Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision





Date : 20000313


Dossier : A-804-99


CORAM:      LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE ROTHSTEIN

         MADAME LE JUGE SHARLOW


ENTRE :

     NU-PHARM INC.,

     appelante

     (intimée),

     et


MERCK & CO., INC. et

     MERCK FROSST CANADA & CO.,

     intimées

(requérantes),

     et

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ,

     (intimé)

(intimé).

    


Audience tenue à Ottawa (Ontario), le mercredi 16 février 2000.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 13 mars 2000.

Motifs du jugement de Madame le juge Sharlow,

auxquels ont souscrit les juges Robertson et Rothstein.



Date : 20000313


Dossier : A-804-99


CORAM:      LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE ROTHSTEIN

         MADAME LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

     NU-PHARM INC.,

     appelante

     (intimée),

     et


MERCK & CO., INC. et

     MERCK FROSST CANADA & CO.,

     intimées

(requérantes),

     et

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ,

     (intimé)

(intimé).

    

JUGEMENT


L"appel est rejeté avec dépens.


                             " Joseph T. Robertson "

                                 J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.





Date : 20000313


Dossier : A-804-99


CORAM:      LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE ROTHSTEIN

         MADAME LE JUGE SHARLOW


ENTRE :

     NU-PHARM INC.,

     appelante

     (intimée),

     et


MERCK & CO., INC. et

     MERCK FROSST CANADA & CO.,

     intimées

(requérantes),

     et

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ,

     (intimé)

(intimé).



MOTIFS DU JUGEMENT


MADAME LE JUGE SHARLOW

[1]          Le présent litige est le dernier épisode d"une saga aussi longue que complexe concernant les efforts qu"ont déployés deux fabricants de médicaments génériques, Apotex Inc., et l"appelante Nu-Pharm Inc., pour faire concurrence aux intimées Merck & Co., Inc. et Merck Frosst Canada & Co. (collectivement appelées " Merck ") relativement à la fabrication et à la vente du médicament maléate d"énalapril. Le maléate d"énalapril est visé par le brevet canadien no 1 275 349, qui appartient à Merck & Co., Inc. et fait l"objet d"une licence en faveur de Merck Frosst Canada & Co.

[2]          Le maléate d"énalapril est l"ingrédient médicinal du produit de Merck appelé Vasotec et sert à traiter l"hypertension et certains problèmes cardiaques. En 1987, Merck a obtenu un avis de conformité à l"égard du Vasotec, qu"elle produit et vend au Canada depuis ce temps.

[3]          Le maléate d"énalapril est également l"ingrédient médicinal du produit Apo-Énalapril, médicament produit par Apotex. En 1993, celle-ci a obtenu un avis de conformité à l"égard de ce produit. Toutefois, la commercialisation de ce produit par Apotex a été considérée comme une contrefaçon du brevet de Merck, sauf dans la mesure où elle était faite en liaison avec le maléate d"énalapril acquis dans des circonstances donnant à Apotex le droit d"invoquer l"article 56 alors en vigueur de la Loi sur les brevets : Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc. (1995), 60 C.P.R. (3d) 356 (C.A.F.), infirmant en partie la décision publiée dans (1994), 59 C.P.R. (3d) 133 (C.F. 1re inst.). La durée utile du produit Apo-Énalapril faisant l"objet de la protection prévue à l"article 56 a expiré et le produit n"est plus commercialisé.

[4]          En février 1999, le ministre de la Santé a délivré un avis de conformité qui permet à Nu-Pharm de vendre du maléate d"énalapril sous forme de drogue appelée Nu-Énalapril. La validité de cet avis de conformité constitue l"objet du litige en l"espèce.

[5]          Pour placer les faits en perspective, il est nécessaire de comprendre certains aspects de la réglementation dont ils découlent.

