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                                                                                                                               Date : 20040413

                                                                                                                            Dossier : A-67-03

Référence : 2004 CAF 153

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                           RÉSEAU DE TÉLÉVISION STAR CHOICE INCORPORÉE

                                                                                                                                             appelante

                                                                             et

                 LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU

                                                                                                                                                   intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario) le jeudi 29 janvier 2004

Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le mardi 13 avril 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                            LE JUGE STRAYER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                          LE JUGE SEXTON

                                                                                                                                                            

MOTIFS DISSIDENTS :                                                                                      LE JUGE EVANS


                                                                                                                                 Date : 20040413

                                                                                                                               Dossier : A-67-03

                                                                                                                Référence : 2004 CAF 153

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                           RÉSEAU DE TÉLÉVISION STAR CHOICE INCORPORÉE

                                                                                                                                             appelante

                                                                             et

                 LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU

                                                                                                                                                   intimé

                                                        MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRAYER

INTRODUCTION

[1]                Le présent appel a été réuni aux appels A-68-03, A-69-03 et A-70-03. Ils portent tous sur des questions identiques.


[2]                Il s'agit d'un recours exercé à l'encontre d'une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) en vertu de l'article 68 de la Loi sur les douanes (L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.)), qui permet ce type de recours devant notre Cour « sur tout point de droit » . Dans sa décision, le Tribunal a classé les récepteurs-décodeurs intégrés (les RDI) importés par l'appelante à titre d' « autres appareils récepteurs de télévision, en couleurs » . L'appelante affirme que, ce faisant, le Tribunal a commis une erreur donnant ouverture au contrôle judiciaire.

LES FAITS

[3]                L'appelante vend des systèmes de réception de télévision par satellite (SRTS) qui sont composés d'une antenne parabolique, d'un transformateur-abaisseur à faible niveau de bruit (le transformateur-abaisseur), lequel est branché à un RDI par un câble coaxial, ainsi que d'une télécommande. Par ce moyen, les signaux de télévision transmis du sol à un satellite situé en orbite sont retransmis au sol où ils sont captés par l'antenne parabolique qui concentre les signaux de télévision au point focal situé devant le transformateur-abaisseur. Le transformateur-abaisseur amplifie les signaux et convertit leur fréquence en la ramenant d'environ 12 gigahertz à environ un gigahertz. Ces signaux sont acheminés au RDI par câble coaxial. Le RDI choisit un canal, convertit les signaux et les décrypte (les « décode » ). Ces signaux sont ensuite acheminés au téléviseur par câble coaxial. La télécommande sert à faire fonctionner le SRTS.

[4]                Devant le Tribunal, le débat portait sur le classement tarifaire des RDI. Voici les dispositions pertinentes du Tarif des douanes (L.C. 1997, ch. 36) :



85.28                        Appareils récepteurs de télévision, même incorporant un appareil récepteur de radiodiffusion ou un appareil d'enregistrement ou de reproduction du son ou des images; moniteurs vidéo et projecteurs vidéo.                    -Appareils récepteurs de télévision, même incorporant un appareil récepteur de radiodiffusion ou un appareil d'enregistrement ou de reproduction du son ou des images :

8528.12                    -En couleurs

8528.12.10               -Appareils récepteurs de télévision incomplets ou non finis, y compris les assemblages d'appareils récepteurs de télévision composés des systèmes de détection et d'amplification de fréquence vidéo intermédiaire (FI), des systèmes d'amplification et de traitement vidéo, des circuits de déviation et de synchronisation, des syntonisateurs et des systèmes de commande de syntonisateurs, et des systèmes d'amplification et de détection audio plus un bloc d'alimentation, mais ne comportant pas un tube à rayons cathodiques, un écran plat ou un écran similaire

-Autres

8528.12.99               -Autres

85.29                        Parties reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinées aux appareils des nos. 85.25 à 85.28.

8529.90.90               -Autres

85.28                        Reception apparatus for television, whether or not incorporating radio-broadcast receivers or sound or video recording or reproducing apparatus; video monitors and video projectors.

-Reception apparatus for television, whether or not incorporating radio-broadcast receivers or sound or video recording or reproducing apparatus :

8528.12                    -Colour

8528.12.10               -Incomplete or unfinished television receivers, including assemblies for television receivers consisting of video intermediate (IF) amplifying and detecting systems, video processing and amplification systems, synchronizing and deflection circuitry, tuners and tuner control systems, and audio detection and amplification systems plus a power supply, but not incorporating a cathode-ray tube, flat panel screen or similar display

-Other

8528.12.99               -Other

85.29                        Parts suitable for use solely or principally with the apparatus of heading Nos. 85.25 to 85.28.

