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Date : 20040326

Dossier : A-452-03

Référence : 2004 CAF 127

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                  CORPORATION DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                intimée

                                    Audience tenue à Montréal (Québec), le 10 mars 2004.

                                     Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 26 mars 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                             LES JUGES DÉCARY ET LÉTOURNEAU

Y A SOUSCRIT :                                                                                                   LE JUGE NADON


Date : 20040326

Dossier : A-452-03

Référence : 2004 CAF 127

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                  CORPORATION DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LES JUGES DÉCARY ET LÉTOURNEAU


[1]                Dans une décision répertoriée à [2003] G.S.T.C. 138, la juge Lamarre Proulx, de la Cour canadienne de l'impôt, s'est dite d'avis que la fourniture par l'appelante d'une licence d'exploitation d'une propriété intellectuelle ne constituait pas une fourniture exonérée au sens de l'alinéa 2c) de la Partie VI de l'Annexe V de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), c. E-15 (la Loi). La juge rejetait en conséquence l'appel interjeté par l'appelante à l'encontre d'une cotisation établie le 27 octobre 1998. Cette cotisation faisait état d'une pénalité imposée en vertu de l'article 280 de la Loi; la juge, en rejetant l'appel, a implicitement confirmé l'imposition de la pénalité, mais elle n'en a point traité dans ses motifs.

Les faits

[2]                L'appelante est une institution d'enseignement public de niveau universitaire affiliée à l'Université de Montréal. Elle se qualifiait, à l'époque pertinente, comme « organisme de bienfaisance » au sens de l'article 123 de la Loi tel qu'il se lisait alors.

[3]                À l'automne 1991, l'appelante a signé des conventions de recherche avec quatre sociétés de placement dans l'entreprise québécoise (SPEQ ou sociétés de placement). Elle s'y engageait à exécuter des projets de recherche pour le bénéfice desdites sociétés. La Convention de recherche-type prévoyait, à l'article 8.2 (d.a. vol. 1, p. 123), que les droits de propriété intellectuelle eu égard aux résultats des recherches étaient « l'entière propriété » de la société de placement, et, à l'article 8.3, qu'

Avec l'approbation préalable écrite de [la société de placement], l'[appelante] pourra se servir de la propriété intellectuelle à des fins de recherche et d'enseignement.


[4]                Dans une convention parallèle dite « contrat d'achat et de licence » conclue le même jour, l'appelante s'engageait, à l'article 2.1 (d.a. vol. 1, p. 145), à acheter de la société de placement, à une date donnée, la propriété intellectuelle et, à l'article 3.1 (d.a. vol. 1, p. 146), elle octroyait à la société de placement, à cette même date,

soit suite à l'acquisition de la propriété intellectuelle, une licence exclusive et irrévocable [...] des droits d'exploitation et de commercialisation de la propriété intellectuelle sous réserve du paiement pour une période minimale de 10 ans et maximale de 20 ans, des montants [...]

[5]                L'expression « propriété intellectuelle » est définie comme suit à l'article 1.2.8 (ibid., p. 144) :

[...] comprend uniquement l'information technique, le savoir-faire, les documents, les droits d'auteur, les banques de données, les logiciels, les données, les modèles, les patrons, les prototypes, les équipements et les résultats et connaissances issus directement de la réalisation du projet de recherche..., y compris toutes améliorations ou modifications et les droits d'exploitation et de commercialisation de la propriété intellectuelle conférés ... en vertu des présentes.

                                                                            [soulignement ajouté]

[6]                L'article 4.1 (ibid., p. 147) prévoit par ailleurs que l'appelante

s'engage et convient qu'elle-même n'exploitera pas ou ne commercialisera pas la propriété intellectuelle et qu'elle n'accordera à aucune autre partie quelconque le droit d'exploiter et de commercialiser de quelque façon que ce soit la propriété intellectuelle.

[7]                La preuve a par ailleurs révélé qu'aucune redevance n'a été reçue par l'appelante et qu'elle n'en recevra aucune, les sociétés de placement ayant mis fin à leurs activités.


[8]                L'appelante a acquitté la taxe sur les produits et services (la TPS) lors de l'achat de la propriété intellectuelle. En raison de son statut d' « organisme du secteur public » , l'appelante n'a par la suite obtenu qu'un remboursement partiel représentant 67% de la TPS qu'elle avait acquittée, ce remboursement et ce pourcentage étant prévus à l'article 259 de la Loi et à l'article 5 du Règlement sur les remboursements aux organismes de services publics, DORS/91037, 18 décembre 1990.


