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Date: 20001218

Dossier: A-399-99

CORAM:          LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NOËL

ENTRE:

                                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                 Appelante

ET:

                                                   ANTOINE C. ZARZOUR

                                                                                                                                       Intimé

                       Audience tenue à Montréal (Québec) le lundi, 27 novembre 2000

                        Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le lundi, 18 décembre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PAR:                                             LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT:                                                                             LE JUGE DÉCARY

                                                                                                                    LE JUGE NOËL


Date: 20001218

Dossier: A-399-99

CORAM:          LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NOËL

ENTRE:

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                             Appelante

ET:

                                                         ANTOINE C. ZARZOUR

                                                                                                                                                   Intimé

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LÉTOURNEAU


Il s'agit d'un appel et d'un appel-incident à l'encontre d'un jugement rendu le 28 mai 1999, par un juge de la Section de première instance. Au terme de ce jugement, Sa Majesté la Reine se voyait contrainte d'extirper des dossiers du détenu Antoine Zarzour, aussi bien celui qui se trouve à la Commission nationale des libérations conditionnelles (Commission) que celui en possession du Service correctionnel du Canada (Service), deux lettres que son ancienne épouse avait envoyées à la Commission en 1994. Sa Majesté était en outre condamnée à payer à M. Zarzour des dommages-intérêts au montant de 15 000$ avec intérêts, à compter de l'assignation, dont 5 000$ à titre de dommages punitifs, ainsi que les frais et les déboursés encourus par ce dernier.

Par son appel, Sa Majesté demande que le jugement soit infirmé. De son côté, M. Zarzour désire, par voie de son appel-incident, faire augmenter le montant des dommages-intérêts, laissant toutefois à la Cour le soin de déterminer ceux-ci. Il demande que le montant des dommages exemplaires soit porté à 50 000$. De plus, il en appelle de cette partie du jugement qui rejette les dommages qu'il demandait pour atteinte à sa réputation. Enfin, il réclame que cette Cour renverse un autre aspect du jugement qui refusait d'annuler ou de restreindre les décisions rendues par la Commission les 17 janvier 1996, 13 novembre 1996 et 17 avril 1997.

Les faits et la procédure

L'intimé, M. Zarzour, purge depuis 1977 une peine d'emprisonnement à perpétuité pour une infraction de meurtre au deuxième degré. Sous l'influence de drogues, il a attiré dans un boisé son partenaire dans le commerce de stupéfiants et l'a tiré presque à bout portant dans la nuque. À cette première peine d'emprisonnement, s'en sont ajoutées d'autres suite à des condamnations pour liberté illégale, conduite dangereuse et méfait public.


En 1986, France Bélanger est étudiante en criminologie. Elle effectue une visite au pénitencier où l'intimé est détenu. S'ensuivent une rencontre des deux parties, des fréquentations et un mariage en mars 1988. Un fils naît de cette union. Les parties vivent ensemble lorsque l'intimé est en libération conditionnelle. Des problèmes matrimoniaux surgissent et les parties se séparent en décembre 1989. Le divorce sera prononcé en 1991.

En mai 1990, l'intimé se rend à Vancouver pour y travailler. Au cours de cette même année, il est réincarcéré après avoir omis de respecter les conditions de sa libération, mais non sans auparavant avoir fui et vécu illégalement en Californie pendant huit mois où il est arrêté et de là extradé: Dossier d'appel, vol. 3, à la page 821.

En novembre 1993, l'intimé est à nouveau remis en liberté conditionnelle, cette fois en semi-liberté dans une maison de transition. Il revient à Montréal où habitent son ex-épouse et son fils. En février 1994, il est à nouveau emprisonné pour avoir fait défaut de se présenter au Centre de détention de Montréal comme l'exigeaient les conditions de sa libération.

En janvier 1994, France Bélanger apprend le retour de son ex-conjoint dans la région de Montréal. Elle croit et craint qu'il ne cherche à entrer en communication avec elle et son fils. À cette époque, elle est à l'emploi du Service à titre de criminologue où elle oeuvre comme agente de gestion de cas communautaires.

a)         Première lettre de Mme Bélanger

Mue par cette crainte et le désir d'éviter tout contact avec l'intimé, elle écrit le 22 janvier 1994 une lettre à la Commission dans laquelle elle décrit les difficultés matrimoniales qu'elle dit avoir vécues avant la rupture du mariage. Elle demande qu'en cas de libération de l'intimé, il lui soit imposé comme condition spécifique de ne pas communiquer directement ou indirectement avec elle ou tout autre membre de sa famille. Sa lettre est alors classée au dossier de l'intimé à la Commission et une copie est transmise par la Commission au Service pour y être classée dans le dossier du détenu.


Cette lettre est demeurée sans suite à ce moment-là puisque, tel que déjà mentionné, la Commission a décidé, en février 1994, de révoquer la libération conditionnelle, alors suspendue, de l'intimé, entérinant ainsi la recommandation qui lui avait été faite par ses officiers. La présence de la lettre au dossier de l'intimé fut notée par la Commission, mais celle-ci n'eût pas à se pencher sur la véracité de son contenu car elle jugea la conduite de l'intimé suffisante pour révoquer sa libération. De fait, il s'agissait de la deuxième violation par l'intimé de ses conditions de libération et l'intimé avait admis avoir consommé de la cocaïne et de l'héroïne par voie intra-veineuse: id., à la page 822.

b)         Deuxième lettre de Mme Bélanger

Le 16 mai 1994, France Bélanger écrit à nouveau à la Commission. Dans cette lettre, elle se décrit comme une victime de violence conjugale et comme une victime au sens de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (Loi), 1992 L.C. c. 20. Elle s'indigne du fait que la Commission n'ait pas tenu compte de sa première lettre. Cette deuxième lettre est à nouveau classée dans le dossier de l'intimé à la Commission et au Service.


Par la suite, l'intimé est vu en audience par la Commission une première fois le 17 janvier 1996 où une semi-liberté et une libération conditionnelle totale lui sont refusées étant donné sa consommation de drogues depuis plusieurs années, les difficultés qu'il éprouve lors de situations anxiogènes (inter-personnelles, professionnelles et financières), ses libertés illégales, son agressivité et ses problèmes émotionnels et affectifs: Dossier d'appel, vol. 4, à la page 948. L'analyse des facteurs de risque fait état d'une criminalité polymorphe à caractère violent. L'intimé a d'ailleurs manifesté un comportement agressif lors de l'audience: id., à la page 951. En outre, la Commission note que les bénéfices et les acquis étaient inexistants compte tenu des facteurs déterminants de la criminalité de l'intimé, ce dernier ayant refusé, entre autres choses, de reconnaître la nécessité d'une thérapie pour sa consommation de drogues et de poursuivre une réflexion intense sur son instabilité émotionnelle: id., à la page 950. Elle conclut que le risque de récidive est très élevé.