8529.90.90               -Other


Le Tribunal a conclu que le RDI constituait un « appareil récepteur de télévision » au sens de la position tarifaire 85.28 et qu'il relevait plus précisément du numéro tarifaire 8528.12.99 à titre d' « autre appareil récepteur de télévision, en couleurs » .


[5]                L'appelante interjette appel de cette décision au motif que le Tribunal a commis une erreur en assimilant le RDI à un « appareil récepteur de télévision » . L'appelante soutient que le RDI constitue plutôt soit une « partie destinée à un appareil de télévision » au sens de la position no 85.29, soit un appareil récepteur de télévision incomplet ou non fini au sens du numéro tarifaire 8528.12.10.

ANALYSE

                                                        Portée de l'examen en appel

[6]                Il importe d'abord et avant tout de s'attarder au rôle de juridiction d'appel que joue la Cour dans une instance comme la présente avant de discourir longuement sur la norme de contrôle applicable. Ainsi que la Cour suprême l'a fréquemment affirmé (voir l'arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, à la page 260, et les autres décisions qui y sont citées), pour pouvoir appliquer la « méthode pragmatique et fonctionnelle » afin de déterminer la norme de contrôle applicable, il faut d'abord se pencher sur la question de « la présence ou l'absence dans la loi d'une clause privative ou d'un droit d'appel » . Dans le cas qui nous occupe, le droit d'appel est limité par l'article 68 de la Loi sur les douanes, précitée, à « tout point de droit » . La norme de contrôle qui est finalement retenue doit donc porter exclusivement sur des questions de droit. Ainsi que la Cour suprême l'a déclaré, dans l'arrêt Canada c. Southam, [1997] 1 R.C.S. 748 :

. . . En résumé, les questions de droit concernent la détermination du critère juridique applicable; les questions de fait portent sur ce qui s'est réellement passé entre les parties; et, enfin, les questions de droit et de fait consistent à déterminer si les faits satisfont au critère juridique.


À mon avis, l'appelante nous a, à l'occasion, invités à trancher des questions de fait ou des questions de droit et de fait.

[7]                Les parties conviennent que, dans le cas d'un recours exercé contre une décision du Tribunal, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Notre Cour a confirmé ce principe à plusieurs reprises (voir, par exemple, les arrêts Canada c. Schrader Automotive Inc., [1999] A.C.F. no 331; Rollins Machinery Ltd. c. Canada, [1999] A.C.F. no 1502; Continuous Colour Coat Ltd. c. Canada, [2000] A.C.F. no 610, et Wilton Industries Canada Limited c. A.G.C. (2004 CAF 25)). Dans certains de ces arrêts, la Cour a expressément reconnu l'expertise du Tribunal, laquelle englobe non seulement les questions de fait mais aussi l'interprétation du tarif douanier, lequel est fort complexe, ainsi que les principes internationaux et nationaux qui en régissent l'interprétation, autrement dit, les questions de droit.

[8]                C'est à cette interprétation de questions de droit que notre Cour a appliqué la norme du caractère raisonnable. Ainsi que la Cour suprême l'a dit, dans l'arrêt Southam (précité, au paragraphe 56) :

[...] Est déraisonnable la décision qui, dans l'ensemble, n'est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé. En conséquence, la cour qui contrôle une conclusion en regard de la norme de la décision raisonnable doit se demander s'il existe quelque motif étayant cette conclusion.

Ainsi que la Cour suprême l'a par ailleurs fait observer plus récemment dans l'arrêt Ryan (précité), au paragraphe 48 :


[...] la cour ne doit pas intervenir à moins que la partie qui demande le contrôle ait démontré que la décision est déraisonnable [...]

Nous devons donc aborder le présent recours en faisant preuve d'une retenue considérable à l'égard de l'expertise du Tribunal en matière d'interprétation du Tarif des douanes.

     Une erreur de droit justifiant l'intervention de la Cour a-t-elle été commise?

[9]                À mon avis, l'appelante n'a pas démontré que la décision du Tribunal « n'est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé » . Au contraire, le Tribunal a articulé ses motifs de façon claire et logique et, dans la mesure où il a statué sur des questions de droit (la seule question qui soit légitimement en litige dans le présent recours), il l'a fait de façon logique.

