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Date : 20030918

Dossier : A-493-02

Référence : 2003 CAF 343

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                                 HELGA COCHRAN

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                      défendeur

                     Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 17 septembre 2003.

                     Jugement rendu à Vancouver (Colombie-Britannique), le 18 septembre 2003.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                         LE JUGE LINDEN

Y ONT SOUSCRIT :                                                                LES JUGES ROTHSTEIN ET SEXTON


Date : 20030918

Dossier : A-493-02

Référence : 2003 CAF 343

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                                 HELGA COCHRAN

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                      défendeur

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LINDEN

[1]                 La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire d'une décision en date du 8 mai 2002 par laquelle la Commission d'appel des pensions a estimé que la demanderesse, Helga Cochran, n'avait pas droit à une pension d'invalidité selon le Régime de pensions du Canada (le Régime), parce qu'elle ne pouvait prouver que, au 31 décembre 1996, son invalidité était grave et prolongée ainsi que le requiert le paragraphe 42(2) du Régime.


[2]                 La demanderesse, qui travaillait comme préposée à la validation des captures de poisson, devait monter à bord de bateaux de pêche pour inspecter les prises. Dans l'exercice de ses activités le 7 juillet 1995, elle a fait une chute et s'est infligé des blessures au bas de la colonne vertébrale et dans la région sacro-iliaque gauche. Sa demande de pension d'invalidité a été refusée, et son appel au tribunal de révision a lui aussi été rejeté.

[3]                 La demanderesse a fait appel à la Commission, qui a repris l'affaire depuis le début en janvier 2002. Se fondant surtout sur le témoignage du docteur Yin, la Commission a conclu que l'intervention chirurgicale faite par le Dr Yin avait éliminé la douleur que la demanderesse ressentait dans la région lombaire. La Commission a proposé à la demanderesse de suspendre son appel jusqu'à ce que soient connus les résultats du traitement appliqué par le Dr Yin pour la soulager de la douleur qu'elle avait dans la région sacro-iliaque gauche, mais la demanderesse a décidé que l'affaire suivrait son cours. Au vu de la preuve qu'elle avait devant elle, la Commission a rejeté l'appel, estimant qu'il lui était impossible de dire à ce moment-là si la douleur ressentie par la demanderesse serait grave ou prolongée après la fin du traitement appliqué par le Dr Yin. Les commissaires majoritaires se sont exprimés ainsi :

[traduction]

... Par conséquent, bien que les problèmes que connaît l'appelante semblent prolongés, nous ne sommes pas persuadés qu'ils sont graves puisqu'elle est encore soignée par le Dr Yin, qui a pu faire disparaître la douleur lombaire et qui traite encore la douleur sacro-iliaque.

La preuve dont nous disposons à ce jour ne montre pas que, après la fin du traitement appliqué par le Dr Yin pour faire disparaître la douleur dans la région sacro-iliaque, l'appelante sera alors « invalide » , en ce sens que sa douleur sera « grave » et « prolongée » . Nous ne le savons tout simplement pas.


[4]                 Le juge Smith a rédigé des motifs concordants dans lesquels il s'est fondé, en outre, sur les témoignages d'autres médecins pour conclure que la demanderesse était en mesure en décembre 1996 de reprendre un genre ou un autre de travail sédentaire. Il s'est exprimé ainsi :

[traduction]

... Je ne crois pas qu'une telle constatation suffise à prouver qu'elle souffrait à l'époque d'une invalidité « grave et prolongée » . Les spécialistes semblent s'accorder pour dire qu'elle pourrait reprendre un genre ou un autre de travail sédentaire. J'arrive à la conclusion que l'appelante n'a pas établi qu'elle souffrait au 31 décembre 1996 d'une invalidité « grave et prolongée » .

[5]                 La demanderesse soutient, en personne, que la Commission ne s'est pas bien rendu compte de la gravité de sa blessure telle que la décrivent les rapports du Dr Yin. Selon elle, les premiers examens paracliniques n'ont pas été bien effectués et ont entraîné des délais appréciables avant que soit obtenu un bon diagnostic. S'agissant des motifs concordants exposés par le juge Smith, la demanderesse soutient qu'il a interprété mal à propos les rapports d'experts et qu'il a sous-estimé la gravité de l'état dans lequel elle se trouvait en 1996. Elle croit que certains des rapports médicaux qui ont été rédigés à proximité de l'expiration de la période minimale d'admissibilité ont été ignorés par la Commission.


