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Date : 20030123

Dossier : A-108-02

Référence neutre : 2003 CAF 33

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE EVANS

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                       appelante

                                                                                   et

                                                        NOVA SCOTIA POWER INC.

                                                                                                                                                           intimée

                                    Audience tenue à Toronto (Ontario), le 25 novembre 2002

                                       Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                    LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                 LE JUGE STRAYER

                                                                                                                                         LE JUGE EVANS


Date : 20030123

Dossier : A-108-02

Référence neutre : 2003 CAF 33

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE EVANS

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                       appelante

                                                                                   et

                                                        NOVA SCOTIA POWER INC.

                                                                                                                                                           intimée

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER

[1]                 Il s'agit en l'espèce d'un appel interjeté par la Couronne de la décision du juge en chef adjoint Bowman de la Cour canadienne de l'impôt, publiée à [2002] DTC 1432 sous l'intitulé Nova Scotia Power Inc. c. The Queen, relativement à deux questions soulevées en vertu de l'article 173 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Les questions qui ont été soumises au juge Bowman étaient les suivantes :


Les questions à être décidées sont de savoir si, au cours de la période allant jusqu'en 1992, année où elle s'est dessaisie de ses éléments d'actif,

(1) La Nova Scotia Power Corporation a-t-elle exercé ses principales activités productrices de revenus en tant que mandataire de Sa Majesté la Reine, de sorte que l'article 2 de la Loi de l'impôt sur le revenu (y compris les dispositions accessoires telles que l'article 21 de la Loi) ne s'y appliquait pas?

(2) Dans la négative, la Nova Scotia Power Corporation était-elle mandataire de Sa Majesté la Reine à l'égard de la propriété des éléments d'actif utilisés au sein de son entreprise, de sorte que l'article 21 de la Loi de l'impôt sur le revenu ne s'appliquait pas aux biens amortissables acquis par la société?

[2]                 Le juge Bowman a répondu par la négative à la première partie de chacune de ces deux questions (jusqu'aux mots « de sorte que » ) et il a refusé de répondre à la deuxième partie de ces questions en raison de l'absence d'un fondement factuel suffisant. Le présent appel soulève la question suivante : quand un mandataire de l'État bénéficie-t-il de l'immunité de l'État à l'égard de l'application de la loi?

[3]                 Les parties ont utilisé un exposé conjoint des faits dont voici le texte :

[traduction]

1.              Avant 1967, un système de production et de distribution d'électricité s'est développé en Nouvelle-Écosse, en vertu duquel les régions urbaines étaient desservies par des sociétés privées, soit la Eastern Light & Power Company Limited et la Nova Scotia Light and Power Company Limited, tandis que les régions rurales étaient desservies par la Nova Scotia Power Commission (Commission de l'électricité) (la « Commission » ). Une copie de la loi intitulée Power Commission Act (Loi sur la Commission de l'électricité), R.S.N.S. 1967, c. 233, se trouve à l'onglet 1 des documents conjoints.

2.              En 1967, la Commission a acquis les actions de la Eastern Light & Power Company Limited. En 1972, elle a acquis 99,65 p. 100 des actions ordinaires et environ 98 p. 100 des actions privilégiées de la Nova Scotia Light & Power Company Limited. Le solde des actions a été acquis par la suite.


3.              En 1973, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a adopté des modifications à la Power Commission Act ayant pour effet de modifier le titre de cette loi à celui de Power Corporation Act (Loi sur la Société de l'électricité), d'assurer la continuité de la Commission par la Nova Scotia Power Corporation (Société de l'électricité de la Nouvelle-Écosse) (la « société » ), et de faire plusieurs autres modifications à la loi. Les modifications apportées à la Power Commission Act, S.N.S. 1973, c. 47, se trouvent à l'onglet 2 des documents conjoints. Une copie de la version révisée de la Power Corporation Act, R.S.N.S. 1989, c. 351, se trouve à l'onglet 3 des documents conjoints.

4.              Après l'adoption de la Power Corporation Act, presque toute l'électricité en Nouvelle-Écosse était produite et distribuée par la société, dont la totalité du capital-actions appartenait à la province.

5.              Entre 1973 et 1992, la société a contracté des emprunts importants, dont quelques-uns ont servi à l'acquisition de biens amortissables utilisés dans la production et la distribution de l'électricité. Les emprunts en cause étaient attestés par des obligations ou des obligations d'épargne non garanties émises par la société et garanties par la province. Les documents types pour chaque genre d'emprunt se trouvent aux onglets 12 et 13 respectivement des documents conjoints.

6.              À chaque année, la société faisait état de ses activités financières dans ses états financiers. Les états financiers comparatifs de la société se trouvent à l'onglet 6 des documents conjoints et illustrent les opérations financières de 1980 à 1993 inclusivement.

7.              Aucun impôt n'était exigible sur le revenu imposable de la société en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) et la société n'a produit aucune déclaration de revenus. Par conséquent, elle n'a déduit aucun montant au titre de la déduction pour amortissement en vertu de l'alinéa 20(1)a) de la Loi ou à titre d'intérêt en vertu des alinéas 20(1)c), d), e), ou e.1) de la Loi.

8.              En 1992, la province a adopté la loi intitulée Nova Scotia Privatization Act (Loi sur la privatisation de la Nouvelle-Écosse), S.N.S., c. 8, dont une copie se trouve à l'onglet 4 des documents conjoints, en vertu de laquelle la Nova Scotia Power Incorporated (l' « appelante » ) a acheté les éléments d'actif et l'entreprise précédemment utilisés par la société dans la production et la distribution de l'électricité. Par suite de l'application du paragraphe 85(5.1) de la Loi, le coût en capital des biens amortissables acquis par l'appelante équivalait au coût en capital de ces biens dans le cas de la société.

9.              Dans ses déclarations de revenus initiales pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, l'appelante a réclamé une déduction pour amortissement en vertu de l'alinéa 20(1)a) de la Loi, au motif qu'une partie des frais d'intérêt relativement aux montants empruntés par la société et utilisés par celle-ci pour acquérir des biens amortissables était incluse à juste titre dans le coût en capital des biens acquis par l'appelante.

10.            Le 29 mai 1998, la société a produit des déclarations de revenus des sociétés selon le formulaire T2 pour les années d'imposition se terminant du 31 mars 1980 au 31 mars 1993 inclusivement. Dans ces déclarations de revenus, la société a fait le choix, conformément aux paragraphes 21(1) et 21(3) de la Loi, d'ajouter les intérêts payés relativement aux montants empruntés pour acquérir des biens amortissables au montant de 995 260 716 $ au coût en capital de ces biens. (Les copies des déclarations de revenus, y compris les choix, se trouvent à l'onglet 5 des documents conjoints).

11.            Toujours en mai 1998, l'appelante a produit des annexes révisées pour la déduction pour amortissement pour ses années d'imposition 1994, 1995 et 1996, réclamant des déductions pour amortissement supplémentaires de 46 092 405 $, 41 774 007 $ et 21 574 289 $ respectivement, au motif que le montant des intérêts indiqué dans lesdits choix était inclus à juste titre dans le coût en capital des biens.


12.            Au moyen d'avis de nouvelle cotisation datés du 31 mai 1999, le ministre du Revenu national a établi de nouvelles cotisations à l'égard de l'appelante pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, au motif notamment que, lors du calcul de la fraction non amortie du coût en capital des biens amortissables de l'appelante, il fallait établir le coût en capital des biens acquis de la société sans inclure les montants des intérêts relativement aux montants empruntés par la société et utilisés par celle-ci pour acquérir ces biens.