La décision du 17 janvier est révisée et maintenue le 21 août 1996: id., à la page 968. Le 21 février 1997, l'intimé est informé qu'il sera à nouveau vu en audience parce que, lors de l'audience du 17 janvier 1996, une commissaire est intervenue trop souvent, pouvant ainsi donner lieu de croire que la règle d'impartialité n'avait pas été respectée. L'audience a lieu le 17 avril 1997. La Commission s'inquiète encore de l'assuétude aux drogues de l'intimé ainsi que de ses nombreuses fugues et échecs du passé: id., à la page 1117. En conséquence, une semi-liberté pré-libératoire lui est refusée. Mais il est alors autorisé à sortir sans escorte pré-libératoire sous un certain nombre de conditions reliées à sa criminalité polymorphe à caractère violent et à sa consommation de substances intoxicantes. Une autre des conditions était de ne pas entrer en contact personnellement ou par personne interposée avec son ex-conjointe: id., à la page 1115.


Alléguant que les deux lettres de Mme Bélanger sont la source de ses difficultés avec la Commission et le Service, l'intimé intente une action contre Sa Majesté la Reine. Il dépose une Déclaration le 25 juin 1997 devant la Section de première instance. Il y affirme que ses droits constitutionnels conférés par les articles 1, 7, 9, 12 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) ont été violés, que son ex-épouse a été injustement considérée comme une victime par la Commission et le Service, que ces derniers lui ont communiqué illégalement des renseignements le concernant et que tant la Commission que le Service ont négligé d'enquêter sur la véracité des informations contenues dans ces deux lettres qu'ils ont utilisées à son détriment. D'où les conclusions recherchées en dommages-intérêts, en révision des décisions de la Commission et en expurgation de son dossier.

La décision du juge de première instance


Le juge de première instance s'est plaint du faible soutien qu'il a reçu des parties en première instance tant au niveau de l'analyse des faits que de la règle de droit applicable à ces données factuelles. Au paragraphe 10 de sa décision, il souligne que la "difficulté de rendre jugement s'en trouve accrue d'autant, l'analyse ne pouvant porter essentiellement que sur les faits, sans que la Cour bénéficie d'un éclairage minimal des questions de droit". Fort heureusement, nous n'avons pas rencontré ce genre de difficultés en appel, du moins certes pas avec l'amplitude qu'il a connue. À tout événement, après audition des parties, le juge de première instance a conclu que Mme Bélanger, l'ex-épouse de l'intimé, n'était pas une victime au sens des paragraphes 26(2) et 142(3) de la Loi, que, sans vérification de leur part, le Service et la Commission l'ont classée comme telle et que la Commission avait l'obligation de vérifier si Mme Bélanger rencontrait ou non les critères de la Loi pour se qualifier à ce titre. Au sens du paragraphe 2(1) de la Loi, est une victime la personne qui a subi des dommages corporels ou moraux par suite de la perpétration d'une infraction. Pour fins de communication de renseignements en vertu des paragraphes 26(3) et 142(3) de la Loi, est une victime la personne qui convainc le président de la Commission "qu'elle a subi un dommage corporel ou moral par suite de la conduite du délinquant, qu'il ait été ou non poursuivi ou condamné pour celle-ci, et qu'elle a porté plainte auprès de la police ou de la poursuite ou qu'une dénonciation a été faite conformément au Code criminel".

Le juge de première instance fut aussi d'avis que la Commission a, en violation du paragraphe 144(2) de la Loi, transmis à Mme Bélanger des informations contenues au registre qu'elle doit tenir en vertu du paragraphe 1 de cet article qui se lit:



144. (1) La Commission constitue un registre des décisions qu'elle rend sous le régime de la présente partie et des motifs s'y rapportant.

(2) Sur demande écrite à la Commission, toute personne qui démontre qu'elle a un intérêt à l'égard d'un cas particulier peut avoir accès au registre pour y consulter les renseignements qui concernent ce cas, à la condition que ne lui soient pas communiqués de renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement:

a) de mettre en danger la sécurité d'une personne;

b) de permettre de remonter à une source de renseignements obtenus de façon confidentielle;

c) de nuire, s'ils sont rendus publics, à la réinsertion sociale du délinquant.


144. (1) The Board shall maintain a registry of the decisions rendered by it under this Part and its reasons for each such decision.

(2) A person who demonstrates an interest in a case may, on written application to the Board, have access to the contents of the registry relating to that case, other than information the disclosure of which could reasonably be expected

(a) to jeopardize the safety of any person;

(b) to reveal a source of information obtained in confidence; or

(c) if released publicly, to adversely affect the reintegration of the offender into society.


Le juge s'est dit convaincu que les décisions de la Commission relatives à l'intimé ont été transmises à Mme Bélanger avant même qu'elle n'ait fait une demande écrite d'accès au registre comme l'exige la Loi.

Enfin, le juge de première instance a vu, dans la transmission illégale à Mme Bélanger d'informations relatives à l'intimé, une violation des droits de ce dernier "à la liberté de sa personne, à la protection contre des conditions de traitement inusitées et à la même protection et au même bénéfice de la Loi, indépendamment de toute discrimination". Sans qu'il l'ait dit expressément, on peut présumer qu'il faisait, par cette terminologie, référence aux articles 7, 12 et 15 de la Charte sur lesquels l'intimé fondait son recours.


Analyse de la décision

L'appelante a soulevé plusieurs motifs d'appel auxquels j'entends répondre en procédant à l'analyse des cinq questions suivantes:

1.         Le juge de première instance était-il justifié d'ordonner que les lettres de Mme Bélanger soient extirpées du dossier de l'intimé?

2.         La Commission avait-elle l'obligation de vérifier la fiabilité du contenu des lettres de Mme Bélanger?

3.         La Commission s'est-elle servie des lettres de Mme Bélanger et, si oui, en a-t-elle, avant de ce faire, vérifié la fiabilité et la valeur persuasive?

4.         Le Service et la Commission ont-ils illégalement fourni à une personne non autorisée des informations concernant le dossier de l'intimé?

5.         Les agissements de la Commission et du Service ont-ils brimé les droits de l'intimé à la liberté, à l'égalité devant la loi et à la protection contre tous traitements inusités?


La réponse à ces interrogations disposera aussi, mais en partie seulement, de l'appel-incident. Les autres motifs d'appel allégués par l'intimé et demeurés en suspens feront l'objet d'un traitement spécifique sous le vocable appel-incident.

Le juge de première instance était-il justifié d'ordonner que les lettres de Mme Bélanger soient extirpées du dossier de l'intimé?

Avec respect, je crois que le juge s'est mépris sur le principe applicable en pareille situation.

Il ne fait pas de doute que les deux lettres acheminées à la Commission par Mme Bélanger renferment, selon les termes de l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, c. P-21, des renseignements personnels à propos de l'intimé. Cet article définit ainsi ces renseignements:


3.

[...]

"renseignements personnels" Les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable, notamment:

a) les renseignements relatifs à sa race, à son origine nationale ou ethnique, à sa couleur, à sa religion, à son âge ou à sa situation familiale;

b) les renseignements relatifs à son éducation, à son dossier médical, à son casier judiciaire, à ses antécédents professionnels ou à des opérations financières auxquelles il a participé;

c) tout numéro ou symbole, ou toute autre indication identificatrice, qui lui est propre;

[...]

g) les idées ou opinions d'autrui sur lui.


3.

