Décisions de la Cour d'appel fédérale

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                                                                                                                                 Date : 20040909

                                                                                                                             Dossier : A-124-04

                                                                                                                Référence : 2004 CAF 288

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE EVANS

ENTRE :

              LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                           FABIAN L. FLEMING

                                                                                                                                           défendeur

                                  Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 1er septembre 2004.

                                  Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 9 septembre 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE DÉCARY

Y A SOUSCRIT :                                                                                       LE JUGE LÉTOURNEAU

MOTIFS DISSIDENTS :                                                                                         LE JUGE EVANS


Date : 20040909

Dossier : A-124-04

Référence : 2004 CAF 288

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE EVANS

ENTRE :

              LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                           FABIAN L. FLEMING

                                                                                                                                           défendeur

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DÉCARY


[1]                Dans cette demande de contrôle judiciaire, la question complexe qui se pose est de savoir si un tribunal de révision (le Tribunal), constitué conformément à l'article 82 du Régime de pensions du Canada (le Régime) en vue d'entendre un appel d'une décision du ministre des Ressources humaines (le ministre) rendue en application de l'article 81 du Régime, par laquelle une deuxième demande de prestations présentée par le défendeur a été rejetée, a compétence pour déterminer également, en vertu du paragraphe 84(2) du Régime, si une décision antérieure par laquelle le Tribunal avait rejeté un appel de la décision du ministre de rejeter la première demande doit être annulée ou modifiée compte tenu de faits nouveaux.

[2]                Eu égard aux circonstances plutôt particulières et embrouillées de la présente espèce, deux demandes de prestations présentées par le défendeur sont en cause. La première demande a été présentée le 5 novembre 1996; le ministre l'a rejetée le 17 mars 1997. Le ministre a rejeté la demande de réexamen le 4 février 1998. Le défendeur a ensuite interjeté appel, le 7 mai 1998, auprès du Tribunal, qui a rejeté l'appel le 10 mai 1999. Le défendeur n'a pas interjeté appel de la décision du Tribunal devant la Commission d'appel des pensions (la Commission).

[3]                Il est reconnu que la période minimale d'admissibilité a pris fin le 31 décembre 1998 et que la décision du Tribunal en date du 10 mai 1999 constituait une chose jugée à l'égard de cette première demande de prestations; la décision pouvait toutefois être annulée ou modifiée compte tenu de faits nouveaux en vertu du paragraphe 84(2).


[4]                Une deuxième demande a été présentée au ministre le 6 décembre 2000. Cette demande a été rejetée le 20 avril 2001; une demande de réexamen a été rejetée le 25 septembre 2001. Dans sa décision, le ministre, quoique en des termes ineptes, a informé le défendeur qu'il ne pouvait plus examiner la décision qu'il avait prise le 17 mars 1997 puisqu'il y avait chose jugée, que le défendeur devait demander au Tribunal, en vertu du paragraphe 84(2), de réviser en se fondant sur des faits nouveaux la décision antérieure du 10 mai 1999 et que la période d'admissibilité avait pris fin le 31 décembre 1998.

[5]                Le 7 janvier 2002, le défendeur a interjeté appel de la décision prise par le ministre le 25 septembre 2001, en invoquant probablement les seules questions donnant lieu à un appel d'une décision fondée sur l'article 81 dans la présente affaire, à savoir si la décision antérieure du 17 mars 1997 constituait une chose jugée et si la conclusion relative à la fin de la période d'admissibilité était erronée.

[6]                Le 17 octobre 2002, le défendeur a présenté une demande [TRADUCTION] « en vue de faire rouvrir la décision rendue par le Tribunal de révision en vertu du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada » (dossier d'appel, volume 1, à la page 210), cette décision étant nécessairement la décision rendue par le Tribunal le 10 mai 1999.


