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     A-676-96

CORAM:                  LE JUGE HUGESSEN

                     LE JUGE DENAULT

                     LE JUGE MacGUIGAN

                    

ENTRE:     

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Requérant

ET:

     JEAN-ROCK GAGNON

     Intimé

     Audience tenue à Montréal,

     le mercredi, 28 mai 1997

     Jugement prononcé à Montréal,

     le mercredi, 28 mai 1997

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR:      LE JUGE HUGESSEN

     A-676-96

CORAM:                  LE JUGE HUGESSEN

                     LE JUGE DENAULT

                     LE JUGE MacGUIGAN

                    

ENTRE:     

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Requérant

ET:

     JEAN-ROCK GAGNON

     Intimé

     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

     (Prononcés à l'audience à Montréal

     le mercredi, 28 mai 1997)

LE JUGE HUGESSEN

     Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire portée par la Commission à l'encontre d'une décision du juge-arbitre.

     Le prestataire a fait appel au conseil arbitral d'une décision de la Commission qui avait statué de façon rétroactive qu'il n'était pas admissible aux prestations. Le conseil arbitral a rejeté l'appel. Cependant, il a ajouté à la fin de sa décision le paragraphe suivant:

         Le prestataire ne pouvait réclamer d'aide financière du bien-être social rétroactivement, ayant travaillé seulement 4 semaines à titre de salarié depuis janvier 1993, ayant dû faire appel à l'aide juridique pour défendre sa cause, le conseil arbitral recommande fortement à la Commission d'appliquer le règlement 60 de l'assurance-chômage lequel lui permet de défalquer la dette.                 

     Le prestataire a fait appel au juge-arbitre. Entre-temps, la Commission n'a pas apparemment donné suite à la recommandation du conseil. Le juge-arbitre a fait droit à l'appel essentiellement pour deux motifs.

     Dans un premier temps, le juge a traité d'un argument du prestataire fondé sur l'article 431. Il a résumé cet argument comme il suit:

         L'argument du prestataire est à l'effet que la Commission doit non seulement, dans les temps prescrits par ledit article, aviser le prestataire du trop-payé mais doit également lui communiquer le montant du trop-payé et l'aviser en conséquence. Il appert que l'avis de la Commission, que l'on retrouve aux pièces 4.1 et 4.2 du dossier d'appel, ne comporte pas le calcul prévu à l'article 43; ce n'est que dans les observations de la Commission à l'intention du conseil arbitral, déposées quelques mois subséquemment au nouvel examen de la demande, que l'on retrouve le montant réclamé à la pièce 6.2. La question que l'on doit se poser est à savoir si la Commission a rencontré la nécessité de "notifier" le prestataire de sa décision en choisissant d'insérer cet avis dans ses observations à l'intention de la Commission?                 

     Le juge a répondu à cette question par la négative. Malheureusement pour le prestataire, sa décision est irréconciliable avec l'arrêt très récent de notre Cour dans l'affaire Rajotte2 où nous avons carrément rejeté la thèse épousée par le juge-arbitre. Dans Rajotte le juge Décary a déclaré au nom de la Cour:

         Il importe peu, dans ces circonstances, que les différentes étapes prévues au paragraphe 43(1) aient été franchies le même jour, ou que le prestataire ait été informé des diverses décisions prises à son sujet au fur et à mesure qu'elles étaient prises ou à la toute fin du processus, ou encore que ces diverses décisions aient été consignées dans un seul document, puisque de toute façon le seul moment qui compte est le moment où le processus est complété, c'est-à-dire le moment où le prestataire est notifié par la Commission du montant du trop-payé.                 

     Nous ajouterions que, dans les faits de la présente espèce, il ne fait aucun doute que le prestataire avait été notifié du montant réclamé avant l'audience devant le conseil arbitral et il n'a jamais prétendu le contraire.

     Dans un second temps, le juge-arbitre a traité de la question de la défalcation dans les termes suivants:

         Il me semble dans l'exercice du pouvoir conféré au juge-arbitre que la décision contestée dans son ensemble doit être assujettie à un droit de regard. Dans le présent appel, le conseil arbitral avait recommandé que le prestataire, compte tenu du fait qu'il avait reçu une aide financière du Bien-être social, n'était fort probablement pas une personne qui pouvait rembourser la Commission. Le dossier a été retourné à la Commission et la Commission, pour des raisons qui ne m'ont pas été produites, a tout simplement, sans motif à l'appui, confirmé sa décision précédente. Est-ce qu'on peut suggérer que cette seconde décision a été conclue d'une façon judicieuse? Il me semble que, si la Commission avait conclu d'affirmer sa propre décision à la lumière des faits, elle pourrait maintenant le justifier, ce qui n'est pas le cas.                 