[...]

"personal information" means information about an identifiable individual that is recorded in any form including, without restricting the generality of the foregoing,

(a) information relating to the race, national or ethnic origin, colour, religion, age or marital status of the individual,

(b) information relating to the education or the medical, criminal or employment history of the individual or information relating to financial transactions in which the individual has been involved.

(c) any identifying number, symbol or other particular assigned to the individual,

[...]


(g) the views or opinions of another individual about the individual,



Il ne fait également pas de doute que ces lettres de l'ex-épouse de l'intimé, dans la mesure où elles évoquent une possibilité de violence et une crainte pour la sécurité de leur auteure et celle des membres de sa famille, constituent de l'information pertinente dont la Commission doit, au besoin, tenir compte dans l'exécution de son mandat. L'article 101 de la Loi énonce sans équivoque l'obligation de la Commission de prendre en considération toute l'information pertinente disponible et que la protection de la société est le critère déterminant dans tous les cas:


101. La Commission et les commissions provinciales sont guidées dans l'exécution de leur mandat par les principes qui suivent:

a) la protection de la société est le critère déterminant dans tous les cas;

b) elles doivent tenir compte de toute l'information pertinente disponible, notamment les motifs et les recommandations du juge qui a infligé la peine, les renseignements disponibles lors du procès ou de la détermination de la peine, ceux qui ont été obtenus des victimes et des délinquants, ainsi que les renseignements et évaluations fournis par les autorités correctionnelles;

c) elles accroissent leur efficacité et leur transparence par l'échange de renseignements utiles au moment opportun avec les autres éléments du système de justice pénale d'une part, et par la communication de leurs directives d'orientation générale et programmes tant aux délinquants et aux victimes qu'au public, d'autre part;

d) le règlement des cas doit, compte tenu de la protection de la société, être le moins restrictif possible;

e) elles s'inspirent des directives d'orientation générale qui leur sont remises et leurs membres doivent recevoir la formation nécessaire à la mise en oeuvre de ces directives;

f) de manière à assurer l'équité et la clarté du processus, les autorités doivent donner aux délinquants les motifs des décisions, ainsi que tous autres renseignements pertinents, et la possibilité de les faire réviser.



101. The principles that shall guide the Board and the provincial parole boards in achieving the purpose of conditional release are

(a) that the protection of society be the paramount consideration in the determination of any case;

(b) that parole boards take into consideration all available information that is relevant to a case, including the stated reasons and recommendations of the sentencing judge, any other information from the trial or the sentencing hearing, information and assessments provided by correctional authorities, and information obtained from victims and the offender;

(c) that parole boards enhance their effectiveness and openness through the timely exchange of relevant information with other components of the criminal justice system and through communication of their policies and programs to offenders, victims and the general public;

(d) that parole boards make the least restrictive determination consistent with the protection of society;

(e) that parole boards adopt and be guided by appropriate policies and that their members be provided with the training necessary to implement those policies; and

(f) that offenders be provided with relevant information, reasons for decisions and access to the review of decisions in order to ensure a fair and understandable conditional release process.



                                                                                                                          (le souligné est de moi)


En outre, la Commission n'a pas la compétence pour exclure sous le paragraphe 24(2) de la Charte des informations ou des éléments de preuve qui lui sont fournis: Mooring c. Canada (CNLC) [1996] 1 R.C.S. 75. Son rôle est d'enquêter sur l'opportunité de remettre en liberté un individu condamné à l'emprisonnement et de s'assurer que, ce faisant, elle ne compromet pas l'objectif premier qui est d'assurer la protection de la société. Le passage suivant du juge Sopinka, extrait de la décision précitée aux pages 92 et 93, résume bien le rôle de la Commission et le mandat d'inclusion et non d'exclusion de la preuve:

En l'espèce, la Section d'appel de la Commission décrit ainsi sa fonction:

[TRADUCTION] Lorsqu'elle procède à un examen postsuspension, la Commission exerce une fonction fort différente de celle des tribunaux judiciaires.    Elle doit déterminer si le fait de garder [l'intimé] en liberté conditionnelle fait courir un risque indu à la société. Pour prendre cette décision, la Commission examine tous les renseignements dont elle dispose, dont toute information indiquant que l'intimé a repris ses activités criminelles. Cela s'applique peu importe que des accusations devant les tribunaux aient été retirées, suspendues ou rejetées.

Il est donc clair que la Commission n'entend et n'évalue aucun témoignage, et qu'elle agit plutôt sur la foi de renseignements. Elle exerce des fonctions d'enquête sans la présence de parties opposées: il n'y a pas d'avocat pour défendre les intérêts de l'État, et le détenu en liberté conditionnelle n'a pas de « preuve à réfuter » comme telle. D'un point de vue pratique, ni la Commission ni les procédures qu'elle engage n'ont été conçues pour procéder à l'évaluation de facteurs requise par le par. 24(2).

Les facteurs prédominants que la Commission doit prendre en considération dans son évaluation du risque sont ceux qui concernent la protection de la société. L'intérêt primordial de la société l'emporte sur la protection de l'accusé visant à assurer la tenue d'un procès équitable et à préserver la considération dont jouit l'administration de la justice, laquelle protection joue un rôle si important dans l'application du par. 24(2). Dans l'évaluation du risque pour la société, l'accent est mis sur l'examen de tous les renseignements sûrs disponibles, pourvu que ceux-ci n'aient pas été obtenus irrégulièrement.

[...]

Il ressort tant de la structure et de la fonction fondamentales de la Commission que du libellé de sa loi habilitante qu'elle n'a ni l'aptitude ni la compétence pour écarter des éléments de preuve pertinents. Le texte de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition confère à la Commission un vaste mandat d'inclusion de renseignements. Non seulement elle n'est pas tenue d'appliquer les règles de preuve classiques, mais elle doit tenir compte de « toute l'information pertinente disponible » . Il n'est fait mention d'aucun pouvoir d'appliquer des règles d'exclusion en matière de preuve. En fait, une telle disposition entrerait en conflit avec son obligation de prendre en considération « toute l'information pertinente disponible » .


Dans la mesure où l'information reçue par la Commission relativement à un détenu est pertinente à ses activités et, comme le dit le juge Sopinka, n'a pas été obtenue irrégulièrement, celle-ci ne peut la supprimer. Comme il s'agit de renseignements personnels qui peuvent être utilisés à des fins administratives, ces renseignements doivent, après usage, être conservés pour permettre à l'individu qu'ils concernent d'exercer son droit d'accès à ces renseignements. Obligation est aussi faite à une institution fédérale d'assurer, dans la mesure du possible, l'exactitude, l'actualité et l'exhaustivité des renseignements qu'elle utilise à des fins administratives. Je reproduis l'article 6 de la Loi sur la protection des renseignements personnels (précitée) qui crée ces obligations et je reviendrai plus tard sur celle d'assurer l'exactitude des renseignements:


6. (1) Les renseignements personnels utilités par une institution fédérale à des fins administratives doivent être conservés après usage par l'institution pendant une période, déterminée par règlement, suffisamment longue pour permettre à l'individu qu'ils concernent d'exercer son droit d'accès à ces renseignements.


