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     Date : 19980525

     Dossier : A-18-97

     OTTAWA (ONTARIO), LE LUNDI 25 MAI 1998

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE McDONALD

ENTRE :

     SUSAN JANE MEDLAND,

     Demanderesse,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     Défenderesse.

     JUGEMENT

[1]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     " Barry L. Strayer "

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19980525

     Dossier : A-18-97

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE McDONALD

ENTRE :

     SUSAN JANE MEDLAND,

     Demanderesse,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     Défenderesse.

Audition tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le mardi 28 avril 1998.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le lundi 25 mai 1998.

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR :      LE JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :      LE JUGE STRAYER

     LE JUGE McDONALD

     Date : 19980525

     Dossier : A-18-97

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE McDONALD

ENTRE :

     SUSAN JANE MEDLAND,

     Demanderesse,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     Défenderesse.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DESJARDINS

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle la Cour canadienne de l'impôt1 a rejeté l'appel d'une cotisation établie contre la demanderesse par le ministre du Revenu national (le ministre) en vertu du par. 160(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu2. La question à trancher est celle de savoir si le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur en concluant que le mari de la demanderesse lui avait transféré indirectement des biens en effectuant des paiements hypothécaires relativement à la résidence dont la demanderesse était devenue la seule propriétaire, et qu'elle était donc responsable d'une partie de l'impôt dû par son mari à la défenderesse pour les années d'imposition 1990, 1991, 1992 et 1993.

Les faits

[2]      L'affaire a été entendue au moyen d'un exposé conjoint des faits.

[3]      La demanderesse et son mari, M. John Medland, ont acheté une résidence en 1985 en qualité de tenants conjoints. L'achat a été financé en partie au moyen d'un prêt hypothécaire qui leur a été consenti par la Banque Toronto Dominion à titre de débiteurs hypothécaires conjoints. Le prêt hypothécaire, qui a été renouvelé à quelques reprises, était garanti par la résidence. Le 8 avril 1987, la demanderesse et son mari ont transféré la résidence, en qualité de tenants conjoints, à la demanderesse seule, sans contrepartie. Le mari a par la suite effectué seul tous les paiements hypothécaires totalisant 39 979,74 $. Pour effectuer les paiements hypothécaires, M. Medland a tiré des chèques à la Banque Toronto Dominion sur ses comptes personnels et commerciaux, en indiquant que ces chèques devaient servir aux paiements hypothécaires. Le 10 juin 1994, le ministre a établi une cotisation de 38 857,48 $ au nom de la demanderesse en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu, cette somme représentant le moins élevé des montants suivants : a) l'impôt impayé par M. Medland sous le régime de la Income Tax Act - British Columbia et de l'article 36 du Régime de pensions du Canada et b) la valeur du bien que M. Medland aurait transféré à la demanderesse. La demanderesse s'est opposée à cette cotisation. Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante, réduisant l'impôt fixé à 15 219,56 $ pour le motif que la valeur du bien qui aurait été transféré à l'appelante n'était pas supérieure à la somme des paiements hypothécaires effectués au titre du principal, soit 13 321,69 $ plus 1 897,87 $ d'intérêt. M. Medland devait plus de 49 000 $ au ministre, le 10 juin 1994, pour ses années d'imposition 1990, 1991, 1992 et 1993, dont une somme de 24 288,83 $ au titre de l'impôt fédéral.

La décision contestée

[4]      Devant le juge de la Cour de l'impôt, la demanderesse a soutenu que son mari ne lui avait jamais transféré un bien, directement ou indirectement, au sens du paragraphe 160(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Les paiements hypothécaires ont été effectués directement à la Banque. Elle a affirmé que M. Medland avait simplement payé sa propre dette envers la Banque. Après le transfert effectué par la demanderesse et son mari en faveur de la demanderesse seule, le 8 avril 1987, M. Medland est demeuré pleinement responsable envers la Banque. Aux termes de l'hypothèque, M. Medland et la demanderesse étaient solidairement responsables. Par conséquent, elle a soutenu qu'aucun bien ne lui a été transféré indirectement. Si un avantage lui a été conféré, il n'était pas visé par le paragraphe 160(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[5]      Le juge de la Cour de l'impôt a formulé les observations suivantes :

