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Date: 19980626


Dossier: A-874-96

(T-2674-92)

CORAM:      LE JUGE MARCEAU

         LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE LÉTOURNEAU

ENTRE:

     LES ENTREPRISES A.B. RIMOUSKI INC.,

     ET ALDÈGE BANVILLE

     DEMANDERESSE

     (Appelante)

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     DÉFENDERESSE

     (Intimée)

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MARCEAU

[1]      L'action qui a donné lieu au jugement dont est ici appel a été intentée le 29 octobre 1992 conjointement par une petite entreprise de construction d'ouvrages maritimes, Les Entreprises A.B. Rimouski Inc., et le président, directeur-général et seul actionnaire de cette corporation, Aldège Banville. L'action réclamait, pour la corporation, la somme de 218 122,55$, soit le montant restant dû sur le prix d'un contrat de 489 491,00$ que l'entreprise avait obtenu du ministère des Travaux publics du Canada en octobre 1989 suite à un appel de soumissions publiques, et une somme additionnelle pour les pertes que le défaut du Ministère de respecter ses engagements lui avait fait encourir. L'action réclamait, parallèlement, pour Aldège Banville, le montant des dommages qu'il avait, lui, personnellement subis en tant que seul actionnaire de la corporation par suite du défaut du Ministère de respecter son contrat. Le contrat dont il s'agissait avait pour objet la "démolition avant mars 1990 de l'ancien quai commercial de Cap-Chat sur le fleuve Saint-Laurent". Des divergences de vues s'étaient soulevées entre les parties sur la question de savoir si le contrat avait été ou non intégralement exécuté selon les plans et devis et le recours aux tribunaux avait paru nécessaire aux demandeurs suite à l'échec des pourparlers entre les parties.

[2]      Le Procureur général du Canada, qui était le défendeur nommé en l'instance [c'est par la suite, et apparemment sur l'initiative du juge de première instance, que l'intitulé fut modifié], produisait en temps opportun sa défense alléguant substantiellement que le contrat n'avait pas été intégralement exécuté et que Travaux publics Canada avait eu raison de ne pas payer.

[3]      Le 23 février 1993, un jugement de la Cour supérieure du district de Rimouski (division de faillite) refusait de prolonger le délai qui avait préalablement été accordé aux Entreprises A.B. Rimouski Inc. pour payer ses créanciers suite à une proposition concordataire acceptée et imposait à la corporation la cession de ses biens. En décembre 1993, le syndic à la faillite cédait à la Caisse populaire Desjardins de St-Robert de Rimouski, créancière garantie de la corporation en faillite, l'ensemble des biens meubles et immeubles des Entreprises A.B. Rimouski Inc., dont "l'universalité de ses créances et comptes de livres actuels et futurs". En juillet 1994, la Caisse populaire Desjardins de St-Robert de Rimouski cédait à son tour au demandeur Aldège Banville 75% des droits et intérêts qu'elle pouvait avoir dans l'action toujours pendante entre les Entreprises A.B. Rimouski Inc. et le Procureur général du Canada relativement au contrat de démolition du quai de Cap-Chat. Il était prévu à l'acte de cession que l'action serait poursuivie par les soins et aux frais de Banville qui s'engageait à remettre à la Caisse 25% de ce qu'il pourrait obtenir. Le 15 août 1995, la déclaration dans l'action était amendée avec permission préalable mais sans aucune vérification de la Cour pour y faire état de la double cession, et changer la forme des conclusions pour en tenir compte. C'est là que le Procureur général du Canada produisait une défense amendée qui, en plus de réitérer les allégués relatifs à la non-exécution du contrat, contestait la validité des cessions aux termes de la Loi sur la gestion des finances publiques1 et invoquait l'extinction des recours exercés par suite de la prescription.

[4]      L'action fut régulièrement inscrite pour enquête et audition après qu'un juge eut refusé de donner suite, avant procès, à la requête en radiation du défendeur inscrit fondée sur la prescription et la nullité des cessions. Le procès dura 11 jours qui furent consacrés essentiellement à départager les prétentions des parties relativement à l'exécution du contrat. Le juge du procès n'eut toutefois pas à procéder à ce départage, car il crut tout simplement devoir donner effet aux arguments de droit du Procureur général du Canada. Le jugement attaqué, en effet, rejette l'action avec dépens, au motif que les recours exercés sont prescrits ou qu'ils sont sans valeur parce que manifestement inexistants ou fondés sur des cessions illégales. Un tel rejet d'action, sur pur argument de droit, avant que ne soient vérifiées les prétentions d'inexécution du contrat, était-il valable? C'est ce que l'appel nous demande d'examiner.