[9]                Il sera utile de rappeler ici la règle générale selon laquelle la TPS due sur une fourniture exonérée est payable à l'avant-dernière étape de la chaîne de production, ce qui a pour but d'encourager certains actes du consommateur final - aller à l'université, par exemple - ou d'aider le consommateur final - fournitures par les organismes de bienfaisance, aide juridique, santé, etc. (voir Annexe V de la Loi). Comme la TPS n'est pas transférée au consommateur final, l'avant-dernier consommateur - l'appelante en l'espèce - ne peut pas réclamer de crédit de taxe sur intrants (CTI) et il est remboursé, en partie seulement, sous forme de remise d'un certain pourcentage du montant de TPS qu'il a payé (ici, 67%). Il s'ensuit qu'une organisation telle l'appelante ne peut réclamer de CTI, ce qui lui assurerait un remboursement à 100%, que lorsqu'il est possible d'anticiper qu'un autre consommateur sera éventuellement en charge de la TPS plus loin sur la chaîne de consommation. Or, cela n'est possible, normalement, que dans le cadre d'activités commerciales auxquelles s'adonnerait par ailleurs l'organisme, puisque les consommateurs avec qui elle traite dans le cadre de ses activités d'enseignement ne sont pas assujettis au paiement de la TPS (voir Centre Provincial de Ressources Pédagogiques c. la Reine, [1999] G.S.T.C. 62 (C.C.I.)). Le législateur a cependant permis, par le biais de mécanismes décrits dans la Loi, qu'un remboursement intégral soit aussi possible en certaines circonstances. C'est d'un tel mécanisme dont l'appelante cherche à se prévaloir en l'espèce et que l'on retrouve dans la Partie VI de l'Annexe V de la Loi.

[10]            Ainsi, non satisfaite du remboursement de 67% auquel elle avait droit, l'appelante a soutenu que la fourniture de la licence constituait une « fourniture taxable » au sens de la Partie VI de l'Annexe V, auquel cas elle avait droit à un remboursement sous forme de CTI représentant 100% de la TPS déboursée. Selon l'appelante, la fourniture d'une licence de droits d'exploitation et de commercialisation moyennant des royautés ne faisait pas partie des activités habituelles d'un organisme de bienfaisance et constituait, plutôt, une activité commerciale visée par l'alinéa 2c) de la Partie VI de l'Annexe V.

[11]            Le ministère du Revenu du Québec n'a pas retenu les prétentions de l'appelante et celle-ci n'a pu recouvrer le plein montant de la TPS qu'elle avait payée, d'où le présent débat.

Les dispositions législatives

[12]            Les dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt sur le revenu et de la Loi sur la taxe d'accise sont les suivantes :



Loi de l'impôt sur le revenu

248.      (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

[...]

« entreprise » Sont compris parmi les entreprises les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et, sauf pour l'application de l'alinéa 18(2)c), de l'article 54.2, du paragraphe 95(1) et de l'alinéa 110.6(14)f), les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial, à l'exclusion toutefois d'une charge ou d'un emploi.

      Loi sur la taxe d'accise

123.      (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à l'article 121, à la présente partie et aux annexes V à X.

« entreprise » Sont compris parmi les entreprises les commerces, les industries, les professions et toutes affaires quelconques avec ou sans but lucratif, ainsi que les activités exercées de façon régulière ou continue qui comportent la fourniture de biens par bail, licence ou accord semblable. En sont exclus les charges et les emplois.

            Income Tax Act

248.      (1) In this Act,

...

"business" includes a profession, calling, trade, manufacture or undertaking of any kind whatever and, except for the purposes of paragraph 18(2)(c), section 54.2, subsection 95(1) and paragraph 110.6(14)(f), an adventure or concern in the nature of trade but does not include an office or employment.

             Excise Tax Act

123.      (1) In section 121, this Part and Schedules V to X,

"business" includes a profession, calling, trade, manufacture or undertaking of any kind whatever, whether the activity or undertaking is engaged in for profit, and any activity engaged in on a regular or continuous basis that involves the supply of property by way of lease, licence or similar arrangement, but does not include an office or employment;



« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

a) l'exploitation d'une entreprise (à l'exception d'une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

b) les projets à risque et les affaires de caractère commercial (à l'exception de quelque projet ou affaire qu'entreprend, sans attente raisonnable de profit, un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où le projet ou l'affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

c) la réalisation de fournitures, sauf des fournitures exonérées, d'immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu'elle accomplit dans le cadre ou à l'occasion des fournitures.

"commercial activity" of a person means

(a) a business carried on by the person (other than a business carried on without a reasonable expectation of profit by an individual, a personal trust or a partnership, all of the members of which are individuals), except to the extent to which the business involves the making of exempt supplies by the person,

(b) an adventure or concern of the person in the nature of trade (other than an adventure or concern engaged in without a reasonable expectation of profit by an individual, a personal trust or a partnership, all of the members of which are individuals), except to the extent to which the adventure or concern involves the making of exempt supplies by the person, and

(c) the making of a supply (other than an exempt supply) by the person of real property of the person, including anything done by the person in the course of or in connection with the making of the supply;

« fourniture exonérée » Fourniture figurant à l'annexe V.

"exempt supply" means a supply included in Schedule V;

« bien » À l'exclusion d'argent, tous biens - meubles et immeubles - tant corporels qu'incorporels, y compris un droit quelconque, une action ou une part.

