Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20020114

Dossier : A-421-00

Référence neutre : 2002 CAF 3

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NOËL

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                       appelante

(intimée dans

l'appel incident)

                                                                                   et

                                                          ERLING MARVIN OLSEN

                                                                                                                                                            intimé

(appelant dans

l'appel incident)

                      Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 11 décembre 2001

                                       Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 janvier 2002

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                            LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE ROTHSTEIN

                                                                                                                                      LE JUGE MALONE


Date : 20020114

Dossier : A-421-00

Référence neutre : 2002 CAF 3

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NOËL

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                       appelante

(intimée dans

l'appel incident)

                                                                                   et

                                                          ERLING MARVIN OLSEN

                                                                                                                                                            intimé

(appelant dans

l'appel incident)

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]                 Il s'agit de l'appel d'une décision du juge O'Connor de la Cour canadienne de l'impôt (publiée sous le numéro [2000] C.I.C. no 297 (Q.L.)) annulant les nouvelles cotisations émises pour les années d'imposition 1993 et 1994 du contribuable au motif qu'il ne recevait pas de dividende réputé conformément à l'article 84.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi).


[2]                 La question étroite soulevée par l'appel est celle de savoir si le renvoi, dans l'article 84.1 de la Loi, au paragraphe 186(4), incorpore la définition du mot « contrôle » que l'on trouve au paragraphe 182(2). Si c'est le cas, il existe des dividendes réputés. Le contribuable soulève alors, par voie d'appel incident, la question de savoir comment ces dividendes réputés devraient être calculés.

[3]                 La question a été entendue et tranchée par le juge de la Cour de l'impôt sur la base de l'exposé conjoint des faits que voici :

1.1      L'intimé, un particulier résidant au Canada, vit au 10663, chemin River, Delta (Colombie-Britannique), Canada, V4C 2R1; pendant la période pertinente, il était président, administrateur et actionnaire majoritaire de Leader Fishing Ltd. ( « Leader » ), une société résidant au Canada qui exploite une entreprise de pêche et qui a été constituée sous le régime de la Company Act de la Colombie-Britannique.

1.2      Leader avait émis 120 actions de catégorie A avec droit de vote (les « actions de catégorie A » et 120 actions ordinaires de catégorie B sans droit de vote (les « actions de catégories B » ).

1.3      Soit les enfants de l'intimé, soit les enfants de l'intimé et leurs conjoints, résidant tous au Canada, détenaient la totalité des actions émises des compagnies suivantes (les « compagnies des enfants » ), qui, toutes résidaient au Canada.

NOM

ACTIONNAIRES

a)

Pacific Fraser Fishing

( « Pacific » )

Launa Groulx (la fille de l'intimé)

b)

Cornerstone Fishing Ltd.

( « Cornerstone » )    

Corrine Bjork (la fille de l'intimé)

c)

Viking Fishing Ltd.

( « Viking » )

Trevor Olsen (le fils de l'intimé)

d)

Viking West Industries Ltd. ( « Viking West » )

Jason Olsen (le fils de l'intimé et son épouse)


1.4.     L'intimé a vendu aux compagnies des enfants des actions de Leader, qui étaient toutes des biens en immobilisation et des actions admissibles d'une société exploitant une petite entreprise, en retour d'une contrepartie ne comprenant aucune action :

DATE DE L'ENTENTE

ACHETEUR

NOMBRE ET CATÉGORIE

D'ACTIONS

PRIX D'ACHAT DÉCLARÉ

14 janv. 1993

Cornerstone

5B

95 580 $

16 fév. 1993

Cornerstone

6A

154 420

31 janv. 1994

Cornerstone

1A

28 885

14 janv. 1993

Pacific

5B

95 580

16 fév. 1993

Pacific

6A

154 420

31 janv. 1994

Pacific

1A

28 885

31 janv. 1994

Viking

2A

57 770

31 janv. 1994

Viking West

2A

57 770

673 310 $

1.5      Chaque acheteur a convenu de payer le prix d'achat en dix versements annuels égaux, le premier versement devant être effectué à la date de l'entente, ainsi que, sur le solde impayé, des intérêts au taux de six pour cent (6 %) pour les ententes intervenues en 1993 et de cinq pour cent (5 %) pour celles intervenues en 1994, l'acheteur ayant cependant la possibilité de rembourser le solde impayé sans pénalité. Les ententes étaient assujetties à des modalités d'entiercement précisées dans les ententes produites sous les onglets 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12 et 13 du recueil conjoint de documents.

