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Date : 20010131

Dossier : A-567-99

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

- et -

MARY RADIGAN

défenderesse

Audience tenue à Toronto (Ontario), le mardi 30 janvier 2001

Jugement rendu à l'audience à Toronto (Ontario),

le mercredi 31 janvier 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                                            LE JUGE STRAYER               

Y ONT SOUSCRIT :                                                  LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE


Date : 20010131

Dossier : A-567-99

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                               demandeur

                                                                       

                                                                    - et -                                

                                                                       

                                                                                                                                               

                                                        MARY RADIGAN

                                                                                                                            défenderesse

                                                                       

                                                 MOTIFS DU JUGEMENT

                                                                       

LE JUGE STRAYER


[1]         Le contrat de travail que la défenderesse avait conclu avec la Banque Canadienne Impériale de Commerce (la Banque) a expiré le 8 mai 1995. Elle a par la suite intenté contre la Banque une poursuite pour congédiement injustifié. Un règlement de l'action a été confirmé dans une lettre, datée du 14 juillet 1997, que son avocat avait envoyée aux avocats de la Banque. La lettre mentionnait que la défenderesse recevrait 37 000 $ au total, soit la somme des montants suivants :

- frais juridiques                                                       9 000 $

- préjudice moral                                                      7 500 $

- perte de revenu                                                      11 900 $

- dépenses de recherche d'emploi                            1 500 $

- dépenses de formation professionnelle                 2 500 $

- intérêts                                                   4 600 $

TOTAL                                                                   37 000 $

[2] Entre-temps, la défenderesse avait présenté une demande de prestations le 14 août 1995, et après qu'elle eut épuisé son congé de maladie payé et ses prestations de maladie de la Banque, elle a reçu des prestations d'assurance-emploi. Le 28 août 1997, la Commission a informé la défenderesse, après avoir mené une enquête, qu'elle considérait non seulement que les 11 900 $ de son règlement, qui représentaient une perte de revenu, constituaient un revenu provenant de son emploi, mais également que les 1 500 $ qu'elle avait reçus au titre de dépenses de recherche d'emploi et la somme de 2 500 $ qui lui avait été versée au titre de dépenses de formation professionnelle constituaient également une rémunération. La Commission considérait donc que la somme de 15 900 $ qui avait été versée à la défenderesse en vertu du règlement constituait une rémunération pour la période allant du 29 octobre 1995 au 15 juin 1996, et qu'en conséquence, elle lui avait versé trop de prestations.


[3]         La défenderesse a formé un appel contre cette décision devant un conseil arbitral. Malheureusement, bien que le conseil arbitral eût bien récité de façon générale les observations qui lui avaient été présentées, il n'a pas, comme il était tenu de le faire en vertu du paragraphe 114(3) de la Loi sur l'assurance-emploi, inclus « un exposé des conclusions du conseil sur les questions de fait essentielles » . Il a simplement conclu que la somme de 4 000 $ que prévoyait le règlement au titre de dépenses de recherche d'emploi et de formation professionnelle n'aurait pas dû être considérée comme une rémunération. Bien que les parties aient convenu que la défenderesse n'avait fourni aucune preuve au conseil arbitral établissant qu'elle avait effectivement dépensé cette somme conformément à ce que prévoyait le règlement, le conseil arbitral a de toute évidence conclu, sur la base des déclarations de la défenderesse, que celle-ci utiliserait cet argent à cette fin.


[4]         En appel devant le juge-arbitre, la Commission s'est grandement fondée sur une décision que le juge Martin avait rendue, en tant que juge-arbitre, dans l'affaire Renaud CUB-17899. Dans cette affaire, le juge Martin a dit qu'en cas d'un tel règlement, [TRADUCTION] « seules des dépenses raisonnables déjà engagées en matière de .... recherche d'emploi et réinstallation peuvent être .... considérées comme n'étant pas une rémunération » . [Non souligné dans l'original] Or, vu qu'aucune preuve - pas même une preuve orale de la défenderesse - n'a été produite dans la présente affaire en vue d'établir que des dépenses avaient effectivement été engagées en matière de recherche d'emploi ou de formation professionnelle, la Commission a soutenu que cette somme de 4 000 $ devait être considérée comme une rémunération, conformément à ce que le juge Martin avait dit dans l'affaire Renaud.

[5]         Le juge-arbitre a distingué la présente affaire d'avec l'affaire Renaud. Il a dit :

[TRADUCTION] Il ressort clairement des faits de la présente affaire que la prestataire ne disposait pas de fonds pour investir en formation professionnelle ou en recherche d'emploi avant de recevoir les sommes que lui avait versées la Banque en vertu du règlement. En outre, je doute que les avocats de la Banque auraient, en concluant un règlement avec l'appelante, offert à celle-ci des sommes d'argent pour sa recherche d'emploi et sa formation professionnelle si les avocats de l'appelante ne les avaient pas convaincus qu'il s'agissait de dépenses raisonnables que leur cliente devait éventuellement engagées pour se trouver un emploi.

Il a donc confirmé la décision du conseil arbitral.

[6]         En appel devant nous, la Commission a présenté des arguments semblables à ceux qu'elle avait soumis au juge-arbitre.