[6]          Selon le paragraphe C.08.002(1) du Règlement sur les aliments et drogues, il est interdit de vendre une nouvelle drogue au Canada, à moins que le ministre de la Santé ne délivre un avis de conformité à l"égard de la nouvelle drogue conformément à l"article C.08-004.

[7]          La première étape à franchir pour obtenir un avis de conformité consiste à déposer une présentation de drogue nouvelle ou une présentation abrégée de drogue nouvelle ((PADN) comportant des renseignements spécifiques. Une présentation de drogue nouvelle doit comporter des renseignements établissant la sécurité et l"efficacité de la nouvelle drogue ainsi que des renseignements concernant le procédé de fabrication et d"autres questions.

[8]          Dans une PADN, il n"est pas nécessaire d"inclure des renseignements concernant la sécurité et l"efficacité de la nouvelle drogue, qui sont plutôt induites de la similitude de celle-ci avec un " produit de référence canadien " au sens de l"article C.08.001.1 du Règlement sur les aliments et drogues, dont le texte est le suivant :

[...] " produit de référence canadien " Selon le cas :
a)      une drogue pour laquelle un avis de conformité a été délivré aux termes de l"article C.08.004 et qui est commercialisée au Canada par son innovateur;
b)      une drogue jugée acceptable par le ministre qui peut être utilisée pour la détermination de la bioéquivalence d"après les caractéristiques pharmaceutiques et, le cas échéant, les caractéristiques en matière de biodisponibilité, lorsqu"une drogue pour laquelle un avis de conformité a été délivré aux termes de l"article C.08.004 ne peut être utilisée à cette fin parce qu"elle n"est plus commercialisée au Canada;
c)      une drogue jugée acceptable par le ministre qui peut être utilisée pour la détermination de la bioéquivalence d"après les caractéristiques pharmaceutiques et, le cas échéant, les caractéristiques en matière de biodisponibilité, par comparaison à une drogue visée à l"alinéa a ). (Canadian reference product)


[9]          Pour qu"un avis de conformité soit délivré à l"égard d"une nouvelle drogue, il est nécessaire de prouver que le Règlement sur les aliments et drogues est respecté, mais cette condition ne suffit pas. Les exigences du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) doivent également être respectées. Ce Règlement a été adopté en 1993, lorsque le régime de l"octroi de licences obligatoires relatif aux médicaments brevetés a été abrogé. L"objet du Règlement en question est expliqué dans le Résumé de l"étude d"impact de la réglementation, Gazette du Canada, partie II, vol. 127, no 6, page 1388 :

...En règle générale, les recours judiciaires suffisent pour régler les cas de contrefaçon. Toutefois, avec l"adoption du projet de loi C-91 [L.C. 1993, ch. 2], le gouvernement fait une exception dans ce domaine en permettant aux fabricants de médicaments génériques d"entreprendre les démarches nécessaires pour obtenir l"approbation réglementaire d"un produit. Par conséquent, le titulaire d"un brevet perd un droit dont il aurait pu se prévaloir pour empêcher ses concurrents de faire approuver leurs produits.
Le présent règlement est nécessaire si on veut éviter que cette nouvelle exception en matière de contrefaçon soit mal utilisée par les fabricants de produits génériques désireux de vendre leurs produits au Canada pendant que le brevet original est encore valide. En vertu du règlement, ces fabricants peuvent toutefois entreprendre les démarches nécessaires pour obtenir l"approbation réglementaire et ainsi commercialiser leurs produits dès que les brevets pertinents arrivent à expiration.

[10]          Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) repose sur un registre des " listes de brevets " que le ministre tient en application de l"article 3 du Règlement. Une personne qui obtient un avis de conformité à l"égard d"une drogue contenant un médicament breveté et qui est le propriétaire du brevet ou le titulaire de licence exclusif s"y rapportant ou qui a obtenu le consentement du propriétaire peut déposer une liste de brevets au sujet de cette drogue. La personne qui dépose une liste de brevets à l"égard d"une drogue est appelée la " première personne ".

