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Date : 19981019


Dossier : A-369-95

OTTAWA (ONTARIO), le 19 octobre 1998.

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE McDONALD

ENTRE


CUDD PRESSURE CONTROL INC.,


appelante,

et


SA MAJESTÉ LA REINE,


intimée.


JUGEMENT

L"appel est rejeté avec dépens.

                         " B.L. Strayer "

                             J.C.A.

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


Date : 19981019


Dossier : A-369-95

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE McDONALD

ENTRE


CUDD PRESSURE CONTROL INC.,


appelante,

et


SA MAJESTÉ LA REINE,


intimée.

Audience tenue à Toronto (Ontario), le mardi 2 juin 1998

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le lundi 19 octobre 1998.

MOTIFS DU JUGEMENT :      LE JUGE ROBERTSON

Y A SOUSCRIT :      LE JUGE STRAYER

MOTIFS CONCOURANTS :      LE JUGE McDONALD


Date : 19981019


Dossier : A-369-95

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE McDONALD

ENTRE


CUDD PRESSURE CONTROL INC.,


appelante,


et


SA MAJESTÉ LA REINE,


intimée.


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROBERTSON :

[1]      Dans cet appel, il s'agit principalement de savoir si le juge Sarchuk, de la Cour canadienne de l'impôt, a commis une erreur en concluant que Cudd Pressure Control Inc. ne pouvait pas déduire un " loyer " théorique s'élevant à 2 516 690 $ dans le calcul du bénéfice industriel et commercial net imputable à son établissement stable au Canada, comme l'exige la Convention relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis (la Convention de 1942) pour l'année d'imposition qui a pris fin le 30 juin 1985.

[2]      Après avoir minutieusement résumé les faits, les témoignages des experts et les arguments des parties, le juge Sarchuk a conclu que Cudd pouvait uniquement demander, à l'égard de l'utilisation des foreuses sous pression, une déduction pour amortissement sur le revenu de son établissement stable, compte tenu de l'alinéa 4b) de la Loi sur l'interprétation des conventions en matière d'impôts sur le revenu, parce que pareille dépense est admise en vertu du droit interne du Canada, soit la Loi de l'impôt sur le revenu. Il a ajouté que l'alinéa 4b) était destiné à assurer que les établissements stables dont les bénéfices sont imposés en vertu de la Convention de 1942 ne puissent pas déduire des montants que les contribuables canadiens ne peuvent pas déduire dans le calcul de leur revenu d'entreprise. Étant donné qu'à son avis, Cudd n'avait pas effectué une dépense selon le sens que les mots " dépenses " et " effectuées " ont aux fins du droit fiscal canadien, son " loyer " théorique n'était pas déductible dans le calcul de ses bénéfices pour l'application de l'article III de la Convention de 1942. Même s'il concluait d'une façon générale que la déduction d'un montant théorique n'est pas permise par la Convention de 1942, le juge Sarchuk a fait remarquer qu'en vertu de l'article III de cette convention, est imputé à l'établissement stable le bénéfice industriel et commercial net que celui-ci pourrait s'attendre à retirer s'il formait une entreprise indépendante " exerçant les mêmes activités ou des activités analogues dans les mêmes ou dans de semblables conditions ". Le juge Sarchuk a rejeté l"assertion de l"appelante selon laquelle son établissement stable, traité comme une entreprise indépendante, aurait loué les foreuses sous pression du siège social. Il a conclu que Cudd était principalement une entreprise de services, que les frais exigés pour le matériel " en attente sans opérateur " n"équivalaient pas à un loyer et que Cudd n"aurait pas obtenu le contrat de Mobil si elle n"avait pas été l"unique propriétaire d"une foreuse sous pression ayant une puissance de traction de 600 000 livres.

[3]      Mon collège le juge McDonald est d"accord avec le juge Sarchuk pour dire qu"eu égard aux circonstances de l"espèce, Cudd ne pouvait pas déduire un " loyer " théorique des bénéfices nets tirés de son établissement stable au Canada, conformément à la Convention de 1942. Toutefois, contrairement au juge Sarchuk, le juge McDonald n"a pas éliminé la possibilité de déduire ce " loyer " théorique dans un cas approprié. Avec égards, je ne juge pas nécessaire d"examiner la question de savoir si les dépenses théoriques sont déductibles en droit compte tenu des conclusions de fait tirées par le juge Sarchuk.

[4]      Le juge de la Cour de l"impôt a examiné les circonstances factuelles et juridiques dans lesquelles Cudd avait fourni les foreuses sous pression à Mobil. Il est de droit constant qu"une cour d"appel ne peut pas substituer ses propres conclusions sur des questions de fait à celles du juge des faits, si aucune erreur claire n"a été commise au vu du dossier. À supposer, sans toutefois se prononcer sur la question, que les montants théoriques peuvent être déduits dans le calcul des bénéfices imputables à un établissement stable aux fins de l"impôt canadien, conformément à la Convention de 1942, j"estime que le juge Sarchuk n"a pas commis d"erreur susceptible de révision en refusant de permettre à Cudd de déduire un montant à l"égard du loyer théorique compte tenu des circonstances de l"espèce. En particulier, je ne puis constater l"existence d"aucun fondement me permettant de modifier la conclusion de fait qu"il a tirée, à savoir que l"établissement stable de l"appelante, traité comme une entreprise indépendante, aurait loué les foreuses sous pression du siège social.

[5]      Je rejetterais l"appel avec dépens.

                         " J.T. Robertson "

                             J.C.A.