[7]                Au mois de novembre 2002, un tribunal de révision a été constitué en vertu de l'article 82 du Régime en vue d'entendre l'appel interjeté par le défendeur à l'encontre de la décision prise par le ministre le 25 septembre 2001 en vertu de l'article 81 du Régime. Le document par lequel le Tribunal de révision a été constitué n'a pas été soumis en preuve, mais il semble, selon les termes mêmes employés par le Tribunal et selon les termes employés par la Commission dans la décision contestée (dont je ferai plus loin mention), que le Tribunal n'ait pas été constitué pour statuer sur la demande présentée le 17 octobre 2002 en vertu du paragraphe 84(2), mais qu'il ait uniquement été constitué pour statuer sur l'appel de la décision prise par le ministre le 25 septembre 2001.

[8]                À l'audience, l'avocat du ministre a expliqué à la Cour que le commissaire des tribunaux de révision a toujours l'habitude de constituer deux tribunaux distincts pour qu'ils statuent respectivement sur les décisions fondées sur l'article 81 et sur les demandes fondées sur le paragraphe 84(2). L'avocat a ajouté qu'en l'espèce, aucun tribunal n'avait encore été constitué pour statuer sur la demande fondée sur le paragraphe 84(2) et que, si le ministre avait gain de cause dans la présente demande de contrôle judiciaire, il tenterait de faire en sorte que le commissaire constitue pareil tribunal le plus tôt possible. En d'autres termes, le défendeur, s'il devait être débouté devant nous, bénéficierait néanmoins d'une audience à l'égard de la demande fondée sur le paragraphe 84(2).


[9]                Je note en passant qu'il règne également une certaine confusion par suite des nombreuses mentions, dans le dossier et dans les actes de procédure, des tribunaux de révision constitués en vertu de l'article 82 et des tribunaux de révision constitués en vertu du paragraphe 84(2). Or, le Régime ne prévoit pas la constitution d'un tribunal de révision en vertu du paragraphe 84(2). Selon l'article 2 du Régime, l'expression « tribunal de révision » s'entend d'un « [T]ribunal de révision [...] constitué en application de l'article 82 » . Il serait donc plus approprié de parler des tribunaux de révision constitués aux fins du règlement des appels liés aux procédures prévues à l'article 81 et des tribunaux de révision constitués aux fins du règlement des demandes fondées sur le paragraphe 84(2). Étant donné qu'il ressort clairement du dossier qu'en l'espèce, on a constitué le Tribunal uniquement pour qu'il statue sur l'appel de la décision que le ministre a prise en vertu de l'article 81 du Régime, je n'ai pas à déterminer si le commissaire peut constituer un seul tribunal de révision afin d'examiner les deux types de procédures.

[10]            Pour en revenir à la chronologie des événements, le Tribunal a rejeté, le 6 janvier 2003, l'appel qui avait été interjeté à l'égard de la décision du 25 septembre 2001, mais en des termes qui indiquent qu'il statuait également, ou peut-être qu'il statuait plutôt, sur la demande présentée le 17 octobre 2002 en vertu du paragraphe 84(2), dont il n'avait pas été régulièrement saisi. Quoi qu'il en soit, le Tribunal a en fin de compte conclu à l'inexistence de faits nouveaux.

[11]            Le défendeur a demandé l'autorisation d'en appeler de la décision de la Commission. L'autorisation a été accordée à l'égard de la question suivante : [TRADUCTION] « Un nouveau test de dépistage d'une maladie qui n'était pas antérieurement disponible (avant la date de l'audience tenue par un tribunal de révision antérieur) constitue-t-il un fait nouveau? » (Dossier d'appel, volume 2, à la page 441).