[11]          Par définition, une PADN renvoie à une autre drogue ou comporte une comparaison avec celle-ci. C"est pourquoi toute personne qui dépose une PADN renvoyant à une drogue à l"égard de laquelle une liste de brevets a été soumise doit se conformer au paragraphe 5(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) , dont voici les extraits pertinents (non souligné à l"original) :

5(1). Lorsqu'une personne dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue et souhaite en faire la comparaison, ou faire renvoi, à une autre drogue qui a été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise, elle doit inclure dans la demande, à l'égard de chaque brevet inscrit au registre qui se rapporte à cette autre drogue :

  1. )      soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne sera pas délivré avant l'expiration du brevet;
  2. )      soit une allégation portant que, selon le cas :

     [...]

     (ii)      le brevet est expiré,

     (iii)      le brevet n'est pas valide,

     (iv)      aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.

[12]      La personne qui est tenue de se conformer au paragraphe 5(1) du Règlement est appelée la " seconde personne ". Selon le paragraphe 5(3) du Règlement, la seconde personne qui formule une ou plusieurs allégations mentionnées à l"alinéa 5(1)b ) du Règlement doit d"abord signifier à la première personne un avis des allégations formulées et un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde. Cette façon de procéder permet à la première personne de vérifier si elle a des raisons de tenter de s"opposer à la délivrance de l"avis de conformité à l"égard de la nouvelle drogue.

[13]      L"article 6 du Règlement prévoit que la première personne peut, dans les 45 jours suivant la signification de l"avis mentionné au paragraphe 5(3) du Règlement, demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à la seconde personne. Le tribunal doit rendre cette ordonnance s"il conclut qu"aucune des allégations n"est fondée.

[14]      Selon l"alinéa 7(1)e ) du Règlement, la date à laquelle le ministre reçoit la preuve de présentation de la demande d"ordonnance d"interdiction marque le début d"une période de 24 mois au cours de laquelle il ne peut délivrer l"avis de conformité. Cette suspension automatique peut prendre fin si l"une ou l"autre des circonstances mentionnées à l"article 7 du Règlement survient, mais elle peut aussi être prorogée suivant le consentement des parties ou suivant une ordonnance du tribunal. Selon le paragraphe 7(4), le rejet de la demande d"interdiction met fin à la suspension en question.

[15]      La question à trancher en l"espèce est celle de savoir si l"application du paragraphe 5(1) du Règlement est déclenchée par le dépôt d"une PADN lorsque le produit de référence canadien qui y est désigné n"est pas l"objet d"une liste de brevets, mais que l"avis de conformité relatif au produit en question a été obtenu au moyen d"une comparaison avec une drogue figurant sur une liste de cette nature.

[16]      Les faits, qui ne sont pas contestés, peuvent être résumés comme suit : le 11 septembre 1997, Nu-Pharm a déposé une PADN à l"égard des comprimés Nu-Énalapril. Tel qu"il est mentionné ci-dessus, l"ingrédient médicinal de ce produit est le maléate d"énalapril.

[17]      Deux produits renfermant du maléate d"énalapril auraient pu être considérés comme un produit de référence canadien dans le cas du Nu-Énalapril. Un de ces produits était le produit de Merck, le Vasotec. En 1993, Merck avait déposé des listes de brevets à l"égard du Vasotec produit en différentes concentrations. L"autre produit était celui d"Apotex, appelé Apo-Énalapril. Il n"y aucune liste de brevets à l"égard du produit Apo-Énalapril, étant donné, évidemment, qu"Apotex n"est pas le titulaire du brevet relatif au maléate d"énalapril. L"avis de conformité se rapportant au produit Apo-Énalapril a été obtenu au moyen d"une comparaison avec le Vasotec.

