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                                                          A-618-96

                                                       (T-1039-96)

 

 

 

CORAM:      LE JUGE PRATTE

            LE JUGE MARCEAU

            LE JUGE DESJARDINS

 

 

 

 

 

ENTRE:

 

 

       LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE,

 

                                                          appelant

                                                         (intimé),

 

 

                              - et -

 

 

                           LEON BARNETT,

 

                                                            intimé

                                                      (requérant).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                   MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

             (Exposés à l’audience à Ottawa (Ontario),

                    le jeudi 19 décembre 1996)

 

 

LE JUGE PRATTE

 

 

            Il s’agit d’un appel formé contre une ordonnance par laquelle la Section de première instance a annulé un ordre de renvoi donné par un vétérinaire-inspecteur aux termes du paragraphe 18(1) de la Loi sur la santé des animaux, L.C. 1990, ch. 21, et a renvoyé l’affaire devant un autre inspecteur pour nouvel examen.

 

            Pour bien comprendre les questions en litige dans le présent appel, il faut tenir compte de certaines dispositions de la Loi sur la santé des animaux et du Règlement sur la santé des animaux adopté conformément à cette Loi.

 

            L’alinéa 10(1)a) du Règlement interdit l’importation d’animaux sauf sur permis délivré par le ministre, qui peut imposer dans le permis les conditions qu’il considère indiquées pour empêcher l’introduction de maladies transmissibles au Canada.  L’article 160.1 du Règlement prévoit en outre que:

 

«La personne à qui est délivré un permis ou une licence en vertu du présent règlement doit se conformer aux conditions qui y sont contenues.»

 

 

Tout manquement aux conditions d’un permis constitue donc un manquement au Règlement.

 

            Les articles 17 et 18 de la Loi sont rédigés en partie ainsi:

 

    17. En cas d’importation — ou de tentative d’importation — en contravention avec la présente loi ou les règlements, les animaux ou choses en cause sont, sous réserve de l’article 18, confisqués au profit de Sa Majesté du chef du Canada; il peut en être disposé, notamment par destruction, conformément aux instructions du ministre.

 

    18. (1) S’il a des motifs raisonnables de croire qu’un animal ou une chose importés au Canada [...] l’ont été en contravention avec la présente loi ou les règlements, [...] l’inspecteur ou l’agent d’exécution peut ordonner à leur propriétaire [...] de les renvoyer à l’étranger, même quand ils ont été saisis.

[...]

    (3) L’animal ou la chose visés par l’ordre sont censés ne pas avoir été confisqués au titre de l’article 17.

 

    (4) En cas d’inexécution de l’ordre, l’animal ou la chose visés sont, malgré l’article 45, confisqués au profit de Sa Majesté du chef du Canada et il peut en être disposé — notamment par destruction — conformément aux instructions du ministre.

 

 

 

            L’intimé a obtenu un permis pour l’importation de 250 alpagas du Chili.  Plusieurs conditions étaient attachées au permis.  Il devait être satisfait à certaines d’entre elles pendant que les animaux étaient encore au Chili.  Plus particulièrement, les animaux devaient, avant leur importation, être soumis à certains tests et obtenir des résultats négatifs.  Le permis mentionnait que l’obtention d’un ou plusieurs résultats positifs lors de ces tests [traduction] «rendrait tout le troupeau [d’animaux] inapte à l’importation».  Cette condition n’a pas été respectée.  Apparemment, les autorités chiliennes n’ont pas divulgué le fait que certains des animaux avaient obtenu des résultats positifs.  Les animaux ont été importés et étaient encore en quarantaine au Canada lorsqu’on a découvert qu’il y avait eu violation de ces conditions du permis.  Un agent d’exécution qui agissait aux termes de l’article 18 de la Loi a alors demandé à l’intimé de renvoyer ses animaux à l’étranger.  C’est cet ordre de renvoi qui a été annulé par la Section de première instance pour deux motifs, à savoir, premièrement, que celui qui l’a donné avait entravé illégalement l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur l’idée qu’il n’avait pas d’autre choix véritable que d’ordonner le renvoi des animaux à l’étranger et, deuxièmement, que l’ordre de renvoi en question n’avait pas été donné vraiment par la personne qui l’a signé mais par une autre personne qui n’avait pas le pouvoir de le faire.