1.6      Les actions mentionnées au paragraphe 4 du présent document [1.4] ont été transférées au nom des acheteurs conformément aux ententes à la date de conclusion de chacune d'entre elles.

1.7      La contrepartie ne comprenant aucune action que l'intimé a reçue pour les actions qu'il a vendues conformément aux ententes conclues avec les compagnies des enfants était supérieure au prix de base rajusté des actions, calculées conformément à l'article 84.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

1.8      L'intimé était lié à chacune des compagnies des enfants et à chacun des actionnaires dont le nom figure au paragraphe [1.3].

1.9      La juste valeur marchande des actions de Leader vendues aux compagnies des enfants équivalait au prix d'achat déclaré indiqué au paragraphe [1.4].

1.10    La juste valeur marchande des billets payables à l'intimé par Pacific, Cornerstone, Viking et Viking West à la date d'émission de ceux-ci, en cas de vente à un acheteur sans lien de dépendance, s'élevait au total à 423 226,00 $, montant qui est inférieur de 250 084,00 $ à la valeur nominale des billets et à la juste valeur marchande des actions vendues :


JVM

Actions

JVM

Billets

1993

Cornerstone

28 885 $

60 840 $

Cornerstone

28 885

98 294

Pacific

57 770

60 840

Pacific

57 770

98 294

318 268 $

1994

Cornerstone

28 885 $

17 500 $

Pacific

28 885

17 500

Viking

57 770

34 999

Viking West

57 770

34 999

104 998

TOTAL

423 266 $

1.11    Ni l'intimé ni Leader ne détenait d'actions émises, de quelque catégorie que ce soit, de Pacific, de Cornerstone, de Viking ou de Viking West.

1.12    Aucune des compagnies Pacific, Cornerstone, Viking ou Viking West n'a à quelque moment que ce soit possédé plus de dix pour cent (10 %) des actions émises de Leader comportant plein droit de vote en toute circonstance, ni possédait des actions de Leader dont la juste valeur marchande était de plus de dix pour cent (10 %) de la juste valeur marchande de toutes les actions émises de Leader.

1.13    Dans une cotisation datée du 30 mai 1997, le ministre a inclus dans le calcul du revenu de l'intimé pour l'année 1993 le montant de 524 863,00 $ à titre de dividendes majorés que l'intimé était réputé avoir reçus lors de la vente des actions ordinaires de catégorie « A » et de catégorie « B » à Cornerstone et à Pacific en 1993. Le calcul a été effectué de la façon suivante :

Produits de disposition

500 000 $

Coût aux fins de l'article 84.1

80 110

Montant réel des dividendes réputés

419 890

125 % de ce montant

524 863 $

1.14     Dans une cotisation en date du 30 mai 1997, le ministre a inclus dans le calcul du revenu de l'intimé pour l'année 1994 le montant de 216 630,00 $ à titre de dividendes que l'intimé a reçus lors de la vente des 6 actions ordinaires de catégorie « A » en 1994. Le calcul a été effectué de la façon suivante :