[18]      Dans la PADN qu"elle a soumise à l"égard du produit Nu-Énalapril, Nu-Pharm mentionne uniquement le produit Apo-Énalapril à titre de produit de référence canadien. Elle soutient qu"elle n"avait aucune obligation en vertu du paragraphe 5(1) du Règlement, parce qu"elle désirait comparer le Nu-Énalapril uniquement avec le produit Apo-Énalapril, à l"égard duquel aucune liste de brevets n"existait.

[19]      En désignant uniquement le produit Apo-Énalapril à titre de produit de référence canadien, Nu-Pharm souhaitait sans doute obtenir un avis de conformité à l"égard du produit Nu-Énalapril tout en évitant ou, à tout le moins, en reportant un différend avec Merck au sujet de ses droits de brevet afférents au maléate d"énalapril. Cette stratégie a d"abord porter fruits. Le 25 février 1999, le ministre de la Santé a délivré un avis de conformité à l"égard du Nu-Énalapril.         

[20]      Merck a intenté une action en contrefaçon de brevet contre Nu-Pharm (dossier no T-753-99). Elle a demandé une injonction interlocutoire, mais sa demande a été rejetée le 21 janvier 2000.

[21]      Merck a également déposé la présente demande afin de faire annuler la décision du ministre de délivrer un avis de conformité à l"égard du produit Nu-Énalapril. La demande de Merck reposait sur le fait que la PADN de Nu-Pharm aurait dû être traitée comme si celle-ci y avait expressément indiqué son intention de comparer le produit Nu-Énalapril avec le produit Vasotec de Merck.

[22]      Si Merck a raison, le ministre n"aurait pas dû délivrer d"avis de conformité à l"égard du produit Nu-Énalapril avant que Nu-Pharm se conforme au paragraphe 5(1) du Règlement en formulant au moins une des allégations prévues au sujet du brevet de Merck relatif au produit maléate d"énalapril et en signifiant à celle-ci un énoncé détaillé des faits et du droit sur lesquels elle se fonde relativement à toute allégation d"invalidité ou d"absence de contrefaçon de ce brevet.

[23]      Dans une décision datée du 23 novembre 1999, la juge des requêtes a conclu que Merck avait raison et que l"avis de conformité relatif au produit Nu-Énalapril n"aurait pas dû être délivré. Nu-Pharm interjette maintenant appel de cette décision. La juge des requêtes a accordé un sursis à l"exécution du jugement, lequel sursis demeure en vigueur jusqu"à ce que l"appel soit tranché.

[24]      Je souscris à la décision de la juge des requêtes, mais pour des raisons différentes. À mon avis, il n"y a pas lieu de distinguer les faits exposés en l"espèce de l"affaire examinée dans Nu-Pharm Inc. c. Canada (procureur général) (1997), 73 C.P.R. (3d) 510 (C.F. 1re inst.), dont la décision a été confirmée par la Cour d"appel dans (1998), 80 C.P.R. (3d) 74 (C.A.F.), et le résultat devrait être le même.

[25]      Dans l"arrêt Nu-Pharm c. Canada , Nu-Pharm avait déposé deux présentations de drogue nouvelle, une à l"égard de la drogue X et l"autre à l"égard de la drogue Y, qui renvoyaient à une autre PADN précédemment déposée par un autre fabricant de drogues génériques, Générique 1. Le renvoi concernait les résultats des épreuves indiquant que les drogues produites par Générique 1 étaient essentiellement les mêmes que deux autres drogues fabriquées par les " Inventeurs 1 et 2 ", à l"égard desquelles des listes de brevets avaient été déposées.

[26]      Le Règlement sur les aliments et drogues ne reconnaît pas une présentation de drogue nouvelle avec renvoi à titre de catégorie distincte. Toutefois, en pratique, une présentation de drogue nouvelle peut s"appuyer sur des renseignements et documents joints à la présentation de drogue nouvelle d"une autre personne, si celle-ci y consent.

