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Date : 20020129

Dossier : A-520-00

Référence neutre : 2002 CAF 47

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NOËL

ENTRE :

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

demandeur

et

MILFORD RICE

défendeur

Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 29 janvier 2002.

Jugement rendu à l'audience à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 29 janvier 2002.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR :                                  LE JUGE ROTHSTEIN


Date : 20020129

Dossier : A-520-00

Référence neutre : 2002 CAF 47

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NOËL

ENTRE :

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

demandeur

et

MILFORD RICE

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(prononcés à l'audience à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 29 janvier 2002)

LE JUGE ROTHSTEIN


[1]         Dans la présente demande, le ministre du Développement des ressources humaines réclame le contrôle judiciaire de la décision du 14 juillet 2000 de la Commission d'appel des pensions qui a statué que le défendeur était invalide à compter du 19 juin 1996. Bien que le ministre ait présenté un certain nombre d'arguments dans son mémoire et dans sa plaidoirie, l'avocat a principalement mis l'accent sur une question, savoir si la Commission d'appel des pensions a commis une erreur de droit en tenant compte de considérations socio-économiques, notamment le fait que le défendeur vivait dans une petite collectivité où l'industrie principale était la pêche et la possibilité pour lui de se procurer un emploi dans cette collectivité était faible sinon nulle.

[2]         Les paragraphes pertinents des motifs de la Commission sont les suivants :

[TRADUCTION] Bien que l'observation du juge Reed ne soit pas essentielle à sa décision, et qu'elle constitue donc une opinion incidente, nous adoptons et adaptons les observations soulignées ci-dessus, particulièrement pour cette série de faits ayant trait aux restrictions physiques de l'appelant, de même qu'à son incapacité de lire et d'écrire.

Nous statuons donc que l'invalidité de M. Rice est grave et, en tenant compte du fait que Weymouth est une petite collectivité où l'industrie principale est la pêche et du fait que le ministre a reconnu que l'appelant ne peut reprendre son ancien emploi, la possibilité qu'il obtienne un emploi rémunérateur permanent est faible, sinon nulle. (page 8)

[3]         Il ressort des mots [TRADUCTION] « Nous statuons donc que l'invalidité de M. Rice est grave » , qui suivent la référence de la Commission aux restrictions physiques de M. Rice et à son incapacité de lire et d'écrire, que la conclusion de la Commission concernant la gravité de l'invalidité était fondée sur ces considérations. Le ministre ne prétend pas qu'il était inapproprié que la Commission tienne compte de ces considérations.

[4]         Toutefois, c'est la référence subséquente de la Commission concernant l'endroit où vivait le défendeur et sa possibilité d'obtenir un emploi dans cette collectivité que conteste le ministre.


[5]         La référence de la Commission relativement à la collectivité du défendeur et à sa possibilité d'obtenir un emploi dans cette collectivité ne faisait pas partie de son analyse sur la gravité de l'invalidité. Ces observations sont donc des opinions incidentes. Pour les motifs que nous donnerons ci-dessous, nous sommes d'avis que ces considérations n'étaient pas pertinentes. Toutefois, comme elles n'ont pas joué un rôle dans l'analyse de la Commission concernant la gravité de l'invalidité, elles ne constituent pas un motif pour modifier la décision de la Commission.

[6]         Le ministre a également fait valoir que la Commission avait tiré quelques conclusions de fait erronées. Cependant, il n'a pas mis beaucoup d'accent sur cet argument et même s'il semble que la Commission puisse avoir mal interprété certains éléments de preuve relativement mineurs, nous ne sommes pas disposés à affirmer que dans l'ensemble ses conclusions de fait étaient manifestement déraisonnables et que cela justifie l'intervention de la présente Cour.

[7]         Nous sommes d'avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.


[8]         Toutefois, comme il a été indiqué ci-dessus, nous aimerions profiter de l'occasion pour souligner qu'en fait, comme l'a fait valoir le ministre, des facteurs socio-économiques comme les conditions du marché du travail ne sont pas pertinents dans une décision visant à déterminer si une personne est invalide aux termes du paragraphe 42(2) du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8. Le paragraphe 42(2) se lit comme suit :

42 (2) Pour l'application de la présente loi:

a) une personne n'est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée, et pour l'application du présent alinéa

(i) une invalidité n'est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice,

(ii) une invalidité n'est prolongée que si elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement les décès.

42(2) For the purposes of this Act,

(a) a person shall be considered to be disabled only if he is determined in prescribed manner to have a severe and prolonged mental or physical disability, and for the purposes of this paragraph,

(i) a disability is severe only if by reason thereof the person in respect of whom the determination is made is incapable regularly of pursuing any substantially gainful occupation, and

(ii) a disability is prolonged only if it is determined in prescribed manner that the disability is likely to be long continued and of indefinite duration or is likely to result in death; and

b) une personne est réputée être devenue ou avoir cessé d'être invalide à la date qui est déterminée, de la manière prescrite, être celle où elle est devenue ou a cessé d'être, selon le cas, invalide, mais en aucun cas une personne n'est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date de la présentation d'une demande à l'égard de laquelle la détermination a été établie.

