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Date : 20041101

Dossier : A-115-04

Référence : 2004 CAF 368

EN PRÉSENCE DU JUGE ROTHSTEIN

ENTRE :

                                                       LA-Z-BOY CANADA LTD.

                                                                                                                                            appelante

                                                                                                                                   (défenderesse)

et

ALLAN MORGAN AND SONS LTD.

intimée

(demanderesse)

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 28 octobre 2004

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 28 octobre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                 LE JUGE ROTHSTEIN


Date : 20041101

Dossier : A-115-04

Référence : 2004 CAF 368

EN PRÉSENCE DU JUGE ROTHSTEIN

ENTRE :

                                                       LA-Z-BOY CANADA LTD.

                                                                                                                                            appelante

                                                                                                                                   (défenderesse)

et

ALLAN MORGAN AND SONS LTD.

intimée

(demanderesse)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]                Par la présente requête incidente, l'appelante, La-Z-Boy Canada Ltd. (La-Z-Boy), cherche à faire proroger le délai pour le dépôt de l'avis d'appel. Il s'agit d'une requête incidente parce que l'intimée, Allan Morgan and Sons Ltd. (Morgan), avait initialement présenté une requête en modification de son mémoire des faits et du droit pour faire valoir que La-Z-Boy n'avait pas déposé son avis d'appel dans le délai imparti. Il est convenu que la requête en modification de mémoire de Morgan deviendrait théorique si la requête incidente en prorogation de délai présentée par La-Z-Boy était accueillie.


[2]                L'appel porte sur l'ordonnance par laquelle le Tribunal de la concurrence a autorisé Morgan à lui présenter une demande à caractère privé à l'encontre de La-Z-Boy sur le fondement de l'article 75 de la Loi sur la concurrence, qui établit que le refus de vendre constitue une pratique restrictive du commerce. Aux termes de cet article, le Tribunal peut ordonner à un fournisseur d'accepter une personne comme client.

[3]                L'avis d'appel de La-Z-Boy a été déposé 27 jours après le prononcé de l'ordonnance du Tribunal de la concurrence. La question dans la présente demande est de savoir si La-Z-Boy était tenue de déposer son avis d'appel dans un délai de 10 jours à compter du prononcé de l'ordonnance du Tribunal de la concurrence conformément à l'alinéa 27(2)a) de la Loi sur les Cours fédérales et si, dans l'affirmative, la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder la prorogation de délai demandée.

[4]                La première question est de savoir si le délai de 10 jours prescrit à l'alinéa 27(2)a) s'applique aux ordonnances du Tribunal de la concurrence. Le paragraphe 13(1) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence est rédigé comme suit :

13. (1) Sous réserve du paragraphe (2), les décisions ou ordonnances du Tribunal, que celles-ci soient définitives, interlocutoires ou provisoires, sont susceptibles d'appel devant la Cour d'appel fédérale tout comme s'il s'agissait de jugements de la Cour fédérale.

13. (1) Subject to subsection (2), an appeal lies to the Federal Court of Appeal from any decision or order, whether final, interlocutory or interim, of the Tribunal as if it were a judgment of the Federal Court.


[5]                Comme l'ordonnance du Tribunal de la concurrence doit être considérée comme un jugement de la Cour fédérale, le paragraphe 27(1) de la Loi sur les Cours fédérales, rédigé comme suit, est applicable :

27. (1) Il peut être interjeté appel, devant la Cour d'appel fédérale, des décisions suivantes de la Cour fédérale :

a) jugement définitif;

b) jugement sur une question de droit rendu avant l'instruction;

c) jugement interlocutoire;

d) jugement sur un renvoi d'un office fédéral ou du procureur général du Canada.

27. (1) An appeal lies to the Federal Court of Appeal from any of the following decisions of the Federal Court:

(a) a final judgment;

(b) a judgment on a question of law determined before trial;

(c) an interlocutory judgment; or

(d) a determination on a reference made by a federal board, commission or other tribunal or the Attorney General of Canada.

