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Date : 20031218

Dossier : A-82-03

Référence : 2003 CAF 484

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NOËL

LE JUGE MALONE

ENTRE :

LE CHEF PERCY WILLIAMS EN SON PROPRE NOM ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DES TRIBUS KWICKSUTAINEUK/AH-KWA-MISH

                                                                                                                                                          appelant

                                                                                   et

         LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS ET HERITAGE SALMON LIMITED

                                                                                                                                                            intimés

                                  Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 18 décembre 2003

                        Jugement rendu à l'audience à Edmonton (Alberta), le 18 décembre 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                       LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                       LE JUGE ROTHSTEIN

                                                                                                                                  LE JUGE MALONE


Date : 20031218

Dossier : A-82-03

Référence : 2003 CAF 484

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NOËL

LE JUGE MALONE

ENTRE :

LE CHEF PERCY WILLIAMS EN SON PROPRE NOM ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DES TRIBUS KWICKSUTAINEUK/AH-KWA-MISH

                                                                                                                                                          appelant

                                                                                   et

         LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS ET HERITAGE SALMON LIMITED

                                                                                                                                                            intimés

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

                          (Prononcés à l'audience à Edmonton (Alberta), le 18 décembre 2003)

LE JUGE NOËL

[1]                 Il s'agit d'un appel de la décision du juge Rouleau ([2003] A.C.F. no 98), dans laquelle celui-ci a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par l'appelant, le chef Percy Williams, pour le motif que ce dernier ainsi que les autres membres des tribus qu'il représente n'avaient pas qualité pour agir.                                  


[2]                 La demande de contrôle judiciaire visait la décision de l'intimé, le ministre des Pêches et des Océans (le ministre), de délivrer un permis de contrôle des mammifères marins prédateurs (le permis) à la société Heritage Salmon Limited (Heritage) en application de la Loi sur les pêches, L.R.C. 1985, ch. F-14 (la Loi). Le permis autorisait Heritage à tuer, à l'aide d'armes à feu, des phoques dans le but de protéger son centre d'aquiculture de Burdwood Island. À la suite d'une audience en bonne et due forme concernant la question de la qualité pour agir et la question de fond qui avait été soulevée relativement à la demande de contrôle judiciaire, le juge Rouleau a conclu que l'appelant n'était pas directement touché par la décision du ministre et qu'il n'avait pas non plus qualité pour présenter la demande de contrôle judiciaire dans l'intérêt public.

[3]                 En ce qui concerne la question de la qualité pour agir dans l'intérêt public, le juge des requêtes est arrivé à la conclusion que l'argument avancé par l'appelant à l'appui de sa demande de contrôle judiciaire (voulant que la définition du terme « pêche » qu'on retrouve dans la Loi exige qu'il y ait une intention de [traduction] « récolter, utiliser ou exploiter » la pêche) ne révélait pas l'existence d'une « cause raisonnablement défendable » ou d'une « cause d'action valable » . Ayant conclu que l'appelant n'avait pas qualité pour agir, le juge des requêtes a rejeté la demande.


[4]                 L'appelant et les intimés font désormais valoir que la question de la qualité pour agir n'est plus en cause, et ce, afin d'amener la Cour à se prononcer sur le fond de la demande de contrôle judiciaire. Ils soutiennent que la question de fond appelle une décision bien qu'elle ne soit pas exactement au coeur du jugement visé par l'appel.

[5]                 La demande est justifiée et opportune. Le juge des requêtes disposait à la fois du dossier factuel lui permettant de statuer sur la demande de contrôle judiciaire et des observations exhaustives des parties. C'est la seule incapacité de l'appelant de satisfaire au critère moins strict voulant qu'il doive démontrer l'existence d'une cause d'action valable ou d'une cause raisonnablement défendable qui a fait que le juge des requêtes n'a pas rejeté la demande sur le fond. Le juge des requêtes était ainsi manifestement d'avis que l'argument avancé par l'appelant au sujet du sens du terme « pêche » qu'on retrouve dans la Loi n'était pas persuasif.