[12]            Avant que la Commission entende l'appel, le ministre a présenté une requête en vue de faire rejeter l'appel pour le motif que la Commission n'avait pas compétence pour entendre l'appel. Selon le ministre, si l'audience tenue par le Tribunal se rapportait à la deuxième demande du défendeur, la chose jugée s'appliquait par suite de la décision prise par le ministre au sujet de la première demande (voir Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Macdonald, 2002 CAF 48), le défendeur était lié par la dernière décision et le Tribunal ne pouvait pas examiner indirectement cette décision. D'autre part, si l'audience tenue par le Tribunal se rapportait à une demande présentée en vertu du paragraphe 84(2), visant l'annulation ou la modification de la décision rendue par le Tribunal le 10 mai 1999, la Commission n'avait pas compétence pour entendre un appel de la décision du Tribunal, selon laquelle il n'y avait pas de faits nouveaux (voir Oliveira c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2004 CAF 136).

[13]            La Commission a rejeté la requête. Elle n'avait pas eu l'occasion de prendre connaissance des décisions récemment rendues par la présente cour dans les affaires Macdonald et Oliveira (précitées). Ses motifs ne peuvent pas être conciliés avec ces décisions et sont clairement erronés. Comme la Commission l'a conclu, il se peut bien que le Tribunal ait commis une erreur en interprétant la notion de « faits nouveaux » , mais étant donné qu'il a finalement conclu à l'absence de faits nouveaux, l'erreur le cas échéant n'est pas susceptible de révision par la Commission dans le cadre d'un appel; elle peut cependant être révisée par la Cour fédérale dans le cadre d'un contrôle judiciaire.


[14]            J'accueillerais la demande de contrôle judiciaire, j'annulerais la décision de la Commission et je renverrais l'affaire à la Commission pour qu'elle rende une nouvelle décision compte tenu du fait que la requête visant le rejet de l'appel pour défaut de compétence aurait dû être accueillie.

[15]            La présente ordonnance laisse pendante la décision du Tribunal, dont nous n'avions pas à vrai dire été saisis et qui règle tout au plus l'appel interjeté le 7 janvier 2002. L'avocat du ministre a informé la Cour que son client n'avait pas l'intention de se fonder sur cette décision, mais qu'il priera plutôt le commissaire de constituer un autre tribunal de révision pour statuer à bref délai sur la demande du 17 octobre 2002 fondée sur le paragraphe 84(2), sur laquelle il n'a pas encore été vraiment statué.

[16]            Il va sans dire qu'eu égard aux circonstances, le défendeur devrait avoir droit à ses dépens devant la présente cour.

« Robert Décary »

Juge

« Je souscris aux présents motifs,

Gilles Létourneau, juge »

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


LE JUGE EVANS (dissident)

[17]            J'ai eu l'avantage de lire les motifs de mon collègue, le juge Décary; je souscris entièrement à son compte rendu des faits pertinents. Je joins à ces motifs le texte des dispositions législatives pertinentes. Toutefois, avec égards, je suis arrivé à une conclusion différente et je rejetterais la demande de contrôle judiciaire présentée par le ministre.

[18]            Il est beaucoup trop onéreux, me semble-t-il, de renvoyer l'affaire devant un nouveau tribunal de révision pour que celui-ci détermine si la preuve que M. Fleming a soumise constitue des « faits nouveaux » pour l'application du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 et, dans l'affirmative, si cela justifie l'annulation de la décision rendue par le Tribunal en 2003. Monsieur Fleming a déjà bénéficié d'une audience complète devant un tribunal de révision et d'une décision de la part de pareil tribunal pour ce qui est de la question des « faits nouveaux » . Renvoyer l'affaire à un tribunal de révision ouvrirait également la porte à une autre série d'appels devant la Commission ou à une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale, avec un droit d'appel devant la présente cour. À mon avis, M. Fleming a été victime d'une confusion bureaucratique et il devrait avoir pleinement la possibilité de faire trancher au fond son appel par la Commission sans autre délai et sans que des ressources soient inutilement gaspillées.