[27]      Le ministre a refusé de délivrer des avis de conformité à l"égard des drogues X et Y, estimant que Nu-Pharm devait se conformer au paragraphe 5(1) du Règlement relativement aux drogues figurant sur les listes de brevets déposées par les Inventeurs 1 et 2.

[28]      Nu-Pharm a demandé une ordonnance exigeant la délivrance des avis de conformité en se fondant sur le même argument qu"elle reprend aujourd"hui. Le juge Richard (alors juge de la Section de première instance) a rejeté l"argument de Nu-Pharm, parce que les présentations de celle-ci avaient pour effet de comparer ses drogues avec celles que fabriquaient les Inventeurs 1 et 2. La Cour d"appel fédérale a confirmé cette décision. S"exprimant au nom de la Cour, le juge McDonald a formulé les remarques suivantes aux pages 78 et 79 :

[...] Permettre à Nu-Pharm de se soustraire à ces exigences réglementaires parce qu'elle fait renvoi, dans sa présentation de drogue nouvelle, à un autre fabricant de drogues génériques (Générique 1) qui a déposé une présentation de drogue nouvelle abrégée fondée sur des études réalisées par le breveté (la première personne) qui a lui-même soumis une liste de brevets serait contraire à l'objet de la Loi. En effet, le Règlement sur les médicaments brevetés vise à protéger les initiatives de recherche et de développement engagées par les entreprises pharmaceutiques innovatrices [...].

[...]

[...] Nu-Pharm ne peut lier sa revendication au fabricant de drogues génériques qui s'appuie sur les épreuves réalisées par le breveté puis déclarer qu'elle n'a pas à se conformer à la Loi parce qu'aucune liste de brevets n'a été déposée par l'entreprise générique. Il n'empêche que Nu-Pharm, même si elle n'est pas tout à fait rendue à cette étape, se fonde sur les épreuves et les autres travaux effectués par les brevetés sur lesquels s'est appuyée l'entreprise générique. Bien que Nu-Pharm soutienne qu'elle compare sa drogue à celle de Générique 1, il n'en demeure pas moins que, pour l'essentiel, elle compare sa drogue à celle du breveté initial, puisque Générique 1 a comparé sa drogue à la drogue de ce dernier. Il s'agit d'une question d'interprétation qui oblige la Cour à analyser les termes dans leur contexte si elle veut respecter l'objet de la Loi. Par conséquent, nous sommes d'avis que Nu-Pharm ne peut se soustraire aux dispositions réglementaires en renvoyant, dans sa demande, à un produit générique qui fait l'objet d'une présentation de drogue nouvelle abrégée.


[29]      Nu-Pharm explique cette décision en disant que le fait de renvoyer à des renseignements figurant dans une présentation de drogue nouvelle équivaut à les intégrer par renvoi, ce qui est à peu près la même chose que d"inclure expressément les renseignements en question. Nu-Pharm voudrait faire une distinction entre la présente situation et celle de l"affaire citée en soutenant que sa PADN relative au produit Nu-Énalapril est complète en soi et n"intègre aucun renseignement concernant le Vasotec par renvoi.

[30]      Je ne puis voir cette distinction. Dire que la PADN de Nu-Pharm à l"égard du produit Nu-Énalapril est " complète en soi " ne correspond pas à la réalité. La conduite de Nu-Pharm va à l"encontre de son affirmation selon laquelle elle ne désire pas comparer le produit Nu-Énalapril avec le Vasotec ou renvoyer à celui-ci. En mentionnant, dans sa PADN relative au Nu-Énalapril, le produit Apo-Énalapril à titre de produit de référence canadien, elle invite à faire une comparaison avec le Vasotec de la même façon que si celui-ci avait été désigné explicitement, parce que le Vasotec était le produit de référence canadien mentionné dans la présentation de drogue nouvelle concernant le produit Apo-Énalapril. Dans ces circonstances, Nu-Pharm ne peut nier qu"elle veut faire une comparaison entre le produit Nu-Énalapril et le Vasotec. Elle ne peut non plus se soustraire aux obligations énoncées au paragraphe 5(1) du Règlement en dissimulant son intention derrière une forme de PADN dans laquelle seul le produit Apo-Énalapril est expressément nommé.