[6]                Aux termes de l'alinéa 27(2)a), le délai imparti pour déposer un avis d'appel dans le cas d'un jugement interlocutoire est de 10 jours à compter du prononcé de la décision. L'alinéa 27(2)b) prévoit que, dans le cas des autres jugements, le délai imparti est de 30 jours à compter du prononcé de la décision. Le paragraphe 27(2) est libellé comme suit :

27(2) L'appel interjeté dans le cadre du présent article est formé par le dépôt d'un avis au greffe de la Cour d'appel fédérale, dans le délai imparti à compter du prononcé du jugement en cause ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Cour d'appel fédérale peut, soit avant soit après l'expiration de celui-ci, accorder. Le délai imparti est de_:

a) dix jours, dans le cas d'un jugement interlocutoire;

b) trente jours, compte non tenu de juillet et août, dans le cas des autres jugements.

27(2) An appeal under this section shall be brought by filing a notice of appeal in the Registry of the Federal Court of Appeal

(a) in the case of an interlocutory judgment, within 10 days after the pronouncement of the judgment or within any further time that a judge of the Federal Court of Appeal may fix or allow before or after the end of those 10 days; and

(b) in any other case, within 30 days, not including any days in July and August, after the pronouncement of the judgment or determination appealed from or within any further time that a judge of the Federal Court of Appeal may fix or allow before or after the end of those 30 days.

[7]                Une ordonnance sera considérée interlocutoire ou définitive selon sa nature et son effet. Si elle statue sur des droits substantiels des parties, elle sera considérée définitive. En l'espèce, il s'agit d'un appel d'une ordonnance faisant droit à une demande de permission de présenter une demande à caractère privé en vertu du paragraphe 103.1(7) de la Loi sur la concurrence. Cette ordonnance est, de par sa nature, interlocutoire parce qu'elle ne statue pas sur les droits substantiels des parties. Il ne sera statué sur ceux-ci qu'après que le Tribunal aura instruit l'affaire et tiré une conclusion quant au bien-fondé de la demande à caractère privé. La demande de permission eût-elle été rejetée, l'ordonnance aurait été définitive parce qu'il aurait été statué sur les droits substantiels revendiqués par Morgan. Voir l'arrêt Kealey c. Canada (C.A.F.) (1992), 139 N.R. 189, à la page 191.

[8]                Par conséquent, l'avis d'appel de La-Z-Boy n'a pas été déposé dans le délai imparti et une ordonnance en prorogation de délai est nécessaire si l'appel doit suivre son cours.

[9]                Dans la décision Sim c. Canada (1996), 67 C.P.R. (3d) 334, le protonotaire Hargrave a résumé succinctement les facteurs dont il faut tenir compte dans le cas d'une demande en prorogation de délai :

1.             Le bien-fondé de l'appel lui-même; il faut que les questions qui seront soumises à la Cour d'appel soient valables;

2.              Les circonstances spéciales montrant ou expliquant pourquoi l'appel n'a pas été interjeté dans le délai imparti;

3.             Le fait que le demandeur avait l'intention d'interjeter appel avant l'expiration du délai d'appel;


4.             La question de savoir si le retard est excessif;

5.             La question de savoir si la prorogation du délai imparti pour interjeter appel causera un préjudice à Sa Majesté;

6.            La question de savoir s'il est dans l'intérêt de la justice d'accorder la prorogation du délai.

Voir aussi la décision Karon Resources Inc. c. Ministre du Revenu national (1994), 71 F.T.R. 232, juge Simpson.

[10]            La preuve me convainc que La-Z-Boy a toujours eu l'intention d'interjeter appel avant l'expiration du délai imparti de 10 jours, qu'il existe des circonstances spéciales expliquant le retard et que celui-ci n'est pas excessif. Morgan soutient toutefois que l'appel n'est pas bien fondé et qu'elle subirait un préjudice si la prorogation du délai était accordée.


[11]            En ce qui concerne le bien-fondé de l'appel, le point de droit soulevé par La-Z-Boy est que le membre du Tribunal de la concurrence qui a fait droit à la demande de permission a commis une erreur en ne tenant pas compte de la question de savoir si la pratique restrictive du commerce alléguée par Morgan pourrait faire l'objet d'une ordonnance du Tribunal en vertu de l'article 75 de la Loi sur la concurrence. La Cour a examiné cette même question dans l'arrêt Symbol Technologies Canada ULC c. Barcode Systems Inc., 2004 CAF 339. Elle a conclu dans cette affaire que le membre du Tribunal de la concurrence qui avait fait droit à la demande de permission avait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la question de savoir si la pratique alléguée pouvait faire l'objet d'une ordonnance du Tribunal au titre de l'article 75. Comme le présent appel soulève la même question, il semble qu'il soit bien fondé en ce sens qu'une question valable sera soumise à la Cour.