"property" means any property, whether real or personal, movable or immovable, tangible or intangible, corporeal or incorporeal, and includes a right or interest of any kind, a share and a chose in action, but does not include money;

« fourniture » Sous réserve des articles 133 et 134, livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation.

"supply" means, subject to sections 133 and 134, the provision of property or a service in any manner, including sale, transfer, barter, exchange, licence, rental, lease, gift or disposition;

« fourniture taxable » Fourniture effectuée dans le cadre d'une activité commerciale.

"taxable supply" means a supply that is made in the course of a commercial activity;

[...]

136.      (1) Pour l'application de la présente partie, la fourniture, par bail, licence ou accord semblable, de l'utilisation ou du droit d'utilisation d'un immeuble ou d'un bien meuble corporel est réputée être une fourniture d'un tel bien.

...

136.      (1) For the purposes of this Part, a supply, by way of lease, licence or similar arrangement, of the use or right to use real property or tangible personal property shall be deemed to be a supply of real property or tangible personal property, as the case may be.


[...]

280.      (1) Sous réserve du présent article et de l'article 281, la personne qui ne verse pas ou ne paie pas un montant au receveur général dans le délai prévu par la présente partie est tenue de payer la pénalité et les intérêts suivants, calculés sur ce montant pour la période commençant le lendemain de l'expiration du délai et se terminant le jour du versement ou du paiement :

a) une pénalité de 6 % par année;

b) des intérêts au taux réglementaire.

...

280.      (1) Subject to this section and section 281, where a person fails to remit or pay an amount to the Receiver General when required under this Part, the person shall pay on the amount not remitted or paid

(a) a penalty of 6% per year, and

(b) interest at the prescribed rate,

computed for the period beginning on the first day following the day on or before which the amount was required to be remitted or paid and ending on the day the amount is remitted or paid.

Annexe V

Partie VI - Organismes du secteur public

2.     La fourniture de biens meubles ou de services par une institution publique, sauf la fourniture :

[...]

c) du bien, sauf une immobilisation de l'institution ou un bien qu'elle a acquis, fabriqué ou produit en vue de le fournir, qui immédiatement avant le moment où la taxe serait payable relativement à la fourniture s'il s'agissait d'une fourniture taxable, était utilisé (autrement que pour effectuer la fourniture) dans le cadre des activités commerciales de l'institution;

Schedule V

Part VI - Public Sector Bodies

2.     A supply made by a public institution of any personal property or a service, but not including a supply of

...

(c) property (other than capital property of the institution or property that was acquired, manufactured or produced by the institution for the purpose of making a supply of the property) where, immediately, before the time tax would be payable in respect of the supply if it were a taxable supply, the property was used (otherwise than in making the supply) in commercial activities of the institution;

(Nous avons reproduit les dispositions que nous ont citées les procureurs et qui étaient en vigueur au moment où la juge Lamarre Proulx a rédigé ses motifs. Ces dispositions sont à toutes fins utiles semblables à celles qui étaient en vigueur à l'époque pertinente, à cette différence qu'après le 1er janvier 1997 il était question, à l'article 2 de la Partie VI de l'Annexe V, d' « institution publique » plutôt que d' « organisme de bienfaisance » (L.C. 1997, c. 10).)


La cotisation

[13]            Les parties s'entendent pour dire que la seule disposition de la Loi dont puisse espérer se prévaloir l'appelante est l'alinéa 2c) de la Partie VI de l'Annexe V.

[14]            Cet alinéa suppose au départ qu'un organisme de bienfaisance peut s'adonner à une activité commerciale et permet à cet organisme, s'il rencontre les conditions d'application de cet alinéa, de récupérer le plein montant de la TPS qu'il a payée. Ces conditions d'application, pour les fins limitées de ce litige, sont les suivantes : 1) la fourniture d'un bien, 2) qui n'a pas été acquis en vue de le fournir, 3) et qui était utilisé autrement que pour effectuer la fourniture 4) dans le cadre des activités commerciales de l'appelante.

- la fourniture d'un bien

[15]            Relativement au premier élément, la procureure de l'appelante soutient que le bien qui a été acquis est la propriété intellectuelle et que le bien qui a été fourni est la licence des droits d'exploitation et de commercialisation de cette propriété intellectuelle, mais qu'il s'agit en réalité du même bien puisque l'un est le démembrement de l'autre.


[16]            Nous ne sommes pas de cet avis. Le bien acquis par l'appelante était la « propriété intellectuelle » , dans le sens global que lui donne l'article 1.2.8 du contrat d'achat et de licence. Le bien qui a été fourni n'est pas la propriété intellectuelle dans son sens global, mais cette partie de la propriété intellectuelle que constitue la licence des droits d'exploitation et de commercialisation. Il s'ensuit que le bien acquis - la propriété intellectuelle incluant les droits d'exploitation et de commercialisation - est distinct du bien fourni - la licence des droits d'exploitation et de commercialisation. Pour les fins, toutefois, de l'application de l'alinéa 2c), le seul bien qui puisse être pertinent est le bien fourni et quand cet alinéa réfère au bien acquis, il réfère nécessairement au bien acquis qui a été fourni. En l'espèce, donc, le bien acquis et fourni qui nous intéresse est la licence des droits d'exploitation et de commercialisation.