     * * *

[5]      Je suis d'avis que la conclusion du juge s'imposait pour partie de l'action, mais non pour l'essentiel. Voici pourquoi.

[6]      A.      Le rejet de l'action s'imposait, je pense, pour le recours intenté par l'appelant, Aldège Banville, en son nom personnel. Ce recours en était un nécessairement de nature délictuelle. Banville n'a pas contracté personnellement. Il ne saurait reprocher à Travaux publics Canada l'inexécution de son contrat en tant que co-contractant. Pour prétendre à la responsabilité de la défenderesse pour les dommages qu'il a subis personnellement, il faut que Banville puisse prouver que le refus de Travaux publics Canada de payer la balance due sur le contrat était fautif au sens de l'article 1053 de l'ancien Code civil québécois2 (car c'est évidemment le droit québécois qui s'applique à travers la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif3) et que cet acte délictuel avait été cause directe du dommage personnel qu'il avait subi au niveau de sa réputation et de sa solvabilité. Il faut aussi que son recours délictuel ait été exercé à l'intérieur du délai de prescription établi là encore par la loi québécoise (article 39 de la Loi sur la Cour fédérale4), qui est de deux ans (article 2261 de l'ancien Code civil5).

[7]      Or, Banville ne remplit aucune de ces conditions. Le terme a quo de la prescription est peut-être discutable, étant donné les pourparlers entre les parties qui ont suivi même cette lettre du 15 mai 1990 où Travaux publics Canada informait son co-contractant de son intention de prendre les mesures pour que les travaux soient achevés et cette autre lettre du 1er juin 1990 où le Ministère mettait la caution de la corporation en demeure de respecter ses obligations de garante relativement à l'achèvement des travaux. Il ne paraît pas possible, cependant, de penser que ces pourparlers aient vraiment retardé la date de consommation du pseudo-délit pour le ramener à l'intérieur des deux ans avant la prise de l'action. Ensuite, la réaction de Travaux publics Canada, pour être délictuelle, devrait être jugée sous l'angle de la mauvaise foi ou de l'imprudence coupable, ce qui n'est certes pas le cas. Et enfin, le lien de causalité entre la réaction de Travaux publics Canada et les dommages personnels de l'appelant est quelque peu ténu en ce que ce lien doit passer au travers de la faillite et des décisions de la Caisse populaire. Le juge du procès a eu raison de déclarer sans fondement et inexistant le recours personnel de l'appelant.

[8]      B.      Mais le rejet immédiat de l'action telle qu'intentée par la corporation, au contraire, ne me paraît pas valablement fondé.

[9]      Le juge du procès a d'abord invoqué l'effet de la prescription pour rejeter une partie de la réclamation faite au nom de la corporation, soit celle qui avait trait à des dommages résultant de l'inexécution par le Ministère des obligations assumées par lui au contrat. Ce recours en dommages, a-t-il pensé, était soumis au délai de prescription de deux ans de l'article 2261 de l'ancien Code civil. Je ne le crois pas. Le recours en dommages intenté par un contractant contre son co-contractant pour inexécution des obligations du contrat, recours, on le sait, limité aux seuls dommages prévisibles, est de même nature que le recours en exécution des obligations mêmes du contrat. C'est un recours en responsabilité contractuelle soumis au délai de prescription de cinq ans de l'article 2260 de l'ancien Code civil.6 Mais le juge a ensuite, et principalement, invoqué, pour rejeter l'ensemble de la réclamation faite au nom de la corporation, les dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques qui consacre le principe de l'incessibilité des créances contre la Couronne (les "créances sur Sa Majesté", comme dit le texte), ne permettant cession que dans des cas d'exception très précis tout en la soumettant alors à des conditions strictes.