[19]            Je souscris à l'avis de l'avocat du ministre lorsqu'il affirme que le fondement de la décision rendue par le Tribunal de révision en 2003 n'est pas tout à fait clair. Le Tribunal voulait peut-être dire que la preuve soumise par M. Fleming ne constituait pas des « faits nouveaux » l'autorisant à rouvir la décision rendue en 1999 par le Tribunal en vertu du paragraphe 84(2), ou qu'il existait des « faits nouveaux » , mais que ces faits ne suffisaient pas pour établir que M. Fleming était admissible à des prestations d'invalidité à long terme. Les motifs prononcés par le Tribunal sont vraiment ambigus. Je reviendrai sur cette question plus loin dans ces motifs.

[20]            Je suis également d'accord avec l'avocat du ministre pour dire que l'historique procédural du traitement de la demande que M. Fleming a présentée au ministre en l'an 2000 afin de faire réexaminer la demande de prestations d'invalidité à long terme pour le motif qu'il existait des « faits nouveaux » indique la confusion qui régnait à tous les paliers du processus de prise de décision administrative. Il est tout à fait compréhensible qu'après avoir reçu la lettre de décision du ministre du 25 septembre 2001, M. Fleming ait erronément eu l'impression qu'il pouvait en appeler auprès du Tribunal de révision de la conclusion du ministre selon laquelle il n'existait pas de « faits nouveaux » justifiant la prise d'une décision favorable.


[21]            Toutefois, je ne souscris pas à l'argument de l'avocat selon lequel la Commission d'appel des pensions aurait dû accueillir la requête que le ministre avait présentée en vue de faire rejeter l'appel pour le motif qu'étant donné que le Tribunal de révision visé par l'appel interjeté par M. Fleming auprès de la Commission était constitué afin d'entendre un appel et que la question des « faits nouveaux » se rapportait uniquement à une demande de réexamen de la décision rendue par le Tribunal en 1999, le Tribunal de révision n'avait pas compétence pour examiner la question des « faits nouveaux » dans sa décision de 2003.

[22]            Il est vrai que, même si le document par lequel le Tribunal de révision était constitué n'a pas été mis à la disposition de la Cour, le Tribunal déclare, au début de ses motifs, qu'il a été constitué en vertu de l'article 82 de la Loi pour entendre l'appel interjeté par M. Fleming à l'encontre de la décision du 25 septembre 2001 par laquelle le ministre a rejeté la demande de prestations de l'an 2000. Il est également reconnu que cet appel-là soulevait strictement deux questions. En premier lieu, il s'agissait de savoir si la décision par laquelle le Tribunal de révision avait rejeté, en 1999, l'appel interjeté par M. Fleming à l'encontre de la décision de 1996 par laquelle le ministre avait conclu que M. Fleming n'était pas admissible à des prestations d'invalidité à long terme empêchait le ministre de rendre une décision au fond au sujet de la demande présentée par M. Fleming en l'an 2000. L'avocat a convenu qu'un appel fondé sur ce motif était voué à l'échec parce que la doctrine de la chose jugée s'appliquait à la demande que M. Fleming avait faite au ministre en l'an 2000. En second lieu, il s'agissait de savoir si la période minimale d'admissibilité avait pris fin au mois de décembre 1998, question que M. Fleming n'avait apparemment pas soulevée devant le Tribunal.


[23]            En outre, étant donné la décision rendue par le Tribunal en 1999, il n'était pas loisible au ministre, en l'an 2000, d'annuler sa décision de 1996 pour le motif qu'il existait des « faits nouveaux » . Le tribunal a donc commis une erreur de droit en l'espèce si, dans sa décision de 2003, il croyait que la question des « faits nouveaux » se posait dans le cadre de l'appel interjeté en vertu de l'article 82 à l'encontre de la décision prise par le ministre en vertu de l'article 81, à savoir que M. Fleming n'était pas admissible à des prestations à long terme, plutôt qu'à l'égard d'une demande fondée sur le paragraphe 84(2) visant le réexamen de la décision rendue par le Tribunal en 1999. La question des « faits nouveaux » peut se poser dans le cadre d'un appel interjeté auprès d'un tribunal de révision à l'encontre de la décision du ministre si l'on a demandé au ministre d'annuler ou de modifier sa propre décision conformément au paragraphe 84(2) et si le ministre a conclu à l'existence de faits nouveaux, ces faits ne justifiant toutefois pas l'annulation de la décision antérieure (Peplinski c. Canada, [1992] 1 C.F. 222 (1re inst.)), et si aucun appel de la décision antérieure du ministre n'a été tranché par un tribunal de révision. Toutefois, ce n'est bien sûr pas ici le cas.