- « acquis en vue de le fournir »


[17]            Relativement au deuxième élément, la procureure de l'appelante, tout en se disant d'avis elle aussi que le bien acquis est le bien qui a été fourni, soutient qu'en l'espèce le bien n'a pas été « acquis en vue de le fournir » puisqu'il a été utilisé par l'appelante avant de le fournir. Cette prétention ne résiste pas à l'analyse. Les droits d'exploitation et de commercialisation n'ont jamais été utilisés par l'appelante entre le moment de leur acquisition et le moment de leur cession : ils appartenaient à la société de placement jusqu'à ce qu'ils soient acquis par l'appelante le 13 décembre 1993, et ils ont aussitôt été cédés à la société de placement. Ces droits ont de toute évidence été acquis en vue d'être fournis, sans qu'intervienne quelque forme d'utilisation que ce soit par l'appelante entre le moment de l'acquisition et le moment de la fourniture. Nous notons à cet égard que dans son mémoire, l'appelante décrivait elle-même l'opération qui s'était faite comme « l'acquisition des droits de propriété intellectuelle en vue d'en effectuer la fourniture par voie de licences d'exploitation et de commercialisation » .

- « utilisés autrement que pour effectuer la fourniture »

[18]            Précisément pour les raisons que nous avons données au paragraphe précédent, il n'est pas possible, ici, de dire que le bien (la licence) a été utilisé par l'appelante de quelque manière que ce soit ni en quelque temps que ce soit autrement que pour effectuer la fourniture.

[19]            Il n'est donc pas nécessaire de se demander à quoi réfèrent les mots « immédiatement avant le moment où la taxe serait payable relativement à la fourniture s'il s'agissait d'une fourniture taxable » , puisqu'il n'y a jamais eu d'utilisation par l'appelante autrement que pour effectuer la fourniture.

[20]            L'appelante ne saurait donc réussir puisqu'elle ne rencontre pas les deuxième et troisième exigences de l'alinéa 2c).


[21]            Nous n'avons pas, par conséquent, à nous prononcer sur la question de savoir si la quatrième exigence - dans le cadre des activités commerciales - est rencontrée. Nous dirons cependant quelques mots pour clarifier l'interprétation que les procureurs ont faite de certaines conclusions de la juge Lamarre Proulx. Les procureurs s'entendent, en effet, pour dire que celle-ci aurait erré en exigeant, au paragraphe 39 de ses motifs, des « activités commerciales ayant pour but le profit » . Des nuances, à notre avis, s'imposent.

[22]            L'expression « activités commerciales » est définie au paragraphe 123(1) de la Loi. L'appelante dit relever de la catégorie b), soit « les projets à risque et les affaires de caractère commercial » ( « an adventure or concern in the nature of trade » ). L'intimée prétend que si l'on peut dire que l'appelante exerce des activités commerciales, elle relèverait plutôt de la catégorie a), soit « l'exploitation d'une entreprise » .

[23]            L'appelante cherche à jouer sur deux tableaux. Elle se dit « entreprise » , donc se qualifiant sous a), pour soutenir que la définition d'entreprise élimine l'exigence d'un but lucratif, mais elle se dit « projets à risque et affaires de caractère commercial » , donc se qualifiant sous b), et soutient qu'autant sous a) que sous b), l'exigence d'un but lucratif a été écartée.


[24]            Il y a là erreur d'interprétation. C'est l' « entreprise » seule (donc a)) qui, par la définition qui en est donnée, vise aussi bien les affaires avec but lucratif que celles sans but lucratif. Les « projets à risque et les affaires de caractère commercial » (donc b)), dont se réclame l'appelante, ne sont pas des « entreprises » , la définition d' « entreprise » ne leur est pas applicable et ils n'incluent pas les projets ou affaires sans but lucratif. On doit, selon nous, donner à l'expression « projets à risque et les affaires de caractère commercial » le sens qu'elle a dans la définition d' « entreprise » au paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Or, selon la jurisprudence, « la première condition de l'existence d'un projet comportant un risque de caractère commercial est qu'il comporte un "plan visant la réalisation d'un bénéfice" » (Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, para. 16, j. Major).

[25]            Dans la mesure, donc, où l'appelante cherchait à se qualifier sous b) plutôt que sous a), la juge Lamarre Proulx avait raison de conclure qu'un but de profit était nécessaire.

[26]            Nous en arrivons ainsi à la conclusion que les conditions d'application de l'alinéa 2c) ne sont pas toutes rencontrées et qu'en conséquence la cotisation du Ministre à cet égard est bien fondée.