[10]      Bien sûr, c'est d'abord l'amendement que les avocats des demandeurs devaient introduire pour faire état de la faillite et des cessions " amendement nécessaire pour répondre aux préoccupations de l'article 71 de la Loi sur la faillite7 qui prévoit la dévolution des droits et actions d'un failli au syndic et satisfaire aux exigences des articles 1724 et 1725 des Règles de pratique de la Cour fédérale8 (devenus les articles 116 et 117 des nouvelles règles) " mais c'est surtout la modification que l'on crut devoir apporter aux conclusions de l'action à cette occasion, qui porta flanc au moyen de défense tiré des dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques . Sans doute a-t-on pensé utile de montrer qu'il n'y avait plus d'obstacle à la poursuite de l'action telle qu'intentée. Mais quel effet pouvait avoir la validité ou non-validité des cessions sur la poursuite des procédures portées au nom de la corporation? L'action n'est pas celle du "pseudo-cédé", c'est l'action de la corporation qui, en dépit de sa faillite et peu importe l'état de ses activités, continue à avoir pleine existence légale. Il est vrai, comme dit ci-haut, que les conclusions de l'action ont été amendées pour limiter la condamnation possible à 75% des sommes réclamées par la corporation et demander que ces sommes soient payées à Banville lui-même en tant que cessionnaire, ce qui, notons-le bien, ne correspondait pas à la convention de cession puisqu'elle prévoyait, comme on l'a vu, la poursuite de l'action comme telle par Banville et un remboursement à la Caisse de 25% des sommes recouvrées. Mais cette conclusion amendée ne lie pas le juge, s'il croit la cession non-opposable à la défenderesse, et rien ne l'empêche de faire revivre les conclusions initiales non amendées. Si les faits attestés par la preuve entendue au procès forcent à conclure à l'existence d'une dette de la Couronne, il est difficile de penser que l'amendement inopportun de dernière heure empêcherait la Cour de rendre justice. L'intimée ne soutient pas, et elle ne saurait d'ailleurs soutenir, que l'action de la corporation doit automatiquement tomber, parce que la corporation elle-même n'existe plus ou qu'elle a été sous la tutelle administrative d'un syndic. Elle ne soutient pas, non plus, qu'une conclusion en faveur de la corporation serait impossible d'exécution. Il est évident qu'une tentative de transfert d'une dette de la Couronne à l'encontre des dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques n'a pas pour effet d'éteindre la dette. Le problème de la validité des transferts et de leur effet ne se posera qu'après un jugement reconnaissant l'existence d'une dette envers la corporation, le cas échéant, et encore là uniquement pour les parties en cause: le syndic, la Caisse populaire, et, bien sûr, Banville, le seul actionnaire de la corporation.

[11]      Je me permets, d'ailleurs, de contester avec égards la conclusion du juge du procès à l'effet que le transfert serait totalement inopposable à l'intimée. Revoyons les dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques sur lesquelles cette conclusion reposerait:

66. In this Part,

...

"Crown debt" means any existing or future debt due or becoming due by the Crown, and any other chose in action in respect of which there is a right of recovery enforceable by action against the Crown;

"contract" means a contract involving the payment of money by the Crown;

"Crown" means Her Majesty in right of Canada;

66. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

...

"créances sur Sa Majesté" Créance existante ou future, échue ou à échoir, sur Sa Majesté, ainsi que tout autre droit incorporel dont le recouvrement peut être poursuivi en justice contre Sa Majesté.

"marché" Contrat prévoyant un versement de fonds par Sa Majesté.

"Sa Majesté" Sa Majesté du chef du Canada.


67. Except as provided in this Act or any other Act of Parliament,

(a) a Crown debt is not assignable; and

(b) no transaction purporting to be an assignment of a Crown debt is effective so as to confer on any person any rights or remedies in respect of that debt.

67. Sous réserve des autres dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale:

a) les créances sur Sa Majesté son incessibles;

b) aucune opération censée constituer une cession de créances sur Sa Majesté n'a pour effet de conférer à quiconque un droit ou un recours à leur égard.


68. (1) Subject to this section, an assignment may be made of

(a) a Crown debt that is an amount due or becoming due under a contract; and

(b) any other Crown debt of a prescribed class.

(2) The assignment referred to in subsection (1) is valid only if

(a) it is absolute, in writing and made under the hand of the assignor;

(b) it does not purport to be by way of charge only; and

(c) notice of the assignment has been given to the Crown as provided in section 69.

68. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, les créances suivantes sont cessibles;

a) celles qui correspondent à un montant échu ou à échoir aux termes d'un marché;

b) celles qui appartiennent à une catégorie déterminée par règlement.

(2) La cession n'est valide que si les conditions suivantes sont remplies:

a) elle est absolue, établie par écrit et signée par le cédant;

b) elle n'est pas censée faite à titre de sûreté seulement;

c) il en a été donné avis conformément à l'article 69.


...

...


69. (1) The notice referred to in paragraph 68(2)(c) shall be given to the Crown by serving on or sending by registered mail to the Receiver General or a paying officer, in prescribed form, notice of the assignment accompanied by such other documents completed in such manner as may be prescribed.

69. (1) Toute cession visée au paragraphe 68(2) est communiquée à Sa Majesté par un avis accompagné d'une copie de l'acte de cession, signifié ou envoyé par courrier recommandé au receveur général ou à un agent payeur; la forme de l'avis et la nature des autres documents qui doivent l'accompagner, ainsi que la manière d'établir ceux-ci, sont fixées par règlement.

