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Date : 20040405

Dossier : A-327-03

Référence : 2004 CAF 149

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NOËL

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                           TRANSCANADA PIPELINES LIMITED

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

L'OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE, L'ASSOCIATION

CANADIENNE DES PRODUCTEURS PÉTROLIERS, CENTRA GAS MANITOBA INC., CORAL ENERGY CANADA INC., L'ASSOCIATION DES CONSOMMATEURS INDUSTRIELS DE GAZ, MIRANT CANADA ENERGY MARKETING, LTD., et

LE MINISTRE DE L'ÉNERGIE DE L'ONTARIO

                                                                                                                                                intimés

                                    Audience tenue à Toronto (Ontario), le 16 février 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                            LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                 LE JUGE NOËL

                                                                                                                         LA JUGE SHARLOW


Date : 20040405

Dossier : A-327-03

Référence : 2004 CAF 149

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NOËL

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                           TRANSCANADA PIPELINES LIMITED

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

L'OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE, L'ASSOCIATION

CANADIENNE DES PRODUCTEURS PÉTROLIERS, CENTRA GAS MANITOBA INC., CORAL ENERGY CANADA INC., L'ASSOCIATION DES CONSOMMATEURS INDUSTRIELS DE GAZ, MIRANT CANADA ENERGY MARKETING, LTD., et

LE MINISTRE DE L'ÉNERGIE DE L'ONTARIO

                                                                                                                                                intimés

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROTHSTEIN

INTRODUCTION

[1]                Il s'agit d'un appel d'une décision rendue au mois de février 2003 par l'Office national de l'énergie (RH-R-1-2002 ) conformément à l'autorisation accordée par la présente cour en vertu de l'article 22 de la Loi sur l'Office national de l'énergie, L.R.C. 1985, ch. N-7.


[2]                L'appel soulève deux questions. En premier lieu, il s'agit de savoir si l'Office national de l'énergie (l'Office) a commis une erreur en tenant compte des intérêts du client ou du consommateur lorsqu'il a fixé le taux de rendement du capital qu'il permettrait au réseau canadien de transport de gaz naturel de l'appelante (le réseau principal) de tirer. En second lieu, il s'agit de savoir si l'Office a commis une erreur parce qu'il aurait limité son pouvoir discrétionnaire en refusant de déroger au mécanisme de rajustement automatique qu'il avait utilisé pour établir le taux de rendement des capitaux propres du réseau principal.

[3]                Pour bien comprendre les questions ici en cause, il faut d'abord expliquer le contexte et faire l'historique procédural ayant donné lieu à la décision du mois de février 2003.

LE CONTEXTE

[4]                L'Office national de l'énergie réglemente les pipelines interprovinciaux de transport de gaz naturel. L'Office considère le réseau principal comme un pipeline faisant partie du Groupe 1. Les pipelines du Groupe 1 sont des pipelines importants qui font régulièrement l'objet d'une vérification de la part de l'Office et dont l'Office surveille continuellement les résultats d'exploitation.


[5]                L'Office réglemente les droits exigés pour le transport du gaz naturel sur le réseau principal en se fondant sur le coût du service. Cela veut dire que pour une période future, appelée une année d' « essai » , l'Office, en se fondant sur la preuve dont il dispose, estime les coûts que le réseau principal engagera. Les droits que l'Office permet au réseau principal d'exiger de ses clients sont destinés à générer des recettes suffisantes pour recouvrer les coûts autorisés tout en imputant d'une façon équitable les frais aux usagers à l'égard des coûts et avantages de différents services. Le coût du capital du réseau principal est inclus dans le coût du service et constitue de fait le principal élément des coûts du réseau principal.

[6]                Le coût du capital d'un service public correspond au rendement global que les investisseurs doivent obtenir à l'égard de leurs placements afin de garder leurs capitaux investis dans le service public et d'investir de nouveaux capitaux dans ce service public. Ce rendement est obtenu sous la forme d'intérêts sur les titres d'emprunt ainsi que de dividendes et d'appréciation du capital à l'égard du capital-actions. Habituellement, ce rendement est défini comme étant le taux de rendement que les investisseurs exigent à l'égard de leurs placements dans des titres d'emprunt ou dans le capital-actions.

[7]                Le taux de rendement des titres d'emprunt ne suscite habituellement pas de controverse. Il est normalement composé du taux d'intérêt moyen pondéré pour l'année d'essai sur la dette non amortie à long terme du service public. D'autre part, le taux de rendement du capital-actions prête souvent à controverse et fait l'objet de maints débats entre les témoins-experts.


[8]                Alors que le taux d'intérêt payable sur les titres d'emprunt peut être directement observé, le taux de rendement du capital-actions ne peut pas être déterminé à l'avance avec exactitude. Les experts emploient diverses méthodes pour estimer le taux de rendement du capital-actions exigé par les investisseurs. La méthode adoptée par l'Office est la méthode de la prime de capital-risque, par laquelle l'Office estime un taux hors risque fondé sur les taux des obligations du gouvernement et ajoute une prime de risque afin de tenir compte du risque associé à un placement dans le capital-actions d'une société pipelinière « témoin » .

[9]                Une fois que les taux de rendement distincts liés aux titres d'emprunt et au capital-actions sont établis, ils sont réunis en un seul taux de rendement composé du capital, fondé sur les montants relatifs de la dette et des capitaux propres dans la structure du capital du service public. Afin de tenir compte des divers niveaux de risque des sociétés pipelinières, l'Office établit la structure du capital de chaque société pipelinière, c'est-à-dire les portions relatives de la dette et des capitaux propres nécessaires pour financer les actifs acquis avec prudence et le fonds de roulement, en se fondant sur la preuve fournie par les experts. Plus le risque attribué à chaque société pipelinière est élevé, plus la composante capitaux propres de la structure du capital doit être importante, et ce, parce que les personnes qui investissent leurs capitaux dans des obligations, qui sont plus réfractaires au risque que celles qui investissent leurs capitaux dans les capitaux propres, ne prêtent pas d'argent à une entreprise à moins que les capitaux propres investis dans l'entreprise ne soient suffisants pour leur permettre de croire qu'elles pourront recouvrer, à l'aide des actifs de l'entreprise, les capitaux investis en cas de défaut.