         J'interviens donc pour défalquer le montant du trop-payé.

     Il nous parait évident que le juge-arbitre a erré en droit. La seule décision qu'il avait devant lui et qu'il était habilité à confirmer, modifier ou casser était celle rendue par le conseil arbitral que nous avons résumée ci-haut. Pour ce qui est de la "seconde décision" dont parle le juge-arbitre, si tant est qu'elle existe, elle est nécessairement postérieure à celle du conseil et le juge-arbitre n'avait manifestement pas l'autorité pour la réviser.

     Dans ces circonstances, il ne nous est pas nécessaire de nous prononcer sur la question, si vigoureusement débattue et si intéressante soit-elle, quant à savoir quel serait le moyen approprié pour contester une décision par laquelle la Commission refuse de donner suite à une recommandation qu'elle exerce son pouvoir en vertu de l'article 60 du règlement.

     Finalement, même si le cas de l'intimé est sympathique nous n'y voyons pas des "raisons spéciales" au sens de la règle 1618.

     La demande sera accueillie, la décision du juge-arbitre sera cassée et l'affaire sera renvoyée au juge-arbitre que désignera le juge-arbitre en chef pour nouvelle décision en tenant pour acquis que l'appel du prestataire devrait être rejeté.

     James K. Hugessen

     j.c.a.

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     A-676-96

ENTRE:

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Requérant

ET:

     JEAN-ROCK GAGNON

     Intimé

     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO. DU DOSSIER DE LA COUR:      A-676-96

INTITULÉ DE LA CAUSE:          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Requérant

                         ET:

                         JEAN-ROCK GAGNON
                             Intimé

LIEU DE L'AUDITION:              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDITION:              le 28 mai 1997

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR (LES HONORABLES JUGES HUGESSEN, DENAULT ET MacGUIGAN)

LUS À L'AUDIENCE PAR:          l'Honorable juge Hugessen

     En date du:                  28 mai 1997

COMPARUTIONS:                     

    

     Me Carole Bureau              pour la partie requérante

     Me William de Merchant

     Me Claudine Barabé              pour la partie intimée

    

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

     George Thomson

     Sous-procureur général

     du Canada                         

     Ottawa, Ontario                  pour la partie requérante

     Campeau, Ouellet, Nadon,

     Barabé, Cyr, Rainville, de Merchant,

     Bernstein & Cousineau             

     Montréal, Québec                  pour la partie intimée

__________________

1      L'article 43 de la Loi sur l'assurance-chômage se lit comme suit:
     43.(1)      Nonobstant l'article 86 mais sous réserve du paragraphe (6), la Commission peut, dans les trente-six mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, examiner de nouveau toute demande au sujet de ces prestations et, si elle décide qu'une personne a reçu une somme au titre de prestations pour lesquelles elle ne remplissait pas les conditions requises ou au bénéfice desquelles elle n'était pas admissible ou n'a pas reçu la somme d'argent pour laquelle elle remplissait les conditions requises et au bénéfice de laquelle elle était admissible, la Commission calcule la somme payée ou payable, selon le cas, et notifie sa décision au prestataire.
     (2)      Toute décision rendue par la Commission en vertu du paragraphe (1) peut être portée en appel en application de l'article 79.
     (3)      Si la Commission décide qu'une personne a reçu une somme au titre de prestations auxquelles elle n'avait pas droit ou pour une période durant laquelle elle n'était pas admissible, la somme calculée en vertu du paragraphe (1) est celle qui est remboursable conformément à l'article 35.
     (4)      Si la Commission décide qu'une personne n'a pas reçu la somme au titre de prestations pour lesquelles elle remplissait les conditions requises et au bénéfice desquelles elle était admissible, la somme calculée en vertu du paragraphe (1) est celle qui est payable au prestataire.
     (5)      La date à laquelle la Commission notifie à la personne la somme calculée en vertu du paragraphe (1) comme étant remboursable en vertu de l'article 35 est, pour l'application du paragraphe 35(4), la date où a pris naissance la créance.
     (6)      Lorsque la Commission estime qu'une déclaration ou représentation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestations, elle dispose d'un délai de soixante-douze mois pour réexaminer la demande en vertu du paragraphe (1).

2      Michel Rajotte v. La Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, et al      A-426-96, décision du 3 avril 1997 (inédite).

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