13.            Les nouvelles cotisations établies par le ministre étaient notamment fondées sur l'hypothèse selon laquelle, au cours de la période à l'égard de laquelle la société cherchait à faire appliquer les paragraphes 21(1) et 21(3) de la Loi, la société était mandataire de Sa Majesté la Reine du chef de la Nouvelle-Écosse, de sorte que la Loi ne s'appliquait pas à la société en vertu de l'article 17 de la Loi d'interprétation (Canada).

14.            Par voie de lettre datée du 8 juin 1999, l'appelante a demandé la détermination d'une perte conformément au paragraphe 152(1.1) de la Loi. Un avis de détermination de perte a été envoyé le 2 juillet 1999. Par voie d'avis d'opposition déposés le 13 juillet 1999, l'appelante s'est opposée aux avis de détermination de perte pour les années 1994, 1995 et 1996.       

[4]                 S'appuyant sur ces faits, les parties ont convenu que la question de l'assujettissement de la Nova Scotia Power Corporation (NSPC) à l'impôt dépendait de l'application de l'article 17 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, dont voici le texte :


17. Sauf indication contraire y figurant, nul texte ne lie Sa Majesté ni n'a d'effet sur ses droits et prérogatives.

17. No enactment is binding on Her Majesty or affects Her Majesty or Her Majesty's rights or prerogatives in any manner, except as mentioned or referred to in the enactment.



[5]                 La question fiscale soulevée par ces faits est de savoir si la NSPC peut faire le choix, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi), d'ajouter les frais d'intérêt liés à l'achat de ses éléments d'actif au coût en capital de ces mêmes éléments d'actif afin d'augmenter le montant de la déduction pour amortissement que peut réclamer l'acheteur de ces éléments d'actif, la Nova Scotia Power Inc. (Power Inc.). Comme la Power Inc. est réputée avoir acquis les éléments d'actif au coût en capital pour la NSPC, ses coûts ne peuvent être augmentés que si la NSPC peut faire le choix d'ajouter l'intérêt au coût en capital des éléments d'actif, conformément aux paragraphes 21(1) et (3) de la Loi. Cela n'est toutefois possible que si la NSPC est visée par les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu. Paradoxalement, cela amène la Couronne à soutenir que la Loi de l'impôt sur le revenu ne s'applique pas à la NSPC, tandis que l'intimée, la Power Inc., allègue le contraire.

[6]                 Diverses dispositions de la Power Corporation Act, S.N.S. 1973, ch. 47, sont pertinentes pour les questions en litige; elles sont reproduites ci-dessous :

[Traduction]

2.             Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

                 a)      « conseil d'administration » Le conseil d'administration de la société.

b)      « président » Le président du conseil d'administration.

c)      « Commission » La Nova Scotia Power Commission constituée en vertu de la Power Commission Act, Revised Statutes of Nova Scotia 1967, chapitre 233 et ses modifications.

d)      « société » La Nova Scotia Power Corporation.

e)      « administrateur » Un administrateur de la société.

f)       « directeur général » Le directeur général de la société.

[...]

4.              (1) La Commission est maintenue comme personne morale et mandataire de Sa Majesté du chef de la province sous le nom de Nova Scotia Power Corporation et se compose d'un conseil d'administration formé d'un président, d'un directeur général et d'au plus douze autres administrateurs.

(2) Le président, le directeur général de la société et les autres administrateurs sont nommés par le gouverneur en conseil pour un mandat dont la durée est fixée lors de leur nomination.

[...]

(4) Le directeur général de la société est, sous réserve du contrôle et de la direction du conseil d'administration, chargé de la direction des affaires de la société.


5.             (1) La société peut engager les dirigeants, les employés, les conseillers et les consultants qu'elle juge nécessaires et fixer leurs conditions d'emploi ainsi que leur rémunération.

(2) Pour l'application de la Loi sur la pension de la fonction publique, les personnes engagées par la société autrement que pour une durée déterminée sont réputées faire partie de la fonction publique provinciale et le temps passé au service de la société est réputé avoir été passé dans la fonction publique.

[...]

6.             La société est chargée de développer pour la Nouvelle-Écosse l'utilisation maximale de l'énergie de façon économique et efficace et, à cette fin, elle peut, en Nouvelle-Écosse et ailleurs, s'occuper de la production, du transport, de la distribution, de l'approvisionnement et de l'utilisation de l'électricité, de l'eau, de la vapeur, de l'essence, du pétrole et d'autres produits utilisés ou utiles dans la production d'énergie.

7.             (1) La société possède les pouvoirs suivants :

a) le pouvoir d'acquérir, de louer, de construire, d'entretenir, d'exploiter et d'utiliser, en Nouvelle-Écosse ou ailleurs, des terres, des ouvrages, des usines, des immeubles, des installations, des machines, des équipements, des appareils, des lignes de transmission, des conduits, des pipelines et tout autre bien utilisé ou utile pour la réalisation de ses objets;

b) les pouvoirs que possédait la Commission avant l'entrée en vigueur de la présente loi;

c) les pouvoirs qui lui sont conférés par la présente loi;

d) les pouvoirs de toute compagnie avec laquelle elle est fusionnée en vertu de l'article 14 de la présente loi;

e) les pouvoirs d'une compagnie constituée en application de la Companies Act, sauf disposition contraire de la présente loi;

f) les autres pouvoirs accessoires ou favorables à la réalisation de ses objets.

[...]

8.             (1) Sans que soit limitée la portée générale de l'article 7 de la présente loi, la société peut exercer tous les pouvoirs d'emprunt que possédait la Commission avant l'entrée en vigueur de la présente loi, outre les pouvoirs qui lui sont conférés par le présent article.

(2) La société peut, au besoin, contracter au Canada ou à l'étranger des emprunts fondés sur son crédit et, avec l'approbation du gouverneur en conseil :

a) émettre des obligations, des débentures ou d'autres valeurs et les donner en gage;


b) garantir ses emprunts ou ses dettes par hypothèque, affectation ou nantissement des biens ou des droits ou installations qu'elle possède ou qu'elle acquiert par la suite.

(3) Le gouverneur en conseil peut :

a) consentir des prêts à la société et contracter des emprunts à cette fin;

b) garantir le remboursement par la société du principal, de l'intérêt et des primes pour toute obligation, débenture ou autre valeur émise par la société, le remboursement des dettes de la société ou le remboursement des dettes d'une filiale de la société.

9.             (1) La société peut exproprier les biens-fonds qu'elle estime nécessaires ou utiles à la réalisation de ses objets.

[...]

12.           (2) Avant le 1er août de chaque année, la société présente au gouverneur en conseil un rapport annuel clair et détaillé faisant état :

a) du montant total des recettes et des dépenses relatives à ses opérations au cours du dernier exercice;

b) de la situation actuelle concernant ses éléments d'actif et ses dettes à la fin du dernier exercice;

c) de toute autre question pouvant revêtir un intérêt pour la société ou ses activités, ou que le gouverneur en conseil peut prescrire.

15.           (1) La Proceedings against the Crown Act [Loi sur les instances introduites contre la Couronne] s'applique à toutes les actions et demandes contre la société, sauf aux procédures d'expropriation en vertu de l'article 9 de la présente loi.