Produits de disposition

173 310 $

Coût aux fins de l'article 84.1

           6

Montant réel des dividendes réputés

173 304 $

125 % de ce montant

216 630 $

1.15    L'intimé a déposé des avis d'opposition aux nouvelles cotisations de 1993 et 1994.

1.16    Dans un avis daté du 19 juin 1998, le ministre a confirmé les cotisations de 1993 et 1994 aux motifs que :

« En 1993, vous avez disposé d'actions de Leader Fishing Ltd. en faveur de chacune des sociétés Fraser Fishing Ltd. et Cornerstone Fishing Ltd., avec lesquelles vous aviez un lien de dépendance, et, immédiatement après la disposition vous et Pacific Fraser Fishing Ltd. de même que vous et Cornerstone Fishing Ltd. étiez rattachés, au sens du paragraphe 186(4). Pacific Fraser Fishing Ltd. et Cornerstone Fishing Ltd. sont chacune réputées vous avoir versé un dividende . Suivant la formule énoncée à l'alinéa 84.1(1)b), vous avez reçu des dividendes de 419 890,00 $ au total; il s'agit de « dividendes imposables » au sens du paragraphe 89(1). En conséquence, le montant de 524 863,00 $, déterminé en application du paragraphe 82(1) est un revenu tiré d'un bien au sens de l'alinéa 12(1)j). Il a été inclus dans le calcul de votre revenu conformément à l'article 3 et au paragraphe 82(1).

En 1994, vous avez disposé d'actions de Leader Fishing Ltd. en faveur de chacune des sociétés Pacific, Fraser Fishing Ltd., Cornerstone Fishing Ltd., Viking Fishing Ltd. et Viking West Industries Ltd. avec lesquelles vous aviez un lien de dépendance, et, immédiatement après la disposition vous, et chacune des sociétés Pacific Fraser Fishing Ltd., Cornerstone Fishing Ltd., Viking Fishing Ltd. et Viking West Industries Ltd. étiez rattachés au sens du paragraphe 186(4). Par conséquent, suivant l'alinéa 84(1)b), chacune de ces sociétés sont réputées vous avoir versé un dividende. Suivant la formule énoncée à l'alinéa 84.1(1)b), vous avez reçu des dividendes de 173 304,00 $ au total, il s'agit de « dividendes imposables » au sens du paragraphe 89(1). En conséquence, le montant de 216 630,00 $, déterminé en application du paragraphe 82(1), est un revenu tiré d'un bien au sens de l'alinéa 12(1)j). Il a été inclus dans le calcul de votre revenu conformément à l'article 3 et au paragraphe 82(1). »


[4]          En appel devant la Cour canadienne de l'impôt, le juge O'Connor a décidé que la transaction n'avait donné lieu à aucun dividende réputé car le contribuable n'était pas rattaché aux acheteurs des actions au sens du paragraphe 186(4). Il en a décidé ainsi au motif que la notion de « contrôle » , telle que la définit le paragraphe 186(2) ne s'appliquait pas. Il a poursuivi incidemment en déclarant que, s'il existait des dividendes réputés, ils devaient être calculés par rapport à la juste valeur marchande des billets plutôt que par rapport à la juste valeur marchande des actions.

[5]                 Les conclusions exactes du juge de la Cour de l'impôt sont les suivantes :

Il n'est pas nécessaire de recourir au paragraphe 186(2) pour déterminer le sens du contrôle. Les tribunaux ont défini le terme. La question est de savoir de quel contrôle il s'agit au paragraphe 186(4); à mon avis, on doit donner au terme en question son sens ordinaire et non pas le sens élargi qui lui est donné au paragraphe 186(2). (Motifs du jugement, p. 19, para. 7)

À tout le moins, il existe un doute raisonnable qui n'est pas complètement dissipé par les règles ordinaires d'interprétation. Par conséquent, l'intimé doit bénéficier de la présomption résiduelle qui existe en faveur du contribuable. (Motifs du jugement, p. 19, paragr. 8)

Il est inutile de trancher la question mais, si j'avais eu à le faire, je me serais prononcé en faveur de l'intimé, c'est-à-dire que la contrepartie que ce dernier a reçue devrait être calculée sur le fondement de la valeur des billets et non sur celle du prix stipulé des actions. (Motifs du jugement, p. 20, paragr. 11)

[6]                 La Couronne intente cet appel en soutenant que le juge de la Cour de l'impôt s'est trompé lorsqu'il a déclaré que le paragraphe 186(2) ne s'appliquait pas. Le contribuable demande, par voie d'appel incident, au cas où l'appel serait accueilli, qu'il soit ordonné par jugement que les dividendes réputés soient calculés par rapport à la valeur des billets plutôt que par rapport à la valeur des actions, comme l'a conclu le juge de la Cour de l'impôt.


