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     Date : 20000510

     A-252-99

CORAM :      LE JUGE DESJARDINS
         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE EVANS


E n t r e :

     WRIGLEY CANADA

     appelante

     (demanderesse)

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée

     défenderesse


    

     Audience tenue à Ottawa (Ontario) le mercredi 10 mai 2000

     Jugement rendu à l'audience à Ottawa (Ontario)

     le mercredi 10 mai 2000




MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :      LE JUGE EVANS




     A-252-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 10 MAI 2000

CORAM :      LE JUGE DESJARDINS
         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE EVANS


E n t r e :

     WRIGLEY CANADA

     appelante

     (demanderesse)

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée

     défenderesse



     JUGEMENT

    

     « L'appel est rejeté sans frais. »



     « Alice Desjardins »

                                         J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.




     Date : 20000510

     A-252-99

CORAM :      LE JUGE DESJARDINS
         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE EVANS

E n t r e :

     WRIGLEY CANADA

     appelante

     (demanderesse)

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée

     défenderesse


     MOTIFS DU JUGEMENT

     (prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario)

     le mercredi 10 mai 2000)


LE JUGE EVANS

[1]      L'article 2 de la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. (1985), ch. F-27, assimile la gomme à mâcher à un « aliment » . La question à trancher dans le présent appel est celle de savoir si la prétention d'un fabriquant d'une gomme à mâcher suivant laquelle l'utilisation de son produit prévient la carie dentaire fait de son produit une « drogue » au sens de la Loi, assujettissant ainsi son produit à un régime réglementaire plus strict que celui qui s'applique aux « aliments » .

[2]      Dans une décision datée du 23 mars 1999, le juge en chef adjoint Richard a rejeté la requête en jugement sommaire par laquelle Wrigley Canada sollicitait un jugement déclaratoire portant que son produit « EXTRA gomme sans sucre » est un aliment et non une drogue et ce, malgré le fait qu'elle présente son produit comme pouvant prévenir la carie dentaire. Le juge saisi de la requête a déclaré que, même si le produit de l'appelante est expressément visé par la définition d' « aliment » qui figure à l'article 2 de la Loi en raison des termes « gomme à mâcher » qui y figurent, la revendication de l'appelante fait en sorte que la gomme sans sucre EXTRA répondait à la définition que la Loi donne du mot « drogue » . Wrigley Canada interjette appel de cette décision.

[3]      Le contexte factuel de la requête de Wrigley Canada découle de la volonté de la compagnie de présenter la gomme à mâcher en question comme un produit qui « prévient la carie dentaire » . Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes a toutefois refusé la diffusion d'un texte publicitaire qui affirmait que la gomme sans sucre EXTRA combattait la carie au motif que cette affirmation était telle que la gomme était présentée comme étant une drogue. Santé Canada s'est depuis dit du même avis, malgré le fait qu'il avait auparavant soutenu le contraire, tout comme, d'ailleurs, le Conseil.

[4]      Wrigley Canada a demandé à deux reprises à Santé Canada d'approuver le classement de la gomme sans sucre EXTRA comme drogue lorsqu'elle est présentée comme prévenant la carie dentaire. Elle a essuyé son premier refus en 1987. Ce refus était apparemment fondé sur le fait que la gomme à mâcher ne contenait aucun ingrédient actif et qu'il ne répondait vraisemblablement pas à la définition du mot « drogue » . Santé Canada a toutefois changé d'avis dès octobre 1987 : dans une lettre du sous-ministre adjoint de Santé Canada, il était précisé que la prétention de Wrigley Canada avait fait l'objet d'une réévaluation et qu'on en était arrivé à la conclusion que Wrigley Canada pouvait présenter la gomme à mâcher comme une drogue.