(2) Aux fins du présent article, dans la Proceedings against the Crown Act,

a) Couronne s'entend de la société;

b) ministre des Finances s'entend du trésorier de la société;

c) fonds consolidé s'entend des fonds de la société.

(3) Les actions intentées en vertu du présent article sont intentées contre la société en son propre nom.


(4) Lorsqu'un document ou un avis doit être signifié ou donné à la société conformément au présent article ou à la Proceedings against the Crown Act, la signification est faite par la remise d'une copie au bureau du procureur général ou du sous-procureur général ou à tout autre avocat travaillant pour le ministère du Procureur général, ou par la remise d'une copie à un avocat désigné à cette fin par le procureur général; une telle signification est réputée valoir signification à la société.

[...]

16.           (1) La société et ses biens ne sont pas assujettis aux impôts prélevés en vertu d'une loi de la législature.

(2) Lorsque la société possède moins de soixante-quinze pour cent des actions d'une compagnie, la compagnie et ses biens ainsi que toute filiale de la compagnie et ses biens ne sont pas non plus assujettis aux impôts prélevés en vertu d'une loi de la législature.

[...]

29.           (1) Dès sa création, la société est réputée avoir la capacité de contracter avec toute autre personne, firme ou société relativement à la distribution d'énergie électrique par la société; lorsque le contrat prévoit que la capacité initiale du transformateur doit excéder 500 kilovolt ampères, il ne lie pas les parties tant qu'il n'a pas été approuvé par le gouverneur en conseil.

(2) Tout profit net réalisé par la société dans la distribution d'énergie électrique conformément au paragraphe (1), après constitution d'une réserve conformément à l'article 25 afin de rajuster et de fixer les coûts de la distribution d'énergie électrique et après avoir retenu et gardé les sommes qui, de l'avis de la société, peuvent être suffisantes pour les fins mentionnées à l'article 14, tel qu'il était libellé avant le 29 mars 1973, relativement aux contrats dont il est question au paragraphe (1), peut, à la discrétion de la société, servir à réduire les coûts de la distribution de l'énergie électrique aux installations de la société comme le prévoit la présente loi ou de la manière que le détermine la société.

[7]                 Le juge Bowman a fait une analyse minutieuse du droit applicable aux organismes mandataires de l'État ainsi que des faits. Sa conclusion a été la suivante en ce qui concerne la première question :

[31]          J'accepte que ces faits démontrent qu'un degré de contrôle important aurait pu être exercé ou a effectivement été exercé par la province sur les activités de la NSPC. Cependant, le fait que les activités commerciales d'une société sont étroitement contrôlées par son seul actionnaire ne veut pas nécessairement dire que les activités commerciales et l'entreprise de cette société sont celles de son actionnaire : Odhams Press, Ltd. v. Cook, [1938] 4 All E.R. 545 (C.A.) à la p. 551 (sir Wilfrid Greene M.R.), conf. par [1940] 3 All E.R. 15 (C.L.); Denison Mines, précité.

[32]     Il existe une distinction importante entre le contrôle des activités commerciales d'une société par son actionnaire et le fait que les activités commerciales, l'entreprise et les biens d'une société appartiennent à son actionnaire.


[33]     À mon avis, les faits n'appuient pas la conclusion selon laquelle les activités commerciales, le revenu, l'entreprise et les biens de la NSPC appartenaient à la province de la Nouvelle-Écosse. Une telle conclusion nécessiterait l'assimilation de la société à la province. À mon sens, on ne peut justifier une telle conclusion en l'espèce. La Power Corporation Act traitait la NSPC comme si celle-ci détenait ses propres biens, exploitait sa propre entreprise et détenait ses propres biens indépendamment de la province. En vertu de l'article 7, elle avait, sauf indication contraire, tous les pouvoirs d'une société constituée en vertu de la loi intitulée Companies Act (Loi sur les sociétés par actions). Aux termes de l'article 8, la NSPC pouvait contracter des emprunts en son nom propre et émettre des obligations avec l'autorisation du gouverneur en conseil. Celui-ci pouvait prêter de l'argent à la société et garantir ses dettes. Cette disposition serait vide de sens si la société était un mandataire ou un préposé de la Couronne quant à ses biens et ses activités commerciales. En vertu de l'article 10, le conseil d'administration avait les pouvoirs habituels du conseil d'administration d'une société.

[34]     Ce qui précède est incompatible avec l'hypothèse selon laquelle la NSPC était mandataire de Sa Majesté à l'égard de son entreprise et de ses biens.

[35]     Toutefois, certaines dispositions sont plutôt incompatibles avec l'hypothèse selon laquelle la NSPC n'est pas mandataire de la Couronne à l'égard de son entreprise et de ses biens. Il s'agit notamment du fait que les employés sont considérés comme fonctionnaires aux fins de la loi intitulée Public Service Superannuation Act (Loi sur les pensions de retraite de la fonction publique) (article 5), les pouvoirs d'expropriation de la société prévus à l'article 9 et l'application de la loi intitulée Proceedings against the Crown Act (Loi sur les instances introduites contre la Couronne) en vertu de l'article 15. Il faut soupeser tous ces facteurs et leur accorder l'importance qu'ils méritent vu l'économie de la Power Corporation Act.

[36]     À mon avis, les facteurs énoncés dans la loi elle-même qui appuient la conclusion selon laquelle la NSPC est une société indépendante et non un mandataire de la Couronne à l'égard de son entreprise et de la propriété de ses biens l'emportent sur les facteurs qui indiquent la conclusion contraire.


[8]                 Le juge Bowman a ensuite examiné diverses décisions dont British Columbia Power Corporation c. Attorney General of British Columbia et al. (1962), 34 D.L.R. (2nd) 25 (C.A. C.-B.), ­R. c. Eldorado Nucléaire Limitée, [1983] 2 R.C.S. 551, Metropolitan Meat Industry Board c. Sheedy, [1927] A.C. 899 (J.C.), Coomber c. Justices of Berks (1883), 9 App. Cas. 61. S'appuyant sur cet examen de la jurisprudence, il a conclu que « les termes "mandataire de Sa Majesté la Reine" ne font pas de la NSPC un mandataire à toutes fins ni un mandataire de Sa Majesté la Reine de sorte qu'elle détienne ses revenus, son entreprise et ses biens pour le compte de Sa Majesté la Reine » . Il a souligné que les tribunaux hésitent à accorder aux sociétés d'État tous les privilèges et immunités de l'État pour l'unique raison qu'ils ont été désignés mandataires de l'État.

[9]                 Après avoir passé en revue les dispositions législatives attribuant à l'État la propriété des biens des sociétés de l'État, le juge a tiré la conclusion suivante :

[50] Il ressort des exemples précités que, lorsque l'Assemblée législative voulait créer des organismes qui réalisaient leurs objets et détenaient leurs biens en tant que mandataires de Sa Majesté dans la mesure alléguée par l'intimée en l'espèce, elle était capable de s'exprimer à cette fin. Il serait quelque peu ambitieux de conclure qu'une société est assimilée à la Couronne de sorte que son identité distincte s'est fondue dans celle de la Couronne et qu'elle est devenue l'alter ego de la Couronne provinciale lorsqu'elle exploite l'entreprise à l'égard de laquelle elle a été créée. Une société d'État a notamment pour but de réaliser ses objets indépendamment du gouvernement. Pour conclure que la société est l'alter ego de la Couronne en ce qui concerne son entreprise et ses biens, il faudrait une preuve incontestable de l'assimilation de facto de la société, ou de son entreprise et ses biens, à la Couronne du chef de la Nouvelle-Écosse, ainsi qu'un fondement juridique clair soutenant une assimilation de jure à la Couronne, par exemple sous forme de dispositions légales particulières semblables à celles précitées. À mon avis, il n'existe ni l'un ni l'autre des éléments requis.