" Je souscris à cet avis.

B.L. Strayer, J.C.A. "

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


Date : 19981019


Dossier : A-369-95

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE McDONALD

ENTRE


CUDD PRESSURE CONTROL INC.,


appelante,


et


SA MAJESTÉ LA REINE,


intimée.


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE McDONALD :

[1]      Il s"agit en l"espèce de savoir si une société constituée en dehors du Canada, mais exerçant ses activités au Canada, peut déduire un montant à l"égard d"un loyer théorique conformément à la Convention relative à l"impôt entre le Canada et les États-Unis (1942) (la Convention de 1942), lorsqu"une déduction correspondante n"est pas admise en vertu de la Loi de l"impôt sur le revenu (la Loi) à l"égard d"une compagnie canadienne exerçant les mêmes activités ou des activités analogues au Canada.

Les faits

[2]      L"appelante a été constituée aux États-Unis et, pendant la période qui nous intéresse, elle résidait dans ce pays pour l"application de la Convention de 1942. L"appelante n"a jamais résidé au Canada pour l"application de la Loi de l"impôt sur le revenu. Elle est une filiale possédée en propriété exclusive de R.P.C. Energy Services (RPC), qui est une société publique américaine fournissant divers services à l"industrie pétrolière et gazière. De même, l"entreprise de l"appelante consiste à fournir des services techniques à l"industrie pétrolière, principalement au moyen de la livraison de matériel et de services sur place de contrôle des puits.

[3]      En septembre 1984, Boots & Coots, une compagnie s"occupant du contrôle des puits établie à Houston, Texas, a communiqué avec l"appelante à la suite d"une éruption souterraine qui s"était produite dans un puits d"exploration que Mobil Oil Canada Ltd. (Mobil) était en train de forer au large des côtes de la Nouvelle-Écosse. L"appelante a envoyé des représentants au Canada pour évaluer la situation en vue de fournir des services de contrôle des puits à Mobil. L"appelante et Mobil ont conclu une entente orale selon laquelle l"appelante devait fournir des services de forage sous pression moyennant le versement d"une somme quotidienne de 15 000 $ US.

[4]      Les principaux appareils que l"appelante a envoyés à Mobil depuis les États-Unis pour exécuter les travaux étaient deux foreuses sous pression. Une foreuse sous pression est un appareil hydraulique complexe utilisé pour enlever des tubes de revêtement ou du matériel similaire d"un puits de pétrole ou de gaz ou pour les y insérer. Les deux foreuses sous pression utilisées pour ces travaux avaient respectivement une puissance de traction de 600 000 et de 150 000 livres (l"appareil 600 et l"appareil 150 respectivement) et appartenaient à l"appelante. En plus de ces deux foreuses sous pression, Mobil était tenue de fournir des duses hydrauliques, un obturateur anti-éruption et des clefs hydrauliques que l"appelante utiliserait pour exécuter les travaux. Ce matériel a été loué de tiers pour la durée des travaux moyennant un prix quotidien qui allait d"environ un-demi de un pour cent à un peu plus de un pour cent du coût du matériel.

[5]      L"appelante affirme que dans le cours ordinaire de ses activités, elle loue fréquemment du matériel à des clients. Ses clients louent également d"autres appareils en vue de les utiliser, mais les foreuses sous pression sont fournies " en attente sans opérateur ". En pareil cas, il n"est pas nécessaire, à certains moments, d"avoir recours aux services des employés de l"appelante, mais il n"est pas opportun d"enlever le matériel des lieux. Les témoins de l"appelante ont déclaré que les fournisseurs ne gardent pas les foreuses sous pression en stock, mais que celles-ci sont fabriquées sur demande à la suite d"une commande passée auprès d"un fabricant. Pendant la période pertinente, il n"y avait que deux fabricants de foreuses sous pression, soit Hydrarig, de Dallas, et Otis Engineering, de Dallas-Fort Worth. Il fallait au moins six mois pour un appareil 150 et un an pour un appareil 600, à compter de la date à laquelle la commande était passée, pour fabriquer et livrer une foreuse sous pression. L"appelante affirme également qu"il n"existe aucun marché pour les foreuses sous pression usagées, que ces appareils durent indéfiniment lorsqu"ils sont entretenus convenablement et qu"ils ne baissent pas de valeur pour cause de désuétude ou d"usure.

[6]      En 1984-1985, l"appelante était propriétaire du seul appareil 600 au monde. Cet appareil n"avait été utilisé que pendant 30 à 40 jours avant que les travaux soient exécutés chez Mobil et pendant environ 120 jours entre le moment où les travaux avaient été achevés chez Mobil, en 1985, et le début de l"instruction. Pendant que les travaux étaient exécutés chez Mobil, l"appareil 600 a presque constamment été utilisé et l"appareil 150 a été en attente presque tout le temps. Dans le calcul des bénéfices industriels et commerciaux à imputer à son établissement stable au Canada pour son année d"imposition qui a pris fin le 30 juin 1986, l"appelante :

     (i)      a inclus dans son revenu tous les montants facturés à Mobil;
     (ii)      a déduit du revenu tous les frais directs de main-d"oeuvre, multipliés par un facteur, ainsi que les frais de transport et d"assurance et les autres frais similaires, certains frais de main-d"oeuvre additionnels et une partie de ses frais généraux;
     (iii)      a déduit certains frais à l"égard du loyer théorique que le siège social exigeait de l"établissement stable pour l"utilisation de l"appareil 600 et de l"appareil 150, lesquels s"élevaient à 2 516 690 $.

