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Date : 20010704

Dossier : A-62-00

Référence neutre : 2001 CAF 224

CORAM :         LE JUGE EN CHEF RICHARD

LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

ENTRE :

                                             IRON ORE COMPANY OF CANADA

                                                                                                                                              appelante

ET :

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                  intimée

                                  Audience tenue à Montréal (Québec), le lundi 18 juin 2001

                                Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le mercredi 4 juillet 2001

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                                                        LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                    LE JUGE EN CHEF RICHARD

                                                                                                                          LE JUGE DÉCARY


Date : 20010704

Dossier : A-62-00

Référence neutre : 2001 CAF 224

CORAM :         LE JUGE EN CHEF RICHARD

LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

ENTRE :

                                             IRON ORE COMPANY OF CANADA

                                                                                                                                              appelante

ET :

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                  intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]                Le présent appel soulève la question de savoir si madame le juge Lamarre-Proulx de la Cour canadienne de l'impôt a commis une erreur dans sa façon d'interpréter le sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) lorsqu'elle a conclu que le remboursement reçu par l'appelante pour la taxe de vente payée par erreur constituait un remboursement au sens de ce sous-alinéa. La disposition est libellée ainsi :



12(1) Sont à inclure dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien, au cours d'une année d'imposition, celles des sommes suivantes qui sont applicables :

(x)    un montant (à l'exclusion d'un montant prescrit) reçu par le contribuable au cours de l'année pendant qu'il tirait un revenu d'une entreprise ou d'un bien :

[...]

(ii)    soit d'un gouvernement, d'une municipalité ou d'une autre administration,

s'il est raisonnable de considérer le montant comme reçu :

(iii) soit à titre de paiement incitatif, sous forme de prime, de subvention, de prêt à remboursement conditionnel, de déduction de l'impôt ou d'indemnité, ou sous toute autre forme,

(iv) soit à titre de remboursement, de contribution ou d'indemnité ou à titre d'aide, sous forme de prime, de subvention, de prêt à remboursement conditionnel, de déduction de l'impôt ou d'indemnité, ou sous toute autre forme, à l'égard, selon le cas :

(A)           d'une somme incluse dans le coût d'un bien ou déduite au titre de ce coût,

(B)            d'une dépense engagée ou effectuée,

[...]

                                               

12(1) There shall be included in computing the income of a taxpayer for a taxation year as income from a business or property such of the following amounts as are applicable:

...

(x)    any particular amount (other than a prescribed amount) received by the taxpayer in the year, in the course of earning income from a business or property, from

[...]

(ii)        a government, municipality or other public authority

where the particular amount can reasonably be considered to have been received

(iii)       as an inducement, whether as a grant, subsidy, forgivable loan, deduction from tax, allowance or any other form of inducement, or

(iv)       as a refund, reimbursement, contribution or allowance or as assistance, whether as a grant, subsidy, forgivable loan, deduction from tax, allowance or any other form of assistance, in respect of

(A)       an amount included in, or deducted as, the cost of property, or

(B)        an outlay or expense,

[...]

                                               


                                                                                                                                         (Je souligne)


[2]                Si la Cour arrive à la conclusion que le remboursement de l'appelante tombe sous le régime du sous-alinéa 10(1)x)(iv), il s'ensuit que la somme de 950 000 $ ainsi reçue par l'appelante en 1994 du gouvernement doit être incluse dans son revenu pour cette année d'imposition. C'est ce qu'exige le sous-paragraphe x) lorsqu'il se reporte à « un montant reçu par le contribuable au cours de l'année » .

[3]                Par ailleurs, si la Cour conclut que ledit remboursement n'est pas visé par les termes du sous-alinéa 10(1)x)(iv), il reste donc à déterminer si le remboursement doit alors être inclus dans le revenu de l'appelante pour l'année d'imposition 1994 conformément à l'article 9 de la Loi.

[4]                Un bref résumé des faits aidera à mieux comprendre les questions juridiques soulevées par le présent appel.

