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Date : 20041028

Dossier : A-145-04

Référence : 2004 CAF 366

CORAM :       LE JUGE NOËL

LE JUGE EVANS

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                                JUNE SZCZECH

                                                                                                                                      défenderesse

                      Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 21 octobre 2004.

                                   Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 28 octobre 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                    LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                 LE JUGE NOËL

                                                                                                                         LE JUGE PELLETIER


Date : 20041028

Dossier : A-145-04

Référence : 2004 CAF 366

CORAM :       LE JUGE NOËL

LE JUGE EVANS

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                                JUNE SZCZECH

                                                                                                                                      défenderesse

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EVANS


[1]                Pour être admissible à des prestations d'assurance-emploi, un prestataire qui « est responsable d'une violation » au cours des 260 semaines précédant sa demande doit justifier d'un nombre accru d'heures d'emploi assurable. June Szczech a réclamé des prestations plus de 260 semaines après avoir commis une violation, mais moins de 260 semaines après que la Commission de l'assurance-emploi lui eut communiqué un avis de violation. Le point à décider en l'espèce est celui de savoir si la période de 260 semaines commence à courir à compter de la date à laquelle le prestataire a commis la violation ou à compter de la date à laquelle un avis de violation lui a été signifié par la Commission.

[2]                Le point est soulevé dans le contexte d'une demande de contrôle judiciaire présentée par le procureur général pour faire annuler la décision d'un juge-arbitre, CUB 59682, datée du 7 novembre 2003, qui déclarait June Szczech admissible à des prestations d'assurance-emploi. Le juge-arbitre confirmait la décision d'un conseil arbitral, qui avait fait droit à l'appel interjeté par Mme Szczech à l'encontre du refus opposé par la Commission à sa demande de prestations.

[3]                Comme elle avait été pénalisée pour ne pas avoir signalé des gains à une époque où elle recevait des prestations, Mme Szczech était tenue de justifier d'un nombre accru d'heures d'emploi assurable pour avoir droit à des prestations si elle présentait une autre demande dans un délai de 260 semaines (cinq ans). Le juge-arbitre a estimé que cette période avait débuté à la date où elle avait commis la violation et non pas, contrairement à ce qu'avait décidé la Commission, à la date où la Commission lui avait signifié un avis de violation.

[4]                Le substitut du procureur général a fait valoir que la décision du juge-arbitre était fondée sur une mauvaise interprétation du paragraphe 7.1(4) de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, et que le juge-arbitre avait donc commis une erreur de droit. Mme Szczech n'a pas comparu et elle n'était pas représentée lors de l'instruction de la demande de contrôle judiciaire.


[5]                Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables à la décision qui disposera de cette demande :

Majoration du nombre d'heures d'emploi assurable requis

7.1 (1) Le nombre d'heures d'emploi assurable requis au titre de l'article 7 est majoré conformément au tableau qui suit, en fonction du taux régional de chômage applicable, à l'égard de l'assuré ... s'il est responsable d'une ou de plusieurs violations au cours des deux cent soixante semaines précédant sa demande initiale de prestations.

Increase in required hours

7.1 (1) The number of hours that an insured person ... requires under section 7 to qualify for benefits is increased to the number provided in the following table if the insured person accumulates one or more violations in the 260 weeks before making their initial claim for benefit.

Violations

(4) Il y a violation lorsque le prestataire se voit donner un avis de violation parce que, selon le cas :

Violations

(4) An insured person accumulates a violation if in any of the following circumstances the Commission issues a notice of violation to the person:

a) il a perpétré un ou plusieurs actes délictueux prévus à l'article 38, 39 ou 65.1 pour lesquels des pénalités lui ont été infligées au titre de l'un ou l'autre de ces articles, ou de l'article 41.1;

(a) one or more penalties are imposed on the person under section 38, 39, 41.1 or 65.1, as a result of acts or omissions mentioned in section 38, 39 or 65.1;

b) il a été trouvé coupable d'une ou plusieurs infractions prévues à l'article 135 ou 136;

(b) the person is found guilty of one or more offences under section 135 or 136 as a result of acts or omissions mentioned in those sections; or

c) il a été trouvé coupable d'une ou plusieurs infractions au Code criminel pour tout acte ou omission ayant trait à l'application de la présente loi.

(c) the person is found guilty of one or more offences under the Criminal Code as a result of acts or omissions relating to the application of this Act.


[6]                Les faits pertinents peuvent être exposés brièvement. Le 5 novembre 2002, Mme Szczech présentait une demande de prestations d'assurance-emploi, demande que la Commission a rejetée au motif que Mme Szczech ne pouvait justifier d'un nombre suffisant d'heures d'emploi assurable au cours de sa période de référence, qui allait du 28 octobre 2001 au 26 octobre 2002. Durant cette période, elle avait acquis 801 heures, plus que les 630 heures qu'il lui aurait normalement fallu pour être admissible à des prestations.

[7]                Le 20 novembre 2002, la Commission informait Mme Szczech que, comme sa demande avait été présentée à l'intérieur des 260 semaines de la signification de l'avis de violation, elle n'avait pas suffisamment d'heures d'emploi assurable pour être admissible à des prestations. La Commission disait que Mme Szczech devait justifier de 945 heures en raison de l'avis de violation grave délivré le 22 juillet 1998, date à laquelle une sanction lui fut imposée parce qu'elle n'avait pas signalé des gains en juillet et août 1997 alors qu'elle recevait des prestations.