[24]            Toutefois, à mon avis, il n'est pas loisible au ministre, eu égard aux faits portés à notre connaissance, d'affirmer maintenant avec insistance que le Tribunal de révision aurait uniquement dû examiner l'appel et déterminer en particulier si la demande de prestations d'invalidité à long terme que M. Fleming avait faite au ministre en l'an 2000 constituait une chose jugée ou qu'une erreur avait été commise au sujet de la période minimale d'admissibilité. Il est clair que le ministre avait toujours soumis au Tribunal la question de savoir s'il existait des « faits nouveaux » justifiant la modification de la décision de 1999 en tant que principale question en litige et que le Tribunal s'est fondé sur cette question.


[25]            Ainsi, dans le document intitulé [TRADUCTION] « Explications fournies par DRHC à l'égard de la décision portée en appel devant le Tribunal de révision » en date du 4 juin 2002 (dossier du demandeur, volume I, à la page 46), il est dit ce qui suit :

[TRADUCTION] En l'espèce, il s'agit de savoir s'il existe des « faits nouveaux » qui pourraient amener le Tribunal de révision à modifier sa décision du 23 février 1999.

Et, dans [TRADUCTION] l' « Argumentation soumise au Tribunal de révision » , il a été soutenu pour le compte du ministre que le Tribunal devait rejeter l'appel parce que la preuve médicale n'établissait pas que M. Fleming était invalide au mois de décembre 1998, à un moment où la période minimale d'admissibilité était écoulée : dossier du demandeur, volume I, à la page 49.

[26]            Il importe également de noter que M. Fleming avait interjeté appel au mois de janvier 2002 et que, le 17 octobre 2002, il a présenté une demande au Bureau du commissaire des tribunaux de révision en vue de faire réexaminer l'affaire en vertu du paragraphe 84(2). De fait, le ministre a attiré l'attention du Tribunal sur ce dernier fait dans ses [TRADUCTION] « Commentaires supplémentaires relatifs aux explications fournies par DRHC à l'égard de la décision visée par l'appel » , en date du 29 octobre 2002 : dossier du demandeur, volume 1, à la page 56.


[27]            L'auteur de ce document fait remarquer que le commissaire des tribunaux de révision avait récemment informé DRHC que M. Fleming avait demandé un réexamen de la décision rendue par le Tribunal en 1999 et qu'il avait fait savoir qu'il soumettait la preuve de « faits nouveaux » . Il est également déclaré qu'étant donné que le Tribunal avait rejeté l'appel de M. Fleming en 1999, le principe de la chose jugée s'appliquait aux demandes subséquemment faites au ministre et que [TRADUCTION] « la décision p[ouvait] uniquement être modifiée par l'organisme qui a[vait] pris la décision » . Après avoir fait des commentaires défavorables au sujet de la valeur probante des éléments de preuve additionnels soumis par M. Fleming, l'auteur du document conclut qu'à la lumière des prétentions qui ont été faites au sujet des éléments de preuve additionnels et pour les motifs énoncés par le Tribunal en 1999, M. Fleming n'était toujours pas admissible aux prestations d'invalidité à long terme et que son appel devait être rejeté.