[10]            Par exemple, à supposer que le taux de rendement requis des titres d'emprunt soit de 5 p. 100, que le taux de rendement requis à l'égard du capital-actions soit de 10 p. 100 et que la structure du capital du service public, telle qu'elle est déterminée par l'Office, soit composée à 60 p. 100 de la dette et à 40 p. 100 des capitaux propres, le taux de rendement composé du capital serait le suivant : 5 % x 0,60 + 10 % x 0,40 = 7 %.

[11]            On multiplie ensuite le taux de rendement composé du capital par une base tarifaire fondée sur la détermination par l'Office, selon sa réglementation comptable, de la valeur comptable nette des actifs prudemment acquis du service public ainsi que du fonds de roulement. En multipliant le taux de rendement exigé par les investisseurs par cette base tarifaire, on obtient le montant total du rendement requis par les investisseurs, exprimé en dollars. Le produit est l'équivalent du coût du capital estimatif du service public pour l'année d'essai. On ajoute ce coût à tous les autres coûts pour obtenir le coût total du service. On répartit ensuite le total entre les clients du service public.


[12]            Même si le coût du capital est peut-être plus difficile à estimer que certains autres coûts, il s'agit d'un coût réel que le service public doit pouvoir recouvrer à l'aide de ses recettes. Si l'Office ne permet pas au service public de recouvrer le coût du capital, ce dernier ne sera pas en mesure d'obtenir de nouveaux capitaux ou de procéder à un refinancement puisqu'il ne pourra pas offrir aux investisseurs le même taux de rendement que celui qui s'applique aux autres placements comportant un risque similaire. De plus, les actionnaires existants insisteront pour que les bénéfices non répartis ne soient pas réinvestis dans le service public.

[13]            À long terme, une entreprise réglementée qui ne peut pas recouvrer son coût du capital, tant pour ce qui est de la dette que des capitaux propres, ne pourra pas accroître ses activités ou même continuer à exercer ses activités existantes. Elle mettra éventuellement fin à ses activités, ce qui nuira non seulement aux actionnaires mais aussi aux clients qu'elle ne sera plus en mesure de servir. Les répercussions pour les clients et en fin de compte pour les consommateurs seront encore plus sérieuses s'il n'y a pas suffisamment de concurrence sur le marché pour qu'un service de rechange adéquat soit assuré.

HISTORIQUE PROCÉDURAL

[14]            En 1994, l'Office a tenu une audience publique portant sur le coût du capital de certains pipelines du Groupe 1, dont le réseau principal. L'audience visait à permettre de fixer le coût du capital lié à ces pipelines à compter du 1er janvier 1995 et à établir, si possible, un mécanisme automatique permettant de rajuster le taux de rendement du capital-actions dans l'avenir afin d'éviter les frais d'un litige portant sur les modifications annuelles ou bisannuelles apportées au taux de rendement du capital-actions.


[15]            À la suite de cette instance, l'Office a fait connaître les motifs de sa décision (RH-2-94) au mois de mars 1995; il a fixé à 12,25 p. 100 le taux de rendement du capital-actions du réseau principal pour l'année d'essai 1995 en se fondant sur une structure présumée du capital composée à 70 p. 100 de la dette et à 30 p. 100 des capitaux propres. La structure présumée du capital établie par l'Office ne prévoyait pas expressément de capital-actions privilégié. Par conséquent, lorsqu'il sera question de capitaux propres ou capital-actions on entendra le capital-actions ordinaire.

[16]            L'Office a également établi un mécanisme de rajustement selon lequel le taux de rendement du capital-actions serait rajusté le 1er janvier de l'année 1996 et de chaque année civile subséquente. Ce mécanisme était fondé sur la méthode de la prime de capital-risque par laquelle :

1.          un taux de rendement hors risque des obligations (du gouvernement du Canada) était prévu pour l'année à venir;

2.          de ce taux de rendement prévu des obligations, on soustrayait le taux de rendement prévu des obligations utilisé pour l'année précédente;

3.          on multipliait la différence par 0,75 pour déterminer le rajustement à apporter au taux de rendement du capital-actions;

4.          le produit, à l'étape 3, était ajouté au taux de rendement du capital-actions déterminé par l'Office pour l'année précédente ou était déduit de ce taux;

5.          la somme obtenue à l'étape 4 était arrondie aux 25 points de base près (un centième de un pour cent).


[17]            Le taux de rendement du capital-actions du réseau principal a été rajusté selon cette formule en 1996 et au cours des années subséquentes, mais en 1997, l'Office a cessé d'arrondir les chiffres, c'est-à-dire qu'il a abandonné l'étape 5 susmentionnée.

[18]            En 2001, l'appelante avait conclu que l'application de la formule sous-estimait le taux de rendement requis du capital. Aux termes du paragraphe 21(1) de la Loi sur l'Office national de l'énergie, elle a donc demandé [traduction] « la révision et la modification [de la décision rendue en 1995] afin que soit fixé un rendement équitable pour TransCanada pour les années 2001 et 2002 » . Le paragraphe 21(1) est ainsi libellé :

21. (1) Sous réserve du paragraphe (2), l'Office peut réviser, annuler ou modifier ses ordonnances ou décisions, ou procéder à une nouvelle audition avant de statuer sur une demande.

21. (1) Subject to subsection (2), the Board may review, vary or rescind any decision or order made by it or rehear any application before deciding it.