[10]            L'avocat de la Couronne, l'appelante, a admis que, même si le gouvernement de la Nouvelle-Écosse exerçait un degré de contrôle important sur les affaires de la NSPC, cela ne suffisait pas à en faire un mandataire de l'État en vertu de la common law. Toutefois, la NSPC est désignée comme mandataire de la Couronne par la Power Corporation Act. L'organisme doit avoir été créé dans un certain but, même si ce n'était pas « pour tous les objets » comme c'était le cas dans l'arrêt Eldorado Nucléaire. La Couronne soutient qu'il est raisonnable de présumer que la NSPC a été constituée mandataire de l'État dans le but de réaliser l'objet de la loi qui est de produire et de distribuer de l'énergie électrique en Nouvelle-Écosse. En réponse à l'argument qu'un texte plus précis est nécessaire pour qu'il soit possible d'assimiler la NSPC à l'État, l'avocat a soutenu que la clause type utilisée dans les lois de la Nouvelle-Écosse au moment où la Power Corporation Act a été adoptée était la clause simple conférant un mandat qui a été utilisée en l'espèce.

[11]            La Couronne ajoute que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a agi comme si la NSPC était un mandataire de l'État puisque le ministre des Finances a exercé son pouvoir pour approuver la privatisation de la NSPC tout en s'assurant de l'amortissement de sa dette. Les tribunaux de la Nouvelle-Écosse ont également présumé que les biens fonciers de la NSPC ne pouvaient pas être grevés d'hypothèques en vertu de la Mechanic's Lien Act parce qu'elle était un mandataire de l'État. Voir Union Construction Ltd., [1979] N.S.J. No. 45 (S.C.T.D.), Donald Developments Ltd c. Nova Scotia Power Corp., [1988] N.S.J. No. 233 (N.S.S.C.T.D) conf. [1989] (C.A. N.-É.). Enfin, les pouvoirs conférés à la NSPC par la Power Corporation Act sont ceux d'un mandataire de l'État qui a pour but de produire et de distribuer de l'électricité en Nouvelle-Écosse. Par exemple :

- les poursuites contre la NSPC étaient assujetties à la Proceedings against the Crown Act, et la signification à la société était faite par signification au procureur général;

- les employés de la NSPC étaient considérés comme des membres de la fonction publique dans certains cas, notamment en ce qui a trait à la pension. Voir l'article 5 de la Power Corporation Act.


[12]            La Couronne fait remarquer qu'un examen de la Loi permet de constater qu'elle prévoit certains autres pouvoirs qui permettent de conclure que la NSPC était un mandataire de l'État. Par exemple, elle possède un pouvoir d'expropriation. Elle n'est pas assujettie à l'impôt provincial et ses emprunts peuvent être garantis par le gouvernement provincial. Enfin, la Couronne fait valoir que la seule conclusion possible est que la NSPC est un mandataire de l'État dans l'acquisition de ses éléments d'actif et la poursuite de ses activités.

[13]            L'intimée, la Power Inc., ne voit pas les choses de la même manière. Elle convient avec la Couronne que le contrôle exercé par le gouvernement sur la NSPC n'était pas suffisant pour satisfaire au critère du mandat en vertu de la common law. Il en résulte que l'unique source du statut de mandataire de la NSPC est sa loi constitutive. La Power Inc. affirme que le fait que le paragraphe 4(1) de la Power Corporation Act fasse de la NSPC un mandataire de l'État n'a absolument aucun effet à moins que les fins pour lesquelles ce statut lui est conféré ne soient précisées. L'intimée a résumé brièvement sa position dans le passage suivant de son mémoire, après avoir analysé la création par contrat d'une relation mandant-mandataire :

[Traduction] Les relations mandant-mandataire créées par la loi ne sont pas différentes. Dans un tel cas, l'étendue du mandat doit être précisée. À cette fin, on peut utiliser des expressions comme « à toutes fins pratiques » ou « pour l'application de la présente loi » ou encore, des mots qui précisent que les revenus ou les biens de la société appartiennent à titre de bénéficiaire à l'État, ou les deux.

[14]            Comme la désignation de la NSPC ne comporte aucune phrase descriptive, l'intimée a examiné l'ensemble de la Power Corporation Act afin de déterminer qui était le propriétaire bénéficiaire des revenus et des éléments d'actif de la NSPC. Elle conclut que les dispositions suivantes ne cadrent pas avec le droit de propriété de l'État sur ces biens :


a) La NSPC a le droit de vendre de l'énergie et de garder les profits ainsi réalisés et de les utiliser comme bon lui semble. Article 29.

b) La NSPC est habilitée à acquérir des éléments d'actif et à contracter des emprunts en son propre nom à cette fin. Articles 7 et 8.

c) La NSPC peut emprunter de l'argent au gouvernement et le gouvernement est autorisé à garantir les emprunts de la NSPC. On ne peut donc pas dire que la NSPC est un mandataire de l'État. Paragraphe 8(3).

d) La NSPC n'est pas assujettie à l'impôt provincial. Article 16. Si elle était effectivement un mandataire de l'État, une telle disposition ne serait pas nécessaire.

[15]            Par conséquent, étant donné que l'étendue du mandat conféré à la NSPC n'est pas expressément indiquée et que celle-ci est propriétaire de ses biens en son propre nom, il est clair qu'elle ne peut pas être mandataire de l'État en ce qui a trait à la propriété de ses biens et à l'exercice de ses activités. Si elle n'est pas mandataire de l'État, elle n'est pas soustraite à l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu par l'article 17 de la Loi d'interprétation. Par conséquent, elle pouvait donc faire les choix qu'elle a faits et augmenter le coût en capital des éléments d'actif transférés à la Power Inc. qui, pour sa part, peut réclamer des déductions pour amortissement en raison de ces coûts plus élevés.


[16]            Le juge de première instance a commenté la nature équivoque des questions qui lui ont été soumises. Dans les deux questions, on demande si la NSPC exerçait certaines activités à titre de mandataire de l'État « de sorte que l'article 2 de la Loi de l'impôt sur le revenu (y compris les dispositions accessoires telles que l'article 21 de la Loi) ne s'y appliquait pas? » Il reste à déterminer si les parties s'attendaient à ce qu'une réponse affirmative à la partie de la question précédant les mots « de sorte que... » entraîne nécessairement une réponse affirmative au reste de la question. Le juge Bowman a conclu que ce n'était pas le cas et qu'il n'était pas prêt à statuer sur la deuxième partie de la question en se fondant sur les renseignements dont il disposait. Les parties ont fait valoir devant nous qu'une décision sur la question de savoir si la NSPC était un mandataire de l'État tranchait la question, de sorte que le juge Bowman avait effectivement répondu à cette question lorsqu'il a statué que la NSPC n'était pas mandataire de l'État.