[7]      L"appelante a initialement tiré le loyer théorique ici en cause du prix de location quotidien mentionné à ses clients pour la fourniture en attente sans opérateur de chaque appareil, soit 4 800 $ US par jour pour l"appareil 600 et 2 400 $ US par jour pour l"appareil 150. Ces montants ont été rajustés de façon qu"il soit tenu compte du degré d"utilisation de chaque appareil pendant la durée des travaux chez Mobil. Par conséquent, les montants théoriques demandés étaient de 5 000 $ US et de 1 700 $ US par jour pour l"appareil 600 et pour l"appareil 150 respectivement. L"appelante affirme que les rajustements étaient raisonnables compte tenu de l"utilisation du matériel, du danger que la situation présentait et de la nature urgente des travaux. Les frais quotidiens de location représentaient 0,72 % du coût en capital des appareils.

[8]      L"appelante a subi des pertes dans le cadre de ses activités avant, pendant et après 1984. La perte subie par l"appelante pour son année d"imposition qui a pris fin le 30 juin 1984 était de 10 564 577 $ US; elle était de 8 031 822 $ US pour l"année d"imposition ayant pris fin le 30 juin 1985, de 7 493 414 $ US pour l"année d"imposition ayant pris fin le 30 juin 1986 et de 3 594 981 $ US pour l"année d"imposition qui a pris fin le 30 juin 1987.

[9]      Le ministre a rejeté la déduction du montant de 2 516 690 $ demandé à titre de loyer théorique à l"égard des foreuses sous pression et il a établi l"impôt y afférent en vertu de la partie I de la Loi. L"appelante en a appelé.

Décision du juge de la Cour de l"impôt

[10]      Le juge de la Cour de l"impôt a confirmé la décision par laquelle le ministre avait rejeté la déduction du loyer pour le motif que le paragraphe III(1) de la Convention de 1942 ne devait pas être interprété comme permettant des déductions qui ne pourraient pas être effectuées aux fins du calcul du revenu tiré d"une entreprise par des contribuables canadiens en vertu de la Loi. Le juge de la Cour de l"impôt a également conclu que, même s"il avait conclu que le loyer théorique pouvait être déduit en vertu de la Convention de 1942, il aurait néanmoins rejeté la déduction pour deux autres motifs. En premier lieu, la preuve ne démontrait pas que l"appelante exploitait une entreprise de location de matériel. En second lieu, l"entreprise de l"appelante est si unique en son genre que cette dernière n"aurait pas loué le matériel. Le juge de la Cour de l"impôt a conclu que, compte tenu des circonstances, l"hypothèse la plus raisonnable était que la succursale avait acheté les foreuses sous pression au siège social.

Analyse

[11]      Comme il en sera ci-dessous fait mention, j"estime que dans, un cas approprié, une société constituée en dehors du Canada peut déduire un loyer théorique dans le calcul de ses bénéfices industriels et commerciaux imputables à son établissement stable au Canada, et ce, même si une personne résidant au Canada ne bénéficie pas de pareille déduction. Toutefois, compte tenu des faits de l"espèce, il n"est pas approprié de déduire un loyer théorique étant donné que la preuve établissait que le montant du loyer théorique n"avait jamais été inclus dans le revenu du siège social de l"appelante. Si l"on admettait la déduction dans ce cas-ci, l"appelante éviterait d"être imposée sur le montant du loyer tant au Canada qu"aux États-Unis. Les traités bilatéraux en matière d"impôt conclus par le Canada visent à éviter la double imposition et à prévenir l"évasion fiscale : voir The Queen v. Crown Forest Industries , 95 D.T.C. 5389 (C.S.C.), aux pages 5396-5397. Il s"ensuit qu"à moins que le montant du loyer théorique ne soit inscrit dans les documents de la société mère, une déduction correspondante ne peut pas être admise.

[12]      Je suis également d"avis que les faits n"établissent pas que dans le cours normal des activités, les foreuses sous pression auraient été louées à l"établissement stable de l"appelante au Canada. De fait, on aurait probablement communiqué directement avec le siège social pour lui confier ce contrat puisqu"il était le seul à posséder du matériel de ce genre pendant la période pertinente. Une compagnie indépendante se trouvant dans la même situation que l"établissement stable n"aurait pas conclu une entente de ce genre à moins d"avoir le matériel nécessaire pour exécuter les travaux prévus au contrat. En l"espèce, l"appelante ne possédait pas le matériel nécessaire et elle aurait probablement refusé le contrat.

Interprétation de la Convention de 1942

[13]      Les principes fondamentaux qui s"appliquent à l"interprétation de la Convention de 1942 ou d"un traité bilatéral en matière d"impôt sont énoncés aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités , qui sont ainsi libellés :

                 1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet de son but.                 
                 2. Aux fins de l"interprétation d"un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus :                 
                      a)      Tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l"occasion de la conclusion du traité;                 
                      b)      Tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l"occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu"instrument ayant rapport au traité.                 
                 3. Il sera tenu compte, en même temps que du contexte :                 
                      a)      De tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l"interprétation du traité ou de l"application de ses dispositions;                 
                      b)      De toute pratique ultérieurement suivie dans l"application du traité par laquelle est établi l"accord des parties à l"égard de l"interprétation du traité;                 
                      c)      De toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties.                 
                 4. Un terme sera entendu dans un sens particulier s"il est établi que telle était l"intention des parties.                 
                 Article 32 : Moyens complémentaires d"interprétation                 
                 Il peut être fait appel à des moyens complémentaires d"interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l"application de l"article 31, soit de déterminer le sens lorsque l"interprétation donnée conformément à l"article 31 :                 
                      a)      Laisse le sens ambigu ou obscur; ou                 
                      b)      Conduit un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable.                 