[8]                Mme Szczech avait fait valoir qu'elle n'était pas tenue de justifier des heures additionnelles prévues par le paragraphe 7.1(1), et cela parce qu'elle s'était rendue « responsable d'une violation » en août 1997, date à laquelle la violation avait été commise. Puisque c'était plus de 260 semaines avant qu'elle ne présente sa demande de prestations le 5 novembre 2002, et puisqu'elle avait acquis plus que le nombre minimum normalement requis d'heures d'emploi assurable, sa demande avait été refusée injustement.

[9]                Un conseil arbitral et le juge-arbitre ont fait droit à l'argument de Mme Szczech sur l'interprétation de l'article 7.1. À mon avis, ils ont erré sur ce point, et la décision du juge-arbitre doit être annulée pour erreur de droit.


[10]            Les mots employés dans le paragraphe 7.1(1), « s'il est responsable d'une violation » , sont définis ainsi dans le paragraphe 7.1(4) : « il y a violation lorsque le prestataire se voit donner un avis de violation » . Le mot « if » , employé dans la version anglaise de la disposition, peut paraître quelque peu ambigu, mais le mot « lorsque » , employé dans la version française, montre clairement qu' « il y a violation » quand un avis de violation est signifié. Ainsi, non seulement la signification de l'avis est-elle une condition préalable de l'obligation pour le prestataire de justifier d'un nombre additionnel d'heures d'emploi assurable, mais encore c'est à compter de cette signification que débute la période de 260 semaines.

[11]            Par conséquent, puisque Mme Szczech a demandé des prestations moins de 260 semaines après la signification de l'avis de violation, elle était tenue de justifier de 945 heures d'emploi assurable. Puisqu'elle n'avait que 801 heures, elle n'était pas admissible à des prestations quand elle a présenté sa demande le 5 novembre 2002.

[12]            Dire que la période au cours de laquelle des heures additionnelles doivent être acquises commence à courir à la date à laquelle la violation a eu lieu reviendrait à dire qu'une personne qui a réussi à dissimuler ses fausses déclarations, à qui une sanction n'a pas été imposée et à qui un avis de violation n'a pas été signifié au cours des trois ans qui ont suivi la violation, pourrait se contenter d'accumuler des heures additionnelles d'emploi assurable au cours des deux années suivantes. Cela serait contraire à l'intention du législateur, qui est de fixer une période de cinq ans à l'intérieur de laquelle un prestataire doit justifier d'heures additionnelles avant de pouvoir présenter une demande.


[13]            La manière dont j'interprète l'article 7.1 n'est pas à mon avis incompatible avec l'arrêt rendu dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Geoffroy, 2001 CAF 105. La Cour avait jugé dans cette affaire que, bien que l'augmentation du nombre d'heures requises soit automatique, elle ne peut être imposée à un prestataire que lorsqu'un avis de violation lui a été signifié. La Cour n'était pas saisie de la question de savoir si, une fois signifié l'avis de violation, la période de 260 semaines débute à la date à laquelle l'avis est signifié ou à la date à laquelle la violation est commise.

[14]            Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Limosi, 2003 CAF 215, la Cour devait dire s'il suffisait, aux fins de l'article 7.1, qu'un avis de violation ait été émis, bien que non reçu par le prestataire. Là encore, il n'était pas demandé à la Cour d'examiner le point que soulève la présente affaire, à savoir la date à laquelle commence à courir la période de 260 semaines. Partant, les observations incidentes que l'on trouve dans le paragraphe 14 de l'arrêt Limosi, observations selon lesquelles « la pénalité de l'article 7.1 a pris effet » après que la violation a été commise, et non le jour où l'intéressé a été informé de la présumée violation, ne devraient pas être considérées comme des observations réglant un point que la Cour n'avait pas devant elle. Je relèverais seulement qu'il n'a pas été établi en l'espèce que les fonctionnaires de la Commission avaient eu connaissance de la non-déclaration des gains de Mme Szczech et avaient malgré cela abusivement retardé l'émission d'un avis de violation.


[15]            Finalement, j'ajouterais que, dans l'arrêt Geoffroy (aux paragraphes 5 et 7) comme dans l'arrêt Limosi (aux paragraphes 2 et 13), la Cour a trouvé à redire au texte de l'article 7.1. Je partage ici ses propos. En fait, le conflit entre le raisonnement à l'origine de la décision rendue ici et le raisonnement suivi dans les espèces Geoffroy et Limosi est sans doute attribuable aux contradictions apparentes entre la version anglaise et la version française de la disposition applicable.

[16]            Pour ces motifs, j'accueillerais la demande de contrôle judiciaire, j'annulerais la décision du juge-arbitre et je renverrais l'affaire au juge-arbitre en chef ou à son représentant, étant entendu que l'appel interjeté par la Commission devrait être accueilli et la décision du conseil arbitral annulée. Il n'a pas été demandé de dépens, et je n'en accorderai pas.

                                                                                _ John M. Evans _             

                                                                                                     Juge                         

« Je souscris aux présents motifs

      Marc Noël, juge »

« Je souscris aux présents motifs

      J.D. Denis Pelletier, juge »

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                A-145-04

INTITULÉ :               Le Procureur général du Canada c. June Szczech

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 21 OCTOBRE 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                         LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                                      LES JUGES NOËL ET PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                                   LE 28 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Ward Bansley/Naomi Wright                                         POUR L'APPELANT

N'a pas comparu                                               POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                              POUR L'APPELANT

Sous-procureur général du Canada

June Szczech                                                     POUR L'INTIMÉE

Surrey (Colombie-Britannique)


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