[17]            À mon avis, la prémisse sur laquelle reposaient ces questions était erronée. Bien qu'il soit inutile de s'interroger sur la question de l'immunité de l'État une fois que l'on a conclu qu'une entité n'est pas un mandataire de l'État, on ne peut pas automatiquement conclure qu'une entité bénéficie de l'immunité de l'État lorsqu'on a déterminé qu'elle est un mandataire de l'État. Ce dernier point a été tranché par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Radio-Canada c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 339.


[18]            Dans cette affaire, la SRC a revendiqué l'immunité de l'État lorsqu'elle a été accusée, en vertu du Code criminel, d'avoir diffusé un film obscène. La Loi sur la radiodiffusion prévoyait que « ... la Société, pour tous les objets de la présente loi, est mandataire de Sa Majesté et ne peut exercer qu'à ce titre les pouvoirs que lui confère la présente loi » . Malgré cette clause générale, la Cour suprême a statué que la SRC ne pouvait pas bénéficier de l'immunité de l'État relativement à l'accusation portée contre elle parce qu'une disposition d'un règlement pris en application de la Loi sur la radiodiffusion interdisait à la Société de diffuser « toute présentation... obscèn[e], indécen[te] ou blasphématoir[e] » . La Cour a statué que si la Société avait effectivement diffusé un film obscène, elle n'exerçait plus son rôle de mandataire de l'État et ne pouvait donc pas se prévaloir de l'immunité de l'État. Par conséquent, conclure à l'existence d'un mandat de l'État n'équivaut pas à conclure à l'existence de l'immunité de l'État.

[19]            Étant donné la prémisse qui leur a servi de point de départ, il n'est pas étonnant que les parties aient fait porter toute leur argumentation sur la question de savoir si la NSPC était un mandataire de l'État. Il est un peu surprenant que l'on ait considéré qu'il s'agissait de la question en litige vu que l'article 4 de la Power Corporation Act prévoit expressément que la NSPC est un mandataire de l'État. On aurait pu penser que si le législateur confère le statut de mandataire de l'État à une personne morale qu'il crée, le statut de la personne morale ne saurait être contesté devant les tribunaux. Une fois qu'il est jugé qu'une personne morale est un mandataire de l'État, la réponse à la question de savoir si elle peut se prévaloir de l'immunité de l'État repose sur l'étendue du mandat qui lui a été confié et sur le respect ou non par celle-ci, d'après les faits, de son mandat.

[20]            En contestant le statut de mandataire de l'État de la NSPC, l'intimée a invoqué pour étayer sa position l'extrait suivant tiré de l'arrêt B & M Reader's Service Limited c. Anglo Canadian Publishers Limited, [1950] O.R. 159 (C.A) :


[Traduction] Pour déterminer s'il existe une relation de mandant-mandataire, il faut examiner la nature véritable de l'entente intervenue ou les liens existant entre le mandant et le mandataire allégués; si l'on constate que l'entente prévoit que le mandataire allégué doit agir en son propre nom, et non en celui d'un mandant, alors même si, d'après l'entente, le mandataire allégué est un mandataire, la relation mandant-mandataire n'existera pas.

[21]            Dans B & M Reader's Service, la Cour a été saisie d'une demande reposant sur une entente verbale qui, de l'avis de l'une des parties, était une entente de représentation alors que l'autre partie prétendait qu'il s'agissait d'un contrat de vente. La Cour a dû définir l'entente intervenue entre les parties. Dans ce contexte, il n'y a rien d'étonnant à ce que l'on affirme qu'il convient d'examiner la substance même de l'entente pour en déterminer la nature véritable. En l'espèce, l'intimée cherche à s'appuyer sur ce même principe dans un contexte différent, c'est-à-dire dans un cas où le mandat a été confié par le législateur. Selon la thèse de l'intimée, qui a été reprise par le juge de la Cour canadienne de l'impôt, même lorsque la loi indique expressément qu'une personne morale a qualité de mandataire de l'État, il faut néanmoins examiner la nature des liens entre l'État et la personne morale pour déterminer s'il s'agit effectivement d'une relation mandant-mandataire. En toute déférence, cela laisse supposer que le législateur ignorait ce qu'il faisait lorsqu'il a utilisé l'expression « mandataire de l'État » .


[22]            Dans certains cas, il y a lieu de se demander si une personne morale est un mandataire de l'État. Lorsqu'une société est créée à des fins publiques par le législateur ( « une société publique » ), sans qu'il soit précisé qu'elle a qualité de mandataire de l'État, il est tout à fait légitime de se demander si on peut considérer qu'elle est mandataire de l'État pour ce qui est de l'application de l'immunité de l'État. La décision Tamlin c. Hannaford, [1949] 2 All E.R. 327 (C.A.), dans laquelle il fallait déterminer si la British Transport Commission était assujettie à la Rent Restrictions Act, illustre bien ce cas. Lord Denning a énoncé la question en litige à la p. 328 :

[Traduction] Il est évidemment bien établi que la Couronne n'est pas liée par une loi à moins qu'il ne soit possible d'en déduire que celle-ci devait également viser la Couronne, et les tribunaux ont statué que, en vertu de cette règle, la Couronne et ses préposés mandataires ne sont pas liés par la Rent Restrictions Act... Pour déterminer si un organisme subalterne peut bénéficier de ce privilège de la Couronne, il ne s'agit pas de se demander s'il est une « émanation de la Couronne » ... mais plutôt si on peut le considérer comme un préposé ou un mandataire de la Couronne : voir International Ry. Co. c. Niagara Parks Commission (renvoi omis). Dans le cas de la British Transport Commission, cela dépend de l'interprétation exacte de la Transport Act, 1947.

[23]            L'arrêt de principe en matière d'immunité de l'État et de sociétés publiques est R. c. Eldorado Nucléaire Limitée, [1983] 2 R.C.S. 551. Eldorado Nucléaire et Uranium Canada ont été accusées d'infractions criminelles à la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. Elles ont prétendu échapper aux poursuites en vertu de l'immunité de l'État. Leur demande de prohibition a été accueillie en première instance et a été confirmée par la Cour d'appel de l'Ontario. L'État s'est pourvue devant la Cour suprême du Canada. La Cour a résumé aux pages 565 et 566 les règles de droit applicables à l'immunité de l'État en ce qui a trait aux mandataires de l'État :

La loi crée des organismes comme Uranium Canada et Eldorado à des fins précises. Lorsqu'un mandataire de l'État agit conformément aux fins publiques qu'il est autorisé légalement à poursuivre, il a droit de se prévaloir de l'immunité de l'État à l'encontre de l'application des lois parce qu'il agit pour le compte de l'État. Cependant, lorsque le mandataire outrepasse les fins de l'État, il agit personnellement et non pour le compte de l'État, et il ne peut invoquer l'immunité dont bénéficie le mandataire de l'État. Cela découle du fait que l'art. 16 [maintenant 17] de la Loi d'interprétation s'applique à l'avantage de l'État et non à l'avantage du mandataire personnellement. Seul l'État, par l'intermédiaire de ses mandataires et pour ses propres fins, ne peut être poursuivi en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. (non souligné dans l'original)


[24]            La Cour a ensuite examiné la situation des deux sociétés qui étaient chacune mandataire de l'État _ à toutes ses fins _. Elle a conclu qu'Uranium Canada répondait au critère du contrôle de droit reconnu par la common law et serait donc considérée comme un mandataire de l'État en vertu de la common law parce qu'elle ne pouvait exercer ses pouvoirs qu'avec le consentement du gouverneur en conseil ou conformément aux directives du ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources naturelles. Par contre, même si Eldorado Nucléaire jouissait d'une liberté beaucoup plus grande en matière de contrôle quotidien, la Cour a conclu que la question du contrôle de droit n'était pas déterminante quant à la question de l'immunité :

Bien qu'Uranium Canada pourrait facilement satisfaire au critère de mandataire de l'État de la common law, puisque ses actes doivent être approuvés par le gouverneur en conseil, il m'apparaît évident que la common law ne reconnaîtrait pas à Eldorado le statut de mandataire de l'État puisqu'elle ne répond pas au critère du contrôle de droit. Cependant, je ne crois pas que cela prive Eldorado du droit à l'immunité de l'État lorsqu'elle agit conformément à ses fins.