[19]            L'appelante a soutenu que l'Office devait approuver une nouvelle méthode afin de déterminer le coût du capital du réseau principal - la méthode du coût du capital moyen pondéré net d'impôt (CCMPNI). Elle a subsidiairement déclaré que si la méthode du CCMPNI n'était pas retenue, le taux de rendement requis du capital-actions du réseau principal devrait être de 12,5 p. 100 pour les années 2001 et 2002 et que, compte tenu du risque, la composante présumée des capitaux propres de la structure du capital du réseau principal devait être portée à 40 p. 100.

[20]            À la suite des observations de l'appelante, l'Office a tenu une audience aux mois de février, de mars et d'avril 2002. Les questions soulevées à l'audience sont ci-après énoncées :


1.              Est-ce que la formule du taux de rendement du capital-actions ordinaire (RCO) que l'Office a établie suivant sa décision RH-2-94 convient toujours pour déterminer le RCO de TransCanada?

2.              Est-ce que la méthode du coût du capital moyen pondéré net d'impôt (CCMPNI) constitue une méthode de réglementation convenable pour déterminer le coût du capital?

3.              Si l'Office décidait d'adopter la méthode du CCMPNI, quel CCMPNI conviendrait dans le cas de TransCanada?

4.              Si l'Office décidait d'adopter la méthode du CCMPNI et s'il est établi que la formule du RCO n'est plus convenable :

a)              Quelle méthode serait convenable pour la détermination du capital et de la structure du capital de TransCanada?

b)              Si la méthode établie ci-dessus était appliquée, quel rendement sur le capital et quelle structure du capital conviendrait-il d'autoriser pour TransCanada?

5.              Quelle devrait être la date d'entrée en vigueur des changements au coût du capital de TransCanada? (RH-4-2001, pages 4 et 5).

[21]            Dans les motifs de la décision qu'il a rendue au mois de juin 2002 (RH-4-2001), l'Office :

1.          a rejeté la proposition relative au CCMPNI que l'appelante avait avancée;

2.          a conclu que le taux de rendement du capital-actions du réseau principal devait continuer à être fondé sur la formule de rajustement établie dans la décision de 1995;

3.          a augmenté la composante présumée des capitaux propres de la structure du capital du réseau principal en la portant de 30 à 33 p. 100 afin de tenir compte du risque commercial accru.


[22]            Par une demande présentée à l'Office le 16 septembre 2002, l'appelante a demandé la révision et la modification de la décision rendue en 2002. Cette demande était également fondée sur le paragraphe 21(1).

[23]            L'article 44 des Règles de pratique et de procédure de l'Office national de l'énergie, 1995, DORS/95-208 énonce les exigences applicables aux demandes de révision. Le paragraphe 44(2) prévoit ce qui suit :

44 (2) La demande de révision ou de nouvelle audition contient les éléments suivants :

[...]

44 (2) An application for review or rehearing shall contain

...

b) les motifs que le demandeur juge suffisants pour mettre en doute le bien-fondé de la décision ou de l'ordonnance, s'il s'agit d'une demande de révision, [...] notamment :

(b) the grounds that the applicant considers sufficient, in the case of an application for review, to raise a doubt as to the correctness of the decision or order ... including

(i) une erreur de droit ou de compétence,

[...]

(i) any error of law or of jurisdiction,

...

[24]            Dans la décision qu'il a rendue au mois de février 2003 à la suite de la demande de révision et de modification (RH-R-1-2002), l'Office a conclu que l'appelante n'avait pas mis en doute le bien-fondé de la décision de 2002 et il a rejeté la demande.

[25]            L'appelante a obtenu l'autorisation d'interjeter appel devant la Cour de la décision rendue par l'Office en 2003.


ANALYSE

1. Norme de contrôle et approche à adopter à l'égard de la décision portée en appel

[26]            Étant donné qu'il a été conclu que l'appel doit être rejeté, il n'est pas nécessaire de procéder à une analyse approfondie de la norme de contrôle. Même selon la norme de contrôle la plus envahissante (à savoir celle de la décision correcte), il n'a pas été démontré que l'Office avait commis une erreur de droit.

[27]            La question de savoir dans quelle mesure la Cour doit tenir compte de la décision rendue par l'Office en 2002, laquelle n'a pas été portée en appel, se pose également. Normalement, la Cour doit s'en tenir à l'examen de la décision visée par l'appel. Toutefois, lorsqu'il s'agit de savoir si l'Office a commis une erreur ou est arrivé à un résultat déraisonnable ou manifestement déraisonnable en concluant, dans la décision rendue en 2003, que l'appelante n'avait pas mis en doute le bien-fondé de la décision rendue en 2002, il faut tenir compte, dans une certaine mesure du moins, de cette décision antérieure. Au lieu de m'enliser dans les subtilités de la question de la portée de l'examen judiciaire, je suis convaincu, même s'il est tenu compte sans restriction des décisions rendues en 2002 et en 2003, que l'Office n'a pas commis d'erreur de droit dans l'une ou l'autre de ces décisions.


2. L'Office a-t-il commis une erreur en tenant compte des intérêts du client ou du consommateur lorsqu'il a déterminé le taux de rendement du capital du réseau principal?

[28]            À titre préliminaire, l'appelante a fait une distinction entre ses clients et les consommateurs ultimes. Or, cette distinction n'est pas pertinente pour les besoins de la présente décision. Selon l'appelante, le rendement du capital du réseau principal devrait être déterminé uniquement dans l'optique du réseau principal, sans qu'il soit tenu compte des autres intérêts, qu'il s'agisse de ceux des clients directs ou des consommateurs ultimes.

a) L'Office n'est pas tenu d'adopter une méthode précise en déterminant les droits

[29]            La Loi sur l'Office national de l'énergie ne renferme aucune disposition ou directive obligeant l'Office à déterminer le taux de rendement du capital d'une société pipelinière. La Loi exige uniquement que « [t]ous les droits [soient] justes et raisonnables » . Le paragraphe 60(1) et l'article 62 se lisent comme suit :

60. (1) Les seuls droits qu'une compagnie peut imposer sont ceux qui sont :

60. (1) A company shall not charge any tolls except tolls that are

a) soit spécifiés dans un tarif produit auprès de l'Office et en vigueur;

b) soit approuvés par ordonnance de l'Office.