La pénalité

[27]            Notre Cour a déjà statué que rien ne s'oppose à ce que le moyen de défense de la diligence raisonnable, dont une personne peut se prévaloir à l'encontre d'infractions de responsabilité stricte, puisse être invoqué à l'encontre de pénalités administratives. Plus spécifiquement, elle a décidé que l'article 280 de la Loi sur la taxe d'accise, par son libellé et son contenu, donne ouverture à cette défense : Canada (P.G.) c. Consolidated Canadian Contractors Inc., [1999] 1 C.F. 209 (C.A.F.). Il n'est peut-être pas inapproprié de rappeler les principes qui gouvernent la défense de diligence raisonnable avant de les appliquer aux faits de l'espèce.


[28]            La défense de diligence raisonnable permet à une personne d'éviter l'imposition d'une pénalité si elle fait la preuve qu'elle n'a pas été négligente. Elle consiste à se demander si cette personne a cru, pour des motifs raisonnables, à un état de fait inexistant qui, s'il eut existé, aurait rendu son acte ou son omission innocent ou si elle a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l'événement qui mène à l'imposition de la peine? Voir La Reine c. Sault Ste-Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299; La Reine c. Chapin, [1979] 2 R.C.S. 121. En d'autres termes, la diligence raisonnable excuse soit l'erreur de fait raisonnable, soit la prise de précautions raisonnables pour se conformer à la loi.

[29]            La défense de diligence raisonnable ne doit pas être confondue avec la défense de bonne foi qui a cours dans le régime de responsabilité pénale exigeant la preuve d'une intention ou d'une connaissance coupable. La défense de bonne foi permet l'exonération d'une personne qui a commis une erreur de fait de bonne foi, même si celle-ci est déraisonnable, alors que la défense de diligence raisonnable exige que cette erreur soit raisonnable, c'est-à-dire une erreur qu'une personne raisonnable aurait aussi commise dans les mêmes circonstances. La défense de diligence raisonnable qui requiert une croyance raisonnable, mais erronée, en une situation de fait est donc plus exigeante que celle de bonne foi qui se contente d'une croyance honnête, mais tout aussi erronée.


[30]            La personne qui invoque une erreur de fait raisonnable doit satisfaire un double test : subjectif et objectif. Il ne lui suffit pas d'invoquer qu'une personne raisonnable aurait commis la même erreur dans les circonstances. Elle doit d'abord établir qu'elle s'est elle-même méprise quant à la situation factuelle : il s'agit là du test subjectif. Évidemment, la défense échoue en l'absence d'une preuve que la personne qui l'invoque a, de fait, été induite en erreur et que cette erreur a mené au geste posé. Elle doit ensuite établir que son erreur était raisonnable dans les circonstances : il s'agit là du test objectif.

[31]            Sitôt la défense de diligence raisonnable acceptée en matière d'infractions de responsabilité stricte, s'est soulevée la question de savoir si la défense d'erreur de droit pouvait, elle aussi, être invoquée pour éviter l'imposition d'une sanction pénale. Cette question ne s'est pas posée uniquement en rapport avec les infractions de responsabilité stricte, encore qu'avec l'inflation réglementaire et la multiplication des infractions statutaires, le champ de la responsabilité stricte s'est avéré le lieu le plus propice à l'éclosion de cette défense.

[32]            La question est d'abord apparue en droit criminel à cause de l'article 19 du Code criminel qui énonce le principe que « l'ignorance de la loi ne constitue pas une excuse » . Ce principe a été importé et appliqué en droit statutaire et réglementaire : voir R. c. MacDougall, [1982] 2 R.C.S. 605, à la page 612. Il ne fait pas de distinction entre l'erreur de droit et l'ignorance de la loi comme telle : Molis c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 356. Tant en matière criminelle qu'en droit statutaire et réglementaire, il a trouvé sa justification dans les considérants suivants énoncés par le professeur Don Stuart, Canadian Criminal Law, A Treatise, 3e éd., 1995, aux pages 295 à 298 :


1.            L'admission du moyen de défense d'ignorance de la loi causerait aux tribunaux des problèmes insurmontables en matière de preuve.

2.            Elle encouragerait l'ignorance alors que la connaissance est souhaitable du point de vue social.

3.            Sinon, chacun ne connaîtrait d'autre loi que la sienne, ce qui contreviendrait au principe de la légalité et contredirait les principes moraux qui sous-tendent le droit.

4.            L'ignorance de la loi est répréhensible en soi.

[33]            Sans vouloir être exhaustif, l'on peut distinguer, pour les fins de cette courte révision des principes applicables en matière d'erreurs de droit, quatre types d'erreurs de droit : l'erreur de droit commise de bonne foi et l'erreur de droit raisonnable que nous traiterons ensemble et qui ne sont pas admises comme défenses, l'erreur de droit provoquée par une personne en autorité et l'erreur de droit invincible.