6. (1) Personal information that has been used by a government institution for an administrative purpose shall be retained by the institution for such period of time after it is so used as may be prescribed by regulation in order to ensure that the individual to whom it relates has a reasonable opportunity to obtain access to the information.


(2) Une institution fédérale est tenue de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements personnels qu'elle utilise à des fins administratives soient à jour, exacts et complets.


(2) A government institution shall take all reasonable steps to ensure that personal information that is used for an administrative purpose by the institution is as accurate, up-to-date and complete as possible.


(3) Une institution fédérale procède au retrait des renseignements personnels qui relèvent d'elle conformément aux règlements et aux instructions ou directives applicables du ministre désigné.


(3) A government institution shall dispose of personal information under the control of the institution in accordance with the regulations and in accordance with any directives or guidelines issued by the designated minister in relation to the disposal of that information.



Le paragraphe 3 oblige une institution fédérale à ne disposer de renseignements personnels qu'en conformité avec le régime établi par règlement ou directive, sans compter l'article 5 de la Loi sur les archives nationales, L.R.C. 1985, c. N-25, qui énonce que l'élimination des documents des institutions fédérales est subordonnée à l'autorisation de l'archiviste national du Canada. Ces mesures visent à protéger le sujet des renseignements personnels, à permettre aux institutions fédérales d'accomplir efficacement leurs mandats et, enfin, à préserver l'intégrité de la documentation fédérale.

D'ailleurs, une mesure de protection additionnelle autre que la suppression de l'information au dossier est offerte à la personne sur qui les renseignements personnels portent. Outre son droit d'accès à l'information, celle-ci peut, en vertu du paragraphe 12(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, demander que soient corrigés les renseignements personnels qui la concernent et qui peuvent être utilisés à des fins administratives. Si les corrections exigées ne sont pas apportées, elle peut exiger qu'il soit fait mention au dossier des corrections qu'elle a demandées:


12. (2) Tout individu qui reçoit communication, en vertu de l'alinéa (1)a), de renseignements personnels qui ont été, sont ou peuvent être utilisés à des fins administratives, a le droit:

a) de demander la correction des renseignements personnels le concernant qui, selon lui, sont erronés ou incomplets;

b) d'exiger, s'il y a lieu, qu'il soit fait mention des corrections qui ont été demandées mais non effectuées;


12. (2) Every individual who is given access under paragraph (1)(a) to personal information that has been used, is being used or is available for use for an administrative purpose is entitled to

(a) request correction of the personal information where the individual believes there is an error or omission therein;

(b) require that a notation be attached to the information reflecting any correction requested but not made; and


c) d'exiger:

(i) que toute personne ou tout organisme à qui ces renseignements ont été communiqués pour servir à des fins administratives dans les deux ans précédant la demande de correction ou de mention des corrections non effectuées soient avisés de la correction ou de la mention,

(ii) que l'organisme, s'il s'agit d'une institution fédérale, effectue la correction ou porte la mention sur toute copie de document contenant les renseignements qui relèvent de lui.



(c) require that any person or body to whom that information has been disclosed for use for an administrative purpose within two years prior to the time a correction is requested or a notation is required under this subsection in respect of that information

(i) be notified of the correction or notation, and

(ii) where the disclosure is to a government institution, the institution make the correction or notation on any copy of the information under its control.



Encore une fois, cette disposition manifeste l'intention du législateur de préserver l'intégralité du dossier de renseignements personnels possédé par une institution fédérale.

Dans les circonstances de la présente affaire, je crois que le juge de première instance ne pouvait ordonner que les lettres de France Bélanger soient extirpées du dossier de l'intimé et encore moins détruites ou supprimées complètement comme le veut le sens littéraire ou figuré du verbe "extirper": voir Le Petit Robert, Dictionnaire de la langue française, 1991, page 741; Le Petit Larousse illustré, 1998, page 415; et Trésor de la langue française, tome 8, page 521.

La Commission avait-elle l'obligation de vérifier la fiabilité du contenu des lettres de Mme Bélanger?

Il ressort clairement de l'arrêt Mooring précité que la Commission doit agir conformément aux principes d'équité. Cette obligation apparaît à l'alinéa 101f) de la Loi. Ainsi, dans l'évaluation du risque pour la société, la Commission, si elle n'est pas soumise à la rigidité des règles de preuve applicables aux tribunaux judiciaires, a l'obligation d'examiner tous les renseignements sûrs disponibles. La fiabilité d'un renseignement passe par son exactitude. Elle n'a donc pas à prendre en considération des renseignements pertinents qui ne sont pas fiables parce qu'inexacts. Mais, dans la mesure où elle désire utiliser un renseignement pertinent au dossier, elle doit s'assurer de son exactitude et de sa valeur persuasive sinon elle manque à son obligation d'agir équitablement comme le fait ressortir cet extrait de l'arrêt Mooring, précité, au paragraphe 36:

   En quoi consiste « l'obligation d'agir équitablement » qui incombe à la Commission? Le contenu de cette obligation varie selon la structure et la fonction de la commission ou du tribunal administratif en cause. En matière de libération conditionnelle, la Commission doit s'assurer que les renseignements sur lesquels elle se fonde pour agir sont sûrs et convaincants. Pour prendre un cas extrême, la Commission ne pourrait pas considérer comme sûrs des renseignements obtenus par la torture, et il serait inéquitable qu'elle agisse sur la foi de tels renseignements. Il lui incomberait donc de les écarter, quelle que soit leur pertinence relativement à la décision à prendre. Chaque fois que des renseignements ou des « éléments de preuve » lui sont soumis, la Commission doit en déterminer la provenance et décider s'il serait équitable qu'elle s'en serve pour prendre sa décision.


Le paragraphe 6(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, auquel j'ai déjà fait référence, abonde dans le même sens. Il crée pour une institution fédérale l'obligation de mettre à jour et d'assurer l'exactitude des renseignements personnels qu'elle utilise à des fins administratives. Cette obligation n'existe qu'à l'égard des renseignements qu'elle utilise et non à l'égard de tous ceux qu'elle doit conserver en vertu du paragraphe (1) pendant une période suffisamment longue pour permettre à la personne concernée d'exercer son droit d'accès à l'information et, au besoin, son droit de correction et de notation prévu à l'article 12, lequel ne se limite pas aux renseignements utilisés, mais s'étend à ceux qui l'ont été ou peuvent l'être à des fins administratives.

Le Service est aussi assujetti à une obligation semblable, avec droit de correction et de notation du délinquant, en vertu de l'article 24 de la Loi:


24. (1) Le Service est tenu de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu'il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets.

(2) Le délinquant qui croit que les renseignements auxquels il a eu accès en vertu du paragraphe 23(2) sont erronés ou incomplets peut demander que le Service effectue la correction; lorsque la demande est refusée, le Service doit faire mention des corrections qui ont été demandées mais non effectuées.


24. (1) The Service shall take all reasonable steps to ensure that any information about an offender that it uses is as accurate, up to date and complete as possible.