[12]      Le juge du procès a considéré que les droits de la corporation exercés dans l'action ne tombaient pas sous le coup de l'exception de l'alinéa 68(1)a) de la Loi parce qu'ils ne se rapportaient pas à des montants "échus ou à échoir aux termes d'un marché" et que, de toute façon, la cession n'avait pas été absolue puisque le cessionnaire n'acquérait droit qu'à 75% et l'avis de l'article 69 de la Loi n'avait pas été donné. Ces propositions ne m'apparaissent pas fondées.

[13]      D'abord, je ne puis accepter que l'expression "dette échue ou à échoir" au sens du paragraphe 68(1)a) de la Loi s'entende d'une dette liquide, due et certaine comme celle requise pour les besoins de la compensation légale. Même si une dette est contestée en justice, si son existence prétendue est directement rattachée à un marché, il me paraît impossible de dire qu'elle ne tombe pas sous le coup de l'exception. Autrement, il suffirait à la Couronne d'élever une contestation pour empêcher toute cession, ce qui entraverait indûment bien des transactions commerciales. Ce n'est certes pas ce que le Parlement a voulu. Tout au plus pourrait-on faire une distinction entre la réclamation pour le paiement de la balance due sur le contrat et celle relative aux dommages. Car il paraît clair qu'un jugement favorable à la corporation montrerait que la dette cédée était effectivement due et échue au moment de la cession, sinon pour les dommages, en tout cas pour ce qui concerne la balance due sur le prix des travaux.

[14]      Ensuite, n'est-il pas évident qu'une cession peut être absolue même si elle ne couvre que 75% de la créance en cause (à supposer qu'ici on accepte que le partage devait se faire au départ et non simplement à la fin pour être réalisé par une obligation de remboursement). Une cession absolue, à mon avis, est simplement une cession non conditionnelle ou éventuelle ou révocable ou encore "non à titre de sûreté seulement", comme le dit le texte.

[15]      Enfin, même s'il a déjà été jugé que l'avis requis est une condition stricte de validité, je ne puis accepter que cette condition ne serait pas suffisamment et valablement remplie par les amendements apportés dans les actes de procédure. Cette exigence de l'avis est requise comme pour n'importe quelle cession en vertu du droit commun et les précisions ici ont pour but de s'assurer de sa suffisance et non strictement d'introduire un formalisme de mauvais aloi. Au reste, cette exigence de l'article 68 ne doit-elle pas prendre son plein effet qu'une fois la dette reconnue et qu'un paiement doit s'effectuer?

[16]      Il me faut donc conclure avec respect que le juge du procès s'est trompé en rejetant de façon préliminaire l'action de la corporation sans décider si les prétentions soumises pour et au nom de la corporation étaient fondées. S'il juge à propos, au moment de son jugement, de réentendre les parties sur les problèmes de paiements, il n'aura qu'à le faire. Pour le moment, son jugement de rejet ne peut, à mon avis, qu'être cassé avec dépens. En ce cas, il n'y aura d'autre choix que de lui retourner le dossier pour qu'il réouvre le délibéré et qu'il rende jugement sur l'action.

     "Louis Marceau"

     j.c.a.

"J'y souscris.

Gilles Létourneau, j.c.a."


Date: 19980626


Dossier: A-874-96

(T-2674-92)

CORAM:      LE JUGE MARCEAU

         LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE LÉTOURNEAU

ENTRE:

     LES ENTREPRISES A.B. RIMOUSKI INC.,

     ET ALDÈGE BANVILLE

     DEMANDERESSE

     (Appelante)

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     DÉFENDERESSE

     (Intimée)

Audience tenue à Québec, Québec, le lundi 25 mai 1998.

Jugement rendu à Ottawa, Ontario, le vendredi 26 juin 1998.

MOTIFS DU JUGEMENT PAR:      LE JUGE MARCEAU

Y A SOUSCRIT:      LE JUGE LÉTOURNEAU

MOTIFS CONCORDANTS PAR:      LE JUGE DESJARDINS


Date: 19980626


Dossier: A-874-96

Coram :      LE JUGE MARCEAU

         LE JUGE DESJARDINS
         LE JUGE LÉTOURNEAU

Entre :

     LES ENTREPRISES A.B. RIMOUSKI INC.

     ET ALDÈGE BANVILLE

     Demanderesse

     (Appelante)

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     Défenderesse

     (Intimée)

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DESJARDINS

[1]      Notre Cour dans Carex c. Canada9 a jugé bien fondé le rejet d'une action en recouvrement d'une dette de la Couronne, intentée par un cessionnaire, pour le motif que les formalités de la cession prévues aux paragraphes 81(1) et 82(2) de la Loi sur l'administration financière,10 alors applicable, n'avaient pas été respectées.