(a) specified in a tariff that has been filed with the Board and is in effect; or

(b) approved by an order of the Board.

62. Tous les droits doivent être justes et raisonnables et, dans des circonstances et conditions essentiellement similaires, être exigés de tous, au même taux, pour tous les transports de même nature sur le même parcours.

62. All tolls shall be just and reasonable, and shall always, under substantially similar circumstances and conditions with respect to all traffic of the same description carried over the same route, be charged equally to all persons at the same rate.


[30]            Le pouvoir de l'Office de déterminer des droits justes et raisonnables n'est pas limité par des directives législatives. Le pouvoir général de l'Office a été énoncé d'une façon appropriée par le juge en chef Thurlow dans l'arrêt British Columbia Hydro and Power Authority c. West Coast Transmission Company Ltd. et al., [1981] 2 C.F. 646, pages 655 et 656 (C.A.) :

Il n'existe pas de dispositions semblables dans la Partie IV de la Loi sur l'Office national de l'énergie. Aux termes de cette Partie, les droits doivent être justes et raisonnables et ne peuvent être imposés qu'en conformité avec un tarif qui a été produit auprès de l'Office et qui est en vigueur. L'Office est autorisé dans les termes les plus larges à rendre des ordonnances sur tous les sujets qui s'y rapportent. Manifestement, l'Office est autorisé à rendre des ordonnances conçues pour garantir que les droits qu'imposera une compagnie de pipeline seront justes et raisonnables. Mais son pouvoir à cet égard n'est pas entravé ni limité par des règles ou dispositions légales quant à la façon dont cette fonction doit être exercée ou l'objectif atteint. Plus particulièrement, il n'existe aucune disposition légale obligeant l'Office, lorsqu'il examine si les droits qu'une compagnie de pipeline entend imposer sont justes et raisonnables, à adopter une méthode ou un procédé de comptabilité en particulier ou précisant qu'il doive le faire en déterminant le coût du service ainsi qu'une base de tarification et en fixant un revenu équitable de celle-ci.

[31]            L'Office a adopté une méthode fondée sur le coût du service pour déterminer les droits liés au réseau principal. Devant la Cour, les avocats d'un certain nombre d'intimés ont proposé différentes méthodes afin de déterminer des droits justes et raisonnables que l'Office pourrait employer, notamment :

1.          des droits fondés sur des ententes conclues entre les sociétés pipelinières et les expéditeurs;

2.          des droits fondés sur les frais exigés par les autres sociétés pipelinières;

3.          le recours aux droits applicables à l'année de base, rajustés de façon à tenir compte de l'inflation;


4.          des droits fondés sur des mécanismes visant à encourager les services publics à être plus efficaces.

Étant donné que la Loi sur l'Office national de l'énergie ne prévoit aucune méthode particulière, l'Office aurait pu adopter une méthode différente pour déterminer des droits justes et raisonnables à l'égard du réseau principal.

b) Étant donné qu'une méthode fondée sur le coût du service a été adoptée, les coûts déterminés par l'Office doivent être justes et raisonnables tant pour le réseau principal que pour ses usagers

[32]            Dans le cas du réseau principal, l'Office a adopté une méthode fondée sur le coût du service par laquelle le réseau principal doit être dédommagé, en touchant des droits, des frais qu'il a engagés avec prudence, y compris le coût du capital et en particulier le coût des capitaux propres. Cela étant, l'Office devait déterminer minutieusement les coûts du réseau principal en se fondant sur la preuve et en faisant appel à son jugement.

[33]            Le coût des capitaux propres pour une année future ne peut pas être directement calculé et il doit donc être fondé sur des estimations. L'Office doit choisir une estimation qui permet au réseau principal d'obtenir ce qui a été appelé un [traduction] « rendement équitable » . Dans l'arrêt Northwestern Utilities Ltd. c. Edmonton (City), [1929] R.C.S. 186, pages 192 et 193, la Cour suprême a défini comme suit ce qui constitue un rendement équitable :


[traduction] Le rôle de la régie consistait à fixer des taux justes et raisonnables, c'est-à-dire des taux qui, dans les circonstances, seraient justes pour le consommateur, d'une part et, d'autre part, garantiraient à la société un rendement équitable sur le capital investi. Un rendement équitable signifie que la société pourra retirer du capital investi dans son entreprise un rendement (net) aussi élevé que celui qu'elle aurait obtenu en investissant la même somme dans d'autres placements présentant un effet d'attraction, une stabilité et un degré de certitude comparables à ceux de l'entreprise de la société.

Les droits qui représentent un rendement équitable du capital seront justes et raisonnables tant pour le réseau principal que pour ses usagers.