[5]      Le dossier ne renferme aucun élément de preuve qui permette de connaître les motifs du second refus de 1993. Le refus s'explique peut-être par le fait que les résultats de recherches scientifiques joints à la demande n'ont pas convaincu le ministre que le produit de l'appelante prévenait la carie dentaire. D'ailleurs, compte tenu de l'argument que Me Woyiwada a fait valoir devant nous, en l'occurrence que la gomme à mâcher pourrait être considérée comme « une substance ou un mélange de substances » , remplissant ainsi la condition préalable de la définition du mot « drogue » à l'article 2 de la Loi, et compte tenu de l'opinion formulée en octobre 1987 par Santé Canada, après le premier refus, suivant laquelle la revendication formulée par Wrigley Canada au sujet de la gomme à mâcher était une « revendication de drogue » , le ministre est bien mal placé pour prétendre maintenant que la gomme à mâcher présentée comme prévenant la carie dentaire ne répond pas à la définition du mot « drogue » .

[6]      Nous constatons par ailleurs que le refus de Santé Canada d'approuver la gomme sans sucre EXTRA comme une drogue n'a pas fait l'objet d'une demande de contrôle judiciaire.

[7]      Les dispositions de la définition du mot « drogue » dans la Loi sur les aliments et drogues qui nous intéressent en l'espèce prévoient que « sont compris parmi les drogues les substances [...] présentés comme pouvant servir : a) [..] à la prévention d'une maladie, d'un désordre [...] chez l'être humain [...] » À première vue du moins, il semble qu'une allégation publicitaire suivant laquelle la gomme sans sucre EXTRA non seulement ne cause pas la carie dentaire, mais qu'en plus elle l'empêche, fait en sorte que le produit répond à la définition du mot « drogue » contenue dans la Loi.

[8]      Les normes de santé prévues par la loi s'appliquent à la vente et à la production d' « aliments » , et la législation fédérale et provinciale en matière de protection du consommateur impose des sanctions en cas de fausse publicité concernant toute marchandise. Toutefois, une « drogue » ne peut être vendue qu'après qu'une approbation réglementaire a été obtenue une fois que son innocuité et son efficacité a été démontrée. Le fait de vendre une drogue sans avoir obtenu l'approbation nécessaire constitue une infraction à la loi.

[9]      L'appelante soutient que, comme la gomme à mâcher est expressément assimilée à un aliment dans la définition de ce terme qu'en donne la Loi et qu'elle est en conséquence assujettie aux normes réglementaires applicables aux aliments, elle ne peut constituer aussi une drogue du simple fait qu'on affirme qu'elle comporte des avantages pour la santé.

[10]      Nous ne trouvons pas cet argument persuasif. Il n'y a rien dans la définition que la Loi donne des mots « aliment » et « drogue » ou dans l'économie de toute la loi qui empêche un aliment de devenir aussi une drogue s'il fait l'objet d'une revendication qui fait en sorte qu'il répond par ailleurs à la définition du mot « drogue » à l'article 2. Les catégories ne s'excluent pas l'une l'autre. En revanche, la définition du terme « instrument » exclut expressément les drogues, de sorte qu'il est évident que ces deux catégories ne se chevauchent pas. Or, on ne trouve pas un libellé semblable dans la définition du mot « aliment » .

[11]      L'appelante invoque le paragraphe 3(1) de la Loi pour démontrer qu'il ne suffit pas d'affirmer qu'un aliment prévient ou guérit une maladie pour le transformer en une drogue. Ce paragraphe interdit à quiconque de faire, auprès du grand public, la publicité d'un aliment, d'une drogue, d'un cosmétique ou d'un instrument à titre de traitement ou de mesure préventive d'une maladie, d'un désordre ou d'un état physique anormal énumérés à l'annexe A ou à titre de moyen de guérison. On trouve dans cette liste certains des états pathologiques les plus graves dont les êtres humains peuvent souffrir.