- l'erreur de droit commise de bonne foi et l'erreur de droit raisonnable


[34]            L'erreur de droit commise de bonne foi réfère à une croyance honnête et sincère, mais erronée, quant à l'existence d'une loi prohibant l'activité exercée ou quant à l'interprétation qu'il faut donner à cette loi ou quant à l'interprétation que celle-ci a reçue des tribunaux. Elle est en quelque sorte le pendant de l'erreur de fait commise de bonne foi qui, elle aussi, exige une croyance honnête et sincère, mais erronée, quant à l'existence des faits et des circonstances réels. L'erreur de droit raisonnable, pour sa part, se caractérise par une croyance raisonnable, mais erronée, quant aux éléments juridiques déjà mentionnés. Le caractère raisonnable de l'erreur commande une analyse des mesures raisonnables prises par la personne ainsi trompée pour éviter la commission de cette erreur ainsi qu'une comparaison de son comportement avec ce qu'aurait fait une personne raisonnable dans les circonstances.

[35]            Dans l'affaire Molis c. La Reine, précitée, à la page 364, la Cour a conclu que la diligence raisonnable se soulève par rapport à « l'accomplissement d'une obligation imposée par la loi et non par rapport aux recherches sur l'existence d'une interdiction ou sur son interprétation » .

[36]            Cette conclusion a été réitérée 15 ans plus tard dans R. c. Pontes, [1995] 3 R.C.S. 44. Tant les juges majoritaires que ceux minoritaires ont affirmé de nouveau le principe qu'une erreur de droit, c'est-à-dire une erreur sur ce que la loi est, ne peut servir de moyen de défense. Aux paragraphes 34 et 79, le juge Cory pour la majorité et le juge Gonthier pour les juges dissidents écrivent respectivement :

L'application de ce principe mène à la conclusion qu'un accusé ne peut pas invoquer comme moyen de défense qu'il s'est enquis de façon raisonnable de la légalité de ses actes ou de sa situation. Ce moyen de défense a été explicitement rejeté dans l'arrêt Molis c. La Reine [...].

[...]

L'analyse qui précède peut se résumer ainsi. Une infraction de responsabilité stricte exige l'élément moral minimal de la négligence pour justifier une déclaration de culpabilité. La négligence consiste en l'ignorance déraisonnable des faits constitutifs de l'infraction, ou en l'omission de faire preuve de diligence raisonnable en prenant des mesures que prendrait une personne raisonnable. Puisque l'ignorance de la loi n'en excuse pas la violation, la diligence raisonnable consiste à prendre des mesures pour s'acquitter d'une obligation imposée par la loi et non pas à vérifier l'existence d'une interdiction légale ou son interprétation.

                                                                            [soulignement ajouté]


Comme le dit la professeure Anne-Marie Boivert dans Innocence morale, diligence raisonnable et erreur de droit, 41 C.R. (4e éd.) page 243, « la décision dans Pontes ne remet en effet pas formellement en cause l'autorité de la décision rendue dans l'arrêt Molis. La diligence déployée pour s'informer de l'existence ou de la portée de la loi ne constitue toujours pas une défense » : voir aussi Jill R. Presser, Absolute Liability and Mistakes of Law in the Regulatory Context: Pontes Disappoints and Confuses, 41 C.R. (4e éd.) 249, aux pages 252-253, 255, 258-259.

[37]            La doctrine a constamment critiqué en vain la rigidité de la règle de droit applicable à l'erreur de droit. Le professeur Stuart, à ce sujet, écrit à la page 324 de son Traité, précité :

The proposition that ignorance of the law is no excuse is based on the conclusive presumption that everybody knows the law. This implies that the law exists in a body of discernable rules which the ordinary person remembers or is capable of discovering. If this proposition was ever valid, it is certainly laughable in our present complex society in which there is a vast proliferation of laws of every description, including statutory provisions, obscure regulatory ones and intricate judge-made law.

Les lois fiscales sont, certes, d'excellentes ambassadrices de cette description que le professeur Stuart fait de la réalité législative actuelle.

[38]            Ce bref tour d'horizon de la loi et de la jurisprudence nous amène à la conclusion suivante. Sauf exceptions, l'erreur commise de bonne foi et l'erreur de droit raisonnable portant sur l'existence et sur l'interprétation d'une loi ne sont pas reconnues comme moyens de défense à des infractions criminelles non plus qu'à des infractions de responsabilité stricte ou à des poursuites régies par les principes applicables à la responsabilité stricte. Deux exceptions au principe méritent, cependant, d'être notées : l'erreur de droit provoquée par une personne en autorité et l'erreur de droit invincible.


- l'erreur de droit invincible

[39]            L'erreur de droit invincible, acceptée par les tribunaux et le législateur, réfère à cette erreur qu'il est impossible d'éviter parce qu'il est impossible pour la personne accusée de connaître la loi, soit parce que celle-ci n'a pas été promulguée, soit parce qu'elle n'a pas été publiée d'une manière satisfaisante qui permette la prise de connaissance de son existence et de son contenu : voir R. c. Ross (1944), 84 C.C.C. 107 (C.C. C.-B.); Re Michelin Tires Manufacturing (Canada) Ltd. (1975), 15 N.S.R. (2d) 150 (C.A. N.-É.); R. c. Catholique (1980), 49 C.C.C. (2d) 65 (C.S. T.N.-O.).