[34]            Autrement dit, lorsque la méthode du coût du service est employée pour déterminer des droits justes et raisonnables, si l'Office ne permet pas au réseau principal de recouvrer ses coûts parce qu'il a sous-estimé le coût des capitaux propres du réseau principal, ce dernier ne pourra pas obtenir un rendement équitable à l'égard des capitaux propres. Les droits ne seront donc pas justes et raisonnables dans l'optique du réseau principal. D'autre part, les droits doivent également être justes et équitables du point de vue des clients du réseau principal et des consommateurs ultimes qui comptent sur les services du réseau. Les clients et les consommateurs ont donc intérêt à faire en sorte que les coûts du réseau principal ne soient pas surestimés. Comme les avocats des intimés l'ont souligné, un grand nombre de questions relatives au calcul des coûts peuvent être contestées. Des questions peuvent se poser au sujet, entre autres choses, de la ventilation des coûts entre le réseau principal et d'autres divisions de l'appelante; au sujet des coûts qui ont été ou qui sont engagés avec prudence; et au sujet du caractère raisonnable des programmes d'indemnisation du réseau principal. Et, dans le cas qui nous occupe, les clients et les consommateurs ont intérêt à faire en sorte que le coût des capitaux propres du réseau principal ne soit pas surestimé.


c) L'Office n'a pas tenu compte d'une façon inappropriée des répercussions pour les clients ou les consommateurs de l'augmentation des droits destinée à refléter les coûts de l'appelante

[35]            Dans son argumentation orale, l'appelante a concédé qu'elle ne s'oppose pas à ce que ses clients interviennent dans la détermination des coûts effectuée par l'Office et en particulier la détermination du coût du capital, à condition que les questions en litige ne portent que sur les coûts du réseau principal. Toutefois, l'appelante s'oppose à ce que l'Office tienne compte des répercussions que les droits ont pour les clients et les consommateurs lorsqu'il détermine le coût des capitaux propres du réseau principal. L'appelante affirme que le taux de rendement requis du capital-actions doit être uniquement fondé sur le coût des capitaux propres du réseau principal. Les répercussions que les augmentations de droits en résultant ont pour les clients ou les consommateurs ne constituent pas une considération pertinente dans cette détermination. En fait, l'appelante concède que, lorsque les droits finaux sont fixés, les répercussions pour les clients et les consommateurs peuvent être pertinentes, mais elle affirme avec insistance que ces répercussions ne sont pas pertinentes lorsqu'il s'agit de déterminer le rendement requis du capital-actions.


[36]            Je crois que cet argument est sensé et conforme à la décision rendue par la Cour suprême dans l'arrêt Northwestern Utilities. Le coût des capitaux propres ne change pas si, du fait qu'en permettant au réseau principal de le recouvrer, il en résulte une augmentation des droits. Selon la méthode de la prime de capital-risque utilisée par l'Office, le coût des capitaux propres dépend de l'estimation du taux d'intérêt hors risque effectuée par l'Office et du niveau de risque que les investisseurs perçoivent dans la société pipelinière « témoin » . Plus le risque est élevé, plus le taux de rendement exigé par les investisseurs est élevé. Il est tenu compte du niveau de risque applicable au réseau principal au moyen des rajustements apportés à sa structure présumée du capital. Par conséquent, les répercussions que les droits ont pour les clients ou les consommateurs n'influent pas sur ce qu'il en coûte au réseau principal pour procurer ce taux de rendement à l'égard de la composante capitaux propres de sa structure présumée du capital.

[37]            L'appelante n'a pas démontré que l'Office avait tenu compte des répercussions pour les clients ou les consommateurs en déterminant le taux de rendement requis du réseau principal à l'égard du capital-actions.

[38]            Il est vrai que dans la décision qu'il a rendue en 2002, l'Office a dit ce qui suit :

Pour ce qui est de l'équilibre approprié entre les intérêts des clients et ceux des investisseurs, l'Office trouve que l'intérêt des clients, quant il est question de taux de rendement, est surtout lié à l'impact que le taux de rendement approuvé aura sur les droits. Selon l'Office, l'impact du taux de rendement sur les droits est un facteur pertinent dans la détermination d'un rendement équitable (RH-4-2001, page 12).


[39]            L'appelante déclare qu'elle ne peut pas dire si l'Office a tenu compte des répercussions pour les clients ou les consommateurs en déterminant le taux de rendement requis du réseau principal à l'égard du capital-actions. Les motifs prononcés en 2002 n'indiquent certes pas que l'Office a rajusté son estimation du taux de rendement requis à cet égard compte tenu de l'incidence de cette estimation sur les droits. En fait, l'Office a simplement appliqué la formule de rajustement automatique adoptée dans la décision qu'il avait rendue en 1995. Or, cette formule ne tient pas compte des répercussions que les droits ont pour les clients ou les consommateurs.

[40]            Il est également vrai qu'en ce qui concerne un rajustement qu'il a fait dans la structure présumée du capital du réseau principal, l'Office a dit ce qui suit dans la décision qu'il a rendue en 2002 :

À la lumière de ce qui précède, l'Office est d'avis qu'il conviendrait d'augmenter le ratio présumé du capital-actions ordinaire du réseau principal en le portant de 30 à 33 %. L'Office constate que cette augmentation occasionne une hausse annuelle du coût du service et des droits du réseau principal d'environ 2 %. L'Office a décidé que l'augmentation des droits est justifiée par le risque commercial prospectif auquel le réseau principal est exposé et qu'elle ne constituera pas un fardeau exagéré pour les expéditeurs (RH-4-2001, pages 65 et 66).

[41]            Si je comprends bien les motifs de l'Office, compte tenu du risque commercial accru auquel le réseau principal est exposé, la composante capitaux propres de la structure présumée du capital a été portée de 30 à 33 p. 100. Étant donné que le taux de rendement requis à l'égard du capital-actions était plus élevé que le taux de rendement requis à l'égard des titres d'emprunt, la chose avait pour effet d'augmenter l'estimation globale du taux de rendement requis du réseau principal à l'égard du capital, de sorte que les droits augmentaient de 2 p. 100.