[10]            La conclusion essentielle du Tribunal, en l'occurrence que le RDI est un appareil récepteur de télévision, supposait en partie l'application d'une définition du mot « réception » tirée d'un dictionnaire technique. Voici la définition du mot « réception » qu'a retenue le Tribunal :

La conversion d'ondes électromagnétiques ou de signaux électriques modulés, transmis dans l'air ou dans des fils ou des câbles, de manière à donner l'information originale ou l'information utile voulue (comme dans un radar), au moyen d'antennes et de matériel électronique (décision du Tribunal, dossier d'appel, à la page 29).


Bien qu'elle n'ait aucune valeur juridique en elle-même, cette définition se veut une explication scientifique reconnue du terme « réception » (ou du terme « récepteur » ) que l'on trouve à la position tarifaire no 85.28 dans l'expression « appareil récepteur de télévision » . Le Tribunal y a vu un fondement logique lui permettant d'interpréter la loi conformément aux dispositions de la position no 85.28 du Tarif des douanes. Appliquant cette définition pour statuer sur une question de droit et de fait, le Tribunal a conclu que le RDI reçoit des signaux par des fils ou des câbles à partir du transformateur-abaisseur et qu'il exécute une opération de conversion qui rend les signaux utilisables pour la télévision. L'appelante attaque cette conclusion en se fondant surtout sur la déposition de ses témoins experts qui auraient affirmé qu'il ne peut y avoir de « réception » sans une conversion complète des signaux de télévision par satellite en des images intelligibles originales pouvant être affichées sur un téléviseur. Si j'ai bien compris, la thèse de l'appelante est que l'expression « appareil récepteur de télévision » qui si trouve à la position tarifaire no 85.28 devrait être assimilée au système complet pour la réception de la télévision par satellite (SRTS) dont le RDI ne constitue qu'un élément. Le Tribunal a cependant de toute évidence estimé que rien dans la position tarifaire no 85.28 n'obligeait légalement qu'un « appareil récepteur de télévision » se limite à la réception de signaux de télévision diffusés par satellite. La définition scientifique précitée que l'appelante a proposée n'impose pas non plus cette interprétation en droit. Le Tribunal a par conséquent conclu que le RDI reçoit au moyen de câbles coaxiaux des signaux de télévision transmis par un transformateur-abaisseur, et que cela suffisait à faire du RDI un appareil récepteur de télévision. Le Tribunal a estimé que cette analyse s'accordait avec les notes explicatives proposées par le Tarif des douanes comme outil d'interprétation.


[11]            Le Tribunal a par conséquent refusé de considérer le RDI comme une « partie d'appareil récepteur de télévision » ou comme un appareil récepteur de télévision « incomplet » , ayant conclu qu'il constituait en lui-même un appareil récepteur de télévision. Il s'ensuivait logiquement que le RDI devait être classé sous le numéro tarifaire 8528.12.99 à titre d' « autre » appareil récepteur de télévision.

[12]            À mon avis, l'appelante n'a pas réussi, par ses arguments à vaste portée, à démontrer l'existence de précédents clairs et obligatoires qui contrediraient les conclusions de droit du Tribunal. Après avoir procédé à un « examen assez poussé » , j'en arrive à la conclusion que la décision du Tribunal est bien fondée en droit. Indépendamment de la réponse à la question de savoir si sa conclusion était la seule qui pouvait être tirée, je suis d'avis que c'était certainement une conclusion légitime.

[13]            Les appels doivent donc être rejetés dans la présente affaire et dans les dossiers A-68-03, A-69-03 et A-70-03 et une copie des présents motifs sera versée dans chacun de ces dossiers. Un seul mémoire de dépens devrait être accordé à l'intimé pour les quatre appels en question.

                                                                                                                                    « B.L. Strayer »          

Juge

« Je suis du même avis.

Le juge J. Edgar Sexton »

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


LE JUGE EVANS (dissident)

[14]            Bien que j'aie eu l'avantage de prendre connaissance des motifs rédigés par mon collègue le juge Strayer, j'accueillerais l'appel. À mon humble avis, le Tribunal a commis une erreur de droit en classant les marchandises en question sous le numéro tarifaire 8528.12.99 du Tarif des douanes, L.C. 1997, ch. 36, en tant qu' « appareil récepteur de télévision » , plutôt que comme « parties » d'un appareil récepteur de télévision.