[28]            Dans ces conditions, il est selon moi insensé que le ministre nie maintenant que le Tribunal ait compétence pour examiner la question des « faits nouveaux » . Telle était la question que les parties avaient soumise au Tribunal, et ce, peu importe que le Tribunal ou les parties se soient pleinement rendu compte de l'importance de la distinction à faire entre un appel et un réexamen et des questions pertinentes dans chaque cas.


[29]            En outre, la communication du commissaire, transmise au Tribunal dans les [TRADUCTION] « Commentaires supplémentaires » du ministre, peut avec raison être interprétée comme une invitation au Tribunal à trancher la seule question encore pendante, c'est-à-dire à régler la demande que M. Fleming venait de présenter en vertu du paragraphe 84(2), en déterminant si la preuve soumise par M. Fleming soulevait des « faits nouveaux » et, dans l'affirmative, si cela permettait de conclure que M. Fleming avait droit à des prestations d'invalidité à long terme. Dans les documents soumis au Tribunal, on ne laisse pas entendre que le Tribunal ne pouvait pas examiner ces questions aux fins de l'annulation possible de la décision antérieure. Il n'est donc pas surprenant que ce soit précisément ce que le Tribunal a fait.

[30]            À mon avis, il reste uniquement à déterminer si la Commission d'appel des pensions a commis une erreur de droit en omettant d'accueillir la requête du ministre pour le motif que, dans sa décision de 2003, le Tribunal de révision a rejeté la demande fondée sur le paragraphe 84(2) en concluant que la preuve soumise par M. Fleming ne soulevait pas de « faits nouveaux » susceptibles d'influer sur la décision de 1999. Si tel avait été le fondement de la décision du Tribunal, la Commission aurait dû rejeter l'appel pour défaut de compétence : Oliveira c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2004 CAF 136.

[31]            Toutefois, l'avocat de M. Fleming soutient que les motifs du tribunal, s'ils sont interprétés correctement, devraient être considérés comme indiquant que le Tribunal a rejeté l'appel pour le motif que, même si les éléments de preuve supplémentaires soumis par M. Fleming soulevaient des « faits nouveaux » , cela ne permettait pas pour autant de conclure que M. Fleming était admissible à des prestations d'invalidité à long terme. Le Tribunal n'a donc pas annulé la décision de 1999. Selon cette interprétation de la décision du Tribunal, il est concédé que cette décision pouvait être portée en appel devant la Commission.


[32]            Étant donné la confusion qui régnait à tous les paliers dans la présente affaire et puisque l'avocat du ministre a concédé que les motifs prononcés par le Tribunal sont ambigus pour ce qui est de la question de l'absence de « faits nouveaux » ou de l'insuffisance des « faits nouveaux » aux fins de l'annulation de la décision de 1999, je ne suis pas prêt à conclure que la Commission a commis une erreur de droit en rejetant la requête que le ministre avait présentée en vue de faire radier l'appel pour défaut de compétence. Étant donné qu'il était avec raison loisible à la Commission d'interpréter comme elle l'a fait les motifs de la décision du Tribunal, je laisserais le bénéfice du doute à M. Fleming et je l'autoriserais à débattre au fond l'appel qu'il a interjeté auprès de la Commission.


[33]            Je note que le membre de la Commission qui a accueilli la demande que M. Fleming avait présentée en vue d'être autorisé à interjeter appel a énoncé comme « motif » le fait qu'à son avis, la question de savoir si [TRADUCTION] « un nouveau test de dépistage de la maladie était antérieurement disponible (avant la date de l'audience tenue par le tribunal de révision antérieur) soulève des faits nouveaux » [TRADUCTION] « doit être tranchée » . Toutefois, je suppose que, quelle que soit sa pratique habituelle, si la Commission conclut à l'existence de « faits nouveaux » , eu égard aux circonstances de l'espèce elle tranchera également l'affaire au fond en déterminant, compte tenu de la preuve mise à sa disposition, si le Tribunal de révision devait annuler ou modifier sa décision de 1999. Étant donné les retards déjà occasionnés, je demanderais que l'appel interjeté devant la Commission par M. Fleming soit entendu le plus tôt possible.