[42]            L'Office a fait remarquer que l'augmentation ne constituerait pas un fardeau exagéré pour les expéditeurs, mais il n'a pas donné à entendre que l'augmentation de la composante capitaux propres de la structure présumée du capital du réseau principal était de quelque façon supprimée par des considérations liées aux répercussions que la chose aurait pour les clients ou les consommateurs. Comme je l'ai dit, rien ne montre non plus que l'Office ait déterminé un taux de rendement requis du capital-actions du réseau principal et l'ait ensuite rajusté à la baisse compte tenu des incidences que ce taux aurait sur les droits. En l'absence d'une indication dans les motifs prononcés par l'Office, rien ne permet de faire pareille supposition.

d) L'Office peut adopter des mesures temporaires pour remédier à la « perturbation tarifaire » dans la mesure où le service public recouvre finalement ses coûts


[43]            J'aimerais également soulever un autre point. Je suis d'accord avec l'appelante pour dire que les répercussions pour les clients ou les consommateurs ne peuvent pas constituer un facteur dans la détermination du coût des capitaux propres, mais toute augmentation de droits en résultant peut constituer un facteur pertinent dont l'Office tient compte en déterminant la façon dont un service public doit recouvrer ses coûts. Il se peut qu'une augmentation soit si importante qu'elle entraînerait une « perturbation tarifaire » si elle était mise en oeuvre d'un seul coup et qu'elle doive donc être échelonnée sur une certaine période. L'Office peut à juste titre prendre en compte de telles considérations, à condition qu'il n'y ait, sur une période raisonnable, aucune perte économique pour le service public. En d'autres termes, les droits échelonnés devraient indemniser le service public qui a reporté le recouvrement du coût du capital. En fin de compte, lorsqu'une méthode fondée sur le coût du service est utilisée, le service public doit recouvrer ses coûts sur une période raisonnable, et ce, indépendamment des répercussions que ces coûts peuvent avoir pour les clients ou les consommateurs (voir Hemlock Valley Electrical Services Ltd. c. British Columbia Utilities Commission et al., [1992] 12 B.C.A.C. 1, pages 20 et 21 (C.A.)). Toutefois, dans ce cas-ci, rien ne donne à entendre que l'Office ait voulu échelonner ou sous-estimer par ailleurs le coût du capital du réseau principal.

3. L'Office a-t-il limité son pouvoir discrétionnaire?

a) Arguments de l'appelante

[44]            La deuxième erreur de droit alléguée par l'appelante est que l'Office a limité son pouvoir discrétionnaire. L'appelante soutient que l'Office lui a imposé d'une façon inappropriée l'obligation de démontrer que la formule de rajustement du coût des capitaux propres qu'il a établie dans sa décision de 1995, obligation qui n'est pas énoncée dans la Loi sur l'Office national de l'énergie ou dans une décision judiciaire, devait s'appliquer à moins qu'elle ne réussisse à convaincre l'Office du contraire.

[45]            Dans son mémoire, l'appelante affirme que la lourde obligation que l'Office lui a imposée, lorsqu'il s'agit de renverser le fardeau de la preuve, a amené ce dernier à agir [traduction] « d'une façon incompatible avec l'obligation qu'il a de se montrer impartial en sa qualité de tribunal administratif » . Certains des intimés considéraient qu'il s'agissait d'une allégation de parti-pris à l'encontre de l'Office.

[46]            Dans son argumentation orale, l'appelante a ajouté que l'Office avait erronément rejeté la preuve qu'elle avait présentée ainsi que la preuve des intimés parce qu'il ne lui était pas loisible de réviser la formule de rajustement.


b) La durée prévue du mécanisme de rajustement automatique

[47]            Dans la décision qu'il a rendue en 1995, l'Office a expressément examiné « quelle procédure simplifiée devrait être mise en place en vue d'effectuer un rajustement annuel du taux de rendement de chacune des sociétés pipelinières entre les audiences sur le coût du capital » (RH-2-94, page 1). L'Office a expliqué ainsi pourquoi il cherchait à appliquer un mécanisme de rajustement automatique :

Par la tenue de cette audience, l'Office avait l'intention de mettre en place un moyen visant à rendre plus efficace la méthode de conception des droits pour l'année d'essai 1995 et les années subséquentes. Souhaitant éliminer les audiences annuelles sur le coût du capital, il jugeait qu'un mécanisme automatique de rajustement du RCO conviendrait le mieux pour assurer que les taux de rendement approuvés demeurent équitables pour toutes les parties, tout en permettant d'éviter les dépenses liées à l'examen des modifications annuelles ou bisannuelles des taux de rendement. Par conséquent, l'Office a inclus, au nombre des questions à examiner dans le cadre de l'audience, la conception et la mise en place d'un mécanisme de rajustement prédéterminé du RCO. L'objectif visé était de mener un examen détaillé du coût du capital seulement quand les marchés financiers, le contexte commercial ou la conjoncture économique en général connaîtraient des changements appréciables (RH-2-94, page 2).

[48]            Après une longue audience au cours de laquelle il a examiné les prétentions des sociétés pipelinières, des expéditeurs, des gouvernements et des autres intéressés, l'Office a établi le mécanisme de rajustement automatique par lequel le coût des capitaux propres serait déterminé. Quant à la question de savoir pendant combien de temps le mécanisme de rajustement automatique serait en vigueur, l'Office a dit ce qui suit :

L'Office ne fixe pas de durée d'application limite pour le mécanisme et ne prévoit pas réévaluer le taux de RCO dans le cadre d'une audience officielle avant au moins trois ans. L'Office a confiance que le mécanisme de rajustement adopté assurera un équilibre approprié entre les intérêts des actionnaires des sociétés pipelinières et ceux des expéditeurs (RH-2-94, page 35).