Analyse et décision

[7]                 L'article 84.1 se trouve dans la Partie I de la Loi et les paragraphes 186(2) et (4) se trouvent dans la Partie IV. Voici le contenu de ces dispositions dans la mesure où elles sont pertinentes :

84.1 (1) Lorsque, après le 22 mai 1985, un contribuable qui réside au Canada (à l'exclusion d'une société) dispose d'actions qui sont des immobilisations du contribuable - appelées « actions concernées » au présent article - d'une catégorie du capital-actions d'une société qui réside au Canada - appelée « la société en cause » au présent article - en faveur d'une autre société - appelée « acheteur » au présent article - avec laquelle le contribuable a un lien de dépendance et que, immédiatement après la disposition, la société en cause serait rattachée à l'acheteur, au sens du paragraphe 186(4) si les mentions « société payante » et « société donnée » y étaient respectivement remplacées par « la société en cause » et « acheteur »

[...]

...

84.1 (1) Where after May 22, 1985 a taxpayer resident in Canada (other than a corporation) disposes of shares that are capital property of the taxpayer (in this section referred to as the "subject shares") of any class of the capital stock of a corporation resident in Canada (in this section referred to as the "subject corporation") to another corporation (in this section referred to as the "purchaser corporation") with which the taxpayer does not deal at arm's length and, immediately after the disposition, the subject corporation would be connected (within the meaning assigned by subsection 186(4) if the references therein to "payer corporation" and to "particular corporation" were read as "subject corporation" and "purchaser corporation" respectively) with the purchaser corporation,

b) pour l'application de la présente loi, un dividende, calculé selon la formule suivante, est réputé avoir été versé par l'acheteur au contribuable et reçu par celui-ci au moment de la disposition:

(A + D) - (E + F)

(b) for the purposes of this Act, a dividend shall be deemed to be paid to the taxpayer by the purchaser corporation and received by the taxpayer from the purchaser corporation at the time of the disposition in an amount determined by the formula

(A + D) - (E + F)

where


A représente le montant correspondant à l'augmentation - conséquence de l'émission des nouvelles actions - du capital versé au titre de toutes les actions du capital-actions de l'acheteur, calculée sans que le présent article soit appliqué à l'acquisition des actions concernées,

D la juste valeur marchande, immédiatement après la disposition, de toute contrepartie, à l'exclusion des nouvelles actions, reçue de l'acheteur par le contribuable pour les actions concernées,

E le plus élevé des montants suivants_: (i) le capital versé au titre des actions concernées immédiatement avant la disposition,

A         is the increase, if any, determined without reference to this section as it applies to the acquisition of the subject shares, in the paid-up capital in respect of all shares of the capital stock of the purchaser corporation as a result of the issue of the new shares,

D         is the fair market value, immediately after the disposition, of any consideration (other than the new shares) received by the taxpayer from the purchaser corporation for the subject shares,

E          is the greater of

(i) the paid-up capital, immediately before the disposition, in respect of the subject shares, and

(ii) le prix de base rajusté des actions concernées pour le contribuable immédiatement avant la disposition, sous réserve des alinéas (2) a) et a.1),

F le total des montants dont chacun représente un montant que l'acheteur doit déduire selon l'alinéa a) dans le calcul du capital versé au titre d'une catégorie d'actions de son capital-actions à cause de l'acquisition des actions concernées.