              Il est évident que l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu ne vise que les transferts de biens. Cette disposition ne s'applique pas aux avantages conférés, comme l'a signalé l'avocat de l'appelante à juste titre. À cet égard, l'article 160 diffère du paragraphe 15(1) de la Loi, qui requiert l'inclusion dans le revenu d'un actionnaire de tout avantage qu'il peut recevoir de la société dont il est actionnaire. L'article 160 porte sur les transferts de biens, comme les articles 74.1 et 74.2 actuels, qui énoncent les règles d'attribution. Le libellé se rapportant aux circonstances qui déclenchent l'application de l'article 160 est semblable, dans une certaine mesure, à celui des articles 74.1 et 74.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu.         
              En ce qui concerne les observations qui précèdent relativement aux droits de l'appelante sur le bien en question et la portée de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu, je ne souscris pas à la proposition avancée par l'appelante voulant que la réduction de 13 321,69 $ de sa responsabilité au titre de l'hypothèque, du fait des paiements effectués par M. Medland au créancier hypothécaire, ne constitue pas un bien. L'analyse de deux situations hypothétiques m'amène à conclure qu'une telle réduction de la responsabilité de l'appelante équivaut à un transfert de biens indirect effectué par M. Medland en faveur de l'appelante.         

[6]      Il a ensuite examiné deux situations hypothétiques :

              Dans la première situation, appelons-la l'exemple " A ", je formule l'hypothèse que, plutôt que de payer un peu plus de 13 000 $ au créancier hypothécaire au titre du principal du prêt hypothécaire, M. Medland a effectué, avec le consentement du créancier hypothécaire, un paiement libératoire alors qu'il devait au gouvernement du Canada des impôts fédéraux, et il a payé le montant intégral dû en vertu de l'hypothèque. Dans un tel cas, il ne fait aucun doute que ce paiement aurait constitué un transfert de biens parce que l'appelante aurait acquis le droit d'exercer son droit de rachat sur le bien pour le motif qu'un " droit de quelque nature qu'il soit " est un bien, d'après la définition du terme " biens " à l'article 248 de la Loi de l'impôt sur le revenu .         
              On peut imaginer une autre situation, que j'appellerai l'exemple " B ", où une personne dans la situation de M. Medland aurait effectué quelques paiements réguliers seulement au créancier hypothécaire, lesquels paiements représentent justement les derniers paiements à effectuer en vertu de l'hypothèque. Suivant cette hypothèse, une personne comme l'appelante aurait le droit d'exercer son droit de rachat sur le bien et se retrouverait avec un fief simple libre si, évidemment, aucune autre charge ne grevait le bien. Encore une fois, le droit d'exercer un droit de rachat sur le bien grevé d'une hypothèque constituerait un bien au sens de l'article 248 de la Loi de l'impôt sur le revenu , comme je viens de l'expliquer.         
              Je ne vois pas de différence importante entre, d'une part, les exemples " A " et " B " et, d'autre part, la présente affaire. Dans chacun de ces deux exemples, la situation est simplement plus manifeste parce que le droit d'exercer le droit de rachat sur le bien et d'obtenir un titre absolu est indubitablement un bien compte tenu de la large portée du terme " biens " à l'article 248 de la Loi . Il serait fort artificiel, voire absurde, de conclure d'une part que, dans les exemples " A " et " B ", les paiements en question impliquent au transfert de biens et d'affirmer, d'autre part, que le fait d'effectuer des paiements réguliers aux termes d'une hypothèque sur une période donnée ne constitue pas un bien parce qu'aucun de ces paiements ne constitue le dernier paiement donnant le droit d'exercer le droit de rachat sur le bien. Un tel résultat serait certainement non intentionnel.         