(2) Where an offender who has been given access to information by the Service pursuant to subsection 23(2) believes that there is an error or omission therein,

(a) the offender may request the Service to correct that information; and

(b) where the request is refused, the Service shall attach to the information a notation indicating that the offender has requested a correction and setting out the correction requested.


Dans le cas qui nous est soumis, l'information venant de Mme Bélanger était pertinente et, à juste titre, la Commission l'a classée au dossier de l'intimé. Elle pouvait l'ignorer si elle n'était pas fiable. Mais si elle désirait s'en servir, elle devait, en vertu de l'équité procédurale, de sa Loi et de la Loi sur les renseignements personnels, en vérifier l'exactitude et la valeur persuasive.


La Commission s'est-elle servie des lettres de Mme Bélanger et, dans l'affirmative, en a-t-elle, avant de ce faire, vérifié la fiabilité et la valeur persuasive?

Il convient donc de se demander, dans un premier temps, si la Commission s'est servie de l'information en question lors de ses décisions de 1994, 1996 et 1997 concernant la libération conditionnelle de l'intimé. Dans un deuxième temps, si on en vient à la conclusion qu'elle a, de fait, utilisé cette information, il faut alors déterminer si elle a assumé son obligation d'agir équitablement en en vérifiant la fiabilité et la valeur persuasive.

De toute évidence, tel que déjà mentionné au paragraphe 9, la Commission ne s'est pas servie des lettres de Mme Bélanger lors de sa décision de février 1994 révoquant la libération conditionnelle de l'intimé. C'était également l'avis des commissaires de la Section d'appel dans leur décision du 21 août 1996: Dossier d'appel, vol. 4, à la page 973.

Je ne crois pas non plus qu'elle s'en soit servie lors de ses audiences du 17 janvier 1996. Comme je l'ai mentionné précédemment au paragraphe 11, le refus d'accorder les libérations demandées est attribuable au risque élevé de récidive et à l'instabilité émotionnelle de l'intimé.


Lors d'un appel de la décision du 17 janvier 1996 entrepris par l'intimé à partir d'allégations que la Commission avait rendu une décision négative à son endroit en se fondant sur les lettres de Mme Bélanger, les membres de la Section d'appel ont aussi conclu, à juste titre à mon avis, que les allégations contenues dans les lettres de cette dernière n'avaient pas été retenues comme un des motifs de la décision: id., à la page 974.

Ceci dit, il n'y a pas de doute, cependant, qu'à l'audition du 17 avril 1997, la demande de Mme Bélanger a été retenue en partie par la Commission et qu'en conséquence, le droit de sortie pré-libératoire de l'intimé a été assujetti à la condition de ne pas entrer en contact avec elle. Je dis en partie car la demande de Mme Bélanger était beaucoup plus englobante que la condition imposée par la Commission. L'interdiction de contact demandée visait non seulement Mme Bélanger elle-même, mais s'étendait à tout membre de sa famille, incluant son père et, sans doute dans le contexte, son fils car, dans sa lettre du 22 janvier 1994, elle disait avoir refait sa vie et qu'elle et son fils constituaient maintenant une belle famille: Dossier d'appel, vol. 3, à la page 781. Or, on l'a vu, l'interdiction de contact ne s'applique qu'à son seul égard et préserve la possibilité pour l'intimé d'obtenir et d'exercer des droits de visite de son fils.

En somme, le juge de première instance avait raison de conclure, à partir du fait qu'une telle condition avait été imposée, que la Commission avait utilisé les lettres de Mme Bélanger.

La preuve devant le juge de première instance démontre que certaines vérifications de la teneur des informations transmises à la Commission par Mme Bélanger furent faites. M. Williams, conseiller clinique chargé de surveiller l'intimé en période de libération, a témoigné qu'il a été informé le 10 février 1994 du contenu de la lettre du 22 janvier 1994 de Mme Bélanger et qu'il y eut une réunion pour discuter des mesures à prendre pour vérifier certains éléments de son contenu: Dossier d'appel, vol. 2, à la page 193.

Il fut convenu lors de cette réunion de vérifier d'abord auprès du père de Mme Bélanger les allégations de cette dernière que l'intimé aurait téléphoné à M. Bélanger et l'aurait menacé. La vérification fut faite et s'est avérée négative: M. Bélanger a affirmé ne pas avoir été menacé et ne pas s'être senti menacé: id., aux pages 199-211. M. Williams a aussi tenté de rejoindre un ami de l'intimé pour confirmer certaines autres informations, mais il a été impossible de lui parler. Il a aussi parlé au père de l'intimé ainsi que, par voie téléphonique, à Mme Bélanger: id., aux pages 199-200. Dans son rapport d'analyse post-suspension de la libération de l'intimé, M. Williams émettait l'opinion qu'il ne croyait pas que l'intimé présente un risque indu pour la sécurité de Mme Bélanger: Dossier d'appel, vol. 3, à la page 791.


Je ne crois pas, comme semble le réclamer l'intimé, qu'il soit toujours nécessaire de procéder par enquête pour vérifier une information que la Commission reçoit. Celle-ci, compte tenu de ses besoins, de ses ressources et de son expertise, doit pouvoir disposer du libre choix, évidemment à l'intérieur des paramètres légaux, quant aux méthodes propres à assurer la fiabilité d'un renseignement qui lui est fourni. Il peut être approprié de le faire par enquête ou par simple complément d'enquête. Mais confronter le principal intéressé avec les allégations faites à son endroit et lui permettre de les commenter et de les réfuter constitue aussi un mode significatif de vérification, ce qui est généralement fait à moins que ne se pose un problème de sécurité: voir l'article 141 de la Loi et le Manuel des politiques de la Commission nationale des libérations conditionnelles. En outre, au plan de l'équité, la confrontation permet d'en respecter les principes et, au plan de l'objectif de libération, de mesurer la réaction du détenu et sa sincérité face aux allégations.

Dans le cas présent, en plus des vérifications qui ont été faites, l'intimé a été confronté avec les allégations de Mme Bélanger lors de l'audience de 1996 dans ce que les membres de la Section d'appel, dans leur décision du 21 août 1996, qualifient d'interrogations "corsées" de la part des commissaires. Sous la rubrique "L'impact de la lettre de votre épouse", ils écrivent:


Cette question a été longuement débattue en audience et la Section d'appel note (sic) et les commissaires n'ont pas pris partie (sic) dans la Feuille de Décision en faveur des allégations faites par votre ex-épouse non plus que vos réponses à cet égard. Tout au plus, ils ont noté la recommandation du Service d'imposer une condition additionnelle de non-communication, laquelle, dans les circonstances, n'aurait probablement pas été déraisonnable si l'octroi d'une liberté conditionnelle vous avait été octroyée. Cette recommandation fait suite à la demande expresse de votre épouse, ce qui est fréquent dans les cas du genre. Réfuter, nier ou répondre aux allégations de votre ex-épouse vous appartenait, ce qui fut fait.

[...]

Tel qu'indiqué, bien que cette question [véracité des allégations de votre épouse] ait fait l'objet d'interrogations "corsées" de la part des commissaires, ces derniers n'ont pas retenu ces allégations comme un des motifs de la décision.