[12]      La thèse de l'appelante est que, suivant le raisonnement du juge en chef adjoint Richard, tout produit qui est présenté comme prévenant ou guérissant une des maladies ou un des troubles énumérés à l'annexe A constituerait automatiquement une drogue au sens de l'article 2. En conséquence, il serait superflu d'inclure les aliments, les instruments et les cosmétiques au paragraphe 3(1). Il soutient que l'inclusion de ces mots démontre à l'évidence que le législateur fédéral ne considérait pas qu'un produit qui était un aliment était également susceptible de constituer une drogue du fait qu'il est présenté comme prévenant une des maladies énumérées à l'annexe A.

[13]      L'appelante a sans doute raison d'affirmer que, suivant l'interprétation que le juge en chef Richard a donnée du paragraphe 2(1), l'inclusion des mots « aliment, drogue et cosmétique » au paragraphe 3(1) ne change pas le sens de ce dernier paragraphe. Toutefois, la présomption suivant laquelle le législateur n'insère pas inutilement des mots dans une loi peut être réfutée par d'autres dispositions de la Loi. À notre avis, la définition que l'article 2 donne du mot « drogue » a cet effet.

[14]      Qui plus est, les mots qui ne sont pas strictement nécessaires pour donner un sens à une disposition peuvent être ajoutés au texte de la loi pour rendre la disposition en cause plus claire pour le lecteur. Ainsi, l'inclusion du mot « aliment » supprime tout doute quant à l'application du paragraphe 3(1) à un objet qui, abstraction faite de ses présumées propriétés médicales, n'est pas une drogue, mais un aliment.

[15]      L'appelante soutient également qu'en considérant que le fait d'annoncer qu'un produit déterminé prévient une des maladies énumérées à l'annexe A constitue une infraction, le législateur fédéral doit être considéré comme n'ayant pas interdit la publicité portant sur les propriétés préventives d'un produit relativement aux maladies qui ne sont pas énumérées à l'annexe A, telles que la carie dentaire.

[16]      Nous ne croyons pas que cette observation aide l'appelante. La question à se poser n'est pas celle de savoir si quiconque fait la publicité d'un produit à titre de moyen de guérison commet une infraction, mais bien celle de savoir si la gomme à mâcher de l'appelante est devenue une drogue en raison du fait qu'elle est présentée comme un produit qui prévient la carie dentaire. C'est une question entièrement différente. Le paragraphe 3(1) ne saurait être interprété comme excluant des autres dispositions du règlement les produits qui sont présentés comme guérissant ou prévenant des maladies auxquelles l'interdiction contenue au paragraphe 3(1) ne s'applique pas.

[17]      Nous n'accordons pas d'importance non plus à l'utilisation du mot « article » dans la définition que la Loi donne du mot « aliment » ou à celui du mot « substance » dans la définition du mot « drogue » . On ne force pas le sens des mots en qualifiant une gomme à mâcher de « substance ou mélange de substances » , compte tenu en particulier des objectifs sous-jacents de l'économie de la Loi : la protection du public par l'obligation d'obtenir une approbation avant de pouvoir commercialiser un produit au sujet duquel des propriétés médicales précises sont revendiquées.

[18]      Par ces motifs, et pour les motifs exposés par le juge en chef adjoint Richard, l'appel sera rejeté. Comme l'avocat de l'intimée n'a pas demandé les dépens dans son mémoire ou après que les motifs du jugement eurent été prononcés à l'audience, il n'y aura pas d'adjudication de dépens.

     « John M. Evans »

                                         J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              A-252-99

APPEL DU JUGEMENT RENDU LE 23 MARS 1999 PAR LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA DANS LE DOSSIER T-2107-97


INTITULÉ DE LA CAUSE :      Wrigley Canada c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          Le 10 mai 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR (les juges Desjardins, Rothstein et Evans)

PRONONCÉS À L'AUDIENCE par le juge Evans


ONT COMPARU :

Me Gordon B. Greewood                      pour l'appelante
Me F.B. (Rick) Woyiwada                      pour l'intimée

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Maclaren Corlett                          pour l'appelante

Avocats et procureurs

Ottawa (Ontario)

Me Morris Rosenberg                          pour l'intimée

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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