[49]            Dans la décision qu'il a rendue en 1995, l'Office a également établi une structure présumée du capital pour les pipelines du Groupe 1. Comme il en a ci-dessus été fait mention, le réseau principal était réputé avoir une structure du capital composée à 70 p. 100 de la dette et à 30 p. 100 des capitaux propres. L'Office a exprimé l'avis selon lequel sa détermination de la structure du capital s'appliquerait pendant un certain nombre d'années, mais il a ajouté qu'il était prêt à envisager de réévaluer la structure du capital si une société pipelinière, ses expéditeurs ou un autre intéressé le demandait :

L'Office s'attend aussi à ce que la structure de capital établie à la présente audience pour chaque société pipelinière soit valide pendant plusieurs années. L'Office envisagera la possibilité de réévaluer les structures de capital, probablement sur une base individuelle, si la structure de capital d'une société, l'organisation de l'entreprise ou les fondements financiers de celle-ci changent sensiblement. L'Office ne privilégie pas les réévaluations routinières de la structure de capital. C'est pour ces raisons que l'Office n'a fixé aucune date précise ni aucun critère pour la réévaluation des structures de capital. Pour les raisons indiquées ci-dessus, toute réévaluation de la structure de capital doit se faire à la demande de la société pipelinière, de ses expéditeurs ou d'une autre partie intéressée. Le cas échéant, il reviendra à l'Office d'évaluer le bien-fondé de cette requête (RH-2-94, pages 35 et 36).

[50]            L'Ordonnance TG/TO-1-95 de l'Office, par laquelle il était donné suite à la décision de 1995, établissait la structure présumée du capital du réseau principal et exigeait que le coût des capitaux propres du réseau principal pour l'année 1996 et les années subséquentes soit déterminé au moyen de l'application de la formule de rajustement. L'ordonnance ne prévoyait aucun délai d'exécution et elle continue donc à s'appliquer tant qu'elle ne sera pas révisée ou modifiée par l'Office.


c) L'appelante avait l'obligation de démontrer que le mécanisme de rajustement automatique ne devrait plus s'appliquer

[51]            L'Office a appliqué chaque année son mécanisme de rajustement automatique jusqu'en 2001, année au cours de laquelle l'appelante a présenté sa demande en vue d'obtenir un taux de rendement équitable et a cherché à obtenir la révision et la modification de la décision de 1995 ainsi que l'adoption d'une nouvelle méthode permettant de déterminer son coût du capital.

[52]            La position prise par l'appelante semble être que, lorsqu'elle a présenté sa demande en vue d'obtenir un taux de rendement équitable en 2001, l'Office était tenu de ne faire aucun cas du mécanisme de rajustement automatique et de recommencer à nouveau - en faisant pour ainsi dire table rase - à déterminer la méthode qu'il convenait d'employer pour estimer le coût du capital du réseau principal.

[53]            Toutefois, la formule de rajustement faisait partie d'une ordonnance qui continuait à lier l'appelante. Le paragraphe 23(1) de la Loi sur l'Office national de l'énergie prévoit ce qui suit :

23. (1) Sauf exceptions prévues à la présente loi, les décisions ou ordonnances de l'Office sont définitives et sans appel.

23. (1) Except as provided in this Act, every decision or order of the Board is final and conclusive.


L'article 22 prévoit l'introduction d'appels devant la Cour d'appel fédérale, alors que le paragraphe 21(1) permet à l'Office de réviser, de modifier et d'annuler ses décisions et ordonnances. Or, ni la décision rendue par l'Office en 1995 ni l'ordonnance donnant suite à cette décision n'ont été portées en appel. La formule de rajustement continuait donc à s'appliquer tant que l'appelante ne démontrait pas à l'Office qu'elle devait être remplacée.

[54]            L'audience tenue par l'Office à la suite de la demande que l'appelante avait présentée en vue d'obtenir un taux de rendement équitable a duré longtemps. Des éléments de preuve écrits ont été produits et l'audience a duré plus d'un mois. La décision rendue par l'Office en 2002 comportait 73 pages. L'Office a tenu compte de la proposition de l'appelante concernant le CCMPNI et de sa proposition subsidiaire concernant l'augmentation du taux de rendement du capital-actions; il a examiné la preuve que les témoins avaient soumise et il a en fin de compte conclu que l'utilisation de la formule de rajustement automatique continuait à assurer un taux de rendement du capital-actions qu'il estimait approprié pour le réseau principal.

[55]            Toutefois, l'Office a dans une certaine mesure retenu l'argument de l'appelante selon lequel le risque commercial auquel était exposé le réseau principal avait augmenté. Afin de tenir compte du risque accru, l'Office a augmenté la composante capitaux propres de la structure présumée du capital du réseau principal en le portant de 30 à 33 p. 100, de façon que la structure du capital soit composée à 33 p. 100 des capitaux propres et à 67 p. 100 de la dette.


[56]            À mon avis, dans ses motifs, l'Office n'a pas limité son pouvoir discrétionnaire et n'a pas imposé une obligation inappropriée à l'appelante. Dans la décision qu'il a rendue en 1995, l'Office a dit que sa formule de rajustement automatique visait à assurer une procédure simplifiée permettant de déterminer les rajustements annuels à apporter aux taux de rendement des sociétés pipelinières sur le capital-actions ordinaire. Cette formule devait donc continuer à s'appliquer pour une période indéfinie. L'intéressé qui veut changer le processus doit démontrer que sa proposition est préférable à celle qui fait l'objet d'une ordonnance obligatoire de l'Office. Il ne s'agit pas d'une obligation inappropriée. Cela ne montre pas non plus que l'Office a limité son pouvoir discrétionnaire et, ce qui est encore plus important, la chose ne donne pas lieu à une crainte de partialité ou de parti-pris de la part de l'Office.