                                                                                                                          (le souligné est de moi)

                                                                                                   Dossier d'appel, vol. 4, à la page 974

L'intimé fut également confronté avec ces allégations lors de l'audience du 17 avril 1997 où la décision fut prise de procéder à une mise en liberté extrêmement progressive de l'intimé: id., aux pages 1116-1117.

En plus de mesurer la fiabilité des allégations, les interrogations par les commissaires permettaient de les actualiser auprès de l'intimé. Pour ce qui est de leur actualisation auprès de leur source, soit Mme Bélanger, la Commission savait que celle-ci avait demandé d'être informée des décisions de la Commission relatives aux périodes et aux conditions de libération de l'intimé, démontrant par là sa crainte actuelle et constante d'être contactée par l'intimé. En outre, Mme Bélanger téléphonait à la Commission pour signaler ses changements d'adresse afin de pouvoir continuer à recevoir l'information qu'elle avait demandée sur les allées et venues de l'intimé: Dossier d'appel, vol. 2, à la page 377.


Je suis également satisfait que la Commission a évalué la valeur persuasive des allégations de Mme Bélanger. L'interdiction de contact imposée par la Commission, beaucoup plus limitée que celle demandée, indique que celle-ci a soupesé les allégations avec les informations obtenues et a fait la part des choses. Elle me convainc que la Commission, dans l'exercice de son mandat d'assurer la protection de la société, compte tenu des antécédents violents de l'intimé et de sa personnalité, a préféré agir avec prudence tout en demeurant équitable pour l'intimé.

Comme l'a souligné la Section d'appel dans l'extrait précité, il n'est pas rare de voir ce genre de condition imposé en rapport avec une ex-conjointe, surtout lorsqu'elle a refait ou réorganisé sa vie. Même M. Williams, le conseiller clinique de l'intimé, qui était satisfait que les allégations de menaces faites au père de Mme Bélanger étaient sans fondement et qui ne croyait pas que l'intimé pouvait constituer un risque pour son ex-épouse, recommandait tout de même, à titre préventif, qu'une condition d'interdiction de contacter celle-ci soit imposée: Dossier d'appel, vol. 3, à la page 791.


Plusieurs raisons qui ne sont pas nécessairement fondées sur la peur de l'ex-conjoint peuvent justifier l'imposition de ce genre de condition. Une telle condition peut faire partie d'un élément de thérapie lorsque, par exemple, l'échec du mariage et les problèmes matrimoniaux qui y sont associés sont la source de l'instabilité émotionnelle du détenu ou, pour utiliser l'expression même de la Commission, pourraient "générer des facteurs de déstabilisation": Dossier d'appel, vol. 4, à la page 950.

Pour résumer et conclure sur la question, après avoir revu les éléments de preuve pertinents au dossier, je suis satisfait que la Commission a procédé à des vérifications suffisantes de la fiabilité des allégations de Mme Bélanger et qu'elle en a mesuré la valeur persuasive. La condition, telle qu'imposée et beaucoup plus restrictive que celle demandée, reflète, à mon avis, l'exercice d'appréciation et d'évaluation auquel la Commission s'est livrée.

Avant de passer à l'analyse de la prochaine question, il importe de se pencher sur une considération d'ordre procédural soulevée en première instance.

Le juge de première instance s'est dit préoccupé par un problème procédural sérieux que les parties n'avaient pas abordé. L'intimé pouvait-il procéder par action en dommages comme il l'a fait et invoquer l'illégalité des décisions de la Commission? Ou devait-il plutôt présenter une demande de contrôle judiciaire sous l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale pour attaquer ces décisions dans le délai imparti? Il a conclu que l'intimé devait procéder par demande de contrôle judiciaire et, conséquemment, qu'une grande partie de son action était irrecevable.


La question n'est pas nouvelle dans les litiges émanant du milieu carcéral et a donné lieu au niveau judiciaire à des divergences d'opinions: voir Zubi v. Canada (1994) 71 F.T.R. 168 (C.F. 1ère inst.); Shaw v. Canada (1997) 134 F.T.R. 128 (C.F. Proto.); Creed v. Canada (Solicitor General) [1998] F.C.J. No. 199 (C.F. 1ère inst.); et Shaw v. Canada (2000) 167 F.T.R. 233 (C.F. 1ère inst.).

Il faut en la matière, je crois, prendre une approche utilitaire et privilégier la procédure qui permet d'éliminer ou de réparer le préjudice découlant de la décision rendue. Il est inutile, par exemple, d'exiger d'un détenu qui a déjà purgé sa période d'isolement de 15 jours qu'il demande par voie de contrôle judiciaire l'annulation de la décision qui l'y a contraint. Par contre, lorsqu'une décision est toujours opérante, comme en l'espèce celle de la Commission imposant comme condition de libération une interdiction de contact, il est non seulement utile, mais nécessaire, de procéder par contrôle judiciaire pour la faire annuler. Sinon, tant la décision que ses effets perdurent et il y a même aggravation du préjudice pendant la période où l'action en dommages suit son cours.

C'est, à bon droit, cette approche pragmatique que le Protonotaire Hargrave a adoptée dans l'affaire Shaw c. Canada (1997) 134 F.T.R. 128. Au paragraphe 23 de sa décision, il écrit:


[23]    I do not see that a plaintiff must, in all circumstances, first bring an application for judicial review and only then, if successful, bring an action for damages. All the more so when a declaration would serve no current purpose. Further, this is not a situation in which the procedures the plaintiff employs are alternatives leading to one end: the remedies are very different. Finally, where there are several approaches or procedures a court should impose the least intrusive remedy capable of providing a cure. In summary, I can see no utility in forcing the plaintiff to try to obtain declaratory relief, concerning something that happened over a year ago, in order to then begin a second piece of litigation by which to claim damages.

Malheureusement, il n'existe pas de formule magique applicable aux situations où une multiplicité de recours existe. Chaque cas en est un d'espèce et doit être évalué à son mérite pour déterminer la procédure appropriée.

Le Service et la Commission ont-ils illégalement fourni à une personne non autorisée des renseignements concernant le dossier de l'intimé?

Le débat sur cette question porte sur deux renseignements que Mme Bélanger, l'ex-épouse de l'intimé, a obtenus. Premièrement, elle a su, après l'audience, que la Commission avait rendu le 18 avril 1994 une décision concernant la libération conditionnelle de l'intimé. Deuxièmement, elle a reçu de la Commission une copie de ses décisions relatives à l'intimé. Comme ces deux questions soulèvent une problématique différente, je les traiterai séparément.


Les parties reconnaissent que personne ne sait comment Mme Bélanger a pu obtenir la date d'audience du 18 avril 1994. Il s'agit normalement d'une information qui n'est pas disponible au public, sauf pour la personne qui a demandé et obtenu en vertu du paragraphe 140(5) de la Loi le statut d'observateur, ce qui n'était pas le cas de Mme Bélanger. Ni la Commission ni le Service n'ont pu percer le mystère. On ne peut, comme le dit lors de son témoignage Mme Belisle, agent de liaison communautaire à la Commission, écarter la possibilité que Mme Bélanger ait obtenu cette information de personnes à qui l'intimé aurait pu communiquer la date: Dossier d'appel, vol. 2, à la page 364. Il n'y a aucune preuve que la Commission ou le Service soit la source de la divulgation. Dans ces circonstances, je ne crois pas qu'il soit possible d'imputer un manquement ou une faute à la Commission ou au Service. J'ajouterais que le fait que Mme Bélanger ait obtenu cette information est demeuré sans conséquence et que l'intimé n'en a subi aucun préjudice.