(ii) subject to paragraphs (2)(a) and (a.1), the adjusted cost base to the taxpayer, immediately before the disposition, of the subject shares, and

F is the total of all amounts each of which is an amount required to be deducted by the purchaser corporation under paragraph (a) in computing the paid-up capital in respect of any class of shares of its capital stock by virtue of the acquisition of the subject shares.

186(2) Pour l'application de la présente partie, sauf pour ce qui est de déterminer si une société est une société assujettie, une société est contrôlée par une autre société si plus de 50_% des actions émises de son capital-actions (comportant plein droit de vote en toutes circonstances) appartiennent à l'autre société, à des personnes avec lesquelles cette autre société a un lien de dépendance ou à la fois à l'autre société et à des personnes avec lesquelles l'autre société a un lien de dépendance.

186 (2) For the purposes of this Part, other than for the purpose of determining whether a corporation is a subject corporation, one corporation is controlled by another corporation if more than 50% of its issued share capital (having full voting rights under all circumstances) belongs to the other corporation, to persons with whom the other corporation does not deal at arm's length, or to the other corporation and persons with whom the other corporation does not deal at arm's length.


186(4) Pour l'application de la présente partie, une société payante est rattachée à une société donnée à un moment donné d'une année d'imposition (appelée l' « année donnée » au présent paragraphe) de cette dernière dans l'un ou l'autre des cas suivants_:

a) la société payante est contrôlée (autrement qu'au moyen du droit visé à l'alinéa 251(5)b)) par la société donnée à ce moment;

b) la société donnée a possédé à ce moment_:

(i) d'une part, plus de 10_% des actions émises (comportant plein droit de vote en toutes circonstances) du capital-actions de la société payante,

(ii) d'autre part, des actions du capital-actions de la société payante dont la juste valeur marchande est de plus de 10_% de la juste valeur marchande de toutes les actions émises du capital-actions de la société payante.

186 (4) For the purposes of this Part, a payer corporation is connected with a particular corporation at any time in a taxation year (in this subsection referred to as the "particular year") of the particular corporation if

(a) the payer corporation is controlled (otherwise than by virtue of a right referred to in paragraph 251(5)(b)) by the particular corporation at that time; or

(b) the particular corporation owned, at that time,

(i) more than 10% of the issued share capital (having full voting rights under all circumstances) of the payer corporation, and

(ii) shares of the capital stock of the payer corporation having a fair market value of more than 10% of the fair market value of all of the issued shares of the capital stock of the payer corporation.

[8]                 La Couronne prétend que le renvoi, dans le paragraphe 84.1(1), au paragraphe 186(4) inclut un renvoi à la notion de contrôle définie au paragraphe 186(2). Or, le contribuable prétend qu'il existe un sens, bien établi par la jurisprudence, attribué à la notion de contrôle aux fins de l'impôt sur le revenu. (Soit le contrôle de jure ou contrôle de droit qui découle de la propriété du nombre d'actions donnant droit à la majorité des voix lors de l'élection du conseil d'administration, Duha Printers (Western) Ltd. c. The Queen 98 D.T.C. 6334 à 6341). D'après le contribuable, c'est cette notion plus étroite de contrôle qu'il faut lire dans le paragraphe 186(4).


[9]                 Le paragraphe 84.1(1) incorpore la notion de rattachement au sens qu'attribue le paragraphe 186 (4) au terme « rattachée » , sous réserve toutefois de deux modifications, à savoir que les renvois à « société payante » et à « société donnée » doivent se lire comme renvoyant respectivement à « société en cause » et à « acheteur » . À part cela, le paragraphe 186(4) doit être compris comme il se lit.

[10]            Le paragraphe 186(4) prévoit qu'une société payante est « rattachée » à une société donnée « pour l'application de la présente Partie » (soit la Partie IV), quand la première est « contrôlée » par la seconde. Aux termes de la Partie IV, le mot « contrôle » ne peut avoir que le sens que lui attribue le paragraphe 186(2). Par conséquent, c'est le sens qu'il faut donner au mot « contrôlée » que l'on trouve au paragraphe 186(4).