[14]      Le paragraphe 3(2) de la Convention de l"OCDE (voir l"analyse, ci-dessous, au par. 22), et l"article 3 de la Loi sur l"interprétation des conventions en matière d"impôts sur le revenu établissent que les définitions du droit fiscal interne s"appliquent à tout terme ou expression qui n"est pas défini dans un traité bilatéral en matière d"impôt sauf si le contexte exige une interprétation différente . En l"espèce, le juge de la Cour de l"impôt a conclu que parce que la Convention de 1942 ne renferme aucune définition à l"égard des expressions " bénéfices industriels et commerciaux nets " et " toutes dépenses, en quelque endroit qu"elles aient été effectuées ", il fallait se reporter aux lois fiscales internes du Canada. Étant donné que la Loi de l"impôt sur le revenu interdit la déduction d"une dépense théorique, le juge de la Cour de l"impôt a conclu que l"appelante ne pouvait pas déduire le montant du loyer théorique en vertu de la Convention de 1942.

[15]      Le juge de la Cour de l"impôt a appliqué les principes d"interprétation qu"il convient d"appliquer à une convention relative à la double imposition, mais j"estime néanmoins que le libellé du paragraphe III(I) de la Convention de 1942 autorise la déduction de dépenses théoriques. Il n"est donc pas essentiel de se reporter aux principes qui s"appliquent au Canada en matière de droit fiscal.

[16]      L"article I de la Convention de 1942 prévoit ce qui suit :

                 Toute entreprise de l"un des États contractants n"est imposable par l"autre État contractant en raison de ses bénéfices industriels et commerciaux que pour la part de ces bénéfices imputables, aux termes de la présente Convention, à l"établissement stable qu"elle exploite dans ce dernier État. [Je souligne.]                 

Aux fins du calcul des bénéfices, l"article III énonce la règle selon laquelle un établissement stable doit être considéré comme une entité distincte aux fins de l"impôt sur le revenu :

                 1. Si une entreprise de l"un des États contractants possède un établissement stable dans l"autre État, il sera imputé audit établissement stable le bénéfice industriel et commercial net que celui-ci pourrait s"attendre de retirer s"il formait une entreprise indépendante exerçant les mêmes activités ou des activités analogues dans les mêmes ou dans de semblables conditions. Ce bénéfice net sera déterminé en principe d"après les comptes qui concernent ledit établissement.                 
                 Dans la détermination des bénéfices nets de source industrielle et commerciale d"un établissement stable, déduction devra être faite de toutes dépenses, en quelque endroit qu"elles aient été effectuées, qui peuvent raisonnablement être imputées à l"établissement stable, y compris les frais de direction et d"administration générale ainsi imputables. [Je souligne.]                 

[17]      Par conséquent, selon le paragraphe III(1), l"établissement stable doit calculer ses bénéfices comme s"il formait une entreprise indépendante. Cette disposition autorise également la déduction de dépenses, qui peuvent également être fictives, raisonnablement imputables à l"établissement stable. La déduction d"un loyer théorique peut donc être admise puisque, si l"établissement stable formait une entreprise indépendante, il devrait louer ou acheter le matériel en question. Comme Ian Roxan le dit dans " Judicial Overrides of Double Tax Conventions : The Case of a Permanent Establishment " (1997) 25 Intertax 367, à la page 371 :

                 [TRADUCTION]                 
                 Si l"établissement stable avait été une entreprise indépendante, il aurait pu louer les foreuses sous pression du siège social (qui, selon l"hypothèse, est également une entreprise distincte) [...] L"établissement stable aurait alors été obligé de payer le loyer. Les frais de location constitueraient donc une " dépense effectuée " en vertu de la Loi au sens que Sa Majesté donne à ces termes.                 

Roxan dit ensuite ceci :

                 [TRADUCTION]                 
                 [...] si nous calculons le bénéfice de l"établissement stable comme si celui-ci était une entreprise indépendante, c"est-à-dire en le considérant, en théorie , comme une entreprise indépendante, il est tout à fait logique de le considérer comme s"il avait engagé les frais de location [...] La dépense n"est pas plus théorique que l"idée de considérer l"établissement stable comme une entreprise indépendante, comme l"exige la Convention. [Je souligne.]                 

[18]      Albert A. Ehrenzweig et F.E. Koch appuient l"idée selon laquelle les deux entreprises devraient être considérées séparément, c"est-à-dire comme s"il s"agissait de tiers contractant l"un avec l"autre. Cela étaye d"autre part l"idée selon laquelle la déduction de dépenses théoriques devrait être admise. Dans leur commentaire sur la Convention de 1942, Ehrenzweig et Koch disent ceci :

                 [TRADUCTION]                 
                 La règle d"imputation de la Convention est essentiellement fondée sur la " convention relative aux bénéfices s"appliquant à la répartition d"un revenu d"entreprise entre les États aux fins de l"impôt (sauf en ce qui concerne l"" élément relatif à l"absence de lien de dépendance ") ". La règle vise à permettre au pays d"établissement d"imposer la partie du revenu qui est gagnée sur son territoire, sans qu"il soit tenu compte du résultat total de l"entreprise étrangère qui y a un établissement. Compte tenu de son caractère général, cette règle a toujours été appliquée de diverses façons.                 
                 Pour faciliter une répartition favorable, l"établissement devrait, dans ses comptes, traiter ses opérations comme si elles étaient conclues avec un tiers indépendant [...] Les écritures comptables devraient être fondées sur les dispositions d"opérations similaires conclues entre l"entreprise (ou des entreprises étrangères analogues) et des tiers dans le pays d"imposition ou sur les prix ou taux de commission habituels qui s"appliquent à des tiers qui concluent entre eux des opérations similaires dans ce pays, ou encore sur les prix en vigueur sur un marché indépendant.                 