[7]      Il a enfin conclu :

              On peut considérer l'affaire de façon très simple. Si M. Medland avait effectué les paiements réguliers directement à son épouse sur ses propres fonds et si son épouse avait, chaque fois, immédiatement utilisé cet argent pour effectuer les paiements directement au créancier hypothécaire, on ne pourrait contester que ces paiements constituent un transfert de biens direct à son épouse. Plutôt que de faire des paiements hypothécaires réguliers à son épouse, M. Medland a fait les paiements au créancier hypothécaire à un moment où son épouse était l'unique propriétaire du droit de rachat. À mon avis, cela constitue un transfert de biens indirect.         
              Si je considère la situation dans son ensemble, je suis convaincu que les paiements réguliers que M. Medland a effectués au créancier hypothécaire lorsque l'appelante était propriétaire unique du droit de rachat ont eu un double effet du point de vue de M. Medland et de l'appelante : a) M. Medland s'est acquitté de sa propre dette en vertu de l'hypothèque et b) M. Medland a effectué en faveur de son épouse un transfert de biens indirect, à savoir la fraction des paiements se rapportant au principal du prêt hypothécaire. Ces deux résultats sont inextricablement liés. À mon avis, l'appelante, en soutenant que M. Medland s'est simplement acquitté de sa propre obligation en effectuant ces paiements, néglige un aspect important de la situation, l'autre côté de la médaille en quelque sorte. Il y a eu transfert d'un intérêt économique comportant le droit de rachat en faveur de l'épouse, comme ce fut le cas dans l'affaire Kieboom.         
              Je suis par conséquent d'avis que, durant la période pertinente, M. Medland a effectué un transfert de biens indirect en faveur de l'appelante, au sens de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Par conséquent, la cotisation établie par le ministre du Revenu national relativement à ce transfert de biens est confirmée.         

L'argument de la demanderesse

[8]      Essentiellement, la demanderesse fait valoir qu'elle n'a fourni aucune contrepartie à M. Medland en échange des paiements qu'il a effectués au titre de l'hypothèque et que le paragraphe 160(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu ne peut donc s'appliquer que si M. Medland lui a " transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d'une fiducie ou de toute autre façon ". Or, elle affirme que cela ne s'est pas produit.

[9]      La demanderesse reconnaît que plus M. Medland effectuait des paiements au titre de l'hypothèque, moins sa dette envers le créancier hypothécaire était élevée. Elle soutient toutefois qu'une réduction de sa responsabilité en vertu de l'hypothèque ne constitue pas un " bien " qui lui aurait été transféré, même si le terme " biens " a une large portée3. Une réduction de la responsabilité de la demanderesse serait un résultat, ou un fait, mais non un bien qui lui aurait été transféré. Elle affirme qu'il ne pourrait y avoir transfert que si M. Medland s'était départi d'un bien donné et si ce même bien avait été dévolu à la demanderesse, selon l'arrêt Fasken v. M.N.R.4. M. Medland s'est départi d'argent ( élément inclus dans la définition du mot " biens "), mais il a effectué ses paiements directement au créancier hypothécaire et non à la demanderesse.

[10]      Elle fait valoir qu'à toute les époques pertinentes, après le 8 avril 1987, la date à laquelle M. Medland lui a transféré son intérêt sur le bien, elle était la seule propriétaire du droit de rachat5. Le juge de la Cour de l'impôt aurait selon elle commis une erreur en déclarant, dans les deux situations hypothétiques qu'il a évoquées, qu'elle aurait acquis le droit de rachat si son mari avait effectué un paiement libératoire ou le dernier paiement au titre de l'hypothèque. Le juge de la Cour de l'impôt aurait également commis une erreur, à son avis, en déduisant que, du fait que le mari a effectué des paiements au titre du principal, il " y a eu transfert d'un intérêt économique comportant le droit de rachat en faveur de l'épouse, comme ce fut le cas dans l'affaire Kieboom6 ". Elle souligne que, dans cette affaire, l'auteur du transfert était propriétaire d'une part ou d'un pourcentage précis des actions d'une compagnie, part qu'il a transférée à son épouse et à ses enfants en obligeant la compagnie à leur émettre des actions ordinaires, ce qui a eu pour effet de diluer sa participation dans la compagnie.

[11]      En l'espèce, elle dit que, lorsque M. Medland s'est départi d'argent en effectuant les paiements, la valeur nette du droit de rachat de la demanderesse sur la résidence a augmenté du montant des paiements imputés au principal. Cette valeur nette est exprimée en argent, mais elle ne constitue pas de l'argent en soi. Si le législateur avait voulu que le paragraphe 160(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu s'applique aux faits en cause, il aurait utilisé les mots " montant " ou " somme "7, définis au paragraphe 248(1) de la Loi se l'impôt sur le revenu comme s'entendant notamment de la " valeur " du droit ou de la chose " exprimée en argent ", plutôt que le mot " biens ".