Il n'y a pas de contestation quant au fait que madame Bélanger a reçu copie des décisions rendues par la Commission. La procureure de l'appelante a admis que madame Bélanger n'était pas une victime au sens de l'article 142 de la Loi et elle n'a pas remis en question cette conclusion du juge de première instance.

Toutefois, dit-elle, l'information transmise à madame Bélanger l'a été en vertu du paragraphe 144(2) de la Loi qui n'exige pas qu'une personne ait un statut de victime pour avoir droit d'accès au registre des décisions tenu par la Commission. Toute personne qui démontre un intérêt à l'égard d'un cas particulier peut se prévaloir de ce droit:



144. (1) La Commission constitue un registre des décisions qu'elle rend sous le régime de la présente partie et des motifs s'y rapportant.

144. (1) The Board shall maintain a registry of the decisions rendered by it under this Part and its reasons for each such decision.

(2) Sur demande écrite à la Commission, toute personne qui démontre qu'elle a un intérêt à l'égard d'un cas particulier peut avoir accès au registre pour y consulter les renseignements qui concernent ce cas, à la condition que ne lui soient pas communiqués de renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement:

a) de mettre en danger la sécurité d'une personne;

b) de permettre de remonter à une source de renseignements obtenus de façon confidentielle;

c) de nuire, s'ils sont rendus publics, à la réinsertion sociale du délinquant.


(2) A person who demonstrates an interest in a case may, on written application to the Board, have access to the contents of the registry relating to that case, other than information the disclosure of which could reasonably be expected

(a) to jeopardize the safety of any person;

(b) to reveal a source of information obtained in confidence; or

(c) if released publicly, to adversely affect the reintegration of the offender into society.


Et c'est, dit-elle, ce que madame Bélanger a fait par demande écrite adressée à la Commission en date du 25 avril 1994.

On retrouve cette demande comme pièce P-9 au Dossier d'appel, vol.3, à la page 810. Elle est indubitablement une demande d'accès à la décision de la Commission rendue le 18 avril 1994 et elle fait ressortir clairement l'intérêt de la requérante. Elle a été acheminée aux bureaux principaux de la Commission à Montréal et adressée "à qui de droit".

Il est vrai que cette demande n'utilise pas les termes mêmes de l'article 144 ni les mots "accès au registre". Mais il n'était pas déraisonnable pour la Commission de la considérer comme une demande faite en vertu de cet article. Ce serait faire preuve d'un formalisme outrancier que d'exiger d'un citoyen en pareille circonstance qu'il identifie avec précision la disposition législative sur laquelle il se fonde et qu'il utilise les termes mêmes adoptés par le législateur. C'est suite à cette demande que la décision de la Commission du 18 avril 1994 fut transmise à madame Bélanger à partir du registre. Avec respect, je crois que le juge de première instance s'est mépris lorsqu'il a conclu que la Commission avait transmis à madame Bélanger copie des décisions concernant l'intimé avant même qu'une demande écrite d'inscription au registre n'ait été faite.

Lors de l'audition devant le juge de première instance, l'intimé a mis beaucoup d'emphase sur le fait que madame Bélanger n'avait pas rempli le formulaire qui existe et qui est mis à la disposition des citoyens pour compléter leur demande d'accès au registre. L'agent de liaison communautaire, dont l'une des fonctions est de traiter des demandes d'accès au registre, a témoigné que le formulaire n'était pas un document essentiel, que la demande pouvait se faire par lettre et qu'elle a estimé que la lettre de madame Bélanger pouvait remplacer le formulaire: Dossier d'appel, vol.2, aux pages 313, 356 et 357. Je ne vois rien d'irrégulier ou de déraisonnable dans cette approche.

Madame Belisle a témoigné qu'elle avait interprété la demande d'accès au registre faite par madame Bélanger comme une demande qui ne se limitait pas seulement à demander la décision du 18 avril 1994, mais qui visait aussi les décisions futures de la Commission. Elle a communiqué avec la requérante qui lui a confirmé que sa compréhension était la bonne. Par la suite, madame Bélanger a tenu la Commission informée de ses changements d'adresse de façon à pouvoir continuer à recevoir les décisions: Dossier d'appel, vol.2, à la page 377.

L'intimé s'est objecté devant nous à cette façon de procéder de la Commission. Il a prétendu qu'une demande d'accès au registre devait être faite pour chaque décision. Pour utiliser ses propres termes, il soutient qu'en vertu de la Loi ou du Manuel des politiques de la Commission, il n'est "pas question de communication en permanence". Il fonde son argument sur le fait que, dans ce Manuel, il existe une rubrique "Communications de renseignements en permanence" en rapport avec la communication de renseignements aux victimes alors qu'on ne retrouve pas une telle rubrique dans la section qui traite de l'accès au registre: voir les sections 10.2 et 11.2 du Manuel.

Je crois que l'intimé se méprend sur l'objet du registre ainsi que sur le but recherché par la politique d'accès aux personnes qui démontrent un intérêt à l'égard d'un cas particulier.

Tout d'abord, comment une personne intéressée peut-elle faire une demande d'accès pour chaque décision si elle ignore quand les audiences de la Commission sont tenues? Adopter la proposition de l'intimé aurait pour effet d'augmenter le fardeau des requérantes et de décourager l'accès au registre. Or, le but du registre est de favoriser la transparence du processus décisionnel et le respect de l'obligation de rendre compte à laquelle la Commission est assujettie: voir le Manuel des politiques, 11.2 - Registre des décisions, Objet.    Il faut donc plutôt y faciliter l'accès en éliminant les entraves inutiles et en se gardant bien d'en créer.

La politique d'accès renferme un certain nombre de garanties formelles et substantives pour prévenir les abus. Ainsi la divulgation de renseignements est plus limitée que celle qui se fait aux victimes en vertu de l'article 142. L'accès aux décisions concernant un cas particulier est autorisé uniquement pendant qu'un délinquant purge sa peine ou est soumis à une ordonnance de surveillance de longue durée.

Compte tenu de l'objectif recherché par le législateur en adoptant l'article 144 de la Loi, on ne peut reprocher à la Commission d'avoir adopté l'approche libérale qu'elle a prise à l'endroit de la demande d'accès de madame Bélanger en évitant d'imposer un formalisme tout aussi inutile que stérile.


Pour ces motifs, je suis satisfait que ni la Commission ni le Service n'ont transmis à madame Bélanger des renseignements auxquels elle n'avait pas droit.

Les agissements de la Commission et du Service ont-ils brimé les droits de l'intimé à la liberté, à l'égalité devant la loi et à la protection contre tous traitements inusités?

