Date : 19990628
Dossier : A-655-97
OTTAWA (ONTARIO), LE LUNDI 28 JUIN 1999
C O R A M : LE JUGE STRAYER
LE JUGE DÉCARY
LE JUGE ROBERTSON
E N T R E :
SA MAJESTÉ LA REINE,
appelante,
et
MacMILLAN BLOEDEL LIMITED,
intimée.
J U G E M E N T
L'appel est rejeté avec dépens.
B.L. Strayer
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier
Date : 19990628
Dossier : A-655-97
C O R A M : LE JUGE STRAYER
LE JUGE DÉCARY
LE JUGE ROBERTSON
E N T R E :
SA MAJESTÉ LA REINE,
appelante,
et
MacMILLAN BLOEDEL LIMITED,
intimée.
AUDIENCE TENUE à Vancouver (Colombie-Britannique), le jeudi 20 mai 1999
JUGEMENT rendu à Ottawa (Ontario), le lundi 28 juin 1999
MOTIFS DE JUGEMENT PAR : M. LE JUGE STRAYER
ONT SOUSCRIT À CES MOTIFS : M. LE JUGE DÉCARY
M. LE JUGE ROBERTSON
Date : 19990628
Dossier : A-655-97
C O R A M : LE JUGE STRAYER
LE JUGE DÉCARY
LE JUGE ROBERTSON
E N T R E :
SA MAJESTÉ LA REINE,
appelante,
et
MacMILLAN BLOEDEL LIMITED,
intimée.
MOTIFS DE JUGEMENT
LE JUGE STRAYER
Introduction
[1] Il s'agit de l'appel d'une décision d'un juge de la Cour de l'impôt, en date du 16 juillet 1997, accueillant l'appel de l'intimée de la cotisation établie par le ministre du Revenu national pour l'année d'imposition de l'intimée se terminant le 31 décembre 1987. La question à trancher porte sur le fait de savoir si l'intimée a droit de déduire une perte en capital relative à la perte subie suite à la fluctuation des monnaies lorsqu'elle a racheté en dollars US les actions privilégiées émises en dollars US en 1977, 1982 et 1983.
Les faits
[2] L'intimée est une corporation constituée en Colombie-Britannique qui exploite une entreprise intégrée de produits forestiers, au Canada et ailleurs. En 1977, elle a émis 3 400 000 actions privilégiées de série A totalisant 85 000 000 $US et, en 1982 et 1983, elle a émis 250 000 actions privilégiées de catégorie B, série 4, totalisant 18 000 000 $US. Les deux catégories d'actions étaient rachetables en dollars US au gré de l'intimée ou des détenteurs, pour une somme égale au prix d'émission. Toutefois, en application de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi), l'intimée devait tenir sa documentation financière en dollars canadiens. L'équivalent en dollars canadiens du produit tiré de l'émission des actions de série A et des actions de catégorie B, série 4, était de 87 954 250 $ et de 23 660 080 $ respectivement. En 1987, l'intimée a racheté toutes les actions de série A et 9 287 actions de catégorie B, série 4, pour lesquelles elle a versé la somme due en dollars US. Par suite de l'augmentation de la valeur du dollar US par rapport au dollar canadien entre les dates d'émission et de rachat des actions, l'intimée a dû verser lors du rachat 24 965 399 $Can de plus que ce qu'elle avait reçu à l'émission. Aux fins de l'impôt, l'intimée a traité cette différence comme une perte relative aux monnaies étrangères réputée être une perte en capital en vertu du paragraphe 39(2) de la Loi. Par une nouvelle cotisation, le ministre a refusé la déduction réclamée par l'intimée en vertu du paragraphe 39(2) de la Loi.