La common law ne dit pas que les personnes assujetties au contrôle de droit ont droit à l'immunité de l'État, mais plutôt que l'immunité s'applique aux personnes qui agissent pour le compte de l'État. Dans l'arrêt Metropolitan Meat Industry Board v. Sheedy, [1927] A.C. 899, le Conseil privé a conclu que le conseil en question n'était pas un mandataire de l'État parce que [Traduction] « il n'y a rien dans la Loi qui fasse une distinction entre les mesures administratives prises par eux et les siennes [celles du Ministre] » (p. 905). L'affaire Sheedy ne portait pas sur l'immunité de l'État; il s'agissait plutôt de savoir si le privilège de l'État pouvait être invoqué dans le cas d'une liquidation. Néanmoins, il ressort de cet arrêt que le critère du contrôle de droit s'applique uniquement en l'absence de termes précis qui indiquent que l'organisme agit pour le compte de l'État ou en sa qualité de mandataire de l'État.

Eldorado Nucléaire, précité, p. 574 (non souligné dans l'original)


[25]            Par conséquent, il convient de trancher la question de l'immunité de l'État en examinant si, eu égard à l'opération en question, le mandataire de l'État agissait aux fins pour lesquelles il a été créé. La question qui se pose dans le présent appel est l'importance d'expressions telles que mandataire de l'État « à toutes ses fins » ou mandataire de l'État « aux fins de la présente loi » . Lors de sa conclusion dans l'arrêt Eldorado Nucléaire, précité, la Cour suprême est revenue à ces expressions et a semblé insister sur leur importance :

La principale différence entre Uranium Canada et Eldorado tient à ce qu'Uranium Canada est étroitement contrôlée par le gouvernement alors qu'Eldorado ne l'est pas, du moins en principe. Cependant, les dispositions législatives qui prévoient que les deux compagnies sont mandataires de l'État à toutes leurs fins sont identiques. Je ne crois pas que l'on puisse interpréter différemment ces dispositions identiques sans procéder à une nouvelle rédaction des lois. Le statut de mandataire de l'État « à toutes ses fins » permet à chacun de ces mandataires de bénéficier de l'immunité de l'État prévue à l'art. 16 de la Loi d'interprétation. Il se pourrait bien que les rédacteurs des lois qui régissent Uranium Canada et Eldorado aient eu à l'esprit l'immunité à l'égard des lois fiscales plutôt qu'à l'égard des lois en matière criminelle, mais en définitive, l'immunité s'applique dans les deux cas dans la mesure où ces personnes morales agissent conformément aux fins respectives qu'elles sont autorisées à poursuivre.

Eldorado Nucléaire, précité, p. 576 (non souligné dans l'original)


[26]            Le résultat est-il le même lorsque la loi indique simplement qu'une société est « mandataire de l'État » sans fournir une description plus complète de l'étendue du mandat? Les termes utilisés par la Cour suprême pour décrire dans quel cas un mandataire de l'État bénéficie d'une immunité sont révélateurs. Comme on peut le voir à la lecture des extraits qui ont été mis en relief dans les diverses citations de l'arrêt Eldorado Nucléaire, une société peut bénéficier de l'immunité lorsqu'elle « agit conformément aux fins publiques qu'elle est autorisée légalement à poursuivre » , « lorsqu'elle agit conformément à ses fins » ou lorsqu'elle « agit conformément aux fins respectives qu'elle est autorisée à poursuivre » . C'est en examinant les fins qu'une société est autorisée à poursuivre qu'on détermine si elle peut se prévaloir de l'immunité. Dans l'arrêt Eldorado Nucléaire, la Cour suprême n'a pas seulement examiné s'il s'agissait d'un « mandataire de l'État » ou si la société agissait « à toutes ses fins » , mais elle s'est également penchée sur les buts pour lesquels les sociétés avaient été créées. Cela signifie que, tant et aussi longtemps qu'un mandataire de l'État agit conformément aux fins qu'il est autorisé à poursuivre, il a droit à l'immunité sans avoir à invoquer l'existence d'une relation mandant-mandataire ou la portée du mandat.

[27]            L'exactitude de cette affirmation est démontrée par la décision rendue dans Société Radio-Canada, précité, où la Société était mandataire de l'État pour toutes les fins prévues par sa loi habilitante et ne pouvait exercer ses pouvoirs qu'à ce titre. Toutefois, la Cour a jugé qu'elle ne pouvait se prévaloir de l'immunité de l'État lorsqu'elle n'agissait pas conformément aux fins pour lesquelles elle avait été créée. S'il est vrai qu'une tournure de phrase particulière ne suffit pas à assurer l'immunité de l'État dans tous les cas, il semble en découler que le droit de se prévaloir de l'immunité de l'État ne dépend pas non plus d'une telle tournure. On ne pourrait pas sérieusement faire valoir qu'un mandataire de l'État simpliciter, agissant conformément aux fins pour lesquelles il a été créé, serait incapable de se prévaloir de l'immunité de l'État parce que les mots « à toutes ses fins » ne figurent pas dans sa loi habilitante.


[28]            Une importance considérable a été accordée aux mots utilisés dans la loi pour créer, décrire ou « définir » la portée du mandat d'une société d'État. Même si on doit considérer que le législateur ne parle pas pour rien, il existe des conventions de rédaction législative qui changent avec le temps et d'un ressort à un autre. On ne peut pas, par une simple juxtaposition des termes utilisés, déterminer si l'emploi d'une expression donnée, comme « mandataire de l'État » , par le législateur à un moment donné comporte un sens qui diffère considérablement de celui d'une autre expression, tel « mandataire de l'État à toutes ses fins » , employée par un autre législateur à un autre moment.

[29]            Tous ces principes n'ont pas été remis en question par l'arrêt de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique British Columbia Power Corporation c. Attorney General of British Columbia (1962), 34 D.L.R. (2nd) 25, où il s'agissait de déterminer si la B.C. Power Corporation bénéficiait de l'immunité de l'État relativement à certains litiges. Sa loi habilitante prévoyait qu'elle était mandataire de Sa Majesté la Reine du chef de la province. L'article suivant de la Loi exigeait que la compagnie achète les actions de la compagnie aux personnes auxquelles elles appartenaient immédiatement avant l'entrée en vigueur de la Loi. La juge en chef DesBrisay a conclu que le libellé de la Loi faisait tout simplement de la société un mandataire de l'État lorsqu'elle [Traduction] « ... exerce une attribution, exécute une directive ou agit au nom de Sa Majesté, ou lorsqu'elle prend des mesures ou détient des fonds publics ou des biens de Sa Majesté » . Dans la mesure où il s'agit d'une interprétation de la législation de la Colombie-Britannique, elle ne s'applique pas à la Power Corporation Act de la Nouvelle-Écosse.