[15]            Le juge Strayer a dit douter que l'appelante avait soulevé une question de droit qui fasse jouer la compétence d'appel limitée que l'article 68 de la Loi sur les douanes, L.R.C 1985 (2e suppl.), ch. 1, confère à notre Cour. Je ne partage pas ses doutes. La question de savoir si, compte tenu du témoignage des experts et du texte de loi, le Tribunal pouvait raisonnablement conclure que les marchandises en question entraient dans la catégorie des « appareils récepteurs de télévision » constituait une question de droit.

[16]            Il est acquis aux débats que c'est la norme de la décision raisonnable simpliciter qui s'applique en l'espèce pour déterminer si le Tribunal a commis une erreur de droit en interprétant les dispositions applicables du Tarif des douanes ou en les appliquant aux faits de l'espèce. Aux diverses définitions de cette norme qu'a citées le juge Strayer dans ses motifs j'ajouterais que, dans l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, au paragaphe 60, le juge Iacobucci a estimé que les expressions « décision manifestement erronée » et « décision déraisonnable simpliciter » étaient synonymes.


[17]            Le juge Iacobucci a formulé au sujet de la norme de la décision raisonnable simpliciter deux autres observations qui sont utiles en l'espèce. En premier lieu, il a reconnu, dans l'arrêt Southam (au paragraphe 57) qu'une décision peut être déraisonnable même « s'il faut procéder à un examen ou à une analyse en profondeur pour déceler le défaut » . En second lieu, dans l'arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, 2003 CSC 20, au paragraphe 49, il a conseillé aux juridictions siégeant en contrôle judiciaire de « reste[r] près des motifs donnés par le tribunal et [de] « se demande[r] » si l'un ou l'autre de ces motifs étaye convenablement la décision » .

[18]            Après avoir soumis la décision du Tribunal à un « examen assez poussé » (arrêt Southam, au paragraphe 56) et après m'être demandé « si les motifs, considérés dans leur ensemble, sont soutenables comme assise de la décision » (arrêt Ryan, au paragraphe 56), j'en arrive à la conclusion que la décision du Tribunal est manifestement erronée et qu'elle doit par conséquent être annulée au motif qu'elle est mal fondée en droit.

[19]            Le Tribunal a vraisemblablement accepté l'exactitude et la pertinence du témoignage non contredit du témoin expert de Star Choice, Russell Wells, au sujet du fonctionnement du SRTS et de ses composantes et du procédé de transmission et de réception des communications de télévision par satellite du point de vue technique. Toutefois, à mon humble avis, le Tribunal a mal interprété son témoignage.


[20]            En particulier, le Tribunal a inféré du témoignage de M. Wells que le RDI était un appareil récepteur de télévision parce que les signaux de télévision sont transmis par câble coaxial à partir du transformateur-abaisseur jusqu'au RDI, lequel complète le traitement des signaux de manière à ce que le téléviseur qui les reçoit puisse les transformer pour reproduire les images et le son originaux. En fait, le Tribunal a ignoré l'essentiel du témoignage de M. Wells et s'en est tenu aux réponses qu'il avait données lors de son contre-interrogatoire, à savoir que le RDI reçoit les signaux partiellement convertis qui lui sont transmis à partir du transformateur-abaisseur. Le Tribunal s'est manifestement trompé lorsqu'il a déduit de ce témoignage que le transformateur-abaisseur « transmet » les signaux et que le RDI est un appareil de « réception » plutôt qu'un élément faisant partie intégrante d'un système de réception.

[21]            On peut suivre le fil du raisonnement du Tribunal dans l'extrait suivant de sa décision :

[...] les marchandises en cause constituent des appareils récepteurs de télévision. Le témoin expert a reconnu que le RDI reçoit des signaux de télévision. Le point de vue du Tribunal se trouve aussi corroboré dans la définition suivante du mot réception soumise au Tribunal par l'appelante :

« La conversion d'ondes électromagnétiques ou de signaux électriques modulés, transmis dans l'air ou dans des fils ou des câbles, de manière à donner l'information originale ou l'information utile voulue (comme dans un radar), au moyen d'antennes et de matériel électronique » [traduction].

En vérité, le RDI convertit, au moyen de matériel électronique des signaux électriques modulés transmis dans des fils et donne des signaux pouvant être affichés sur un téléviseur.