 

            En ce qui concerne le premier point, le juge de première instance a conclu qu’il y avait eu manifestement violation des conditions du permis, de sorte que les animaux de l’intimé étaient du fait même confisqués au profit de Sa Majesté en vertu de l’article 17 de la Loi et que le ministre pouvait en disposer à son gré.  En raison du sens étendu du mot «disposer» utilisé à l’article 17, l’agent d’exécution qui a donné l’ordre de renvoi prévu à l’alinéa 18(1)a) aurait dû, selon le juge, tenir compte du fait que le ministre pouvait, si l’ordre de renvoi n’était pas donné, décider que les animaux soient soumis à d’autres tests et remis éventuellement à l’intimé s’il apparaissait alors que cela pouvait se faire en toute sécurité.

 

            Sans écarter le raisonnement du juge de première instance sur ce point, l’avocat de l’intimé a essayé d’étayer sa conclusion en se reportant à la clause 3 des conditions générales du permis qui prévoit que, [traduction] «si un vétérinaire-inspecteur de l’AAC s’aperçoit que les exigences du permis d’importation n’ont pas toutes été respectées, l’AAC peut décider de demander que tous les animaux ou seulement quelques‑uns d’entre eux soient soumis à d’autres tests et/ou à un traitement, de rejeter certains des animaux ou d’annuler le projet d’importation dans son ensemble sans dédommagement pour le propriétaire ou l’importateur».  Cette disposition, aux dires de l’avocat, montre que le défaut de se conformer aux conditions du permis n’entraîne pas nécessairement la confiscation automatique prévue à l’article 17.

 

            L’avocat de l’appelant nous a convaincus que la position du juge de première instance sur ce point et celle de l’avocat de l’intimé doivent être rejetées.

 

            En ce qui a trait d’abord à l’argument de l’avocat fondé sur la clause 3 des conditions générales du permis, il suffit de dire qu’une violation manifeste d’une condition d’un permis qui, par son libellé même, [traduction] «rend tout le troupeau [d’animaux] inapte à l’importation» ne peut pas être considérée comme une simple [traduction] «lacune» à laquelle on pourrait remédier par la suite au moyen d’un autre test.

 

            Quant au raisonnement suivi par le juge, il est fondé sur la prémisse selon laquelle le ministre, qui est autorisé par l’article 17 à disposer des animaux confisqués, peut en disposer en les gardant en quarantaine et en les remettant éventuellement à l’intimé.  Nous ne pouvons pas accepter cette prémisse.  Il est vrai que le verbe «disposer» a un sens très étendu, mais le contexte dans lequel il est utilisé dans cette Loi indique qu’il est utilisé dans un sens beaucoup plus étroit.

 

            D’après le paragraphe 15(1), «[i]l est interdit de prendre toute mesure de disposition — notamment de destruction — à l’égard d’un animal ou d’une chose qu’on sait importés en contravention avec la présente loi ou les règlements ou de les avoir en sa possession».  On ne peut certainement pas interpréter l’article 17 de façon non seulement à permettre au ministre de ne pas tenir compte de l’article 15 mais à lui permettre également de jouer un rôle dans la violation de cet article.

 

            De plus, l’interprétation de l’article 17 adoptée par le juge rend l’alinéa 18(1)a) redondant puisque le ministre pourrait, en exerçant son «vaste» pouvoir de disposer prévu à l’article 17, restituer l’animal à l’importateur à la condition qu’on le renvoie à l’étranger.

 

            En dernier lieu, il y a des dispositions de la Loi, notamment le paragraphe 45(2) et l’article 60, qui montrent que le Parlement a établi une distinction entre le pouvoir de disposer d’animaux confisqués ou saisis et le pouvoir de les restituer à leur propriétaire.