[11]            Le paragraphe 84.1(1) incorpore le mot rattachée « au sens qui lui serait donné par le paragraphe 186(4) » , sous réserve seulement de la modification susmentionnée apportée à la désignation des sociétés parties à la cause. Comme le sens du mot « contrôlée » aux termes du paragraphe 186(4) n'est pas touché par cette modification et comme aux termes de ce même paragraphe on ne peut lui donner que le sens que lui attribue la Partie IV, c'est donc le sens qu'il faut lui donner au paragraphe 84.1(1).


[12]            Cette lecture, s'il est besoin de la renforcer, est confirmée par une autre disposition de la Loi. L'alinéa 110.6(15)a), tout comme le paragraphe 84.1(1), fait mention des sociétés « rattachées » les unes aux autres « au sens du paragraphe 186(4) » alors que le sous-alinéa 110.6(15)b)(ii) utilise les mots « au sens du paragraphe 186(4), compte non tenu du paragraphe 186(2) » (non souligné dans l'original). Il est évident que le Parlement, en faisant cette distinction, a reconnu qu'un renvoi sans réserve aux sociétés « rattachées » les unes aux autres « au sens du paragraphe 186(4) » ne pouvait se lire qu'avec le paragraphe 186(2).

[13]            Je ne vois aucun fondement à l'argument selon lequel les phrases de la version anglaise « within the meaning of subsection 186(4) » et « within the meaning assigned by subsection 186(4) » devraient se lire comme véhiculant un message différent. Bien que ces phrases ne soient pas identiques, elles ont exactement le même sens. En fait, la version française utilise dans chaque cas la même phrase « au sens du paragraph 186(4) » . Ce sens, qui est commun aux deux versions, doit être considéré comme le sens recherché.

[14]            Ce résultat découle de l'usage ordinaire des mots et est conforme à l'esprit de la Loi. L'article 84.1 a été initialement conçu pour prévenir la chute des valeurs le jour de l'évaluation. Il s'agissait, et il s'agit toujours, d'une disposition contre la disparition des excédents. En 1984, l'article 84.1 fut élargi pour tenir compte du fait que des individus pouvaient réaliser des plus-values non imposables sur des actions donnant droit de vote de sociétés exploitant de petites entreprises.


[15]            L'incorporation du mot « rattachée » aux termes du paragraphe 186(4), qui avait manifestement pour but de donner une large portée à l'article 84.1 et de lire le paragraphe 186(4) comme limitant en fait les avantages de l'exemption pour gains en capital, au motif que les sociétés payantes étaient en l'espèce contrôlées par les enfants du contribuable, est tout à fait conforme à l'esprit de la Loi.

[16]            Par conséquent, je ne vois aucun fondement à la conclusion du juge de la Cour de l'impôt selon laquelle le mot « contrôlée » au paragraphe 186(4), tel que l'a incorporé le paragraphe 84.1(1), puisse renvoyer à autre chose qu'au « contrôle » , défini à la Partie IV. Comme l'a admis l'intimé, si cette définition s'applique, alors il existe des dividendes réputés découlant du paragraphe 84.1(1) et la décision de la Cour de l'impôt doit être annulée dans la mesure où elle en décide autrement.

[17]            J'en viens maintenant à l'appel incident. Comme cela a été souligné dans les paragraphes 1.13 et 1.14 de l'Exposé conjoint des faits, le ministre en émettant les nouvelles cotisations a estimé le véritable montant des dividendes réputés à 419 890 $ et à 173 304 $ pour les années d'imposition 1993 et 1994 respectivement, montants qui ont été majorés de 25 % conformément à l'alinéa 82(1)b).