[12]            Morgan affirme toutefois que même si on pouvait démontrer dans le présent appel l'existence de la même erreur de droit que dans l'arrêt Symbol c. Barcode, la preuve au dossier est, comme dans l'arrêt Symbol c. Barcode, suffisante pour que la Cour exerce son propre pouvoir discrétionnaire. Compte tenu de la norme de preuve relativement peu rigoureuse dans le cas des demandes de permission, Morgan a fait valoir qu'on pouvait s'attendre à ce que la Cour tranche la question et permette que soit maintenue l'ordonnance du Tribunal de la concurrence faisant droit à la demande de permission. Cet argument pose trois problèmes.

[13]            Premièrement, la documentation dont je dispose pour la présente requête ne comprend pas la preuve dont était saisi le membre du Tribunal de la concurrence. À ce stade-ci, la preuve ne me permet pas de savoir comment la Cour pourrait exercer son pouvoir discrétionnaire.

[14]            Deuxièmement, La-Z-Boy n'a besoin de démontrer que l'existence d'une question valable à soumettre à la Cour d'appel. Elle n'a pas besoin de démontrer qu'elle aura gain de cause dans l'appel.


[15]            Troisièmement, en tant que juge siégeant seul sur une requête en prorogation de délai, je ne suis pas bien placé pour savoir comment les juges qui entendront l'appel pourront exercer leur pouvoir discrétionnaire.

[16]            Pour ces motifs, je suis d'avis que La-Z-Boy a satisfait à l'exigence de démontrer le bien-fondé de son appel.

[17]            Enfin, Morgan soutient qu'elle subira un préjudice parce que, si elle a gain de cause dans le présent appel, elle aura engagé des frais non recouvrables. Elle affirme qu'elle paiera environ 5000 $ en honoraires d'avocat et débours pour la préparation de l'appel et la présence d'un avocat à l'appel.

[18]            Je ne pense pas que les frais non recouvrables d'un appel soient le préjudice qu'il convient de démontrer lors d'une opposition à une demande en prorogation de délai. Le préjudice pertinent doit être la conséquence de l'octroi de la prorogation. Morgan n'a pas démontré qu'elle subirait un préjudice si la prorogation était accordée et l'appel suivait son cours. Quoi qu'il en soit, l'avocate de La-Z-Boy a indiqué que si la Cour devait adjuger 5000 $ à Morgan à titre d'honoraires et débours si celle-ci avait gain de cause dans l'appel, une telle adjudication ne serait pas déraisonnable.


[19]            Lorsqu'une demande en prorogation de délai répond à tous les autres critères d'octroi de la prorogation de délai, et particulièrement à celui du bien-fondé de l'appel, il est dans l'intérêt de la justice d'accorder la prorogation.

[20]            La requête incidente de La-Z-Boy visant l'obtention de la prorogation du délai nécessaire pour lui permettre de déposer son avis d'appel dans la présente affaire sera accueillie. La requête de Morgan en modification de son mémoire des faits et du droit sera rejetée en raison de son caractère théorique.

« Marshall Rothstein »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra D. de Azevedo, LL.B.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         A-115-04

Requête incidence en prorogation de délai pour le dépôt d'un avis d'appel présentée par l'appelante

INTITULÉ :                                        LA-Z-BOY CANADA LTD.

c.

ALLAN MORGAN AND SONS LTD.          

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Ottawa

DATE DE L'AUDIENCE :                le 28 octobre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : le juge Rothstein

DATE DES MOTIFS ET

DE L'ORDONNANCE :                    le 1er novembre 2004

COMPARUTIONS :

Kristina Savi-Mascaro

POUR L'APPELANTE

Deborah Hutchings

POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Wilson Walker LLP

Windsor (Ontario)

POUR L'APPELANTE

McInnes Cooper

St. John's, Terre-Neuve

POUR L'INTIMÉE


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