Voir Albert A. Ehrenzweig et F.E. Koch, Income Tax Treaties (New York : CCH, 1949), à la page 106. [Je souligne.]

[19]      Les Commentaires sur les conventions fiscales et les autres éléments de preuve extrinsèques concernant l"intention des rédacteurs de traités en matière d"impôt font partie du contexte juridique de l"imposition internationale : voir Crown Forest , supra, à la page 5396. Il est donc clair que les Commentaires sur les conventions fiscales et les autres éléments de preuve doivent servir d"outils aux fins de l"interprétation des dispositions des traités en matière d"impôt.

[20]      Le commentaire le plus pertinent et les autres travaux préparatoires concernant les articles I et III de la Convention de 1942 figurent dans les procès-verbaux des débats du comité sur la fiscalité de la Société des Nations (le comité sur la fiscalité) des années 1930 et du début des années 1940, lesquels portaient sur les dispositions de la Convention relatives au calcul des bénéfices d"un établissement stable. Le rapport de Mitchell B. Carroll, qui a été présenté au comité et approuvé par celui-ci, est également important. La méthode des comptes distincts est sanctionnée dans le rapport Carroll ainsi que dans les rapports du comité sur la fiscalité. Comme le dit Carroll :

                 [TRADUCTION]                 
                 En résumé, selon le régime d"imputation applicable aux entreprises qui exercent leurs activités dans plusieurs pays où elles ont des établissements stables : (1) il faut séparer les divers éléments du revenu et les imputer à leurs sources respectives; (2) si le revenu est tiré d"activités conjointes (appartenant à une catégorie ou à plusieurs catégories) de deux établissements ou plus dans différents pays, le revenu doit être imputé ou réparti conformément à ce que chaque établissement retirerait s"il formait une entreprise indépendante exerçant les mêmes activités ou des activités analogues dans les mêmes ou dans de semblables conditions. Par conséquent, si une entreprise indépendante réalisait un bénéfice ou touchait une certaine rémunération pour l"activité donnée, pareil bénéfice devrait être inscrit dans les comptes distincts de l"établissement donné.                 

Voir M.B. Carroll, " Allocation of Business Income: The Draft Convention of the League of Nations " (1934) 34 Col. L. Rev. 472, aux pages 485-486.

[21]      La déduction d"un loyer théorique est donc fondée sur le principe des comptes distincts énoncé au paragraphe III(1), selon lequel l"entreprise et l"établissement stable doivent être considérés comme s"ils n"avaient entre eux aucun lien de dépendance " comme des entités distinctes contractant l"une avec l"autre ou entretenant des relations l"une avec l"autre. Dans l"arrêt Utah Mines Ltd. c. La Reine , 92 D.T.C. 6194, cette cour a statué qu"aux termes de la législation de mise en oeuvre, en cas d"incompatibilité, les stipulations de la Convention l"emportent sur la législation interne. Le fait que les entreprises canadiennes ne peuvent pas se prévaloir d"une déduction similaire n"est donc pas pertinent, puisque les dispositions de la Convention de 1942 s"appliquent. Étant donné qu"il a été conclu que la Convention de 1942 autorise la déduction d"une dépense théorique à l"égard du loyer, il s"agit alors de savoir dans quelles circonstances il convient d"effectuer pareille déduction.

[22]      Le Canada est membre de l"Organisation de coopération et de développement économiques (l"OCDE) qui a adopté, en 1977, un modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune (la Convention de l"OCDE). La Convention de l"OCDE vise principalement à établir un mécanisme permettant de régler d"une façon uniforme les problèmes courants qui se posent dans le domaine de la double imposition juridique internationale : voir Krishna, The Fundamentals of Canada Income Tax (Scarborough : Carswell, 1995), à la page 79. Tous les signataires de la Convention de l"OCDE, y compris le Canada, doivent observer le plus possible cette convention lorsqu"ils rédigent leurs propres traités bilatéraux.

[23]      Les commentaires pertinents sur la Convention de l"OCDE ont été rédigés après la Convention de 1942 et leur pertinence est donc quelque peu suspecte. En particulier, ils ne peuvent pas servir à déterminer l"intention des rédacteurs de la Convention de 1942. Toutefois, bien que le libellé et l"agencement des dispositions des deux conventions soient fort différents, la Convention de 1942 suit les mêmes principes généraux que le modèle de l"OCDE. Les Commentaires de l"OCDE permettent donc dans une certaine mesure de déterminer le " contexte juridique " des conventions relatives à la double imposition en droit international et, en particulier, de déterminer dans quelles circonstances il convient d"admettre la déduction d"une dépense théorique.

