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OTTAWA, LE MARDI 6 JUIN 2000

Dossier : A-26-98

(T-2875-96)

CORAM :       LE JUGE LINDEN, J.C.A.

LE JUGE SEXTON, J.C.A.

LE JUGE MALONE, J.C.A.

COUR D'APPEL FÉDÉRALE

ENTRE :

NANOOSE CONVERSION CAMPAIGN

APPELANTE

- et -

LE MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT

INTIMÉ

JUGEMENT

L'appel est rejeté avec dépens.

« A.M. Linden »                      

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Martin Desmeules


Date : 20000606

Dossier : A-26-98

(T-2875-96)

CORAM :       LE JUGE LINDEN, J.C.A.

LE JUGE SEXTON, J.C.A.

LE JUGE MALONE, J.C.A.

COUR D'APPEL FÉDÉRALE

ENTRE :

NANOOSE CONVERSION CAMPAIGN

APPELANTE

- et -

LE MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT

INTIMÉ

Audience tenue à Vancouver, le vendredi 26 mai 2000.

Jugement rendu à Ottawa, le mardi 6 juin 2000.


MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LINDEN, J.C.A.

LE JUGE SEXTON, J.C.A.

LE JUGE MALONE, J.C.A.


Date : 20000606

Dossier : A-26-98

(T-2875-96)

CORAM :       LE JUGE LINDEN, J.C.A.

LE JUGE SEXTON, J.C.A.

LE JUGE MALONE, J.C.A.

COUR D'APPEL FÉDÉRALE

ENTRE :

NANOOSE CONVERSION CAMPAIGN

APPELANTE

- et -

LE MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT

INTIMÉ

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LINDEN, J.C.A.


[1]         La seule question à trancher dans le présent appel est de savoir si le ministre de l'Environnement a commis une erreur en décidant d'interrompre une enquête en vertu de l'article 109 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE), qui concernait certains déchets provenant de navires de guerre qui procédaient à l'essai de torpilles dans le détroit de Georgia, au large de la côte est de l'île de Vancouver (Colombie-Britannique).

I. Les faits

[2]         Le juge des requêtes a conclu que le ministre n'avait pas commis d'erreur susceptible de contrôle en exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le paragraphe 109(3) de la LCPE et qui lui permet d'interrompre une enquête s'il estime que l'infraction reprochée ne justifie pas la poursuite de l'enquête. Je suis d'avis que le juge des requêtes avait raison de tirer cette conclusion et que l'appel doit être rejeté.

[3]         Le ministère de la défense nationale et la U.S. Navy procèdent à certains essais militaires dans un rayon de quelques 75 miles à Nanoose Bay, située à 22 kilomètres au nord de Nanaimo (C.-B.). Lors de ses essais, des torpilles sans têtes explosives sont lancées à partir des navires et sont guidées par des fils de cuivre, à l'aide d'ondes sonores sous-marines émises par des bouées acoustiques. Ces torpilles sont ensuite retirées de l'eau mais pendant les essais, certains débris des torpilles coulent au fond de l'océan et restent là, à une profondeur se situant entre 450 et 550 mètres. Ces débris sont des fils de cuivre recouverts d'une gaine de plastique, des masses de plomb, des pièces des bouées et des piles au lithium.


[4]         L'appelante, Nanoose Conversion Campaign (NCC), un organisme à but non lucratif, cherche à faire cesser ces essais qu'elle considère dommageables pour l'environnement et en contravention avec l'article 67 de la LCPE, qui interdit de procéder à l' « immersion » d'une substance à partir d'un navire à moins qu'un permis ne soit délivré par le ministre, processus qui exige une audience publique.

II. ANALYSE

[5]         Par suite d'une demande formulée en vertu de l'article 108 par deux personnes de la NCC, le ministre a tenu une enquête et a conclu, dans le rapport qu'il leur a remis en vertu de l'article 109, qu'il n'y avait pas contravention à l'article 67 de la LCPE. Son rapport est fondé sur la définition d'immersion prévue à l'article 66 de la partie II de la LCPE qui prévoit :


66. (l)

[...]

"dumping" means

(a) the deliberate disposal at sea from ships, aircraft platforms or other anthropogenic structures, including disposal by incineration or other thermal degradation, or any substance of

(b) the disposal of any substance by placing it             on the ice in any area of the sea referred to in              paragraph (2)(a) to (e),

but does not include

(c) any disposal that is incidental to or derived from the normal operations of a ship, aircraft, platform or other anthropogenic structure or of any equipment on a ship, aircraft, platform or other anthropogenic structure, other than the disposal of substances from a ship, aircraft, platform or other anthropogenic structure operated for the purpose of disposing of such substances at sea, and

(d) any discharge that is incidental to or         derived from the exploration for, exploitation                 of and associated off-shore processing of sea               bed mineral resources;


« immersion »

a) Rejet délibéré de substances en mer, à partir de navires, aéronefs, plates-formes ou autres ouvrages, notamment par incinération ou emploi d'autres moyens de dégradation thermique;

b) est assimilé à l'immersion le rejet de substances sur les glaces de la mer dans les zones de mer visées aux alinéas (2)a) à e);

c) sont exclus de la présente définition:

(i) les rejets consécutifs à l'utilisation normale d'un navire, d'un aéronef, d'une plate-forme ou autre ouvrage --ou de leur équipement --, sauf les rejets de substances effectués à partir d'un tel matériel lorsque celui-ci est affecté à cette fin,

(ii) les déversements consécutifs à la recherche, à l'exploitation ou au traitement en mer des ressources minérales sous-marines.