[6]                 Les faits pertinents sont exposés en détail dans la décision portée en appel et il n'est pas nécessaire de les répéter ici. Il est incontestable qu'un permis de pêche peut viser des mammifères et que le fait de tuer des phoques à l'aide d'armes à feu peut constituer de la « pêche » au sens de la Loi. La seule question qui se pose est celle de savoir si le terme « pêche » , selon la définition donnée dans la Loi, implique obligatoirement l'existence de l'intention de [traduction] « récolter, utiliser ou exploiter » les poissons pris, comme le prétend l'appelant.

[7]                 Pour appuyer cet argument, l'appelant demande à la Cour de se pencher sur les trois questions suivantes :

1.          Comment doit-on interpréter le terme « pêche » ?


2.          Doit-on tenir compte de la définition du terme « pêcheries » en common law dans l'interprétation du terme « pêche » ?

3.          Les activités de l'appelant ont-elles pour effet de « causer la mort de poissons par d'autres moyens que la pêche » au sens de l'article 32 de la Loi sur les pêches?

[Dans l'affirmative, une évaluation des incidences environnementales doit être menée avant qu'un permis ne puisse être délivré en application de cet article.]

[8]                 Le juge des requêtes a soigneusement analysé chacune de ces questions dans ses motifs. Il est arrivé à la conclusion que l'interprétation proposée par l'appelant était incompatible avec l'interprétation retenue dans la jurisprudence (voir le paragraphe 23 des motifs), contraire à l'objet de la Loi (voir le paragraphe 25 des motifs) et qu'elle n'était pas étayée par le libellé de la Loi ou des règlements (voir les paragraphes 22 et 25 à 27 des motifs).

[9]                 Le juge Rouleau a également rejeté l'argument selon lequel les activités visées par le permis ne peuvent être autorisées qu'en application de l'article 32 de la Loi. Il a mentionné à ce sujet que l'article 32 ne vise que « la réalisation et l'exploitation de projets qui pourraient entraîner la destruction du poisson ou endommager l'habitat du poisson » (voir le paragraphe 26 des motifs). Le juge Rouleau a ensuite conclu que l'interprétation restrictive du terme « pêche » proposée par l'appelant était viciée à un point tel qu'elle ne donnait pas lieu à une cause raisonnablement défendable ou ne révélait pas une cause d'action valable.


[10]            Nous sommes incapables de trouver une erreur dans l'analyse du juge des requêtes. Il nous semble clair, pour les motifs énoncés par le juge Rouleau, que le terme « pêche » qu'on retrouve dans la Loi n'a pas le sens restreint que l'appelant propose de lui attribuer.

[11]            L'appel sera rejeté. Nous fixons à 3 000 dollars les dépens, y compris les débours et les honoraires, qui seront adjugés au ministre, et à 3 200 dollars les dépens, y compris les débours, les honoraires et la TPS, qui seront adjugés à Heritage.

                       « Marc Noël »                                                                                                                                             Juge

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


                                                         COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         A-82-03

APPEL D'UNE ORDONNANCE DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA [EST DEVENUE LA COUR FÉDÉRALE LE 2 JUILLET 2003] EN DATE DU 14 JANVIER 2003, DOSSIER T-173-02

INTITULÉ :                                                        LE CHEF PERCY WILLIAMS ET AL. c. LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 18 DÉCEMBRE 2003

MOTIFS DU JUGEMENT DE

LA COUR                                                           (LES JUGES ROTHSTEIN, NOËL, MALONE)

PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR :        LE JUGE NOËL

COMPARUTIONS:

Eamon Murphy et Jack Woodward

POUR L'APPELANT

Rob S. Whittaker et Alex Semple

POUR L'INTIMÉ (LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS)

Scott Kerwin

POUR L'INTIMÉE (HERITAGE SALMON LIMITED)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Woodward & Co

Victoria (Colombie-Britannique)

POUR L'APPELANT

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L'INTIMÉ (LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS)

Borden Ladner Gervais LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR L'INTIMÉE (HERITAGE SALMON LIMITED)


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