[30]            Dans ses motifs, le juge Sheppard a rejeté la prétention de la société qui alléguait que le simple fait que l'on ait utilisé l'expression « mandataire de Sa Majesté la reine du chef de la province » faisait d'elle un mandataire de l'État « à toutes ses fins et avec le pouvoir d'agir comme mandataire seulement » . Il a ensuite formulé la question en litige de la manière suivante :


[Traduction] Ainsi, que la Electric Company soit devenue ou non, en vertu de la loi en cause, un mandataire au sens de la prérogative, l'immunité doit être « déterminée par une interprétation exacte de la loi » : Quebec Liquor Com'n c. Moore, [1924] 4 D.L.R. 90, p. 910, [1924] R.C.S. 540, p. 551, le juge Duff, c'est-à-dire par l'interprétation de la loi dans son ensemble et non d'une seule disposition (6(1)) [la clause conférant le mandat]. En interprétant la loi, il convient de tenir compte des critères appliqués pour déterminer s'il existe bel et bien un mandat de sorte que la prérogative de l'État s'applique et qu'il y a immunité permettant de se soustraire à la communication de la preuve.

[31]            Les expressions « agent within the prerogative » (mandataire visé par la prérogative) et « agency as to come within the prerogative of the Crown and immunity from discovery » (mandat relevant de la prérogative de la Couronne et immunité en matière d'interrogatoire préalable) indiquent que la Cour a tranché la question de l'immunité en décidant si la Power Corporation était un mandataire de l'État. Le juge Sheppard a conclu que [Traduction] « la loi en cause ne fait pas de la Electric Company [la Power Corporation] un mandataire de l'État de sorte que celle-ci peut se soustraire à la communication de la preuve... » . Le juge a terminé son analyse en indiquant que la Power Corporation était dans la même position que la British Transport Commission, tel qu'indiqué dans le passage suivant que le juge a tiré de la décision Tamlin c. Hannaford, précitée :

[Traduction] Il s'agit de pouvoirs considérables, mais nous ne pouvons néanmoins pas considérer que la société est son mandataire, pas plus qu'une société n'est le mandataire de ses actionnaires ni même d'un actionnaire unique. Aux yeux de la loi, la société est maître chez elle et est tenue de rendre compte comme n'importe quelle autre personne ou société. Elle n'est pas la Couronne et elle ne bénéficie pas des immunités ou privilèges de la Couronne. Ses préposés ne sont pas des fonctionnaires, et ses biens ne sont pas des biens de la Couronne. Elle est assujettie aux lois du Parlement comme tout autre sujet du roi. Elle est évidemment une autorité publique et il ne fait aucun doute que ses fins sont publiques, mais elle n'est ni une province ni un gouvernement.


Le critère dont le juge n'a pas tenu compte est que la British Transport Commission n'avait pas été désignée comme mandataire de la Couronne, de sorte qu'il fallait déterminer si elle était néanmoins suffisamment assimilée à la Couronne pour qu'elle puisse se prévaloir de l'immunité de la Couronne. Dans la mesure où ils indiquent que le droit de la Power Corporation d'invoquer l'immunité de la Couronne repose uniquement sur la question de savoir si elle bénéficiait du statut de mandataire de la Couronne en vertu de la common law, je considère que les motifs du juge Sheppard ont été infirmés par l'arrêt Eldorado Nucléaire.

[32]            Le juge Wilson, qui était dissident, a considéré qu'il s'agissait de déterminer si la société avait agi à titre de mandataire de l'État en achetant les actions ordinaires en circulation de la compagnie et a conclu qu'elle l'avait fait. À mon humble avis, l'arrêt Eldorado Nucléaire de la Cour suprême lui a donné raison.

[33]            La décision de notre Cour Insurance Corp. of British Columbia c. Canada, 2002 CAF 104, [2002] A.C.F. no 380, concorde avec la position que je viens d'exposer. Dans cette affaire, il s'agissait de déterminer si la Insurance Corporation of British Columbia était assujettie à la Loi sur l'assurance-emploi de sorte qu'elle devait retenir certaines sommes sur les montants qu'elle versait à une aide aux soins personnels au nom d'un de ses assurés. S'exprimant au nom de la Cour, le juge Strayer a dit :

                                                                                   


En toute déférence, je crois que la jurisprudence qu'il a invoquée ne confirme pas une obligation générale selon laquelle une entité gouvernementale est étiquetée comme une mandataire « à toutes fins pratiques » pour avoir le droit d'invoquer l'article 17 de la Loi d'interprétation. (Voir R. c. Eldorado Nucléaire Ltée, [1983] 2 R.C.S. 551 ainsi que la jurisprudence qui y est citée.) Dans la jurisprudence citée, lorsque l'importance d'un tel langage était suggérée, il était question de savoir si l'activité de la société d'État en question faisait partie de son mandat de mandataire [...] En l'espèce, personne n'a suggéré que la défenderesse, en transférant l'argent à Mme Harvey dans ces circonstances dans le but d'indemniser véritablement son assuré (ce à quoi la loi l'obligeait), outrepassait, de quelque façon, son mandat. En fait, elle faisait une des choses mêmes pour lesquelles elle avait été constituée. (Voir l'art. 7 de la Insurance Corporation Act.) (non souligné dans l'original)

[34]            Dans ce contexte, j'examine maintenant le mandat conféré à la NSPC par la Power Corporation Act. Suivant le paragraphe 4(1), la Nova Scotia Power Commission est maintenue en tant que personne morale et que mandataire de l'État sous le nom de Nova Scotia Power Corporation. La Loi définit ensuite le mandat de la société :

[Traduction] 6. La société est chargée de développer pour la Nouvelle-Écosse l'utilisation maximale de l'énergie de façon économique et efficace et, à cette fin, elle peut, en Nouvelle-Écosse et ailleurs, s'occuper de la production, du transport, de la distribution, de l'approvisionnement et de l'utilisation de l'électricité, de l'eau, de la vapeur, de l'essence, du pétrole et d'autres produits utilisés ou utiles dans la production d'énergie.

[35]            L'exposé conjoint des faits sur lequel repose le présent renvoi contient notamment ce qui suit :

1.          Avant 1967, un système de production et de distribution d'électricité s'est développé en Nouvelle-Écosse, en vertu duquel les régions urbaines étaient desservies par des sociétés privées, soit la Eastern Light & Power Company Limited et la Nova Scotia Light and Power Company Limited, tandis que les régions rurales étaient desservies par la Nova Scotia Power Commission (Commission de l'électricité) (la «    Commission » ) [...]


2.          En 1967, la Commission a acquis les actions de la Eastern Light & Power Company Limited. En 1972, elle a acquis 99,65 p. 100 des actions ordinaires et environ 98 p. 100 des actions privilégiées de la Nova Scotia Light & Power Company Limited. Le solde des actions a été acquis par la suite.

3.          En 1973, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a adopté des modifications à la Power Commission Act ayant pour effet de modifier le titre de cette loi à celui de Power Corporation Act (Loi sur la Société de l'électricité), d'assurer la continuité de la Commission par la Nova Scotia Power Corporation (Société de l'électricité de la Nouvelle-Écosse) (la « société » ), et de faire plusieurs autres modifications à la loi [...]

