt avait été retenu, le juge de la Cour canadienne de l'impôt a conclu qu'en fait, aucun impôt n'avait été retenu. Le dossier ne démontre aucune erreur dans cette conclusion de fait.

[7]                Cependant, cela ne veut pas dire pour autant que l'appel doive être rejeté. Le problème que pose le jugement en appel est que le Parlement n'a pas donné à la Cour canadienne de l'impôt le pouvoir de se prononcer sur la question que Mme Boucher cherchait à faire trancher, à savoir si l'impôt avait été retenu à la source de sorte qu'il devrait être imputé à sa dette fiscale.

[8]                À mon avis, Mme Boucher a fait la même erreur que la demanderesse dans l'arrêt Neuhaus c. Canada, [2003] 2 C.T.C. 177, 2003 D.T.C. 5469 (F.C.A.). S'exprimant au nom de la Cour, le juge Marc Noël a affirmé ce qui suit dans les motifs du jugement qu'il a prononcés dans cette affaire (aux paragraphes 4 à 6) :


[4] Or, en l'occurrence, la demanderesse ne recherche pas l'annulation ou la modification des cotisations en litige. Elle prétend plutôt que les impôts tels que cotisés par le Ministre ont déjà été payés par voie de retenue à la source (voir l'article 227 (9.4) qui rend inter alia l'employeur responsable des impôts dus par un employé jusqu'à concurrence des montants retenus à même le salaire et non remis). Dans ces circonstances, c'est à bon droit que la première juge s'est déclarée sans juridiction et c'est donc à tort qu'elle s'est penchée sur le fond du litige.

[5] Le problème soulevé par la demanderesse en est un de recouvrement. À cet égard, l'article 222 confère compétence à la Cour fédérale en ces termes :

Tous les impôts, intérêts, pénalités, frais et autres montants payables en vertu de la présente loi sont des dettes envers Sa Majesté et recouvrables comme telles devant la Cour fédérale [...]

All taxes, interest, penalties, costs and other amounts payable under this Act are debts due to Her Majesty and recoverable as such in the Federal Court ...

[6] Dans la mesure où la demanderesse prétend avoir déjà payé les impôts qu'on lui réclame, elle pourra faire valoir ses droits devant la Cour fédérale lorsque le Ministre tentera de recouvrer les sommes qu'il considère exigibles. Nous tenons à souligner que dans l'affaire Suermondt c. La Reine, récemment décidée par notre Cour (2001 D.T.C. 5389), la question de juridiction n'avait pas été soulevée.

[9]                On ne saurait reprocher à Mme Boucher d'avoir agi comme elle l'a fait. La Cour canadienne de l'impôt a rendu des décisions contradictoires précisément sur ce point. Mme Boucher a fait remarquer que, dans l'arrêt Suermondt c. Canada, 2001 D.T.C. 5389 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale avait implicitement accepté que la Cour canadienne de l'impôt avait juridiction sur les causes comme celle-ci. Cependant, plus récemment, dans l'affaire Neuhaus (précitée), la Cour d'appel fédérale a fait valoir que la question de la juridiction n'avait pas été soulevée dans l'arrêt Suermondt. Cela implique manifestement que si la question de la juridiction avait été soulevée dans l'affaire Suermondt, le résultat dans cette affaire aurait été différent.


[10]            Oralement, Mme Boucher a expliqué à notre Cour qu'elle avait d'abord essayé d'aborder la question en introduisant une instance devant la Cour fédérale, mais que les documents soumis avait été refusés au motif que la question relevait de la Cour canadienne de l'impôt. Si tel est le cas, c'est bien dommage. Cependant, cela ne change rien au fait que le Parlement n'a pas investi la Cour canadienne de l'impôt du pouvoir de trancher un différend qui porte sur la question de savoir si l'impôt a été retenu à la source pour certains paiements.

[11]            La seule réparation possible est d'accueillir le présent appel, d'annuler le jugement de la Cour canadienne de l'impôt et de le remplacer par un jugement qui annule l'appel à la Cour canadienne de l'impôt. Dans les circonstances, Mme Boucher devrait avoir droit à ses dépens devant notre Cour et devant la Cour canadienne de l'impôt.

        « Karen R. Sharlow »       

         Juge

_ Je souscris aux présents motifs

Marshall E. Rothstein, juge »

_ Je souscris aux présents motifs

B. Malone, juge »

Traduction certifiée conforme

Josette Noreau, B.Trad.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     A-166-03

Appel du jugement en date du 27 février 2003 rendu par le juge Gordon Teskey dans le cadre d'une instance de la Cour canadienne de l'impôt dans le dossier no 2000-4106(IT)G

INTITULÉ :                                                    MARIE-CLAUDE BOUCHER

c.

SMR

                                                                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 27 JANVIER 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                         LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                      LES JUGES ROTHSTEIN ET MALONE

DATE DES MOTIFS :                                   LE 29 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

Marie-Claude Boucher

POUR L'APPELANTE

(pour son propre compte)

Michael Taylor

Ministère de la Justice

POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Marie-Claude Boucher

Cobble Hill (Colombie-Britannique)

POUR L'APPELANTE

(pour son propre compte)

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

POUR L'INTIMÉE


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