[40]            La Loi sur les textes réglementaires, L.R.C. 1985, c. S-22, paragraphe 11(2), édictée par le Parlement canadien, stipule expressément qu'une personne ne peut être condamnée pour un manquement à un règlement qui n'avait pas été publié dans la Gazette du Canada au moment où l'infraction est alléguée avoir été commise. Les lois ontarienne et québécoise sur les règlements contiennent aussi des exonérations semblables : Regulations Act, R.S.O. 1990, c. R-21, ss. 5(3) et 5(b); Loi sur les règlements, L.R.Q., c. R-18.1, art. 15.

- l'erreur de droit provoquée par une personne en autorité


[41]            Évoquée précédemment dans d'autres décisions, la défense d'erreur de droit provoquée par une personne en autorité fut officiellement reconnue par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire R. c. Cancoil Thermal Corp. (1986), 52 C.R. (3d) 188. Il s'agissait d'une poursuite pour une violation d'une loi provinciale suite à un accident de travail. À la page 199, le juge Lacourcière écrit pour la Cour :

The defence of "officially induced error" is available as a defence to an alleged violation of a regulatory statute where an accused has reasonably relied upon the erroneous legal opinion or advice of an official who is responsible for the administration or enforcement of the particular law. In order for the accused to successfully raise this defence, he must show that he relied on the erroneous legal opinion of the official and that his reliance was reasonable. The reasonableness will depend upon several factors, including the efforts he made to ascertain the proper law, the complexity or obscurity of the law, the position of the official who gave the advice, and the clarity, definitiveness and reasonableness of the advice given.

I agree with the following statement made by Professor Barton in the article referred to earlier, at p. 331:

Where the advice is given by an official who has the job of administering the particular statute, and where the actor relies on this advice and commits what is in fact an offence, even if the agency cannot be estopped does it follow that the actor should not be excused? To do so is not to condone an illegality or say that the agency is estopped into a position of illegality, but to recognize that the advice was illegal but excuse the actor because he acted reasonably and does not deserve punishment.

[42]            La Cour s'est dite d'avis que cette défense était distincte et indépendante de la défense de diligence raisonnable et pouvait être invoquée après que celle de diligence raisonnable eut échoué : ibidem. La validité de la défense d'erreur de droit provoquée par une personne en autorité dépend de la raisonnabilité de l'opinion émise dans les circonstances par l'autorité et de la question de savoir s'il était raisonnable pour l'accusé de la suivre : ibidem, à la page 200.


[43]            Dans R. c. Jorgensen, [1995] 4 R.C.S. 55, la Cour suprême du Canada a refusé de se prononcer sur le sujet puisque cette défense n'était pas plaidée comme telle. Toutefois, le juge en chef Lamer s'est livré à une revue intéressante de l'évolution jurisprudentielle et des propositions de réforme de la Commission de réforme du droit du Canada en la matière. À l'instar de la Cour d'appel de l'Ontario, il conclut que la défense est distincte de celle de la diligence raisonnable en ce que la diligence raisonnable constitue un moyen de défense complet alors que la défense d'erreur de droit provoquée par une personne en autorité agit comme une excuse pour un accusé dont la culpabilité a été établie par la poursuite : voir le paragraphe 22 de ses motifs. Il rejoint en cela et approuve la position des quatre juges dissidents dans Pontes où le juge Gonthier décrit cette erreur de droit comme « un moyen de défense additionnel, applicable comme une exception à la règle voulant que l'ignorance de la loi ne soit pas une excuse » : ibidem, paragraphe 23.

[44]            Enfin, le juge en chef conclut que, pour bénéficier de la défense d'erreur de droit provoquée par une personne en autorité, l'accusé doit établir « qu'il a commis une erreur de droit, qu'il a examiné sa position à l'égard de la loi, a consulté une personne en autorité compétente en la matière, a obtenu un avis raisonnable et s'est fondé sur cet avis pour accomplir ses actes » : ibidem, au paragraphe 36.


[45]            La définition de ce que constitue une personne en autorité est encore au stade évolutif. Toutefois, selon les auteurs qui sont plutôt critiques de cette position, tant les tribunaux américains que les tribunaux canadiens n'acceptent pas une défense d'erreur de droit, même raisonnable, fondée sur l'opinion juridique d'un avocat : voir Stuart, précité, page 350, Harper, Rainville et Turgeon, Traité de droit pénal canadien, 4e éd., Les Éditions Yvon Blais Inc., Cowansville, 1998, page 1095; voir aussi R. c. Pitchford (1982), 7 W.C.B. 242 (C.A. Ont.). De même, l'erreur de droit raisonnable fondée sur ou provoquée par des précédents judiciaires ne constitue pas une excuse ou un moyen de défense admissible : Harper, Rainville et Turgeon, précité, aux pages 1095 et 1096; voir aussi Corp. des Maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec c. Boutique Relaxe Flamme Inc., [2002] J.Q. no. 3565 (C.S. Qué.); Dunn c. R. (1977), 21 N.S.R. (2d) 334 (C.A. N-É.).

