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Date : 20020117

Dossier : A-691-00

Toronto (Ontario), le jeudi 17 janvier 2002.

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                           DEBRA RAPHAEL

                                                                                                                                          appelante

                                                                            et

                                                    SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                              intimée

                                                                 JUGEMENT

L'appel est rejeté avec dépens.

« B. L. Strayer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20020118

Dossier : A-691-00

Référence neutre : 2002 CAF 23

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                           DEBRA RAPHAEL

                                                                                                                                          appelante

                                                                            et

                                                    SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                              intimée

                                Audience tenue à Toronto (Ontario), le 17 janvier 2002

                      Jugement rendu à l'audience à Toronto (Ontario), le 17 janvier 2002

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                LE JUGE SEXTON


Date : 20020118

Dossier : A-691-00

Référence neutre : 2002 CAF 23

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                           DEBRA RAPHAEL

                                                                                                                                          appelante

et

                                                    SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                              intimée

                                       MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Rendus à l'audience à Toronto (Ontario),

le jeudi 17 janvier 2002)

LE JUGE SEXTON


[1]                 Le mari de l'appelante, par l'entremise d'une société lui appartenant, exploitait un grand nombre de bijouteries au Canada. La récession qui a sévi au début des années 1990 a grandement nui à son commerce et la société a fait faillite. Or, le mari avait garanti des baux et des prêts de plusieurs centaines de milliers de dollars dont la société était responsable. La banque l'a averti qu'un grand nombre de ses créanciers avaient effectué des saisies-arrêts sur ses comptes bancaires et que les fonds qui étaient dans les comptes, à la banque, devraient être remis à ces créanciers.

[2]                 À ce moment-là, le mari avait de l'argent dans son REER; il voulait s'en servir pour acquitter certaines de ses dettes et avoir ainsi la possibilité de continuer à exploiter son commerce. Toutefois, il savait que si l'argent était déposé dans un compte à son nom, cet argent pouvait être saisi par ses créanciers. Afin d'éviter que cela se produise et d'être en mesure de mettre le plan du mari à exécution, les deux conjoints ont convenu que le mari déposerait l'argent dans le compte de l'appelante et que cette dernière paierait certaines sommes à l'aide de ce compte selon les instructions de son mari; en effet, l'appelante voulait éviter une faillite personnelle à son mari. L'argent a dûment été déposé dans le compte de l'appelante qui, à son tour, a versé de l'argent à un grand nombre des créanciers de son mari selon les instructions de celui-ci. Toutefois, l'appelante payait également des dépenses personnelles effectuées par les deux conjoints. Environ la moitié seulement de l'argent du mari a servi au remboursement des dettes existantes de celui-ci. Les sommes que le mari avait déposées dans le compte étaient mélangées à l'argent de l'appelante, ce qui rendait toute comptabilité difficile; le juge de la Cour de l'impôt a conclu qu'il n'était pas possible d'établir un lien entre l'argent du mari et les sommes versées aux créanciers de celui-ci.


[3]                 En plus de devoir de l'argent à ses créanciers, le mari devait également de l'argent au titre de l'impôt sur le revenu qu'il n'avait pas payé. Lorsque le fisc a appris que les fonds avaient été transférés au compte de la conjointe, il a établi une cotisation à l'égard de l'appelante en vertu du paragraphe 160(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui prévoit ce qui suit :

160(1) Lorsqu'une personne a, depuis le 1er mai 1951, transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d'une fiducie ou de toute autre façon à l'une des personnes suivantes :

a) son époux ou conjoint de fait ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait;

b) une personne qui était âgée de moins de 18 ans;

c) une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance;

les règles suivantes s'appliquent :

d) le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement d'une partie de l'impôt de l'auteur du transfert en vertu de la présente partie pour chaque année d'imposition égale à l'excédent de l'impôt pour l'année sur ce que cet impôt aurait été sans l'application des articles 74.1 à 75.1 de la présente loi et de l'article 74 de la Loi de l'impôt sur le revenu, chapitre 148 des Statuts révisés du Canada de 1952, à l'égard de tout revenu tiré des biens ainsi transférés ou des biens y substitués ou à l'égard de tout gain tiré de la disposition de tels biens;

e) le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d'un montant égal au moins élevé des montants suivants :

(i)     l'excédent éventuel de la juste valeur marchande des biens au moment du transfert sur la juste valeur marchande à ce moment de la contrepartie donnée pour le bien,

(ii)    le total des montants dont chacun représente un montant que l'auteur du transfert doit payer en vertu de la présente loi au cours de l'année d'imposition dans laquelle les biens ont été transférés ou d'une année d'imposition antérieure ou pour une de ces années;

aucune disposition du présent paragraphe n'est toutefois réputée limiter la responsabilité de l'auteur du transfert en vertu de quelque autre disposition de la présente loi. [Non souligné dans l'original.]


[4]                 Le juge de la Cour de l'impôt a énoncé quatre conditions à remplir pour que le paragraphe 160(1) s'applique; ce faisant, il suivait une décision de la Cour de l'impôt, Doreen Williams c. La Reine, no 98-1604, 4 juillet 2000. Il s'agissait des conditions ci-après énoncées :

1)          il doit y avoir eu un transfert de biens;

2)          il faut que l'auteur et le bénéficiaire du transfert aient un lien de dépendance;

3)          le bénéficiaire du transfert ne doit pas avoir donné de contrepartie à l'auteur du transfert (ou doit lui avoir donné une contrepartie insuffisante);

4)          l'auteur du transfert doit payer un montant en vertu de la Loi au cours de l'année dans laquelle les biens ont été transférés ou d'une année antérieure.