4.          Après l'adoption de la Power Corporation Act, presque toute l'électricité en Nouvelle-Écosse était produite et distribuée par la société, dont la totalité du capital-actions appartenait à la province.

5.          Entre 1973 et 1992, la société a contracté des emprunts importants, dont quelques-uns ont servi à l'acquisition de biens amortissables utilisés dans la production et la distribution de l'électricité [...]


[36]            À mon avis, la disposition qui précise le mandat de la NSPC indique les fins pour lesquelles elle a été désignée comme mandataire de l'État. La position subsidiaire est celle qui a été avancée par l'avocat de la Power Inc. : la désignation est « latente » , c'est-à-dire qu'elle existe afin de permettre à la NSPC de se conformer aux directives que le gouvernement pourrait lui donner. Je considère peu logique de laisser de côté les directives contenues dans la clause définissant le mandat pour donner suite à des instructions qui pourraient ne jamais être données. Lorsqu'une loi crée (ou continue) une personne morale, la désigne comme mandataire de l'État, définit son mandat et lui confère les pouvoirs nécessaires pour lui permettre de le remplir, il n'est pas déraisonnable de conclure que la personne morale agit à titre de mandataire de l'État lorsqu'elle exécute son mandat. En l'espèce, rien ne permet de croire que les pouvoirs conférés à la NSPC ne sont pas suffisants pour lui permettre d'atteindre les objectifs de la loi. Ils ne cadrent peut-être pas avec une interprétation particulière du concept de mandat de l'État, mais personne n'a fait valoir qu'ils sont insuffisants.

[37]            Il est révélateur que l'avocat de l'intimée n'ait pu indiquer aucun cas où la NSPC aurait le droit de se prévaloir de l'immunité de l'État à titre de mandataire de l'État dans l'exécution des fonctions qui lui incombent en vertu de la loi, sauf lorsqu'elle a reçu pour directive de l'État de faire une chose donnée. Cet argument ne donne aucun poids à la désignation de la NSPC comme mandataire de l'État.

[38]            Il ressort de l'exposé conjoint des faits que la NSPC a effectivement produit et distribué de l'électricité en Nouvelle-Écosse. Il est également clair qu'elle a contracté des emprunts afin d'acquérir des biens amortissables utilisés dans la production d'électricité. Étant donné qu'il s'agit des seuls faits qui, dans l'exposé conjoint des faits, concernent directement la question des objectifs autorisés de la NSPC, je conclus qu'en exploitant son système de production d'électricité et en contractant des emprunts dans le but de développer et d'entretenir ce système, la NSPC agissait dans le cadre des objectifs qu'elle est autorisée à poursuivre de sorte qu'elle peut se prévaloir de l'immunité de l'État. Par conséquent, je suis d'avis d'accueillir l'appel et de donner une réponse affirmative à la première question.


[39]            Toutefois, avant de terminer, j'aimerais rappeler un commentaire du juge en chef adjoint Bowman qui a dit que, pour lui, les questions qui lui avaient été soumises ne définissaient pas de façon satisfaisante le véritable litige entre les parties. L'immunité fiscale n'est pas la même chose que l'immunité contre les poursuites en vertu d'une loi. L'immunité à l'égard de la taxation des terres ou des propriétés des gouvernements fédéral et provinciaux est prévue à l'article 125 de la Loi constitutionnelle de 1867 :


125. Nulle terre ou propriété appartenant au Canada ou à aucune province en particulier ne sera sujette à la taxation.

125. No Lands or Property belonging to Canada or any Province shall be liable to Taxation.


[40]            On obtiendrait un curieux résultat si l'assujettissement à l'impôt d'une société d'État provinciale devait être tranché en fonction de l'application de la Loi d'interprétation lorsque le principe fondamental en cause est d'ordre constitutionnel. La véritable question en litige est peut-être de savoir si on peut dire que la NPSC est la propriété de la province de la Nouvelle-Écosse. On pourrait peut-être favoriser une analyse comme celle qui a été faite dans l'arrêt Buanderie centrale de Montréal Inc. c. Montréal (Ville), [1994] 3 R.C.S. 29, où il était question de la taxation à l'intérieur d'une province, mais où la décision repose sur des principes formulés dans des affaires portant sur la taxation interjuridictionnelle. Par conséquent, on ne doit pas considérer que les présents motifs appuient la thèse des parties qui soutiennent que la question de l'immunité fiscale de l'État doit être tranchée à l'aide des principes qui sont applicables à l'immunité à l'égard des poursuites. Tout comme le juge de première instance, nous devons nous limiter aux questions soumises par les parties.


[41]            Je suis donc d'avis d'accueillir l'appel et de donner une réponse affirmative aux deux questions. L'appelante a droit à ses dépens devant toutes les instances.

             « J.D. Denis Pelletier »             

                  Juge                          

« Je souscris

Juge B.L. Strayer » .

« Je souscris

John M. Evans » .

Traduction certifiée conforme :

Suzanne Bolduc, LL.B.


                                                                      COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                                 SECTION D'APPEL

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                        A-108-02

INTITULÉ :                                                     SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                         appelante

- et -

NOVA SCOTIA POWER INC.

                                                                                                                                                            intimée

                                                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                               TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                           25 NOVEMBRE 2002

MOTIFS DU JUGEMENT :                         LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :                                       LE JUGE STRAYER

LE JUGE EVANS

DATE DES MOTIFS :                                    23 JANVIER 2003

COMPARUTIONS :

Ernest Wheeler

G. St. Hilaire                                                        POUR L'APPELANTE

Warren Mitchell, c.r.

Douglas Mathew                                                  POUR L'INTIMÉE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ministère de la Justice                                        POUR L'APPELANTE

Contentieux des affaires fiscales

Ottawa (Ontario)

                            

Thorsteinssons                                                     POUR L'INTIMÉE

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)


Date : 20030123

Dossier : A-108-02

OTTAWA (ONTARIO), LE 23 JANVIER 2003

CORAM :                                       LE JUGE STRAYER

LE JUGE EVANS

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                       appelante

                                                                                   et

                                                        NOVA SCOTIA POWER INC.

                                                                                                                                                           intimée

                                                                        JUGEMENT

L'appel est accueilli et les réponses aux questions soumises sont les suivantes :

(1) La Nova Scotia Power Corporation a-t-elle exercé ses principales activités productrices de revenus en tant que mandataire de Sa Majesté la Reine, de sorte que l'article 2 de la Loi de l'impôt sur le revenu (y compris les dispositions accessoires telles que l'article 21 de la Loi) ne s'y appliquait pas? Oui.


(2) Dans la négative, la Nova Scotia Power Corporation était-elle mandataire de Sa Majesté la Reine à l'égard de la propriété des éléments d'actif utilisés au sein de son entreprise, de sorte que l'article 21 de la Loi de l'impôt sur le revenu ne s'appliquait pas aux biens amortissables acquis par la société? Il n'est pas nécessaire de répondre à cette question.

L'appelante a droit à ses dépens devant cette cour et devant la Cour canadienne de l'impôt.

                                                                                                                                              « B.L. Strayer »                  

Juge

Traduction certifiée conforme :

Suzanne Bolduc, LL.B.


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