[...] Bien qu'il soit vrai que le RDI ne peut pas recevoir de signaux de télévision par satellite transmis par un satellite sans l'antenne parabolique et sans le transformateur-abaisseur, le RDI peut recevoir des signaux de télévision transmis par le transformateur-abaisseur. Cela suffit pour que le RDI constitue un appareil récepteur de télévision. [Passages non soulignés dans l'original.]


[22]            Bien que je sois conscient des limites du bon sens en tant que guide d'interprétation de questions largement techniques, je trouve un peu étonnante la conclusion du Tribunal suivant laquelle le SRTS intégral et l'un de ses composants constituent tous les deux un « appareil récepteur de télévision » . La seule utilité commerciale d'un RDI est de faire partie d'un SRTS. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'assimiler au tout ce qui est couramment considéré comme un élément (ou une partie) par le même numéro du Tarif des douanes est loin d'être logique.

[23]            Le Tribunal n'a pas tiré de conclusion explicite au sujet de la question de savoir si l'on devait réserver son sens technique au mot « réception » . J'infère toutefois des motifs de sa décision que le Tribunal a estimé que la signification de l'expression « appareil récepteur de télévision » que l'on trouve dans le Tarif des douanes devait être déterminée en fonction de ce que les personnes qui sont au fait des aspects techniques des communications télévisuelles entendent par le mot « réception » et par son corollaire, le mot « transmission » . L'avocat du procureur général n'a pas plaidé que le Tribunal avait le droit de rendre sa décision en partant du principe que le mot « réception » que l'on trouve dans le Tarif des douanes sous la rubrique « appareil récepteur de télévision » a un autre sens que son acception particulière en matière de communications télévisuelles.


[24]            Le Tribunal a implicitement accepté que c'est le sens technique du mot « réception » qu'il faut retenir pour décider si le RDI est oui ou non un « appareil récepteur de télévision » . Il s'est fondé sur le témoignage de M. Wells, un expert en communications par satellite, par câble et par radiodiffusion, et il a trouvé un appui en faveur de sa conclusion dans la définition suivante du mot « réception » fournie par S.B. Parker, ed., McGraw-Hill Dictionary of Scientific and Technical Terms, 3rd ed. (New York, McGraw-Hill, 1984) :

[traduction] Conversion d'ondes électromagnétiques ou de signaux électriques modulés, transmis dans l'air ou dans des fils ou des câbles, de manière à donner l'information originale [...] au moyen d'antennes et de matériel électronique.

[25]            Le Tribunal a prétendu aborder la question du classement des marchandises en question d'après leur fonction technique. Il a néanmoins déduit qu'il y avait eu « transmission » et « réception » , au sens technique que revêtent ces termes dans le domaine des communications par télévision, en partant du fait que les signaux étaient « transmis » par un câble et « reçus » par le RDI dans un sens non technique. Le raisonnement suivi par le Tribunal comportait donc une lacune ou témoignait d'une mauvaise interprétation de la preuve. Je passe maintenant au témoignage de M. Wells.

[26]            M. Wells a expliqué qu'il y a transmission lorsque le signal que Star Choice reçoit du diffuseur est envoyé par un transmetteur au satellite de Star Choice et lorsque le satellite renvoie ce signal au sol. Il n'a pas qualifié de « transmission » le passage du signal partiellement converti dans le câble coaxial qui lie le transformateur-abaisseur au RDI.


[27]           À mon avis, il n'était pas loisible au Tribunal de conclure, vu l'ensemble de la preuve dont il disposait, que le fait que le signal passait par le transformateur-abaisseur, bien que sous une forme modifiée qui lui permettait d'être acheminé plus loin, signifiait qu'il était « transmis » par câble par le transformateur-abaisseur. À mon avis, il ressort à l'évidence du témoignage de M. Wells que les mots qui concernent la télévision par satellite dans la définition générale du mot « réception » dans le dictionnaire technique sont « conversion d'ondes électromagnétiques [...] modulé[e]s [...] transmis dans l'air » . Il n'y a plus transmission de signaux une fois que le processus de réception est engagé dans l'appareil récepteur. Le Tribunal a donc eu manifestement tort de conclure que la définition tirée du dictionnaire appuyait son avis que le RDI constitue un « appareil récepteur de télévision » .

[28]           Il est vrai que M. Wells a dit en contre-interrogatoire que le RDI « reçoit » des signaux du transformateur-abaisseur, mais il n'a pas dit que le RDI devait par conséquent être assimilé à un appareil récepteur. Il avait d'ailleurs expliqué très clairement dans son témoignage que, du point de vue technique, la « réception » dans le contexte des communications télévisuelles est le procédé consistant à capter les signaux transmis par un satellite et à les transformer pour que les données qu'ils contiennent puissent être vues et entendues par les téléspectateurs.