[12]      Quoi qu'il en soit, elle soutient que, si M. Medland a fait les paiements en son nom, cette situation n'est pas visée par le paragraphe 160(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Les mots " au nom [de] " son épouse n'y figurent pas comme dans l'alinéa 224(1.1)b ) de la Loi. Bien qu'il soit clair que la demanderesse a tiré un avantage des paiements au titre du principal effectués par M. Medland, elle fait valoir que le paragraphe 160(1) de la Loi ne s'applique pas à l'attribution d'un avantage. Les mots " avantage " et " au profit de " figurent dans les paragraphes 15(1) et 74.1(1), mais non dans le paragraphe 160(1).

Analyse

[13]      Soulignons à titre préliminaire que la défenderesse ne conteste pas la proposition de la demanderesse selon laquelle aucun droit de rachat ne lui a été transféré comme conséquence directe des paiements hypothécaires effectués par son conjoint au titre de l'emprunt hypothécaire. Ce droit lui appartenait déjà depuis qu'elle était devenue l'unique propriétaire du bien. Peut-être le juge de première instance a-t-il confondu le droit de rachat (equity of redemption) avec le concept de valeur nette (equity). Cela ne doit toutefois pas nous empêcher de reconnaître qu'il a tranché l'affaire dans le sens qui convenait.

[14]      Il n'est pas contesté que la politique fiscale qui sous-tend le paragraphe 160(1), ou son objet et son esprit consistent à empêcher un contribuable de transférer ses biens à son conjoint afin de faire échec aux efforts déployés par le ministre pour percevoir l'argent qui lui est dû8. La question à trancher tient donc à l'interprétation juste à donner aux termes utilisés dans le paragraphe 160(1) de la Loi, c'est-à-dire que la Cour doit décider si M. Medland a " transféré des biens ... indirectement ... de toute autre façon " à son épouse.

[15]      Je suis d'avis que le juge de la Cour de l'impôt a eu raison de conclure que l'époux de la demanderesse lui a transféré des biens indirectement en ce qui concerne la partie des paiements hypothécaires imputables au principal de l'emprunt.

[16]      Le terme " biens " figurant dans le paragraphe 160(1) de la Loi , défini comme des " biens de toute nature ", y compris " de l'argent ", a été décrit par lord Langdale9 comme [Traduction] " celui des termes pouvant être utilisés qui est le plus général, en ce qu'il indique et décrit toute la gamme possible d'intérêts qu'une partie peut avoir. "

[17]      Le terme " transfert " n'est pas défini dans la loi. Il a fait l'objet des remarques suivantes de la part du président Thorson de la Cour de l'Échiquier du Canada dans Estate of Fasken v. M.N.R.10 :

         [Traduction] Le mot " transfert " n'est pas un terme technique. Pour qu'il y ait transfert d'un bien d'un mari à sa femme, il n'est pas nécessaire qu'il soit fait selon une forme particulière, ni qu'il soit fait directement. Il suffit que le contribuable se départisse du bien et le remette à son épouse, c'est-à-dire qu'il lui transmette le bien. Le moyen employé pour atteindre ce résultat, qu'il soit direct ou indirect, peut à juste titre être appelé un transfert. Ce qui s'est effectivement passé en l'espèce, c'est que Mme Fasken a acquis le bien dont elle est devenue bénéficiaire en vertu de l'acte de fiducie, savoir le droit de recevoir une part des intérêts sur la créance, de son mari qui était auparavant propriétaire de la totalité de la créance qui a été amputée du droit de recevoir une part précise des intérêts sur cette créance. Si David Fasken avait cédé ce bien directement à son épouse par contrat, cette cession aurait manifestement été un transfert. Le fait qu'il a obtenu le même résultat par des moyens indirects ou détournés, telle la novation dont l'avocat a fait mention, qui a nécessité l'intervention de fiduciaires, ne peut changer la nature essentielle du fait qu'il a pris les moyens pour qu'un bien lui appartenant soit transféré à son épouse. À mon avis, il y a eu transfert de biens de David Fasken à son épouse au sens de la Loi.         