Les faits et la procédure

[5]                La Cour canadienne de l'impôt a été saisie de l'affaire sur exposé conjoint des faits. Il est juste de dire qu'il y a eu un conflit long et amer entre l'appelante et Revenu Québec, lequel a pris fin le 19 octobre 1993 par un règlement à l'amiable, ratifié le 25 octobre 1993 par la Cour d'appel du Québec. C'est à ce moment-là que certains des faits convenus sont devenus pertinents relativement au présent appel. Je me contente de reproduire les paragraphes 14 à 19 de l'exposé conjoint des faits, qui sont libellés ainsi :

[traduction]

14.           Conformément aux modalités du règlement, l'appelante a reçu durant l'année civile 1994 cinq (5) paiements mensuels totalisant 4 416 666,66 $ de Revenu Québec.

15.            Ce montant se composait des éléments suivants :

a)          le remboursement de la taxe de vente provinciale que l'appelante a payée par erreur durant la période allant du 1er avril 1978 au 31 mai 1985 au montant de 950 000 $;

b)         les intérêts courus au montant de 3 466 666,66 $.

16.            Pour son année d'imposition prenant fin le 31 décembre 1994, l'appelante a inclus l'intérêt couru au montant de 3 466 666,66 $ dans le calcul de son revenu.

17.            En date du 20 août 1996, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1994 de l'appelante, notamment en ajoutant au revenu de l'appelante le remboursement de la taxe de vente provinciale au montant de 950 000 $, et a ainsi cotisé l'appelante pour l'arriéré d'intérêt et « l'intérêt sur remboursement » payés antérieurement, comme le tout apparaît plus en détails sur une copie de la nouvelle cotisation en date du 20 août 1996 annexée au présent document sous l'onglet 7.

18.            Par avis de nouvelle cotisation en date du 23 mai 1997, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1994 de l'appelante afin de procéder à certains ajustements qui ne se rapportaient pas à la question en litige et, ce faisant, il a maintenu l'imposition du montant de 950 000 $, comme le tout apparaît plus en détails sur une copie de la nouvelle cotisation annexée au présent document sous l'onglet 8.

19.            Le ministre se fonde sur le sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), (5e suppl.) ch.1, dans sa version modifiée, pour inclure le remboursement de la taxe de vente provinciale dans le calcul du revenu de l'appelante pour l'année d'imposition 1994, tandis que l'appelante soutient qu'un tel montant ne devrait pas être visé par ledit alinéa et était imposable durant les années où les déductions respectives ont été réclamées, en conformité avec la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire La Reine c. Johnson & Johnson Inc., 94 DCT 6125.


[6]                Au fond, l'appelante allègue que ce ne sont pas tous les remboursements qui sont visés par le sous-alinéa 12(1)x)(iv) et, par conséquent, doivent être inclus dans le revenu d'un contribuable. L'appelante affirme que ce doit être un remboursement de la nature ou sous la forme d'une aide au contribuable. L'appelante arrive à cette compréhension du but et de la portée du sous-alinéa en faisant appel à la règle noscitur a sociis connue en anglais comme étant la « règle des mots associés » (le sens d'un mot est déterminé par ceux auxquels il est associé). Selon cette règle, le mot « remboursement » , tout comme les mots « contribution » et « indemnité » utilisés au sous-alinéa 12(1)x)(iv), est qualifié ou restreint par une exigence d'aide gouvernementale accordée au contribuable parce que l'appelante conçoit les notions « d'aide » et « sous toute autre forme » figurant dans la disposition comme un élément commun qui s'applique à tous les termes figurant dans le sous-alinéa. En toute déférence, je pense que l'appelante interprète mal le sous-alinéa 12(1)x)(iv) et que la règle noscitur a sociis ne s'applique pas pour les raisons suivantes.

[7]                Que l'on se reporte au texte français ou au texte anglais, il appert d'une lecture attentive du sous-alinéa contesté que le législateur fédéral a identifié trois types de montants en vertu des sous-alinéas 12(1)x)(iii) et (iv) :

a)         ceux qui sont reçus à titre de paiement incitatif;

b)         ceux qui sont reçus à titre de remboursement, de contribution ou d'indemnité;

c)         ceux qui sont reçus à titre d'aide, sous forme de prime, de subvention, de prêt à remboursement conditionnel, de déduction de l'impôt ou d'indemnité, ou sous toute autre forme.

Une analyse tant textuelle que contextuelle mène à une telle conclusion.