[24]      L"effet du paragraphe 7(3) de la Convention de l"OCDE est semblable à celui du deuxième alinéa du paragraphe III(1) de la Convention de 1942. Le paragraphe 7(3) prévoit ceci :

                 Pour déterminer les bénéfices d"un établissement stable, sont admises en déduction les dépenses exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable, y compris les dépenses de direction et les frais généraux d"administration ainsi exposés, soit dans l"État où est situé cet établissement stable, soit ailleurs.                 

La Convention de 1942 et la Convention de l"OCDE autorisent donc la déduction de dépenses qui sont imputables à l"établissement stable. En particulier, cette disposition permet de déduire des bénéfices réalisés par l"établissement stable les dépenses qui sont en fait engagées par le siège social lorsque ces dépenses " peuvent raisonnablement être imputées à l"établissement stable " (Convention de 1942) ou lorsqu"elles sont " exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable " (Convention de l"OCDE).

[25]      Les Commentaires sur la Convention de l"OCDE précisent le sens de cette disposition. Le paragraphe 16 du Commentaire dit que le paragraphe 7(3) rend explicite, pour ce qui concerne les dépenses d"un établissement stable, la directive générale figurant au paragraphe 7(2) " la disposition de la convention de l"OCDE correspondant à la disposition relative à l"" entreprise indépendante " figurant au premier alinéa du paragraphe III(1) de la Convention de 1942. Le Commentaire se poursuit comme suit :

                 [...] [Le paragraphe 7(3)] reconnaît spécifiquement que, dans le calcul des bénéfices d"un établissement stable, il doit être tenu compte des dépenses engagées aux fins de l"établissement stable, en quelque lieu qu"elles l"aient été. Il est évident que, dans certains cas, il sera nécessaire d"estimer ou de calculer par des moyens conventionnels le montant des dépenses entrant en ligne de compte. Dans le cas, par exemple, de frais généraux d"administration engagés au siège central de l"entreprise, il peut être judicieux de faire entrer en ligne de compte une fraction proportionnelle, déterminée d"après le rapport entre le chiffre d"affaires de l"établissement stable (ou éventuellement son bénéfice brut) et celui de l"entreprise dans son ensemble. Sous cette réserve, c"est le montant réel des dépenses engagées aux fins de l"établissement stable qui doit entrer en ligne de compte. La déduction pouvant être pratiquée par l"établissement stable au titre des dépenses de l"entreprise qui sont attribuées à cet établissement stable ne peut être subordonnée à leur remboursement effectif par l"établissement stable. [Je souligne.]                 

[26]      Le paragraphe 17.1 du Commentaire est également particulièrement utile en l"espèce car il permet de déterminer dans quelles circonstances il convient d"admettre la déduction de dépenses. Voici ce qu"il dit :

                 En pratique, lorsqu"on applique ces principes à la détermination des bénéfices d"un établissement stable, la question peut se poser de savoir si une dépense particulière encourue par une entreprise peut vraiment être considérée comme effectuée dans l"intérêt de l"établissement stable, compte tenu des principes de l"entreprise distincte et indépendante énoncées [sic ] au paragraphe 2. Il est vrai qu"habituellement des entreprises indépendantes chercheront à réaliser un bénéfice dans leurs transactions réciproques et que lorsqu"elles procèdent à des transferts d"actifs ou à des prestations de services réciproques elles exigeront un prix correspondant à ce que le marché peut supporter, mais il existe aussi des circonstances dans lesquelles il n"est pas possible de considérer qu"un actif ou un service particulier aurait pu être obtenu d"une entreprise indépendante ou dans lesquelles des entreprises indépendantes acceptent de partager les coûts d"une activité conjointe d"entreprises pour leur bénéfice mutuel. Dans de tels cas, il peut être souhaitable de considérer les dépenses encourues par l"entreprise comme étant à la charge de l"établissement stable. La difficulté vient de la nécessité de distinguer les cas de ce type et ceux où une dépense encourue par une entreprise ne doit pas être considérée comme une dépense de l"établissement stable et où le bien ou service doit être considéré, en vertu du principe de l"entreprise distincte et indépendante, comme ayant été transféré entre le siège et l"établissement stable à un prix qui comporte un élément de bénéfice. La question qui doit être posée est de savoir si le transfert interne de biens et de services, qu"il soit temporaire ou définitif, est du genre de ceux que l"entreprise, dans le cours normal de ses activités, aurait facturés à une tierce personne au prix de pleine concurrence, c"est-à-dire en incluant normalement dans le prix de vente un bénéfice approprié. [Je souligne.]                 

[27]      En d"autres termes, le critère proposé au paragraphe 17.1 du Commentaire consiste à savoir si le transfert interne de biens ou de services entre la société étrangère et son établissement stable au Canada est du même genre que l"opération dans laquelle la compagnie, dans le cours normal de ses activités, aurait exigé d"une tierce personne un prix incluant un bénéfice approprié. Le paragraphe 17.2 du Commentaire vise à expliquer dans quelles circonstances on doit répondre à cette question par l"affirmative, et dans quelles circonstances on doit y répondre par la négative :

                 La réponse à cette question sera affirmative si la dépense a été originairement exposée dans le cadre d"une fonction visant directement à réaliser un chiffre d"affaires sur un bien ou sur un service spécifique et à réaliser un bénéfice par le truchement d"un établissement stable. Par contre, la réponse sera négative si, à la lumière des faits et circonstances d"un cas particulier, il résulte que la dépense a été originairement exposée dans le cadre d"une fonction visant essentiellement l"optimisation des coûts de toute l"entreprise ou la promotion générale de son chiffre d"affaires.                 