 

            À notre avis, la Loi, si dure soit‑elle, doit s’interpréter selon son libellé.  Elle ne prévoit pas d’autre réparation à l’égard de la confiscation prévue à l’article 17 qu’un ordre de renvoi.  La seule véritable solution de rechange à la confiscation des animaux importés illégalement est donc le renvoi de ces animaux.

 

            L’appel doit être accueilli sur ce point.

 

            Il n’est pas nécessaire de se prononcer sur l’autre point car, une fois qu’il a été décidé que l’agent d’exécution qui a donné l’ordre de renvoi n’avait pas le vaste pouvoir discrétionnaire que le juge de première instance lui a accordé, il devient évident que l’intimé n’a aucune raison véritable de se plaindre de l’ordre qui lui a été donné.

 

            L’appel sera donc accueilli, la décision de la Section de première instance sera annulée et l’ordre de renvoi donné à l’intimé sera rétabli.

 

 

                                                    «Louis Pratte»                 

                                                            J.C.A.                       

 

 

Traduction certifiée conforme

 

                                               

        Yvan Tardif, LL.L.


                                                          A-618-96

                                                       (T-1039-96)

 

 

CORAM:      LE JUGE PRATTE

            LE JUGE MARCEAU

            LE JUGE DESJARDINS

 

 

 

ENTRE:

 

 

       LE MINISTRE DE L’AGRICULTURE ET DE L’AGROALIMENTAIRE,

 

                                                          appelant

                                                         (intimé),

 

 

                              - et -

 

 

                           LEON BARNETT,

 

                                                            intimé

                                                      (requérant).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le jeudi 19 décembre 1996.

 

 

Jugement rendu à l’audience le 19 décembre 1996.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR:              LE JUGE PRATTE, J.C.A.


           COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

 

                                  A-618-96

                               (T-1039-96)

 

 

 

ENTRE:

 

 

       LE MINISTRE DE L’AGRICULTURE

         ET DE L’AGROALIMENTAIRE,

 

                                  appelant

                                 (intimé),

 

 

                  - et -

 

 

               LEON BARNETT,

 

                                    intimé

                              (requérant).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

            MOTIFS DU JUGEMENT

                DE LA COUR

 

 

 

 

 

 


                                                          A-618-96

                                                       (T-1039-96)

 

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 19 DÉCEMBRE 1996

 

 

CORAM:      MONSIEUR LE JUGE PRATTE

            MONSIEUR LE JUGE MARCEAU

            MADAME LE JUGE DESJARDINS

 

 

 

ENTRE:

 

 

       LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE,

 

                                                          appelant

                                                         (intimé),

 

 

                              - et -

 

 

                           LEON BARNETT,

 

                                                            intimé

                                                      (requérant).

 

 

 

                             JUGEMENT

 

 

 

 

«L’appel est accueilli, l’ordonnance de la Section de première instance est annulée et l’ordre donné à l’intimé de renvoyer les animaux en cause est rétabli.  Aucune ordonnance n’est rendue quant aux dépens.»

 

 

 

 

                                                    «Louis Pratte»                 

                                                            J.C.A.                       

 

 

Traduction certifiée conforme

 

                                               

        Yvan Tardif, LL.L.


                       COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

 

             AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

NO DU GREFFE:A-618-96

 

 

 

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE EN DATE DU 30 JUILLET 1996 ET PORTANT LE NO DE GREFFE T-1039-96

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE:Ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire c. Leon Barnett

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE:Ottawa (Ontario)

 

 

 

DATE DE L’AUDIENCE:le jeudi 19 décembre 1996

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR:le juge Pratte

le juge Marceau

le juge Desjardins

 

 

 

EXPOSÉS À L’AUDIENCE PAR le juge Pratte

 

 

ONT COMPARU:

 

Brian J. Saunderspour l’appelant

 

James H. Smelliepour l’intimé

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

 

George Thomsonpour l’appelant

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Osler, Hoskin & Harcourtpour l’intimé

Ottawa (Ontario)

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