[57]            En révisant la décision qui avait été rendue en 2002, le comité chargé de la révision et de la modification a conclu, dans sa décision de 2003, qu'il incombait à l'appelante de démontrer que la formule de rajustement automatique ne convenait plus et que l'appelante ne s'était pas acquittée de son obligation :

La demande concernant un rendement équitable était, entre autres, une demande de révision de la décision RH-2-94 et des ordonnances connexes, présentée en vertu du paragraphe 21(1) de la Loi. Au cours de l'instance RH-4-2001, il revenait à TransCanada de demander à l'Office que la formule de rajustement RH-2-94 ne convenait plus comme méthode d'établissement du rendement des capitaux propres du réseau principal. Il n'incombait pas aux intervenants ou à l'Office de justifier l'utilisation continue de la formule. Celle-ci était appropriée à moins que TransCanada ne persuade l'Office du contraire.

TransCanada ne s'est pas acquittée du fardeau de la preuve, et la formule de rajustement RH-2-94 a donc été maintenue. L'Office, dans le cadre de la décision RH-4-2001, n'avait pas à justifier l'à-propos de la formule; cette détermination avait été faite au cours de l'instance RH-2-94 (RH-R-1-2002, page 26).

Je ne puis constater aucune erreur de la part de l'Office dans cette analyse ou conclusion.


d) L'Office n'a pas omis de tenir compte de la preuve et il ne l'a pas laissée de côté

[58]            Quant à l'argument de l'appelante selon lequel l'Office n'avait pas tenu compte de la preuve, je conviens que l'Office n'a pas retenu la preuve d'un témoin particulier en faveur ou à l'encontre de l'appelante. Mais cela ne veut pas pour autant dire que la preuve a été rejetée ou laissée de côté. Dans une instance portant sur le coût du capital, l'Office peut à bon droit, en se fondant sur la preuve dont il dispose et en faisant appel à son jugement, choisir une méthode pour déterminer le coût du capital et estimer le coût du capital pour une année à venir. Dans bien des cas, l'estimation faite par l'Office ne correspond pas aux estimations précises d'une partie ou d'un témoin particulier. Compte tenu de l'ensemble de la preuve, l'Office établit sa propre estimation. Dans la mesure où cette estimation fait partie de l'éventail des estimations préconisées dans la preuve et dans la mesure où l'Office démontre qu'il a tenu compte des estimations préconisées, on ne peut pas conclure qu'il a laissé la preuve de côté. De fait, même si l'estimation établie par l'Office ne fait pas partie de cet éventail, si l'Office démontre qu'il a tenu compte de la preuve soumise et s'il fournit des motifs adéquats à l'appui, il ne sera pas conclu qu'il a laissé la preuve de côté.


[59]            En l'espèce, les estimations préconisées dans la preuve au sujet du taux de rendement requis du capital-actions se situaient entre 8,28 et 12,50 p. 100. Les motifs de l'Office indiquent qu'il a tenu compte des estimations préconisées. À l'aide de sa formule de rajustement automatique, l'Office a déterminé que le taux de rendement requis du capital-actions pour le réseau principal serait de 9,61 p. 100 en 2001 et de 9,53 p. 100 en 2002. Je ne puis conclure que l'Office n'a pas tenu compte de la preuve ou qu'il a laissé la preuve de côté en décidant de continuer à utiliser la formule de rajustement automatique en vue de déterminer le taux de rendement requis du capital-actions pour le réseau principal.

CONCLUSION

[60]            Je rejetterais l'appel avec dépens.

                                                                                                                           « Marshall Rothstein »           

                                                                                                                                                     Juge                           

« Je souscris aux présents motifs

Marc Noël, juge »

« Je souscris aux présents motifs

K. Sharlow, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                              A-327-03

INTITULÉ :                                              TRANSCANADA PIPELINES LTD.

c.

L'OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                       TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 16 FÉVRIER 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                   LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :                               LE JUGE NOËL

LA JUGE SHARLOW

DATE DES MOTIFS :                             LE 5 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Alan J. Lenczner                                          POUR L'APPELANTE

Risa M. Kirshblum

Wendy Moreland

Margery Fowke                                          POUR L'INTIMÉ, L'OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE

John J. Marshall, c.r.                                    POUR L'INTIMÉE, L'ASSOCIATION CANADIENNE

Don Davies                                                 DE PRODUCTEURS PÉTROLIERS

Alan Mark                                                   POUR L'INTIMÉE, CORAL ENERGY INC.

Peter C.P. Thompson, c.r.                           POUR L'INTIMÉE, L'ASSOCIATION DES

Vincent J. DeRose                                       CONSOMMATEURS INDUSTRIELS DE GAZ

Keith F. Miller                                       POUR L'INTIMÉE, MIRANT ENERGY MARKETING CANADA INC.

John Turcnin                                                POUR L'INTIMÉ, LE MINISTRE DE L'ÉNERGIE DE

Sara Blake                                                 L'ONTARIO


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lenczner Slaght Royce                          POUR L'APPELANTE

Toronto (Ontario)

McLeod Dixon, LLP                                   POUR L'INTIMÉE, L'ASSOCIATION CANADIENNE

Calgary (Alberta)                                        DES PRODUCTEURS PÉTROLIERS

Burnet, Duckworth & Palmer LLP               POUR L'INTIMÉE, MIRANT ENERGY MARKETING Calgary (Alberta)                                               CANADA INC.

Ministère du Procureur général              POUR L'INTIMÉ, LE MINISTRE DE L'ÉNERGIE DE

de l'Ontario                                                 L'ONTARIO

Toronto (Ontario)

Office national de l'énergie                           POUR L'INTIMÉ, L'OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE

Calgary (Alberta)

Ogilvy Renault                                       POUR L'INTIMÉE, CORAL ENERGY INC.

Toronto (Ontario)

Contentieux de Hydro Manitoba                  POUR L'INTIMÉE, CENTRA GAS MANITOBA INC.

Winnipeg (Manitoba)

Borden Ladner Gervais LLP                        POUR L'INTIMÉE, L'ASSOCIATION DES                               Ottawa (Ontario)                                                 CONSOMMATEURS INDUSTRIELS DE GAZ

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