[5]                 Le juge de la Cour de l'impôt a conclu que des biens avaient été transférés parce que les fonds avaient été transférés au compte bancaire de la conjointe. Il a également statué que le mari et la femme avaient entre eux un lien de dépendance. En examinant la troisième condition, le juge a statué que l'obligation morale qui était alléguée par la conjointe lorsqu'il s'agissait de payer les sommes selon les instructions du mari n'équivalait pas à une contrepartie. Voici ce que le juge a dit :

Pour énoncer la question relative au transfert en termes simples, un arrangement privé entre l'appelante et Ernest peut imposer une obligation morale à l'appelante, mais cette obligation morale n'empêche pas ou ne permet pas d'éviter l'application du paragraphe 160(1).

[6]                 Le juge de la Cour de l'impôt a donc rejeté l'appel interjeté par la conjointe.


[7]                 L'appelante a soutenu devant nous qu'il n'y avait pas eu transfert d'argent au sens du paragraphe 160(1) de la Loi. Elle a affirmé que puisqu'elle avait témoigné croire qu'elle avait une obligation morale d'utiliser les fonds de la façon dont son mari le voulait, témoignage qui a été retenu par le juge de la Cour de l'impôt, et puisqu'elle avait en outre témoigné avoir de fait utilisé les fonds en vue d'effectuer certains paiements de la façon dont son mari le voulait, il n'y avait pas transfert de fonds au sens du paragraphe 160(1).

[8]                 L'appelante a également soutenu qu'une fiducie avait été créée pour son mari, de sorte qu'il n'y avait pas transfert de biens. Toutefois, l'intention des conjoints en l'espèce, à savoir mettre l'argent du mari à l'abri de ses créanciers, n'est pas conforme à la création d'une fiducie. Si de fait une fiducie a été établie, le mari aurait droit à ces fonds à titre de bénéficiaire et ces fonds ne seraient pas protégés contre une saisie-arrêt effectuée par les créanciers du mari. L'intention des parties n'était donc clairement pas de prendre des dispositions pour que le mari continue à être propriétaire bénéficiaire des fonds. Par conséquent, aucune fiducie n'a été créée.

[9]                 L'argument le plus convaincant qui a été invoqué par l'appelante était qu'elle avait donné une contrepartie valable en promettant d'effectuer des paiements uniquement selon les instructions de son mari. Si une contrepartie valable d'une valeur égale à celle des biens transférés a été donnée, le paragraphe 160(1) ne s'applique pas.


[10]            Si de fait la femme avait fait une promesse légalement exécutoire de verser de l'argent aux créanciers de son mari uniquement selon les instructions de celui-ci, et ce, en leur remettant des montants correspondant aux fonds qui avaient été transférés, cela aurait bien pu constituer une contrepartie suffisante pour éviter l'application du paragraphe 160(1). Toutefois, la preuve et la conclusion tirée par le juge de la Cour de l'impôt n'étaient pas telles. Lorsqu'on lui a demandé si elle avait une obligation légale d'acquitter les comptes comme son mari le lui demandait, l'appelante a convenu qu'elle n'avait aucune obligation légale de le faire et qu'il s'agissait uniquement d'une obligation morale. Elle a en outre admis que son mari ne pouvait pas la forcer à acquitter les comptes qu'il voulait payer. Bien sûr, s'il existait une obligation légale fondée sur l'existence d'une fiducie, le mari aurait pu contraindre sa conjointe à effectuer pareil paiement. Cette preuve confirme que l'appelante croyait réellement n'avoir qu'une obligation morale; nous sommes d'accord avec le juge de la Cour de l'impôt pour dire que cela ne constitue pas une contrepartie suffisante.

[11]            Il importe également de noter que les sommes qui ont été transférées ne servaient pas toutes au remboursement des dettes du mari. Elles servaient également à d'autres fins. Par conséquent, cette preuve n'étaye pas l'existence de la présumée promesse d'utiliser les fonds du mari uniquement aux fins du paiement des créanciers, et ce, pour des montants correspondant aux fonds qui avaient été transférés.


[12]            Toutefois, il ne faut pas considérer que nous souscrivons à toutes les remarques que le juge de la Cour de l'impôt a faites au sujet de la question de savoir si une contrepartie peut être donnée entre le mari et sa conjointe de façon à empêcher l'application du paragraphe 160(1).

[13]            Nous estimons donc qu'il y a eu transfert de biens au sens du paragraphe 160(1) et qu'il n'a pas été établi qu'une contrepartie ait été donnée.

[14]            Pour les motifs susmentionnés, le présent appel devrait être rejeté avec dépens.

« J. E. Sexton »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D'APPEL

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      A-691-00

INTITULÉ :                                                                     DEBRA RAPHAEL

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le jeudi 17 janvier 2002

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Toronto (Ontario)

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :            Monsieur le juge Sexton

MOTIFS RENDUS À L'AUDIENCE À TORONTO (ONTARIO), LE JEUDI 17 JANVIER 2002

COMPARUTIONS :

Mme Evelyn Schusheim                                                     pour l'appelante

Mme Christine Mohr et                                                     pour l'intimée

Mme Sointula Kirkpatrick

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cummings, Cooper, Schusheim, Berliner                         pour l'appelante

Avocats

Bureau 510

4110, rue Yonge

North York (Ontario)

M2P 2B7

M. Morris Rosenberg                                                        pour l'intimée

Sous-procureur général du Canada                                 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

Date : 20020117

Dossier : A-691-00

ENTRE :

DEBRA RAPHAEL

                                                                 appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                       intimée

                                                                                  

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR

                                                                                  


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