                                                                        *    *    *

[46]            En l'espèce, la seule preuve de diligence raisonnable qu'a faite l'appelante, lors de l'audition en première instance, se résume à cette réponse du témoin Blais :

[128]        Q.             O.K. Pourquoi vous avez décidé de demander la totalité des crédits alors que l'École est une institution publique, un organisme de bienfaisance?

R.             Parce qu'on a toujours eu la prétention que ces montages-là en particulier étaient des opérations commerciales et qu'on avait, par ailleurs, demandé à nos experts fiscalistes des opinions en la matière et qu'ils nous ont dit, « oui, ça se tient, oui, ça a du bon sens. » Je pense qu'on avait fait notre devoir de ce côté-là. Évidemment, des opinions sont des opinions.

                                                                              [d.a. vol. 2, p. 725]

Cette preuve, de toute évidence, ne rencontre pas les exigences imposées par la jurisprudence.


[47]            Lors de l'audition de cet appel, la procureure de l'appelante a porté à l'attention de la Cour un extrait du rapport du vérificateur général qui faisait état de discussions relatives aux projets de cotisation en cause entre le ministère et un procureur de l'appelante relativement à la question en litige (d.a. vol. 2, pp. 644, 645). Cette preuve d'événements subséquents à la préparation d'un projet de cotisation ne saurait être pertinente pour établir la diligence raisonnable, laquelle doit être évaluée au moment de la fourniture du bien.

[48]            Un examen des contrats révèle de plus qu'au moment où ces contrats ont été conclus, l'appelante était consciente du fait qu'elle n'aurait vraisemblablement pas droit à un remboursement de 100%. Ainsi, l'article 2.3 du contrat d'achat et de licence prévoit que l'appelante pourra déduire du prix d'acquisition de la propriété intellectuelle « les sommes qu'elle ne pourra réclamer à titre de remboursement de toute taxe fédérale ou provinciale sur les produits ou services » (d.a. vol. 1, p. 146). Le représentant de l'appelante, M. Blais, a été contre-interrogé à ce sujet. Voici son explication :

[183]        [...]

R.             Comme je vous l'ai dit, l'École Polytechnique avait de bonnes raisons de croire que, de prétendre que ceci était des montages commerciaux. Je ne reviens pas là-dessus, je le crois. On a fait, on a demandé des expertises auprès de nos experts fiscalistes mais ce sont des avocats, ils donnent des opinions. Alors, on s'est dit, « on va porter la ceinture, le Velcro puis les bretelles » et la partie retenue de l'École Polytechnique, comme vous savez, l'École Polytechnique reçoit un remboursement partiel des taxes, TPS, TVQ, on s'est dit, « on va le conserver jusqu'à ce qu'on soit sûrs, absolument sûrs que le gouvernement est d'accord avec nos prétentions en ce qui concerne l'aspect commercial de ceci. » Alors, c'est pour ça que sur la facture qui est ici, on a refusé de payer, comment dirais-je, le prix d'achat...

[184]        Q.             L'écart entre le remboursement de soixante-sept pour cent (67%) prévu pour les institutions publiques...

R.            C'est ça.

[185]        Q.            ... et le cent pour cent (100%) que vous demandiez?

R.            C'est ça. Si je me souviens bien, c'est ça. On voulait refuser de payer la part qui ne nous serait pas remboursée. Dont on pensait qu'elle ne nous serait peut-être pas remboursée.

                                                                    [d.a. vol. 2, pp. 745, 746]


Il s'ensuit que ce n'est pas l'appelante qui subit un manque à gagner suite à la position adoptée par le ministère. Ce sont plutôt les sociétés de placement qui le subissent puisqu'il est prévu dans les factures que l'appelante ne devait verser à ces sociétés que le montant qu'elle percevrait en remboursement de la TPS (d.a. vol. 2, p. 624 et s.).

[49]            Un contribuable qui sait que sa position est vulnérable, qui ne cherche pas à la confirmer le moment venu auprès des autorités compétentes et qui insère dans des contrats des clauses visant à faire assumer par d'autres la responsabilité qui lui échoit de payer la TPS ne fait pas preuve de diligence raisonnable.

[50]            Nous rejetterions l'appel avec dépens.

                                                                                                                                « Robert Décary »                        

                                                                                                                                                     j.c.a.

                                                                                                                            « Gilles Létourneau »                  

                                                                                                                                                     j.c.a.

« Je suis d'accord.

     M. Nadon, j.c.a. »


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                                                                           

DOSSIER :                                                      A-452-03

INTITULÉ :                                                    CORPORATION DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le 10 mars 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                        Les juges Décary et Létourneau

Y A SOUSCRIT :                                            Le juge Nadon

DATE DES MOTIFS :                                   Le 26 mars 2004

COMPARUTIONS :

Me Diane Bouchard

POUR L'APPELANTE

Me Benoît Denis

POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Desjardins, Ducharme, Stein, Monast

Montréal (Québec)

POUR L'APPELANTE

Veillette & Associés

Montréal (Québec)

POUR L'INTIMÉE


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