[2]      Le premier juge dans la cause qui nous occupe s'est appuyé sur cette décision pour conclure que le défaut par Aldège Banville de respecter les dispositions de l'actuel article 69 de la Loi sur la gestion des finances publiques11 était fatal à la poursuite de l'action, les dispositions étant impératives.

[3]      Il ne m'est pas nécessaire de commenter plus à fond notre décision dans Carex puisque la présente affaire est distincte. L'action a été intentée à l'origine conjointement par les Entreprises A.B. Rimouski Inc. et son président-directeur général et seul actionnaire, Aldège Banville, et non par le cessionnaire. Et qui plus est, Aldège Banville, en tant que cessionnaire, est la seule personne qui puisse continuer l'action intentée puisque le syndic à la faillite ou la Caisse populaire Desjardins ne sont plus en mesure de le faire.

[4]      Pour l'heure, il importe d'établir si la Couronne est débitrice du montant réclamé. Dans l'affirmative, il appartiendra au premier juge de déterminer, en temps opportun, si la cession est opposable à l'intimée.

[5]      Je disposerais de cette affaire tel que le suggère mon collègue le juge Marceau.

     "Alice Desjardins"

     j.c.a.

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE


Date: 19980626


Dossier: A-874-96

(T-2674-92)

ENTRE:

     LES ENTREPRISES A.B. RIMOUSKI INC.,

     ET ALDÈGE BANVILLE

     DEMANDERESSE

     (Appelante)

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     DÉFENDERESSE

     (Intimée)

    

     MOTIFS DU JUGEMENT

    

__________________

1      L.R.C. (1985), ch. F-11.

2      Qui se lit comme suit:
     1053.      Toute personne capable de discerner le bien du mal, est responsable du dommage causé par sa faute à autrui, soit par son fait, soit par imprudence, négligence ou inhabileté.

3      L.R.C. (1985), ch. C-50.

4      L.R.C. (1985), ch. F-7. La disposition pertinente de cet article se lit ainsi:
     39.      (1)      Sauf disposition contraire d'une autre loi, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent à toute instance devant la Cour dont le fait générateur est survenu dans cette province.

5      Dont je reproduis ici la disposition pertinente:
     2261.      L'action se prescrit par deux ans dans les cas suivants:      ...      2.      Pour dommages résultant de délits et quasi-délits, à défaut d'autres dispositions applicables;

6      Qui se lit en partie comme suit:
     2260.      L'action se prescrit par cinq ans dans les cas suivants:      ...      6.      Pour louage d'ouvrage et prix du travail, soit manuel, professionnel ou intellectuel, et matériaux fournis, ...

7      Qui dit, à son paragraphe (2):
     71.      (2)      Lorsqu'une ordonnance de séquestre est rendue, ou qu'une cession est produite auprès d'un séquestre officiel, un failli cesse d'être habile à céder ou autrement aliéner ses biens qui doivent, sous réserve des autres dispositions de la présente loi et des droits des créanciers garantis, immédiatement passer et être dévolus au syndic nommé dans l'ordonnance de séquestre ou dans la cession, et advenant un changement de syndic, les biens passent de syndic à syndic sans transport, cession, ni transfert quelconque.

8      Qui se lisaient ainsi, en partie:
     1724.      Lorsqu'une partie à une procédure décède ou fait faillite, ou qu'une partie qui est une corporation est dissoute ou cesse autrement d'exister, mais que la cause d'action ou autre objet de la procédure subsiste, le décès ou la faillite ou le fait que la corporation a cessé d'exister ne met pas fin à la procédure.
     1725.      (1)      Lorsque, à quelque stade d'une procédure, le droit ou l'obligation d'une partie quelconque est cédé ou transmis à quelque autre personne ou lui est dévolu, la Cour pourra, si elle l'estime nécessaire pour assurer qu'elle pourra, valablement et complètement, juger toutes les questions en litige dans la procédure et statuer sur elles, ordonner que cette autre personne soit constituée partie à la procédure et, lorsque cela s'applique, pourra aussi ordonner que les procédures se poursuivent comme si elle avait été substituée à la partie mentionnée en premier lieu.
     (2)      Lorsqu'une ordonnance est rendue en vertu de l'alinéa (1), elle doit contenir des instructions quant aux plaidoiries ou autres procédures qui en résulteront, et toute partie intéressée peut demander des instructions supplémentaires.
     ...

9(1983), 46 N.R. 505.

10S.R.C. 1970, c. F-10.

11L.R.C. 1985, c. F-11.

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