[28]      Carroll a offert une autre approche, lorsqu"il s"agit de déterminer si un établissement stable peut déduire une dépense. Il déclare qu"il convient de se demander qui assume le risque inhérent à la propriété : le siège social ou l"établissement stable. Dans la plupart des cas, c"est surtout la société mère qui assume le risque, en ce qui concerne les bénéfices et les pertes. Pour qu"il en soit tenu compte, Carroll propose qu"on autorise l"établissement stable à déduire de son revenu un montant au titre des " services rendus " par le siège social, c"est-à-dire une commission ou des frais théoriques pour le risque assumé par le siège social. Ces frais théoriques peuvent être rajustés à la baisse de façon qu"il soit tenu compte de tout risque assumé par l"entreprise indépendante, de la même façon que les frais exigés d"un tiers pour les services rendus correspondraient aux risques assumés par la personne qui fournit ces services : voir M.B. Carroll, Taxation of Foreign and National Enterprises: Methods of Allocating Taxable Income , (1933) 4 League of Nations, (Ser.L.o.N.P. : Genève, 1933.II.A20). Voir également Roxan, Judicial Overrides, supra, aux pages 373-374.

[29]      J"ai examiné la preuve et je suis convaincu que selon le critère prévu dans le Commentaire de l"OCDE ou la méthode préconisée par Carroll, la déduction ne serait pas admise eu égard aux circonstances de l"espèce. La Convention de 1942 exige qu"il soit tenu compte de ce que ferait une " entreprise indépendante exerçant les mêmes activités ou des activités analogues dans les mêmes ou dans de semblables conditions ". Étant donné la nature unique en son genre de l"entreprise exploitée par le siège social de l"appelante (en ce sens que le siège social possédait l"unique appareil 600 au monde), il est fort peu probable qu"une entreprise indépendante eût loué l"appareil 600 du siège social, compte tenu en particulier des frais de location élevés, et qu"elle l"eût ensuite utilisé pour fournir des services de forage sous pression à une autre compagnie, soit dans ce cas-ci Mobil. Étant donné la nature de l"entreprise et le genre de matériel en cause, le siège social aurait plutôt conclu lui-même le contrat à l"égard du projet en question. Il n"est pas raisonnable de croire qu"un tiers indépendant ne possédant pas le matériel nécessaire aurait envisagé de conclure ce genre de contrat et qu"il aurait engagé des frais exorbitants s"il avait décidé de louer le matériel. Un tiers raisonnable aurait tout simplement refusé le contrat, ou, comme l"a fait remarquer le juge de la Cour de l"impôt, il aurait acheté le matériel en question. Toutefois, cette dernière solution n"aurait fort probablement pas été adoptée puisqu"il fallait un an pour fabriquer l"appareil 600 et que les travaux à exécuter chez Mobil étaient de nature urgente.

[30]      Je rejetterais l"appel pour le motif que la Convention de 1942 vise à éviter la double imposition et à prévenir l"évasion fiscale. Le préambule de la Convention de 1942 stipule que ces traités bilatéraux visent notamment à prévenir l"évasion fiscale :

                 Le Gouvernement des États-Unis d"Amérique et le Gouvernement du Canada, animés du désir d"accroître les échanges commerciaux entre leurs deux pays, d"éviter la double imposition et de prévenir l"évasion fiscale en matière d"impôts sur le revenu, ont décidé de conclure une convention [...] [Je souligne.]                 

[31]      La Cour suprême du Canada a examiné la question de l"évasion fiscale dans le contexte des traités bilatéraux en matière d"impôt dans l"arrêt Crown Forest Industries, supra . Voici les remarques qu"elle a faites à la page 5397 :

                 Je souligne qu"en l"espèce il n"est pas nécessaire d"éviter la double imposition puisque les États-Unis ont décidé de ne pas imposer le revenu de Norsk. Bien que cela ne change rien à l"assujettissement fiscal de Norsk, il reste qu"elle n"est tenue de payer aucun impôt aux États-Unis en vertu de l"exonération prévue aux États-Unis en vertu de l"exonération prévue au par. 883(a), cette exonération étant le fruit d"une entente intervenue entre les États-Unis et les Bahamas, où Norsk a été constituée en personne morale. En outre, il n"est pas certain que le revenu de location en question soit même, indépendamment de l"exonération, assujetti à un impôt aux États-Unis puisque, conformément à l"al. 864(c)(4) de l"Internal Revenue Code, il pourrait ne pas être considéré comme étant effectivement relié à l"exploitation de l"entreprise ou du commerce américain de Norsk. Si on permettait à Norsk de bénéficier de la Convention en l"espèce, elle pourrait ainsi éviter tout impôt sur le revenu de location puisque l"assujettissement à l"impôt invoqué par les autorités canadiennes serait réduit en dépit du fait que les États-Unis ont choisi de ne pas imposer ce revenu ou n"ont même pas compétence à cet égard. [Je souligne.]                 

[32]      Selon le témoignage de Mme Herron, directrice financière de l"appelante et de la société mère, RPC, la société mère n"a pas inclus dans son revenu le montant du loyer théorique demandé par l"appelante dans sa déclaration de revenu. Pendant le contre-interrogatoire, on a posé la question suivante au témoin :

                 [TRADUCTION]                 
                 Q. Si je comprends bien, le montant de 2 942 316 $ qui a été fixé à titre de loyer théorique n"est pas inclus dans les revenus qui sont déclarés dans cette déclaration?                 
                 R. Il a été éliminé. Il s"agit d"une déclaration consolidée de RPC Energy Services et de toutes ses filiales, de sorte que s"il avait été inclus, ce qui n"a pas été fait, il serait de toute façon éliminé. Il y aurait le revenu, qui serait compensé par une dépense. [Je souligne.]                 