Il est évident que l'objet limité de cette loi et du traité sur lequel elle est fondée est de réduire la quantité de déchets jetés délibérément dans l'océan, mais pas de s'ingérer dans les opérations maritimes normales.

[6]         Se fondant sur la définition de navire (ship) prévue à l'article 66[1], le juge des requêtes a conclu que « un navire de guerre constitue effectivement un engin flottant qui sert à la navigation maritime » . Il s'est fondé sur la définition qui figure dans la version française de « navire » pour tirer cette conclusion. Je ne vois aucune erreur dans sa décision.

[7]         La question plus difficile à trancher était celle de savoir si l'activité à laquelle s'adonnaient les navires constituait de l'immersion au sens de la LCPE. Le juge des requêtes a conclu que « [le ministre] pouvait conclure que la perte de fils de cuivre, de masses de plomb rattachées aux torpilles, de bouées acoustiques et de piles au lithium ne constituait pas une immersion de déchets, mais qu'il s'agissait plutôt d'une perte consécutive à l'utilisation normale d'un navire de guerre ou de l'équipement de ce dernier » . Je ne puis être en désaccord.


[8]         L'appelante a soutenu que l'exception concernant « l'utilisation normale d'un navire » était limitée au rejet des objets dans le cadre des opérations d'un tel navire, tels les déchets de cuisine, l'eau qui s'accumule au fond de la cale, le lest, les déchets provenant du nettoyage du navire et les fuites de la machinerie. Cela est faux. Si c'était le cas, par exemple, les termes employés pour interdire « les rejets de substances effectués à partir d'un [navire] lorsque celui-ci est affecté à cette fin » en vue de tenter d'enrayer les activités des chalands d'ordures ne seraient pas nécessaires dans la loi. De plus, l'interprétation de l'appelante ne tient pas compte des termes « ou de leur équipement » , qui englobent clairement le rejet de déchets en raison de diverses activités commerciales ou autres qui ont lieu sur les navires et que l'on a voulu exclure. Aussi, l'interprétation de l'appelante ne tient pas compte du fait que le mot « operations » est utilisé au pluriel. Si le législateur n'avait voulu exclure que les déchets résultant du fonctionnement du navire, il aurait utilisé ce mot au singulier. Le pluriel indique que le rejet peut être constitué d'autres choses que des déchets résultant du fonctionnement du navire, comme les autres activités qui ont lieu sur le navire.

[9]         À mon avis, cette interprétation n'est pas incompatible avec les termes ou les objectifs de la Convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets (R.T.N.U. 1046/119, signée le 29 décembre 1972, ratifiée le 13 novembre 1975). Elle va aussi dans le même sens que l'interprétation des lois américaines adoptées conformément à cette Convention, qui ressort d'au moins une décision américaine. (Voir Romero-Barcelo v. Brown, 478 F. Supp. 646, à la page 667, le juge Torruela, D.C.J. (D.C.P.R. 1980), confirmée en partie, annulée et renvoyée en partie à l'instance originaire par 643. F 2d 835 C.A. (1981); annulée et renvoyée en partie à l'instance originaire par 102 S. Ct. 1798 (1982)).


[10]       Selon moi, l'argument selon lequel le fait que la LCPE s'applique à sa Majesté a pour effet de modifier cette interprétation n'est pas fondé. La LCPE s'applique à sa Majesté et à ses navires, mais cela ne modifie pas le sens de la loi. Tous les navires sont soumis à la LCPE, y compris ceux appartenant à la Couronne, mais seulement si leurs activités contreviennent aux dispositions de la loi, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. D'une manière semblable, la thèse selon laquelle l'immunité du Souverain modifierait l'interprétation de la Loi n'aide pas l'appelante.

[11]       L'appel devrait être rejeté avec dépens.

                « A.M. Linden »                

J.C.A.                       

« Je souscris aux présents motifs » , le juge Edgar Sexton, J.C.A.

« Je souscris aux présents motifs » , Brian Malone, J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Martin Desmeules


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D'APPEL

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

APPEL DU JUGEMENT RENDU LE 17 DÉCEMBRE 1997 PAR LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA DANS LE DOSSIER NO T-2875-96

No DU GREFFE :                                                                   A-26-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                                 Nanoose Conversion Campaign c.

Le ministre de l'Environnement

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    Le 26 mai 2000

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                 Le juge Linden, J.C.A.

Y ONT SOUSCRIT :                                                 Le juge Sexton, J.C.A.

Le juge Malone, J.C.A

EN DATE DU :                                                                       6 juin 2000

ONT COMPARU

M. Randy Chirstensen                                                   pour l'appelante

M. Paul Partridge                                                                      pour l'intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Randy Chirstensen                                                   pour l'appelante

Sierra Legal Defense Fund

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                                                      pour l'intimé

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)



     [1]"ship" includes any description of vessel, boat     « navire » Tout engin flottant qui sert ou peut servir,

or craft used or capable of being used solely                                exlusivement ou partiellement, à la

or partly for marine navigation without regard                                navigation maritime, qu'il soit pourvu

to its method or lack of propulsion;                                  ou non d'un moyen propre de propulsion.    

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