[31]      Nu-Pharm fait valoir que cette conclusion va à l"encontre du jugement rendu dans l"affaire Bayer Inc. c. Canada (procureur général) (1999), 87 C.P.R. 293 (C.A.F.), confirmant (1998), 84 C.P.R. (3d) 129 (C.F. 1re inst.). Je ne suis pas d"accord.

[32]      Dans l"affaire Bayer, le sens de l"article C.08.004.1 du Règlement sur les médicaments et drogues a été examiné. Cette disposition s"applique lorsque (1) l"innovateur d"une drogue dépose une présentation de drogue nouvelle à l"égard d"une drogue contenant une substance chimique ou biologique dont la vente comme drogue n"a pas été préalablement approuvée au Canada; (2) un second fabricant de drogue dépose une présentation de drogue nouvelle à l"égard d"une nouvelle drogue; (3) le ministre " s"appuie sur les données " figurant " dans les renseignements et le matériel présentés par l"innovateur " pour étayer la présentation... du fabricant. Si toutes les conditions sont réunies, l"article C.08.004.1 empêche le ministre de délivrer un avis de conformité au deuxième fabricant avant l"expiration d"au moins cinq ans suivant la délivrance d"un avis de conformité à l"innovateur.

[33]      La question était celle de savoir s"il était permis de dire que le ministre s"appuie sur les données " figurant dans les renseignements et le matériel présentés " par l"innovateur lorsqu"il délivre un avis de conformité à un fabricant de drogues génériques qui ne fait qu"utiliser la drogue de l"innovateur à titre de produit de référence canadien. La Cour a répondu à cette question par la négative. L"article C.08.004.1 ne pouvait s"appliquer automatiquement à cette situation, parce qu"il était possible de déterminer le degré de similitude entre les deux drogues sans consulter les documents confidentiels de l"innovateur qui avaient été déposés auprès du ministre. La Cour a souligné que, si elle interprétait l"article C.08.004.1 de façon à l"appliquer au type de renvoi indirect ou implicite pouvant découler simplement de la désignation d"un produit de référence canadien dans une PADN, elle ajouterait le mot " indirectement " ou un autre mot de cette nature à l"article C.08.004.1, ce qu"elle ne pouvait faire.

[34]      Nu-Pharm allègue que le fait d"exiger la conformité au paragraphe 5(1) en l"espèce équivaut à modifier cette disposition exactement de la façon dont cette modification a été désapprouvée dans l"arrêt Bayer . Elle soutient en réalité que l"interprétation du paragraphe 5(1) du Règlement que la juge des requêtes a retenue a pour effet de modifier les mots " souhaite en faire la comparaison, ou faire renvoi, à une autre drogue..." par l"ajout des mots " directement ou indirectement " après le mot " renvoi ".

[35]      Cependant, dans la présente affaire, Nu-Pharm ne cherche pas à faire une comparaison indirecte avec le produit Vasotec. Elle tente plutôt de faire une comparaison directe avec ce produit, bien qu"elle dissimule ce fait par la forme de sa PADN.

[36]      De plus, il est toujours loisible à un tribunal d"interpréter une loi ou un règlement de la façon la plus large ou la plus restrictive possible. Le choix dépend de l"application du principe d"interprétation législative que la Cour suprême du Canada a adopté dans plusieurs jugements récents, dont l"arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re) , [1998] 1 R.C.S. 27. Ce principe est formulé comme suit dans les propos d"Elmer Driedger (Construction of Statutes, 2nd ed., 1983), qui ont été cités à maintes reprises (p. 87) :

Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

[37]      Il n"y a pas lieu d"épiloguer plus longuement à ce sujet. Il suffit de dire que, lorsque ce principe est appliqué à bon escient, l"interprétation qui en découle est compatible tant avec le libellé qu"avec l"objectif du texte législatif. Compte tenu de cette norme, l"interprétation que la juge des requêtes a proposée au sujet du paragraphe 5(1) du Règlement en l"espèce est bien fondée.