[18]      Il ne faut pas oublier les faits en cause dans cette affaire. Le contribuable avait acheté une ferme au Texas par l'entremise d'une société par actions dont presque toutes les actions lui appartenait à l'origine. Le titre sur la ferme a été dévolu à la société par actions sous réserve d'un privilège en sa faveur garantissant le solde du prix d'achat. En 1920, il a transféré ses actions à son fils et il n'a plus jamais été par la suite actionnaire, administrateur ni dirigeant de la société par actions. Il a toutefois conservé ses droits opposables à la société par actions en ce qui concernait le solde du prix d'achat de la ferme et d'autres avances. En 1924, la société par actions a signé une reconnaissance de dette en faveur de trois fiduciaires, dont l'un représentait l'épouse du contribuable. Ce que l'acte de fiducie conférait à Mme Fasken, c'était le droit de recevoir une part des intérêts sur la créance qu'elle a acquis de son mari, auparavant propriétaire de la totalité de la créance qui a été amputée de son droit de recevoir une partie des intérêts.

[19]      En appliquant l'expression [Traduction] " transfert ... de biens " du paragraphe 4(4) de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu de 1917 à ces faits, le juge Thorson a indiqué en fait que, contrairement à la prétention de la demanderesse en l'espèce, il n'est pas nécessaire, lorsque le mari se départit d'un bien particulier, que ce même bien soit dévolu à son épouse.

[20]      Les termes " indirectement ... de toute autre façon " figurant dans le paragraphe 160(1) de la Loi renvoient à toute façon détournée dont un bien de quelque nature peut être transmis d'une personne à une autre. En l'espèce, lorsque M. Medland a effectué les paiements au créancier hypothécaire, il a indiqué que cet argent devait être imputé à la réduction de l'emprunt hypothécaire grevant le bien sur lequel il n'avait plus d'intérêt. Bien qu'il soit exact que le paragraphe 160(1) n'emploie pas les mots " au profit de " ni " au nom de " comme les paragraphes 15(1) ou 74.1(1) ou l'alinéa 224(1.1) de la Loi , la demanderesse ne nie pas que sa dette a diminué grâce aux paiements et que la valeur nette de son bien a augmenté. La façon d'obtenir ce résultat consistait à verser des montants à la Banque que celle-ci imputait à un emprunt hypothécaire grevant une maison dont la demanderesse était l'unique propriétaire. Le paiement à la Banque n'était qu'un moyen pour transmettre les fonds indirectement du mari à la demanderesse.

[21]      L'argument de la demanderesse portant qu'il n'y a pas eu transfert de biens parce que M. Medland s'est départi d'argent et que ces sommes n'ont jamais été transférées [physiquement] à la demanderesse est sans fondement. La façon de procéder en l'espèce, bien qu'elle diffère de celles en cause dans les affaires Sa Majesté la Reine c. Kieboom11 et White (D.P.) v. Canada12, mène au même résultat.

[22]      Je rejetterais la demande de contrôle judiciaire.

     " Alice Desjardins "

     J.C.A.

" Je souscris à ces motifs,

     Barry L. Strayer, J.C.A. "

" Je souscrit à ces motifs,

     F. Joseph McDonald, J.C.A. "

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :              A-18-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Susan Jane Medland c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDITION :              Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDITION :              28 avril 1998

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :              le juge Strayer

                         le juge McDonald

DATE DES MOTIFS :              25 mai 1998

ONT COMPARU :

Me Timothy W. Clarke              pour la demanderesse

Me André Rachert                  pour la défenderesse

Me Linda Bell

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bull, Housser & Tupper

Surrey (Colombie-Britannique)          pour la demanderesse

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                  pour la défenderesse