[6]                 Selon le défendeur, la norme de contrôle à retenir pour la manière dont la Commission a appliqué aux faits le critère d'une invalidité grave et prolongée tel qu'il est énoncé au paragraphe 42(2) du Régime est la norme de la décision manifestement déraisonnable, lorsque ce qui est contesté concerne l'appréciation des éléments de preuve dont disposait la Commission. La preuve montrait que le Dr Yin avait éliminé les « symptômes primaires » de la demanderesse et qu'il continuait de la soigner pour la « question secondaire » de la douleur sacro-iliaque. Selon le défendeur, en refusant de suspendre l'affaire comme le lui avait proposé la Commission, Mme Cochran n'a pu s'acquitter de la charge qu'elle avait de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité était grave et prolongée, et cela parce que les résultats futurs du traitement étaient inconnus.

[7]                 À mon avis, la Commission a énoncé, au paragraphe 19 de ses motifs, le bon critère juridique d'une invalidité grave et prolongée.

[8]                 Cependant, dans l'examen de la preuve produite, la Commission a commis deux erreurs qui étaient manifestement déraisonnables. D'abord, les commissaires majoritaires ont fait porter leurs motifs sur l'état de santé de la demanderesse à la date de l'audience, plutôt qu'au 31 décembre 1996. La Commission a cité abondamment plusieurs lettres du Dr Yin qui indiquaient une amélioration récente de l'état de santé de la demanderesse grâce au traitement qu'elle suivait alors sous sa surveillance. L'état de santé actuel de la demanderesse est évidemment pertinent, mais la question principale est l'état de santé de la demanderesse au 31 décembre 1996, une question que les commissaires majoritaires n'abordent pas expressément.


[9]                 Deuxièmement, la Commission semble avoir ignoré une preuve importante qui pouvait l'éclairer sur l'état de la demanderesse au 31 décembre 1996. Dans un rapport médical daté du 10 décembre 1997, une date plus proche de l'expiration de la période minimale d'admissibilité que les rapports du Dr Yin, le médecin de famille de la demanderesse, le Dr Nemanishen, écrivait que Mme Cochran « sera probablement atteinte d'une invalidité permanente pour ce qui est des lourds travaux » . Une deuxième lettre du Dr Nemanishen datée du 30 juin 1998 mentionnait que « Helga n'est pas en mesure d'exécuter régulièrement un quelconque genre de travail » . Une autre lettre du Dr Nemanishen en date du 12 janvier 2000 concluait qu' « elle demeure incapable d'exercer une quelconque activité » .

[10]            On pouvait espérer que le travail entrepris par le Dr Yin procure un rétablissement à la demanderesse, mais il était trop tôt, à la date de l'audience, pour dire si ce résultat avait été atteint. La Commission a cependant cité plusieurs rapports du Dr Yin, en particulier son rapport du 14 juillet 2001, où l'on peut lire qu' « elle serait en mesure d'exécuter à temps partiel les tâches d'un travail sédentaire, à condition qu'elle puisse changer fréquemment de position » . Cette observation ne contredit pas les rapports susmentionnés auxquels la Commission ne s'est pas référée.


[11]            La demande de contrôle judiciaire sera accueillie, et la décision de la Commission sera annulée et l'affaire renvoyée à la Commission pour nouvelle décision conformément aux présents motifs.

                                                                                  « Allen M. Linden »             

                                                                                                             Juge                             

« Je souscris aux présents motifs

Marshall Rothstein, juge _

« Je souscris aux présents motifs

J. Edgar Sexton, juge _

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                               COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 A-493-02

INTITULÉ :              Helga Cochran c. Le Procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                              le 17 septembre 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                          LE JUGE LINDEN

Y ONT SOUSCRIT :                                        LES JUGES ROTHSTEIN ET SEXTON

DATE DES MOTIFS :                                     le 18 septembre 2003

COMPARUTIONS :

Mme Helga Cochran (en son propre nom)

POUR LA DEMANDERESSE

Me John Vaissi Nagy

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Helga Cochran

Ferndale, WA 98248

POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR


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