[34]            Pour ces motifs, je rejetterais avec dépens la demande de contrôle judiciaire présentée par le ministre.

                                                                                                                                « John M. Evans »               

                                                                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                                                      ANNEXE

                 Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8, dans sa forme modifiée

82. (1)      La personne qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application de l'article 81 ou du paragraphe 84(2) ou celle qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application du paragraphe 27.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse ou, sous réserve des règlements, quiconque de sa part, peut interjeter appel par écrit auprès d'un tribunal de révision de la décision du ministre soit dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où la première personne est, de la manière prescrite, avisée de cette décision, ou, selon le cas, suivant le jour où le ministre notifie à la deuxième personne sa décision et ses motifs, soit dans le délai plus long autorisé par le commissaire des tribunaux de révision avant ou après l'expiration des quatre-vingt-dix jours.

82.     (1)      A party who is dissatisfied with a decision of the Minister made under section 81 or subsection 84(2), or a person who is dissatisfied with a decision of the Minister made under subsection 27.1(2) of the Old Age Security Act, or, subject to the regulations, any person on their behalf, may appeal the decision to a Review Tribunal in writing within 90 days, or any longer period that the Commissioner of Review Tribunals may, either before or after the expiration of those 90 days, allow, after the day on which the party was notified in the prescribed manner of the decision or the person was notified in writing of the Minister's decision and of the reasons for it.

(2)      Un tribunal de révision est constitué conformément au présent article.

[...]

(2)      A Review Tribunal shall be constituted in accordance with this section.

...

(8)      Un appel auprès d'un tribunal de révision est entendu à l'endroit du Canada que fixe le commissaire, compte tenu de ce qui convient à l'appelant, au ministre et aux mis en cause en application du paragraphe (10).

[...]

(8)      An appeal to a Review Tribunal shall be heard at such place in Canada as is fixed by the Commissioner, having regard to the convenience of the appellant, the Minister, and any other person added as a party to the appeal pursuant to subsection (10).

...




(11)    Un tribunal de révision peut confirmer ou modifier une décision du ministre prise en vertu de l'article 81 ou du paragraphe 84(2) ou en vertu du paragraphe 27.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et il peut, à cet égard, prendre toute mesure que le ministre aurait pu prendre en application de ces dispositions; le commissaire des tribunaux de révision doit aussitôt donner un avis écrit de la décision du tribunal et des motifs la justifiant au ministre ainsi qu'aux parties à l'appel.

[...]

(11)    A Review Tribunal may confirm or vary a decision of the Minister made under section 81 or subsection 84(2) or under subsection 27.1(2) of the Old Age Security Act and may take any action in relation to any of those decisions that might have been taken by the Minister under that section or either of those subsections, and the Commissioner of Review Tribunals shall thereupon notify the Minister and the other parties to the appeal of the Review Tribunal's decision and of the reasons for its decision.

...

83. (1)      La personne qui se croit lésée par une décision du tribunal de révision rendue en application de l'article 82 - autre qu'une décision portant sur l'appel prévu au paragraphe 28(1) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse - ou du paragraphe 84(2), ou, sous réserve des règlements, quiconque de sa part, de même que le ministre, peuvent présenter, soit dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où la décision du tribunal de révision est transmise à la personne ou au ministre, soit dans tel délai plus long qu'autorise le président ou le vice-président de la Commission d'appel des pensions avant ou après l'expiration de ces quatre-vingt-dix jours, une demande écrite au président ou au vice-président de la Commission d'appel des pensions, afin d'obtenir la permission d'interjeter un appel de la décision du tribunal de révision auprès de la Commission.