[3] Devant la Cour de l'impôt et notre Cour, le ministre a soutenu que la différence entre le prix de rachat et le prix d'émission était réputée être un dividende en vertu du paragraphe 84(3) de la Loi et que, par conséquent, elle n'était pas aussi une perte en capital au sens du paragraphe 39(2). Le juge de la Cour de l'impôt a rejeté l'argument voulant que le paiement était réputé être un dividende, au motif que le but visé par le paragraphe 84(3) est d'empêcher une société de remettre un avantage déguisé aux actionnaires sous forme de capital; par conséquent, la disposition en question fait que tout paiement versé aux actionnaires qui est plus important que le prix d'achat est réputé être un dividende. En l'instance, le juge de la Cour de l'impôt a exprimé l'avis que les actionnaires n'ont reçu aucun avantage, puisqu'ils ont payé et reçu exactement le même montant en dollars US. On ne pouvait donc dire qu'ils avaient reçu un dividende. Le juge de la Cour de l'impôt a ajouté d'autre part que le paragraphe 39(2) a été adopté précisément pour traiter des gains et des pertes découlant de la fluctuation de la valeur des monnaies, et que rien ne s'opposait à ce qu'il s'applique à la perte subie par l'intimée lors du rachat des actions.
[4] Malgré les conclusions du juge de la Cour de l'impôt, l'intimée a admis en appel que la somme versée au rachat était réputée être un dividende en vertu du paragraphe 84(3). Nous partageons cet avis. La question qui reste à trancher par la Cour est celle de savoir si les paragraphes 84(3) et 39(2) peuvent s'appliquer en même temps. L'avocat du ministre a soutenu que la conclusion portant sur l'existence réputée d'un dividende exclut la possibilité qu'on accepte l'existence d'un gain en capital en vertu du paragraphe 39(2). Il a déclaré que la disposition en cause s'appliquait à toutes les fins visées par la Loi, ajoutant que dès que le paiement est réputé être un dividende, on ne peut dire que le contribuable a subi une " perte " au sens de la phrase introductive du paragraphe 39(2).
Analyse
[5] Je conclus que l'intimée a droit de réclamer une perte en capital pour le rachat des actions. Voici les dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt sur le revenu :
39.(2) Capital gains and losses in respect of foreign currencies " Notwithstanding subsection (1), where, by virtue of any fluctuation after 1971 in the value of the currency or currencies of one or more countries other than Canada relative to Canadian currency, a taxpayer has made a gain or sustained a loss in a taxation year, the following rules apply: (a) the amount, if any, by which
exceeds
shall be deemed to be a capital gain of the taxpayer for the year from the disposition of currency of a country other than Canada, the amount of which capital gain is the amount determined under this paragraph; and (b) the amount, if any, by which
exceeds
shall be deemed to be a capital loss of the taxpayer for the year from the disposition of currency of a country other than Canada, the amount of which capital loss is the amount determined under this paragraph. |
39.(2) Gains et pertes en capital relatifs aux monnaies étrangères " Malgré le paragraphe (1), lorsque, par suite de toute fluctuation, postérieure à 1971, de la valeur de la monnaie ou des monnaies d'un ou de plusieurs pays étrangers par rapport à la monnaie canadienne, un contribuable a réalisé un gain ou subi une perte au cours d'une année d'imposition, les règles suivantes s'appliquent:
sur:
sur:
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84(3) Redemption, etc. " Where at any time after December 31, 1977 a corporation resident in Canada has redeemed, acquired or cancelled in any manner whatever (otherwise than by way of a transaction described in subsection (2) any of the shares of any class of its capital stock, |
84(3) Rachat, etc. " Lorsque, à un moment donné après le 31 décembre 1977, une société résidant au Canada a racheté, acquis ou annulé de quelque façon que ce soit (autrement que par une opération visée au paragraphe (2)) toute action d'une catégorie quelconque de son capital-actions: |
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[6] Considérons d'abord le paragraphe 84(3), qui porte que lorsqu'une société rachète des actions pour une somme supérieure au capital versé relatif à ces actions, la société est réputée avoir versé un dividende égal à l'excédent et l'actionnaire est réputé avoir reçu un dividende pour la même somme. Il est clair que l'impact fiscal de cette disposition fait que le dividende est considéré être un revenu pour l'actionnaire. L'impact fiscal sur la société n'est pas aussi clair, puisque le paiement d'un dividende par une société n'est en soi ni une perte en capital, ni une dépense déductible du revenu. Le paragraphe en cause ne dit nulle part qu'il s'applique à " toutes les fins visées par la Loi ". À mon avis, le paragraphe 84(3) est neutre lorsqu'il s'agit de déterminer si le paiement réputé d'un dividende par une société doit être classé sous le capital ou sous le revenu.