[29]            Le SRTS est un appareil récepteur de télévision parce qu'il possède tous les composants requis pour exécuter cette fonction. Pris isolément, l'antenne parabolique, le transformateur-abaisseur, le RDI et la télécommande ne sont pas des appareils récepteurs, parce que chacun d'entre eux ne peut exécuter qu'une partie des fonctions nécessaires pour reconvertir les signaux transmis par le satellite sous une forme qui permette au téléspectateur de voir et d'entendre les données. Les composants du SRTS, y compris le RDI, sont désignés dans l'industrie des communications sous le nom de parties d'un SRTS, et non comme des appareils récepteurs de télévision.

[30]            En dépit de ce témoignage, le Tribunal a conclu que le RDI était un « appareil récepteur de télévision » en se fondant sur le fait que M. Wells avait acquiescé à la suggestion que lui avait formulée l'avocat, lors du contre-interrogatoire, suivant laquelle le RDI « reçoit » les signaux lorsqu'ils passent par le câble en provenance du transformateur-abaisseur. L'avocat a employé le mot « réception » dans un sens non technique plutôt que dans le sens qu'il revêt dans le domaine des communications par télévision. Il est certain que M. Wells n'a pas dit que, parce que le RDI « reçoit » ces signaux, il exécute en conséquence une fonction de « réception » ou qu'il constitue un « appareil récepteur » , au sens où ces termes sont entendus par les techniciens et les ingénieurs dans le domaine des communications par télévision. Au risque de me répéter, je rappelle que, suivant la preuve non contredite, à l'instar de chacun des autres composants du SRTS, le RDI exécute seulement quelques-unes des fonctions du procédé de réception.

[31]            Il s'ensuit qu'en concluant que le fait que le RDI « peut recevoir des signaux de télévision transmis par le transformateur-abaisseur [...] suffit pour que le RDI constitue un appareil récepteur de télévision » , le Tribunal a mal interprété la preuve au point de rendre une décision qui était déraisonnable et, partant, mal fondée en droit.


[32]            Le Tribunal a affirmé que sa conclusion s'accordait avec les notes explicatives afférentes au poste tarifaire 85.28. Bien que les notes ne fassent pas partie du texte de loi, le Tribunal doit en tenir compte. Il s'ensuit que, en l'absence de raison valable contraire, il faut suivre les notes explicatives. Cependant, l'avocat de Star Choice affirme que la note 4 relative à la position 85.28 ne devrait pas être considérée comme s'appliquant aux RDI en litige en l'espèce.

[33]            M. Wells a témoigné que les récepteurs d'émissions de télévision transmises par satellite dont il est question dans la note 4 sont les anciens récepteurs analogiques, parce qu'ils ne sont pas munis de décodeurs et qu'ils sont utiles seulement pour la réception des émissions gratuites diffusées par satellite. Dans ces conditions, la note, qui ne renferme aucune explication qui justifierait l'avis donné au sujet du classement, ne saurait être considérée comme un guide qui pourrait être utile quant au classement qu'il convient de donner aux RDI et qui influencerait ainsi l'interprétation du Tarif des douanes en l'espèce.


[34]            Pour ces motifs, j'aurais accueilli l'appel avec dépens, j'aurais annulé la décision du Tribunal et, rendant la décision que le Tribunal aurait dû rendre, j'aurais accueilli l'appel interjeté par Star Choice de la décision du Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada au motif que les marchandises en question ne peuvent être classées dans le numéro tarifaire 8528.12.99 à titre d' « appareils récepteurs de télévision » .

                                                                                « John M. Evans »          

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                                       A-67-03

A-68-03

A-69-03

A-70-03

INTITULÉ :                                        Réseau de télévision Star Choice Incorporée c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 29 janvier 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :             LE JUGE STRAYER

Y A SOUSCRIT :                                LE JUGE SEXTON

MOTIFS DISSIDENTS :                   LE JUGE EVANS

DATE DES MOTIFS :                       Le 13 avril 2004

COMPARUTIONS :

Dennis Wyslobicky                                                        POUR L'APPELANTE

Wendy Brousseau                                                                                

Derek Rasmussen                                                          POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Milar Wyslobicky Kreklewetz s.r.l.                                POUR L'APPELANTE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                          POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                                                  

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