(b) a person shall be deemed to have become or to have ceased to be disabled at such time as is determined in the prescribed manner to be the time when the person became or ceased to be, as the case may be, disabled, but in no case shall a person be deemed to have become disabled earlier than fifteen months before the time of the making of any application in respect of which the determination is made.

[9]         La décision du 3 août 2001 du juge Isaac dans l'affaire Villani c. Procureur général du Canada (2001), 205 D.L.R. (4th) 58 (C.A.F.) dispose de la présente affaire. L'arrêt Villani nous apprend que même si le sous-alinéa 42(2)a)(i) devrait recevoir une interprétation généreuse, la définition d'une invalidité grave doit rester dans les limites du texte de cette disposition (paragraphe 29). Il n'y a rien dans le texte du sous-alinéa 42(2)a)(i) qui laisse entendre que les conditions du marché du travail sont pertinentes dans une évaluation sur l'invalidité.


[10]       En outre, l'exigence d'une invalidité grave doit être appliquée dans un contexte « réaliste » . Cela signifie que « les occupations hypothétiques qu'un décideur doit prendre en compte ne peuvent être dissociées de la situation particulière du requérant, par exemple son âge, son niveau d'instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie (paragraphe 38) » . La référence du juge Isaac à « l'occupation hypothétique » indique clairement que ce qui est pertinent c'est l'existence de n'importe quelle occupation véritablement rémunératrice au regard de la situation personnelle du requérant, mais non la question de savoir si des emplois sont véritablement disponibles sur le marché du travail.

[11]       Bien que l'interprétation généreuse donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i) et la nécessité de tenir compte d'un contexte « réaliste » soit une démarche plus libérale que celles qui avaient été précédemment adoptées par certaines commissions, l'arrêt Villani ne laisse nullement entendre que des considérations socio-économiques, comme les conditions du marché du travail, sont pertinentes dans une évaluation de l'invalidité. En fait, le juge Isaac cite, apparemment avec approbation, la décision de la Commission dans Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social c. Raymond G. Russell, CCH Employment Benefits and Pension Guide Reports, classeur 1968-1985, paragraphe 8684, pages 6279 et 6280 (26 juin 1974).


[TRADUCTION]

La Commission a toujours interprété le libellé de la Loi comme signifiant exactement ce qu'il dit, et, dans bon nombre de cas, elle a dû déclarer que le fait qu'un travail convenable ne pouvait être offert à un requérant n'était pas pertinent à la question de savoir s'il pouvait ou non avoir droit à une pension. Toutefois, il a été statué que bon nombre de circonstances ont un impact sur cette question, comme l'âge, l'instruction et les aptitudes.(paragraphe 35)

[12]       Bien que le juge Isaac fasse référence à la nécessité d'une « preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l'existence des possibilités d'emploi » (paragraphe 50), à notre avis, ces mots font référence à la capacité d'une personne d'occuper un emploi véritablement rémunérateur, et non pas à la question de savoir si, dans le contexte du marché du travail, il est possible de se trouver un emploi.

[13]       Quand les mots du sous-alinéa 42(2)a)(i) sont examinés, il ressort clairement qu'ils font référence à la capacité d'une personne d'occuper régulièrement un emploi véritablement rémunérateur. Ils ne font pas référence aux conditions du marché du travail. Il existe d'autres lois, comme la Loi sur l'assurance-emploi, dont le but est d'aider des personnes à faire face aux fluctuations du marché du travail. Les dispositions du Régime de pensions du Canada relatives à l'invalidité ont un but différent. Ce but est d'assurer aux personnes qui sont invalides, au sens des mots utilisés dans la loi, une pension d'invalidité parce qu'elles sont incapables de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Les dispositions relatives à l'invalidité ne sont pas un régime d'assurance-emploi supplémentaire.


[14]       Comme nous l'avons dit, en l'espèce, la Commission a fait référence à une considération non pertinente en mentionnant l'endroit où vivait le défendeur et ses possibilités d'emploi dans cette collectivité. Toutefois, comme ces considérations ne forment pas la base de la décision de la Commission sur la gravité de l'invalidité, elles ne justifient pas que la présente Cour modifie sa décision. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

                   « Marshall Rothstein »                     Juge                             

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            A-520-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Ministre du Développement des ressources humaines c. Milford Rice

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :                 le 30 janvier 2002

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :            les juges Desjardins, Rothstein et Noël

PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR :                     le juge Rothstein

DATE :                                                   le 29 janvier 2002

COMPARUTIONS:

John Vaissi Nagy                                                               POUR LE DEMANDEUR

Personne                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Milford Rice                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Weymouth (N.-É.)                                                            (en son propre nom)

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