Étant donné que le montant du loyer théorique n"a jamais été inclus à titre de revenu dans les dossiers de RPC, l"établissement stable ne peut pas bénéficier de son côté d"une déduction à l"égard du loyer. Si pareille déduction était admise, le contribuable se soustrairait à l"impôt sur le revenu de location imputé à la société mère, comme cela s"est produit dans l"affaire Crown Forest , supra.

[33]      L"appelante Cudd Pressure Control Inc. et sa société mère, RPC, n"ont pas réellement échangé d"argent (puisqu"il s"agissait d"une dépense théorique), mais le montant doit néanmoins être inclus à titre de revenu dans la déclaration de la société mère de façon à pouvoir au besoin être assujetti à l"impôt. Inclure le montant du loyer théorique dans la déclaration de la société mère est en outre conforme au principe des comptes distincts. Selon cette méthode, les bénéfices et les dépenses doivent figurer dans les comptes distincts de l"établissement stable et de la société mère : voir Carroll, projet de Convention, supra . L"appelante ne peut pas bénéficier d"une réduction énorme de ses bénéfices sans que le montant soit inclus à titre de revenu dans les dossiers de la société mère. Autrement, le loyer ne serait jamais assujetti à l"impôt.

[34]      Avant de terminer, il convient de faire une autre remarque au sujet d"un argument que le ministre a avancé. Le ministre affirme qu"il serait contraire au but de la Convention de 1942 de permettre à l"établissement stable au Canada d"une société étrangère de déduire des dépenses théoriques étant donné que l"établissement stable bénéficierait d"un traitement de faveur par rapport aux concurrents canadiens exerçant des activités dans la même industrie. Le juge de la Cour de l"impôt a jugé cet argument convaincant. L"argument est dans une certaine mesure fondé, mais j"estime qu"il ne peut pas servir de fondement juridique pour justifier le rejet de ce genre de déduction.

[35]      Si la Convention de 1942 autorise une déduction que la Loi de l"impôt sur le revenu canadienne n"autorise pas et que cela semble inéquitable pour les entreprises canadiennes, il incombe au législateur de remédier à la situation. On ne saurait nier une déduction qui est prévue par une convention fiscale légalement obligatoire. Je ne puis comprendre pourquoi une personne qui se trouve dans la même situation que l"appelante devrait se voir refuser une déduction valide pour le motif que la Loi ne confère pas un avantage analogue aux entreprises canadiennes. Je reconnais qu"une remarque incidente contraire a été faite dans l"arrêt Utah Mines , supra, mais dans cet arrêt, la Cour était d"avis que la déduction en question n"était pas prévue par la Convention de 1942, ce qui n"est pas ici le cas.

[36]      Je suis d"avis que si le libellé de la Convention de 1942 autorise la déduction d"une dépense, il faudrait se conformer au libellé. De fait, cet avis est étayé par l"arrêt Utah Mines , supra, dans lequel, comme il en a ci-dessus été fait mention, la Cour a statué qu"aux termes de la législation de mise en oeuvre, en cas d"incompatibilité, la Convention de 1942 l"emporte sur la législation interne. En outre, à titre de membre de l"OCDE, le Canada doit se conformer à la Convention de l"OCDE en négociant et en interprétant les traités bilatéraux en matière d"impôt. Si la Convention de l"OCDE précise que la déduction de certaines dépenses devrait être admise, comme j"ai dit qu"elle devrait l"être en l"espèce, le Canada devrait dans la mesure du possible essayer de se conformer le plus possible à la Convention.

Conclusion

[37]      Dans la mesure où la décision du juge de la Cour de l"impôt peut être interprétée comme rejetant le concept des contrats théoriques, des précisions y sont apportées de façon à autoriser pareils contrats et les déductions d"impôt associées, en vertu de la Convention de 1942, lorsque les faits de l"affaire justifient pareilles dépenses théoriques. Toutefois, eu égard aux faits de la présente espèce, je suis convaincu que le juge de la Cour de l"impôt a eu raison de conclure qu"un tiers n"aurait pas accepté de louer les foreuses sous pression. L"appelante ne peut donc pas avoir gain de cause.

Disposition

[38]      L"appel de la décision rendue par la Cour canadienne de l"impôt est rejeté avec dépens.

                         " F.J. McDonald "

                             J.C.A.

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


COUR D"APPEL FÉDÉRALE


Date : 19981019


Dossier : A-369-95

ENTRE


CUDD PRESSURE CONTROL INC.,


appelante,


et


SA MAJESTÉ LA REINE,


intimée.

__________________________________________


MOTIFS DU JUGEMENT

__________________________________________


COUR D"APPEL FÉDÉRALE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :      A-369-95

INTITULÉ DE LA CAUSE :      CUDD PRESSURE CONTROL INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE
    

    

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 2 juin 1998

MOTIFS DU JUGEMENT du juge Robertson en date du 19 octobre 1998, auxquels souscrit le juge Strayer et auxquels le juge McDonald joint ses motifs concourants

ONT COMPARU :

David Ward      POUR L"APPELANTE

Colin Campbell

Robert McMechan      POUR L"INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davis Ward and Beck      POUR L"APPELANTE

Toronto (Ontario)

Robert McMechan      POUR L"INTIMÉE


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