[8]                Premièrement, l'utilisation dans le texte anglais du mot « as » après le mot « or » dans l'expression « or as assistance » dans les deuxième et troisième lignes du sous-alinéa (iv) met fin à l'énumération précédente de mots et, donc, à l'association de mots. Cela amène une autre catégorie de montants de nature différente de ceux qui précèdent. En français, il n'y a pas d'ambiguïté non plus. Le sous-alinéa mentionne des montants reçus « à titre de remboursement » ou « à titre d'aide » . Ensuite, en ce qui concerne cette deuxième catégorie, le texte indique la forme que cette « aide » peut prendre. Les mots français « sous forme de prime, de subvention, de prêt à remboursement conditionnel, de déduction de l'impôt ou d'indemnité ou sous toute autre forme » qualifient seulement un paiement fait « à titre d'aide » .

[9]                Deuxièmement, les mots « allowance » et « indemnité » apparaissent deux fois dans le sous-alinéa, la première fois à titre de montant apparenté à un remboursement ou à une contribution et la deuxième fois à titre d'aide. L'application de la règle noscitur a sociis rendrait vide de sens et redondante la première utilisation des mots « allowance » et « indemnité » dans le sous-alinéa puisque, en vertu de la règle, une indemnité ou une « allowance » devrait revêtir la forme d'une aide et, cependant, l'aide sous la forme d'une indemnité ou d'une « allowance » serait déjà couverte par la deuxième utilisation du mot.

[10]            Troisièmement, dans le texte anglais, les mots « any other form of assistance » figurant dans le sous-alinéa se rapportent clairement à un montant reçu « as assistance » et élargissent la forme d'aide énumérée dans le sous-alinéa. En français, les mots « sous toute autre forme » sont équivalents au texte anglais. Ils se rapportent à un montant reçu « à titre d'aide, sous forme de prime, de subvention, etc. » . Le texte français est cohérent avec le texte anglais et écarte l'application de la règle noscitur a sociis.


[11]            Quatrièmement, cette notion d'aide reçue d'un gouvernement, sous forme de prime, de subvention, de prêt à remboursement conditionnel, de déduction de l'impôt ou d'indemnité ou sous toute autre forme, est une notion utilisée dans d'autres dispositions de la Loi, indépendamment du concept de remboursement. C'est manifestement une catégorie de montants existant en soi : voir par exemple les paragraphes 13(7.1), 13(7.2), l'alinéa 37(1)d), les sous-alinéas 53(2)k)(i), 66.1(6)b)(ix), 66.2(5)b)(xi), 66.4(5)b)(viii) ainsi que la définition d' « aide gouvernementale » au paragraphe 127(9) de la Loi.

[12]            En résumé, le remboursement de l'appelante entre, à mon avis, dans la deuxième catégorie de montants qui doivent être inclus dans le revenu d'un contribuable au cours de l'année d'imposition durant laquelle ils ont été reçus. Par conséquent, le juge de la Cour de l'impôt n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a conclu que le sous-alinéa 12(1)x)(iv) s'appliquait dans les circonstances de la présente affaire.


[13]            Vu cette conclusion, il n'y a pas lieu de juger si le versement du remboursement serait visé par l'article 9 de la Loi et devrait être inclus dans le revenu de l'appelante conformément au principe de réalisation défini dans les arrêts Canderel Ltd. c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 147, et IKEA Ltd. c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 196. Il n'y a pas lieu non plus d'examiner l'argument de l'appelante fondé sur la décision rendue par la Cour dans l'affaire La Reine c. Johnson & Johnson Inc., 94 DTC 6125. Comme l'a souligné le juge de la Cour de l'impôt, cette décision a été rendue en rapport avec des remboursements faits en 1982 et en 1983, avant l'adoption du sous-alinéa 12(1)x)(iv) qui indique, ainsi que je l'ai déjà mentionné, que le montant ainsi reçu doit être inclus dans l'année d'imposition durant laquelle il est reçu.

[14]            Pour ces motifs, je rejetterais l'appel avec dépens.

« Gilles Létourneau »

J.C.A.

« Je suis d'accord

J. Richard

Juge en chef »

« Je suis d'accord

Robert Décary, J.C.A. »

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                           A-62-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         IRON ORE COMPANY OF CANADA

appelante

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 18 juin 2001

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                le juge Létourneau

Y ONT SOUSCRIT :                         le juge en chef Richard

le juge Décary

DATE DES MOTIFS :                                   le 4 juillet 2001

ONT COMPARU:

Me Claude Nadeau                                POUR L'APPELANTE

Me Pierre Cossette                                POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Laflamme Nadeau                                             POUR L'APPELANTE

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                              POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada

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