Vu la conclusion à laquelle j'en suis venu qu'il n'y avait pas eu de transmission illégale de renseignements et que la Commission et le Service n'avaient pas manqué à leurs obligations, il s'ensuit que les droits constitutionnels de l'intimé n'ont pas été brimés. J'ajouterais toutefois ceci.

Même en supposant que la Commission et le Service aient pu transmettre illégalement la date de l'audience du 18 avril 1994 et copie des décisions de la Commission avant qu'une demande écrite d'accès au registre n'ait été faite, je ne crois pas que le montant des dommages octroyés soit approprié dans les circonstances.

J'écarte d'emblée une violation de l'article 15 de la Charte. Il n'y a aucune preuve que l'intimé ait été par discrimination privé du bénéfice d'égalité devant la loi, encore moins pour l'un des motifs prévus et requis par cet article pour constituer une violation.

De même, je ne saurais retenir l'allégation d'un traitement cruel et inusité, contraire à l'article 12 de la Charte. Il n'y a rien de cruel et d'inusité à ce qu'une personne condamnée à l'emprisonnement à vie puisse se voir refuser une libération conditionnelle en fonction de son risque de récidive, imposer des conditions de libération pertinentes et reliées à son type de criminalité, ou suspendre ou révoquer une période de libération en cas de manquement à ces conditions. Le traitement reçu par l'intimé dans le présent dossier n'est pas différent de celui subi par d'autres délinquants soumis à la juridiction de la Commission. J'avoue également que je ne vois très bien le lien de connexité entre les illégalités reprochées et les allégations de traitement cruel et inusité. En d'autres termes, en quoi consiste le traitement cruel et inusité et comment découle-t-il de la communication de renseignements à madame Bélanger? Comme la Commission n'a pas rendu ses décisions sur la base des lettres de Mme Bélanger et que, de toute façon, la fiabilité et la valeur persuasive de leur contenu avaient été vérifiées, l'imposition d'une interdiction de contact n'était certes pas, dans les circonstances, un traitement cruel et inusité.

Reste une violation possible des droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne prévus à l'article 7 qui incluent le droit au respect de la vie privée sur le plan informationnel à l'égard de questions intimes ainsi qu'à l'égard de l'utilisation de renseignements personnels: B.(R.) c. Children's Aid Society of Metropolitan Toronto [1995] 1 R.C.S. 315, à la page 368; R. c. Morgentaler [1988] 1 R.C.S. 30; R. c. Mills [1999] 3 R.C.S. 668, à la page 722; Ruby c. Canada [2000] 3 C.F. 589, aux pages 661-664; et Blencoe v. British Columbia (Human Rights Commission) 2000 S.C.C. 44.

Dans le cas présent, l'atteinte illicite résultant d'un comportement fautif serait, d'une part, mineure car l'information transmise le fut à une personne éminemment intéressée qui avait droit de l'obtenir en vertu du paragraphe 144(2) de la Loi. En outre, il ne s'agit pas de renseignements cruciaux ou névralgiques qui auraient pu influer sur la prise de décision.


D'autre part, l'atteinte aurait aussi été faite sans malice car elle résulterait du fait d'avoir, de bonne foi, accepté une demande par voie téléphonique plutôt que d'exiger une demande écrite. Un tel comportement ne peut, en vertu de la jurisprudence existante, fonder l'octroi de dommages-intérêts punitifs ou exemplaires qui visent à exprimer l'indignation face à un comportement malveillant ou malicieux. "Il n'est possible, dit le juge McIntyre dans l'arrêt Vorvis c. I.C.B.C. [1989] 1 R.C.S. 1085, aux pages 1107-1108, d'accorder des dommages-intérêts punitifs qu'à l'égard d'un comportement qui justifie une peine parce qu'il est essentiellement dur, vengeur, répréhensible et malicieux... il faut que le comportement soit de nature extrême et mérite, selon toute norme raisonnable, d'être condamné et puni": voir aussi Hill c. Église de Scientologie [1995] 2 R.C.S. 1130, aux pages 1205-1206; Lubrizol Corp. c. Imperial Oil Ltd. [1996] 3 C.F. 40, à la page 60 (C.A.F.); et Claude-Rolland M. du-Lude, C.D. c. Sa Majesté la Reine, A-907-97, 7 septembre 2000 (C.A.F.).

Enfin, quant aux dommages-intérêts compensatoires visant à réparer le préjudice subi par la victime de cette atteinte, le fait est qu'en l'espèce, la transmission de l'information à Mme Bélanger est demeurée sans conséquence pour l'intimé. Celui-ci n'a subi aucun dommage matériel et il n'a fourni aucune preuve d'un tel dommage. Tout au plus, pourrait-on parler d'un préjudice moral minime qui, en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte, lui donnerait droit à une réparation juste et convenable dans les circonstances. En tenant compte de la nature de l'information transmise, de la nature de l'atteinte illicite, du peu de gravité de celle-ci, et du contexte dans lequel le tout s'est déroulé, je crois qu'un montant de 2 000$ constituerait une réparation juste et convenable.

L'appel-incident de l'intimé

À toutes fins utiles, les motifs exprimés sur l'appel principal disposent de l'appel-incident de l'intimé, sauf la question de l'atteinte à sa réputation et des dommages-intérêts qu'il réclame sous ce chef.

L'atteinte à la réputation en litige proviendrait des deux lettres de Mme Bélanger dans lesquelles elle se décrit comme une victime de violence conjugale et elle demande qu'une interdiction de contact soit imposée à l'intimé en cas de libération. Rappelons qu'il s'agit des lettres du 22 janvier et du 16 mai 1994. L'intimé prétend que ces lettres ont terni sa réputation au sein de la Commission et du Service et lui ont porté préjudice.

Mme Bélanger n'est pas partie à l'action intentée par l'intimé et, comme l'a conclu le juge de première instance, elle ne saurait dès lors être tenue responsable de ces dommages, si dommages il y a eu: voir la décision du juge au paragraphe 32.


En ce qui a trait à la responsabilité de l'appelante, il n'y a aucune preuve que Mme Bélanger, en faisant parvenir ces lettres, agissait à titre de préposé du Service ou, d'une quelconque manière, agissait dans l'exercice de ses fonctions. En l'absence de preuve de l'existence d'une relation commettant/préposé entre l'appelante et Mme Bélanger pour ce délit allégué, l'appelante ne peut être tenue responsable des gestes posés par cette dernière: voir l'alinéa 3a) de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R. 1985, ch. C-50. En conséquence, je rejetterais ce motif de l'appel-incident.


Pour ces motifs, j'accueillerais l'appel avec dépens et j'annulerais la décision du juge de première instance. Procédant à rendre la décision qu'il aurait dû rendre, je rejetterais l'action de l'intimé avec dépens. Je rejetterais également l'appel-incident de l'intimé avec dépens. Comme l'appelante s'est conformée à tort au jugement de première instance pendant l'appel, j'ordonnerais à l'intimé de rembourser à l'appelante les sommes reçues à titre de dommages-intérêts et de déboursés, soit un montant de 16 461,10$.

                                                                                                                               "Gilles Létourneau"                

                                                                                                                                                     j.c.a.

"Je suis d'accord

Robert Décary j.c.a."

"Je suis d'accord

Marc Noël j.c.a."

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