__________________

     1      Cette décision est publiée sous l'intitulé Medland c. Canada , [1997] 1 C.T.C. 2702.

     2      L.R.C. (1985), 5e suppl. Voici le libellé du par. 160(1) à l'époque pertinente :
     (1) Lorsqu'une personne a, depuis le 1er mai 1951, transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d'une fiducie ou de toute autre façon,
         a) à son conjoint ou à une personne devenue depuis son conjoint,
         b) à une personne qui était âgée de moins de 18 ans, ou
         c) à une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance,
     les règles suivantes s'appliquent :
         d) le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont conjointement et solidairement responsables du paiement d'une partie de l'impôt de l'auteur du transfert en vertu de la présente Partie pour chaque année d'imposition, égale à l'excédent de l'impôt pour l'année sur ce que cet impôt aurait été sans l'application des articles 74 à 75.1 à l'égard de tout revenu tiré des biens ainsi transférés ou des biens y substitués ou à l'égard de tout gain tiré de la disposition de tels biens, et
         e) le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont conjointement et solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d'un montant égal au moins élevé des deux montants suivants :
             (i) la fraction, si fraction il y a, de la juste valeur marchande des biens à la date du transfert qui est en sus de la juste valeur marchande à cette date de la contrepartie donnée pour le bien, et
             (ii) le total des montants dont chacun représente un montant que l'auteur du transfert doit payer en vertu de la présente loi au cours de l'année d'imposition dans laquelle les biens ont été transférés ou d'une année d'imposition antérieure ou pour une de ces années,
     mais aucune disposition du présent paragraphe n'est réputée limiter la responsabilité de l'auteur du transfert en vertu de toute autre disposition de la présente loi.

     3      Le mot " biens " est défini ainsi à l'article 248 de la Loi de l'impôt sur le revenu :           " biens " signifie des biens de toute nature, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels et comprend, sans restreindre la portée générale de ce qui précède,              a) un droit de quelque nature qu'il soit, une action ou part,              b) à moins d'une intention contraire évidente, de l'argent,              c) un avoir forestier, et              d) les travaux en cours d'une entreprise qui est une profession libérale;

     4      49 DTC 491, à la page 497 (C. de l'Éch.).

     5      Voir Sir Robert Megarry, The law of Real Property , 5th ed. (Londres : Stevens & Sons Ltd., 1984), aux pages 918 et 919.

     6      La Reine c. Kieboom, 92 DTC 6382 (C.A.F.).

     7      Voici comment le paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu définit les termes " montant " ou " somme " :
         " montant " ou " somme " s'entend de l'argent, du droit ou de la chose exprimés sous forme d'un montants d'argent, ou leur valeur exprimée en argent; toutefois :
         a) par dérogation à l'alinéa b), dans les cas où les paragraphes 112(2.1), (2.2) ou (2.4), les articles 187.2 ou 187.3 ou les paragraphes 258(3) ou (5) s'appliquent à un dividende en actions, le dividende en actions a pour " montant " le plus élevé :
             (i) du montant correspondant à l'augmentation, découlant du versement du dividende, du capital versé de la corporation qui a versé le dividende, ou              (ii) de la juste valeur marchande de l'action ou des actions payées comme dividendes en actions au moment du versement;
         b) dans le cas où l'article 191.1 s'applique à un dividende en actions, le dividende en actions a pour " montant ", pour l'application de la partie VI.I, le plus élevé des montants visés aux sous-alinéas (i) et (ii) et, pour toute autre fin, le montant visé au sous-alinéa (i) :
             (i) le montant correspondant à l'augmentation, découlant du versement du dividende, du capital versé de la corporation qui a versé le dividende, ou              (ii) la juste valeur marchande de l'action ou des actions payées comme dividende en actions au moment du versement;
         c) dans les autres cas, un dividende en actions versé par une corporation a pour " montant " le montant correspondant à l'augmentation du capital versé de la corporation découlant du versement du dividende;

     8      Madeleine Charrier v. M.N.R., 89 DTC 108, à la page 110 (C.C.I.); Rose Fluxgold v. The Queen, 90 DTC 6187, à la page 6191 (C.C.I.); Algoa Trust and 116488 Canada Inc. c. The Queen, 93 DTC 405, à la page 411 (C.C.I.).

     9      Jones v. Skinner (1836), 5 L.J. (N.S.) ch. 87, à la page 90, cité dans Estate of Fasken v. M.N.R., 49 DTC 491, à la page 496, The Queen v. Kieboom, 92 DTC 6382, à la page 6386.

     10      49 DTC 491, à la page 497.

     11      92 DTC 6382 (C.A.F.).

     12      [1995] 1 C.T.C. 2538 (C.C.I.).

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