[7]         Pour déterminer si les montants du règlement constituent une rémunération ou non, il importe d'avoir à l'esprit les principes de base. D'abord, on doit tenir compte de l'alinéa 57(2)a) du Règlement sur l'assurance-emploi, qui prévoit que la rémunération dont il faut tenir compte pour déterminer s'il y a eu un arrêt de rémunération comprend :

a)         le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi;


[8]         Notre Cour considère depuis longtemps qu'un paiement effectué en vertu d'un règlement intervenu dans le cadre d'une action pour congédiement injustifié constitue un « revenu provenant [d'un] emploi » , à moins que le prestataire puisse établir qu'en raison de « circonstances particulières » , une partie de ce revenu doit être considérée comme une rémunération concernant une autre dépense ou perte[1].

[9]         Bien que notre Cour ait, dans l'arrêt Dunn, souscrit « de façon générale » aux principes énoncés dans Renaud, nous avons souligné dans cet arrêt que :

... dans chaque cas, le conseil doit déterminer quels sont les divers éléments d'un règlement d'après les faits qui lui sont présentés en preuve[2].


Conformément à ce qui précède, j'estime que l'avis que le juge Martin a exprimé dans Renaud selon lequel seules des dépenses raisonnables « déjà engagées » en matière de recherche d'emploi et réinstallation peuvent être retranchées de la catégorie de la rémunération constitue une formulation trop rigide de ce qui est la conclusion de fait nécessaire du conseil. Cette conclusion de fait doit être qu'il ressort de la preuve que les sommes versées au titre de la recherche d'emploi et de la formation professionnelle, comme c'est le cas dans la présente affaire, ont été utilisées à de telles fins, ou que l'intéressé a véritablement l'intention de les utiliser à ces fins. On peut imaginer des situations où, à l'époque où la Commission a rendu une décision ou un conseil a tranché un appel, l'argent n'avait pas encore été dépensé, et ce pour de bonnes raisons. On peut également imaginer des situations où il se pourrait qu'aucune preuve documentaire n'établisse que des dépenses ont été engagées ou le seront. La Commission ou le conseil doit exiger que le demandeur, à qui incombe le fardeau de la preuve, fournisse une preuve satisfaisante qu'il a ainsi dépensé les montants qui lui ont été versés à ces fins en vertu d'un règlement, ou encore qu'il a véritablement l'intention de les dépenser de cette manière, mais je suis d'avis qu'il est trop restrictif d'exiger, comme le fait la Commission, qu'il y ait dans chaque cas des preuves établissant clairement que de telles dépenses ont été « déjà engagées » .

[10]       Bien que la formulation de la décision du conseil arbitral soit insatisfaisante, celui-ci a tout de même entendu le témoignage de la défenderesse, et il disposait des observations de la Commission en ce qui concerne l'état du droit, selon lequel elle devait conclure à l'existence de « circonstances particulières » pour que l'exclusion de la somme de 4 000 $ de la rémunération soit justifiée. Il a conclu, sur le fondement de ce témoignage et ces observations, que les 4 000 $ devaient être exclus de la rémunération. La Commission n'a pas convaincu le juge-arbitre, et elle ne nous a pas convaincus non plus, que le conseil a commis une erreur de fait ou de droit en parvenant à cette conclusion.


[11]       La demande de contrôle judiciaire de la décision du juge-arbitre devrait donc être rejetée. Je ne voudrais cependant pas qu'on présume, sur la base de cette conclusion, que je souscris à l'une des remarques précitées du juge-arbitre. Il a avancé que les sommes totalisant 4 000 $ doivent être considérées comme des montants « raisonnables » versés à la défenderesse pour sa recherche d'emploi et sa formation professionnelle parce que les avocats de la Commission ont accepté que ces montants fassent partie du règlement. Il se pourrait fort bien que cela soit le cas en l'espèce, mais je n'estime pas que le fait qu'un ancien employeur accepte de verser une partie importante du montant prévu dans le règlement au titre de considérations autres que la rémunération soit concluant, voire convaincant. Adopter une telle approche reviendrait à inciter les parties à parvenir à un règlement qui contribue à réduire le montant devant être versé au titre de la perte de revenu, ce qui aurait pour effet de faire assumer au fonds d'assurance-emploi une plus grande partie des conséquences d'un congédiement injustifié.

[12]       Je suis d'avis de rejeter la demande avec dépens.

         « B. L. Strayer »

                                                                                                                                                                  

                                                                                                  J.C.A.                       

« Je souscris à ces motifs

Marshall Rothstein »

« Je souscris à ces motifs

B. Malone »

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


                        COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                Avocats inscrits au dossier

NO DU GREFFE :                                             A-567-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                            PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                           demandeur

                                                  - et -

MARY RADIGAN

                                                                                        défenderesse

DATE DE L'AUDIENCE :                               LE MARDI 30 JANVIER 2001

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                     LE JUGE STRAYER               

EN DATE DU :                                                 MERCREDI 31 JANVIER 2001

ONT COMPARU :                                         Derek Edwards

Pour le demandeur

Ed Canning

                                                Pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :       Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Pour le demandeur

Ross & McBride

Barristers & Solicitors

Commerce Place

One King Street West

P.O. Box 907

Hamilton, Ontario

L8N 3P6

Pour le défendeur


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

Date : 20010131

Dossier : A-567-99

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                           demandeur

                                                  - et -

MARY RADIGAN

                                                                                        défenderesse

                                                                      

MOTIFS DE JUGEMENT

                                                                     


Date : 20010131

Dossier : A-567-99

Toronto (Ontario), le mercredi 31 janvier 2001

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

- et -

MARY RADIGAN

défenderesse

JUGEMENT

La demande est rejetée avec dépens.

       « B. L. Strayer »

                                                                                                  J.C.A.                          

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.



[1]P.G.C. c. Walford [1979] 1 C.F. 760.

[2]P.G.C. c. Dunn A-231-95, 19 janvier 1996.

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