[18]            Pour arriver à ces montants, le ministre a calculé les dividendes réputés par rapport à la juste valeur marchande des actions de Leader (les « actions de la société en cause » ) laquelle a été d'un commun accord évaluée à 673 310 $. La Couronne reconnaît que « habituellement » on se fonde sur la juste valeur marchande des billets (soit la contrepartie non stipulée en actions), laquelle est reflétée dans la partie D de la formule énoncée à l'alinéa 84.1(1)b). Toutefois, comme, en l'espèce, les parties ont un lien de dépendance, la Couronne soutient que l'alinéa 69(1)b) assimile la contrepartie reçue par l'appelant à la juste valeur marchande des actions de la société en cause plutôt qu'à la juste valeur marchande des billets reçus en paiement (Mémoire des faits et du droit de l'intimé dans l'appel incident, paragraphes 2 et 3).

[19]            J'avoue avoir des difficultés à comprendre l'argument de la Couronne. Le fondement légal des nouvelles cotisations est l'alinéa 84.1(1)b) et non l'alinéa 69(1)b) (Réponse à l'avis d'appel, paragraphe 11). L'alinéa 84.1(1)b) (tout comme l'alinéa 69(1)b)), ne s'applique que lorsque les parties ont un lien de dépendance et fournit sa propre méthode de calcul de la juste valeur marchande. Or, ce qui est reflété dans la partie D de la formule énoncée ce n'est pas la juste valeur marchande des actions de la société en cause mais la juste valeur marchande de la contrepartie non stipulée en actions qu'a reçue le contribuable pour les actions de la société en cause.

[20]            Les billets constituent, en l'espèce, la contrepartie reçue non stipulée en actions, contrepartie pour laquelle la juste valeur marchande a été fixée d'un commun accord à 318 268 $ et à 104 998 $ pour les années d'imposition 1993 et 1994 respectivement (paragraphe 1.10 de l'Exposé conjoint des faits). Il s'ensuit donc que les dividendes réputés doivent être calculés par rapport à ces montants.


[21]            L'appel incident devrait par conséquent aussi être accueilli et les nouvelles cotisations renvoyées au ministre pour réexamen et nouvelle cotisation tenant compte du fait que la juste valeur marchande à inscrire dans la partie D de la formule énoncée à l'alinéa 84.1(1)b) est la juste valeur marchande des billets plutôt que la juste valeur marchande des actions de la société en cause. Compte tenu des résultats je ne fixerai pas de dépens.

            « Marc Noël »       

Juge                

« J'y souscris »

Le juge Marshall Rothstein

« J'y souscris »

Le juge B. Malone

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


Date : 20020114

Dossier : A-421-00

Ottawa (Ontario), 14 janvier 2002

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NOËL

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                   appelante

(intimée dans l'appel incident)

                                                         et

                                ERLING MARVIN OLSEN

                                                                                                        intimé

                                                            (appelant dans l'appel incident)

                                              JUGEMENT


L'appel et l'appel incident sont accueillis et les nouvelles cotisations émises pour les années d'imposition 1993 et 1994 sont renvoyées au ministre pour réexamen et réévaluation au motif que la juste valeur marchande de la contrepartie non stipulée en actions à inscrire dans la partie D de la formule énoncée à l'alinéa 84.1(1)b) est de 318 268 $ et de 104 998 $ pour les années d'imposition 1993 et 1994 respectivement. Aucun dépens n'est accordé.

             « Marshall Rothstein »             

       Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION D'APPEL

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         A-421-00

INTITULÉ :                                                     Sa Majesté la Reine c. Erling Marvin Olsen

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                              11 décembre 2001

MOTIFS DU JUGEMENT :                          Le juge Noël

Y ONT SOUSCRIT :                          Le juge Rothstein

Le juge Malone

DATE DES MOTIFS :                                    14 janvier 2002

COMPARUTIONS:                          

Mme Patricia Babcock                                        POUR L'APPELANTE

M. Michael McMahon                                        POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

M. Morris A. Rosenberg                                                  POUR L'APPELANTE

Sous-procureur général du Canada

Michael McMahon Law Corporation                 POUR L'INTIMÉ

Vancouver (Colombie-Britannique)


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