83.     (1)      A party or, subject to the regulations, any person on behalf thereof, or the Minister, if dissatisfied with a decision of a Review Tribunal made under section 82, other than a decision made in respect of an appeal referred to in subsection 28(1) of the Old Age Security Act, or under subsection 84(2), may, within ninety days after the day on which that decision was communicated to the party or Minister, or within such longer period as the Chairman or Vice-Chairman of the Pension Appeals Board may either before or after the expiration of those ninety days allow, apply in writing to the Chairman or Vice-Chairman for leave to appeal that decision to the Pension Appeals Board.

(2)      Sans délai suivant la réception d'une demande d'interjeter un appel auprès de la Commission d'appel des pensions, le président ou le vice-président de la Commission doit soit accorder, soit refuser cette permission.

[...]

(2)      The Chairman or Vice-Chairman of the Pension Appeals Board shall, forthwith after receiving an application for leave to appeal to the Pension Appeals Board, either grant or refuse that leave.

...

(4)      Dans les cas où l'autorisation d'interjeter appel est accordée, la demande d'autorisation d'interjeter appel est assimilée à un avis d'appel et celui-ci est réputé avoir été déposé au moment où la demande d'autorisation a été déposée.

[...]

(4)      Where leave to appeal is granted, the application for leave to appeal thereupon becomes the notice of appeal, and shall be deemed to have been filed at the time the application for leave to appeal was filed.

...

(11)    La Commission d'appel des pensions peut confirmer ou modifier une décision d'un tribunal de révision prise en vertu de l'article 82 ou du paragraphe 84(2) et elle peut, à cet égard, prendre toute mesure que le tribunal de révision aurait pu prendre en application de ces dispositions et en outre, elle doit aussitôt donner un avis écrit de sa décision et des motifs la justifiant à toutes les parties à cet appel.

(11)    The Pension Appeals Board may confirm or vary a decision of a Review Tribunal under section 82 or subsection 84(2) and may take any action in relation thereto that might have been taken by the Review Tribunal under section 82 or subsection 84(2), and shall thereupon notify in writing the parties to the appeal of its decision and of its reasons therefor.

84. (1)      Un tribunal de révision et la Commission d'appel des pensions ont autorité pour décider des questions de droit ou de fait concernant :

a) la question de savoir si une prestation est payable à une personne;

[...]

La décision du tribunal de révision, sauf disposition contraire de la présente loi, ou celle de la Commission d'appel des pensions, sauf contrôle judiciaire dont elle peut faire l'objet aux termes de la Loi sur les Cours fédérales, est définitive et obligatoire pour l'application de la présente loi.

84. (1)      A Review Tribunal and the Pension Appeals Board have authority to determine any question of law or fact as to

(a)      whether any benefit is payable to a person,

...

and the decision of a Review Tribunal, except as provided in this Act, or the decision of the Pension Appeals Board, except for judicial review under the Federal Courts Act, as the case may be, is final and binding for all purposes of this Act.

(2)      Indépendamment du paragraphe (1), le ministre, un tribunal de révision ou la Commission d'appel des pensions peut, en se fondant sur des faits nouveaux, annuler ou modifier une décision qu'il a lui-même rendue ou qu'elle a elle-même rendue conformément à la présente loi.

(2)      The Minister, a Review Tribunal or the Pension Appeals Board may, notwithstanding subsection (1), on new facts, rescind or amend a decision under this Act given by him, the Tribunal or the Board, as the case may be.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 A-124-04

INTITULÉ :                                                                LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

c.

FABIAN L. FLEMING

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                       LE 1ER SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LE JUGE DÉCARY

Y A SOUSCRIT :                                                        LE JUGE LÉTOURNEAU

MOTIFS DISSIDENTS :                                           LE JUGE EVANS

COMPARUTIONS:

Michel Mathieu                                                              POUR LE DEMANDEUR

Mary T. Collins                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                POUR LE DEMANDEUR

Clinique d'aide juridique de                                            POUR LE DÉFENDEUR

Lanark, Leeds et Grenville

Perth (Ontario)


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