[38]      Nu-Pharm fait valoir que cette interprétation alourdit indûment le fardeau du ministre, qui serait tenu d"aller plus loin que le texte même de chaque PADN pour savoir s"il y a une comparaison avec une drogue qui n"est pas expressément nommée. Je souligne que, bien qu"il soit partie à la présente instance, le ministre n"a pas comparu, ce qui suffit à rejeter cet argument. En tout état de cause, cet argument est contredit par la preuve. L"avis de conformité relatif au produit Nu-Énalapril est un document d"une page dans lequel le produit Apo-Énalapril est désigné à titre de produit de référence canadien. Il devrait donc être assez simple d"examiner l"avis de conformité délivré à l"égard du produit Apo-Énalapril, lequel indiquerait que le produit de référence canadien est le Vasotec, puis de vérifier si des listes de brevets ont été déposées à l"égard de celui-ci.

[39]      Nu-Pharm ajoute que cette décision est incompatible avec la décision rendue dans l"affaire Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (1996), 71 C.P.R. (3d) 156 (C.F. 1re inst.). Cette décision a été citée et son application a été écartée dans l"affaire Nu-Pharm (précitée) et peut aussi l"être de la même façon en l"espèce.

[40]      Nu-Pharm allègue également qu"il est absurde de l"obliger à se conformer au paragraphe 5(1) du Règlement à l"égard de sa PADN relative au produit Nu-Énalapril alors que la présentation de drogue nouvelle que la société Apotex a déposée relativement au produit Apo-Énalapril ne faisait pas naître les mêmes obligations. Il n"y a aucune absurdité. Lorsqu"Apotex a déposé sa présentation de drogue nouvelle à l"égard du produit Apo-Énalapril, le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) n"était pas en vigueur. Toutefois, il l"était lorsque Nu-Pharm a déposé sa PADN à l"égard du produit Nu-Énalapril. Il n"est donc pas absurde d"obliger Nu-Pharm à se conformer à ce Règlement.

[41]      Enfin, Nu-Pharm fait valoir que la juge des requêtes n"aurait pas dû exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à annuler la décision par laquelle le ministre a délivré l"avis de conformité relatif au produit Nu-Énalapril. Je ne suis pas convaincue qu"il existe de bonnes raisons de modifier la décision de la juge des requêtes à cet égard.

[42]      L"appel devrait être rejeté avec dépens.


                                     Karen R. Sharlow

                                

                                     J.C.A.

" Je souscris aux motifs exposés par Madame le juge Sharlow.

     Joseph T. Robertson "

" Je souscris aux motifs exposés par Madame le juge Sharlow.

     Marshall Rothstein "




Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR D"APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER




No DU GREFFE :                  A-804-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Nu-Pharm Inc. c. Merck & Co. Inc. et Merck Frosst Canada & Co. et Ministre de la Santé
LIEU DE L'AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              16 février 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DE          Madame le juge Sharlow

AUXQUELS ONT SOUSCRIT          le juge Robertson

et                          le juge Rothstein

EN DATE DU :                  13 mars 2000


ONT COMPARU :

Me Harry B. Radomski              pour l"appelante

Me Daniela Bassan

Me G. Alexander Macklin, c.r.          Pour les intimées

                         Merck & Co., Inc. et Merck Frosst Canada & Co.

Me Carina De Pellegrin


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Goodman Phillips & Vineberg          pour l"appelante

Toronto (Ontario)

Gowling, Strathy & Henderson          pour les intimées

Toronto (Ontario)                  Merck & Co., Inc. et Merck Frosst Canada & Co.


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.