[7] Quant au paragraphe 39(2), la rédaction des sous-alinéas 39(2)a)(i) et (ii) fait clairement ressortir qu'un gain ou une perte résultant des fluctuations de la valeur des monnaies est un gain ou une perte en capital, à condition que la somme en cause ne soit pas à inclure dans le calcul du revenu du contribuable. Pour les motifs susmentionnés, le paragraphe 84(3) fait que la somme versée au rachat d'actions est réputée un dividende, donc un revenu pour l'actionnaire, sans toutefois préciser si le paiement fait par la société, qui est réputé un dividende, est une dépense en capital ou une dépense déductible du revenu. Par conséquent, comme les sommes versées par la société ne sont pas traitées à d'autres fins comme une dépense déductible du revenu, elles tombent sous le coup du paragraphe 39(2).
[8] Le paragraphe 39(2) est très clair. Il suffit que le contribuable ait subi une perte par suite des fluctuations de la valeur des monnaies pour pouvoir réclamer une perte en capital, à condition que la somme en cause ne soit pas comprise dans le calcul de son revenu. En l'instance, il n'y a pas de litige quant à l'impact de la fluctuation des monnaies, mais seulement quant à la question de savoir si les sommes versées pour le rachat des actions peuvent être définies comme une " perte ". Si l'on se rapporte au sens courant du mot " perte ", il est clair que les sommes versées par l'intimée aux actionnaires constituent une perte. L'intimé a versé, pour le rachat des actions, une somme en dollars canadiens supérieure à celle qu'elle avait reçue à leur émission. Les circonstances en l'instance ressemblent à celles de l'affaire Tahsis Company Ltd. c. La Reine1, où la Section de première instance de la Cour fédérale a statué que le paragraphe 39(2) s'appliquait à un débiteur lors du remboursement d'un emprunt. Dans cette affaire, la fluctuation des monnaies a obligé le contribuable à verser un plus grand nombre de dollars canadiens pour faire ses paiements en dollars US. Ce contribuable, comme l'intimée en l'instance, ont tous deux subi une perte au sens ordinaire de ce terme. Rien dans le paragraphe 39(2) ne vient restreindre le sens du terme " perte " de façon à exclure un résultat aussi patent.
[9] Les paragraphes 39(2) et 84(3) traitent tous deux spécifiquement, sans aucun lien entre eux, de situations particulières. Aucun des deux paragraphes n'est prévu s'appliquer nonobstant toute autre disposition de la Loi. Alors que le paragraphe 84(3) traite du paiement de dividendes lors d'un rachat d'actions, le paragraphe 39(2) ne traite aucunement des sommes réputées des dividendes, se limitant aux opérations qui résultent en pertes ou en gains liés à la fluctuation de la valeur des monnaies. En définitive, le paragraphe 84(3) n'impose aucune réserve quant au sens du terme " perte " au paragraphe 39(2). Ce sont, en fait, deux dispositions applicables à des situations différentes, qui se trouvent toutes deux s'appliquer à l'opération en cause ici.
Dispositif
[10] Par conséquent, l'appel est rejeté avec dépens.
B.L. Strayer
J.C.A.
Je souscris à ces motifs
Le juge Robert Décary
Je souscris à ces motifs
Le juge J.T. Robertson
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : A-655-97
INTITULÉ DE LA CAUSE : Sa Majesté la Reine c. |
MacMillan Bloedel Limited
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L'AUDIENCE : le 20 mai 1999
MOTIFS DE JUGEMENT DU JUGE STRAYER
ONT SOUSCRIT À CES MOTIFS : le juge Décary
le juge Robertson
EN DATE DU : 28 juin 1999
ONT COMPARU :
M. Brent Paris pour l'appelante
M. Lorne A. Green pour l'intimée
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : |
M. Morris Rosenberg pour l'appelante
Sous-procureur général du Canada
Thorsteinssons pour l'intimée
Vancouver (Colombie-Britannique)
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